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08/05/1968 | FRANCE | N°66-11.568;66-12.621;

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 08 mai 1968, 66-11.568 et suivants


Joint en raison de leur connexité les pourvois n° 66-11. 568 et 66-12. 621, Sur le moyen unique du pourvoi n° 66-11. 568 :
Attendu, selon les énonciations de l'arrêt confirmatif attaqué que la Société E. R. V. E., ayant fait construire, en vue de sa vente par appartements, un immeuble sis à proximité de l'aéroport de Nice-Côte d'Azur et prétendant que la mévente des appartements était due au bruit occasionné par les avions à réactions de la compagnie Air France, a assigné cette dernière en réparation du dommage qu'elle avait subi de ce chef ; que X..., acquéreur de l'

un des appartements, le Syndicat des intérêts du quartier Caucade-Saint-...

Joint en raison de leur connexité les pourvois n° 66-11. 568 et 66-12. 621, Sur le moyen unique du pourvoi n° 66-11. 568 :
Attendu, selon les énonciations de l'arrêt confirmatif attaqué que la Société E. R. V. E., ayant fait construire, en vue de sa vente par appartements, un immeuble sis à proximité de l'aéroport de Nice-Côte d'Azur et prétendant que la mévente des appartements était due au bruit occasionné par les avions à réactions de la compagnie Air France, a assigné cette dernière en réparation du dommage qu'elle avait subi de ce chef ; que X..., acquéreur de l'un des appartements, le Syndicat des intérêts du quartier Caucade-Saint-Marguerite et dame Y..., propriétaire de cinq autres appartements voisins, sont intervenus au litige ;
Attendu qu'il est reproché à l'arrêt d'avoir dit que la compagnie Air France devait être pour responsable du dommage causé par l'évolution de ses appareils, si ce dommage excédait les inconvénients normaux du voisinage, alors que l'article 17 du Code de l'aviation civile et commerciale autorisant le survol des propriétés privées, un tel survol accompli conformément aux règles de la navigation aérienne et aux règlements administratifs ne saurait engager la responsabilité de l'exploitant de l'aéronef, que le transport aérien est un service public dont les inconvénients, tenant au fonctionnement normal, doivent être supportés et qui ne pourrait être paralysé par la réceptivité plus ou moins grande des tiers à ces inconvénients, que l'article 18 du même code, qui dispose que le droit de survol ne peut entraver l'exercice du droit du propriétaire, ne saurait subordonner un tel survol au payement d'indemnités du seul fait qu'il serait jugé gênant par le propriétaire ; qu'enfin l'article 36 qui fait perser une responsabilité de plein droit sur l'exploitant de l'aéronef, ne saurait recevoir application si le vol, non seulement autorisé, mais voulu par le législateur, est régulier et normal, ainsi qu'il est stipulé dans les conventions internationales qui doivent l'emporter sur le droit interne ;

Mais attendu que l'arrêt énonce justement que si l'article 17 du Code de l'aviation civile permet la libre circulation des aéronefs dans l'espace aérien français et la conclusion d'accords internationaux de transit, l'article 18, qui en constitue le complément ouvre droit au propriétaire survolé d'obtenir réparation du préjudice qu'il subit en cas de survol dommageable, que l'article 36 qui institue une responsabilité de plein droit à la charge de l'exploitant pour les dommages causés par l'évolution des aéronefs aux personnes et aux biens situés à la surface s'applique indépendamment de toute notion de faute, d'abus ou d'usage anormal du droit de survol et qu'il importe peu, dès lors, que les appareils exploités par Air France aient reçu l'agrément de l'autorité de contrôle et respecté les procédures réglementaires pour l'atterrissage et le décollage de l'aéroport en cause ; Attendu ainsi qu'en décidant que la Société E. R. V. E. serait fondée en son action au payement de dommages-intérêts, si elle établissait que les appareils d'Air France lui causaient, par leurs évolutions, un dommage excédant les inconvénients normaux du voisinage, l'arrêt, loin de violer les textes visés au moyen, en a fait une exacte application ;

Sur le moyen unique du pourvoi n° 66-12. 621 :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir, tout en retenant le principe de la responsabilité d'Air France, ordonné une expertise aux fins de rechercher si le terrain acquis par la Société E. R. V. E. pour la construction de son immeuble avait été tenu compte pour le prix de la proximité de l'aéroport et des inconvénients en découlant, et si ladite société avait, pour construire, pris les précautions qui s'imposaient, alors que tout dommage dépassant les inconvénients normaux du voisinage devrait recevoir réparation, sans avoir égard au fait de savoir si l'installation de la victime était antérieure ou postérieure à celle de l'auteur du trouble, que la responsabilité de l'exploitant de l'aéronef ne pourrait être atténuée que par une faute de la victime, laquelle ne saurait consister dans le seul fait de construire à proximité d'un aéroport, ni de n'avoir pas pris pour parer au dommage, de dispositions spéciales dont la charge incomberait à l'exploitant, l'acceptation du risque par la victime ne pouvant être une source d'exonération de la responsabilité de l'exploitant ;
Mais attendu que l'arrêt relève qu'étant constant depuis longtemps que le trafic aérien aux abords des aéroports provoquait une gêne pour les personnes habitant à proximité, il était de prudence élémentaire, pour la Société E. R. V. E. de se renseigner, avant de construire, sur les conditions d'exploitation contemporaire ou futures normalement prévisibles, de dresser des plans, afin de limiter, dans la mesure du possible, la gêne due aux bruits des avions, d'adopter à cette fin la meilleure orientation de l'immeuble, de prévoir l'emploi de matériaux appropriés et de procédés d'isolation phonique, afin de ramener l'intensité du bruit dans les appartements au niveau sonore le plus proche de celui que pouvait supporter un homme normal ;

