Sur les deux moyens réunis en leurs diverses branches :
Attendu que, selon les énonciations de l'arrêt attaqué (Douai, 31 janvier 1969), les époux X... ont fait assigner la société Cage Kapfft, en contrefaçon d'un modèle de support de pot de fleurs, créé par la dame X..., et en concurrence déloyale ; que se fondant sur les conclusions du rapport d'expertise; les époux X... demandaient que cette société fût condamnée à leur payer la somme de 329358 francs à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice qu'ils déclaraient avoir subi tant du fait de la contrefaçon qu'en raison de la concurrence déloyale ;
Attendu qu'il est reproché à la Cour d'appel d'avoir limité la condamnation prononcée contre la société Cage Kapfft à la somme de 6000 francs de dommages-intérêts en retenant que pour l'appréciation du préjudice il convenait de prendre en considération le fait que la société Kapfft n'était pas la seule à mettre sur le marché des produits "concurrentiels" au support "Barbarie" fabriqué par les époux X... et contrefait par ladite société, et que l'allégation d'une éventuelle et prétendue solidarité entre la société Kapfft et d'autres éléments retenus par l'expert n'étaient pas entièrement convaincants, alors que, selon le pourvoi, d'une part, chacun des coauteurs délictuels d'un même dommage est tenu envers la victime de ce dommage à réparation intégrale, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon que les coauteurs aient agi de concert ou séparément ni selon qu'ils aient été ou non tous poursuivis et même connus et que, par ailleurs, l'indemnité de réparation doit correspondre à l'entier préjudice causé par la contrefaçon ; que cela implique nécessairement qu'elle doit être en tout cas égale au bénéfice réalisé par le contrefacteur du fait de sa contrefaçon et indépendamment de la concurrence du tiers, lorsque en l'espèce il était définitivement jugé que le contrefacteur s'était introduit dans la clientèle de l'autre partie en pratiquant des prix inférieurs ; qu'ainsi la Cour d'appel ne pouvait sans contradiction et sans méconnaître le principe de la réparation intégrale constater que le bénéfice du contrefacteur était de plus de 19000 francs et néanmoins fixer le préjudice à 6000 francs ; qu'enfin la Cour d'appel a négligé d'examiner le gain marqué déduit de la baisse des prix et la perte faite déduite de la nécessité de dépenses supplémentaires, éléments de préjudice découlant de la contrefaçon et expressément invoqués en cause d'appel ;
Mais attendu d'une part, que l'arrêt attaqué ne relève nullement que d'autres contrefacteurs auraient participé en qualité de coauteurs aux faits de la contrefaçon retenue contre la société Cage Kapfft ; que la Cour d'appel déclare à bon droit que les auteurs de délits, qui sont seulement "de même nature", ne sont pas solidaires pour réparer le dommage résultant de ces délits commis en préjudice d'une même victime et que seuls "les auteurs d'un même délit sont solidaires pour assumer la charge de la réparation à l'égard de la victime" ;
Attendu, d'autre part, que les juges du fond qui ne sont pas astreints à suivre l'avis des experts disposent d'un pouvoir souverain d'appréciation pour évaluer l'étendue du préjudice et ne sont pas tenus de préciser les divers éléments ayant servi à déterminer le montant des dommages-intérêts qu'ils allouent ; que, dès lors, la Cour d'appel pouvait sans se contredire ni méconnaître le principe de la réparation intégrale du préjudice subi, évaluer celui réellement subi par les époux X..., en usant de son pouvoir souverain, à une somme différente du bénéfice réalisé par la société Cage Kapfft ; D'où il suit que les moyens ne sont fondés en aucune de leurs branches ; PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi formé contre l'arrêt rendu le 31 janvier 1969 par la Cour d'appel de Douai.