Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué, que le camion appartenant à Courchet dont le préposé Pellegrin, qui se trouvait assis sur le siège avant de ce véhicule, en avait cédé la conduite à Baillie, a heurté l'arrière d'une voiture et projeté celle-ci sur l'automobile de demoiselle X..., venant en sens inverse ; que demoiselle X..., qui fut blessée, a réclamé la réparation de son préjudice à Courchet et à la compagnie La Nationale, son assureur, sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1 du Code civil ; Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré recevable l'action en réparation de demoiselle X... après que Baillie ait été condamné pour blessures involontaires, alors que lorsqu'une faute est prouvée à la charge de l'utilisateur de la chose la présomption de responsabilité de ce texte serait inapplicable et la responsabilité du dommage causé ne pourrait être fondée sur la garde ; Mais attendu que l'arrêt énonce à bon droit que rien n'interdit de retenir la responsabilité du propriétaire d'un véhicule comme gardien de celui-ci si une faute a été retenue à l'encontre d'un tiers, que la faute de Baillie constatée par une précédente décision devenue définitive n'excluait pas le fait de la chose ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu qu'il est reproché à la Cour d'appel d'avoir déclaré Courchet responsable des dommages alors que celui-ci aurait perdu les pouvoirs caractérisant la garde ainsi que cela résulterait, d'une part, d'une précédente décision qui aurait admis qu'il ne pouvait, lors de l'accident, donner d'ordre ni d'instruction à Baillie et, d'autre part, de ce que Pellegrin n'aurait pu engager la responsabilité de son employeur par l'abus de fonction dont il s'était rendu coupable et alors que le caractère imprévisible et inévitable de la faute de Baillie aurait dû, dans ces conditions, être recherché à l'égard de Courchet et non de Pellegrin ;
Mais attendu que, tant par motifs propres qu'adoptés, les juges du second degré, après avoir relevé que Pellegrin était resté sur le siège avant du camion, à côté du conducteur, qu'il pouvait surveiller et diriger pour le compte de son employeur, énoncent que Courchet avait ainsi conservé la garde du véhicule même si son préposé vait eu le tort de confier le volant à un tiers, que cette seule circonstance n'avait pas empêché l'exécution du transport confié à Pellegrin qui n'avait pas utilisé le camion à des fins personnelles ; que Courchet responsable de plein droit, n'avait pas établi que la faute de conduite de Baillie avait été imprévisible et inévitable pour son préposé ;
Attendu que de ces constatations et énonciations, la Cour d'appel qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation et qui a répondu aux conclusions prises, a pu retenir la responsabilité de Courchet ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le troisième moyen ; Vu l'article 473 du Code de procédure civile, Attendu que la juridiction du second degré ne peut évoquer qu'en cas d'infirmation de la décision et seulement si la cause est en état d'être jugée ; Attendu que la Cour d'appel s'est prononcée sur le montant des dommages-intérêts, demandés par demoiselle X... après avoir relevé que le Tribunal dont elle a confirmé le jugement, avait renvoyé les parties à conclure sur la fixation du préjudice subi par la victime et avait ordonné la réouverture des débats devant lui à une audience ultérieure ; Attendu qu'en cause d'appel demoiselle X... avait demandé à la Cour, d'une part, de confirmer le jugement sur la responsabilité et, d'autre part, de statuer par voie d'évocation sur le montant de son préjudice ; Qu'en se prononçant sur les dommages-intérêts, alors qu'elle ne pouvait évoquer en raison de la confirmation du jugement déféré, la Cour d'appel a violé, par fausse application, le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que la Cour d'appel a statué sur le montant des dommages-intérêts demandés par demoiselle X..., l'arrêt rendu entre les parties, par la Cour d'appel de Grenoble, le 4 mars 1968 ; remet, en conséquence, quant à ce la cause et les parties au même et semblable état où elles étaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Chambéry.