Attendu que de ces constatations et énonciations, la Cour d'appel a pu, sans encourir les reproches du pourvoi, déduire que dans la mesure où la Société E. R. V. E., qui se prévalait d'une responsabilité de plein droit fondée sur la notion de risque et n'invoquait aucune faute contre la compagnie Air France, aurait négligé de prendre de telles précautions, elle aurait commis une faute en s'exposant volontairement à subir le dommage dont elle demandait réparation et que cette faute serait de nature à exonérer, en tout ou en partie la compagnie Air France de la responsabilité lui incombant ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois formés contre l'arrêt rendu le 17 février 1966 par la Cour d'appel d'Aix-en-Provence.


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

1 NAVIGATION AERIENNE - AVIATION CIVILE - CODE - ARTICLE 36 - RESPONSABILITE DE PLEIN DROIT - PORTEE.

1 L'ARTICLE 36 DU CODE DE L'AVIATION CIVILE QUI INSTITUE UNE RESPONSABILITE DE PLEIN DROIT A LA CHARGE DE L'EXPLOITANT POUR LES DOMMAGES CAUSES PAR L'EVOLUTION DES AERONEFS AUX PERSONNES ET AUX BIENS SITUES A LA SURFACE, S'APPLIQUE INDEPENDAMMENT DE TOUTE NOTION DE FAUTE, D'ABUS OU D'USAGE ANORMAL DU DROIT DE SURVOL. UNE ACTION EN DOMMAGES-INTERETS EST FONDEE DES LORS QU'IL EST ETABLI QUE LES APPAREILS DU DEFENDEUR CAUSENT AU DEMANDEUR, PAR LEUR EVOLUTION, UN DOMMAGE EXCEDANT LES INCONVENIENTS NORMAUX DU VOISINAGE PEU IMPORTANT QUE CES APPAREILS AIENT RECU L'AGREMENT DE L'AUTORITE DE CONTROLE ET RESPECTE LES PROCEDURES REGLEMENTAIRES POUR L'ATTERRISSAGE ET LE DECOLLAGE DE L'AEROPORT.

2 NAVIGATION AERIENNE - RESPONSABILITE CIVILE - TROUBLE DE VOISINAGE - ACCEPTATION DU RISQUE - CONSTRUCTION D'UN IMMEUBLE AUX ABORDS D'UN AEROPORT.

2 COMMET UNE FAUTE LA PERSONNE QUI S'EXPOSE VOLONTAIREMENT A SUBIR UN DOMMAGE SANS PRENDRE LES PRECAUTIONS ELEMENTAIRES POUR L'EVITER. CETTE FAUTE EST DE NATURE A EXONERER, EN TOUT OU EN PARTIE, LE DEFENDEUR A UNE ACTION EN REPARATION FONDEE SUR UNE RESPONSABILITE DE PLEIN DROIT DES LORS QU'AUCUNE FAUTE N'EST INVOQUEE CONTRE LUI. UNE COMPAGNIE AERIENNE DONT LES AVIONS CAUSENT DES TROUBLES DE VOISINAGE AUX PROPRIETAIRES RIVERAINS DE L'AEROPORT, PEUT ETRE EXONEREE EN TOUT OU EN PARTIE DE LA RESPONSABILITE DE PLEIN DROIT QUI LUI INCOMBE EN VERTU DE L'ARTICLE 36 DU CODE DE L'AVIATION CIVILE, S'IL EST ETABLI QUE CES PROPRIETAIRES N'ONT PAS, AVANT DE FAIRE CONSTRUIRE, PRIS LEURS PRECAUTIONS EN SE RENSEIGNANT SUR LES CONDITIONS D'EXPLOITATION CONTEMPORAINES OU FUTURES, NORMALEMENT PREVISIBLES, ET EN ADOPTANT LES MESURES PROPRES A LIMITER LA GENE DUE AUX BRUITS DES AVIONS.


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 17 février 1966

A RAPPROCHER : Sur le n° 1 : 29 mars 1962, Bull. 1962, II, n° 365, p. 258 ;

22 octobre 1964, Bull. 1964, II n° 637 (2°), p. 467. Sur le n° 2 : 30 novembre 1961, II, n° 815 (1°), p. 572 ;

20 février 1968, Bull. 1968, I, n° 73 (2°) p. 58.


Publications
Proposition de citation: Cass. Civ. 2e, 08 mai. 1968, pourvoi n°66-11.568;66-12.621;, Bull. civ.N 122
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles N 122
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Composition du Tribunal
Président : M. DROUILLAT
Avocat général : M. ALBAUT
Rapporteur ?: M. BOURCELIN
Avocat(s) : MM. LABBE, CALON, CHOUCROY, DE SEGOGNE, HENRI, CELICE, RYZIGER ET LYON-CAEN

Origine de la décision
Formation : Chambre civile 2
Date de la décision : 08/05/1968
Date de l'import : 14/10/2011

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 66-11.568;66-12.621;
Numéro NOR : JURITEXT000006978024 ?
Numéro d'affaire : 66-11568 et 66-12621
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;1968-05-08;66.11.568 ?
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