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21/05/1965 | FRANCE | N°63-10266

France | France, Cour de cassation, Chambres reunies, 21 mai 1965, 63-10266


FAITS

Les docteurs Wattez, Catteau, Deltombe, Normand et Piquet se sont pourvus contre un arrêt rendu le 23 mai 1957 par la Cour d'appel d'Amiens au profit de la Société de secours minière A 8. Cet arrêt a été cassé le 16 juillet 1959 par la deuxième Chambre civile de la Cour de Cassation. La cause et les parties ont été renvoyées devant la Cour d'appel de Rouen qui, par arrêt du 9 mai 1962, a statué dans le même sens que la Cour d'appel d'Amiens et s'est fondé en droit sur des motifs qui sont en opposition avec la doctrine de l'arrêt de cassation ;

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urvoi ayant été formé contre l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Rouen, l'a...

FAITS

Les docteurs Wattez, Catteau, Deltombe, Normand et Piquet se sont pourvus contre un arrêt rendu le 23 mai 1957 par la Cour d'appel d'Amiens au profit de la Société de secours minière A 8. Cet arrêt a été cassé le 16 juillet 1959 par la deuxième Chambre civile de la Cour de Cassation. La cause et les parties ont été renvoyées devant la Cour d'appel de Rouen qui, par arrêt du 9 mai 1962, a statué dans le même sens que la Cour d'appel d'Amiens et s'est fondé en droit sur des motifs qui sont en opposition avec la doctrine de l'arrêt de cassation ;

Un pourvoi ayant été formé contre l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Rouen, l'attaquant par les mêmes moyens que ceux ayant entraîné la cassation de l'arrêt de la Cour d'appel d'Amiens, la deuxième Chambre civile a, par arrêt du 16 décembre 1964, renvoyé la cause et les parties devant les Chambres réunies ;

Les demandeurs invoquent devant les Chambres réunies les deux moyens de cassation suivants :

Premier moyen : "Violation des articles 54 f du Livre II du Code du travail, et 7 de la loi du 20 avril 1810, manque de base légale, en ce que l'arrêt attaqué refuse de reconnaître les praticiens intéressés comme des salariés de la Société de secours minière, et, par voie de conséquence, leur droit à congé, alors que, recevant une rétribution forfaitaire constitutive d'un traitement, lesdits praticiens devaient être considérés comme des salariés de la société ;

Second moyen (subsidiaire) : " Violation des articles 1134 et suivants du Code civil, 54 f du Livre II du Code du travail, et de l'article 7 de la loi du 20 avril 1810, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale, en ce que l'arrêt attaqué refuse de reconnaître aux appelants la qualité de salariés et de leur accorder le bénéfice des congés payés, alors que, chargés par la Société de secours minière d'examiner sous son contrôle et moyennant une rémunération forfaitaire annuelle, les malades qui leur étaient désignés par cet organisme, les médecins considérés se trouvaient incontestablement vis-à-vis de celui-ci dans un état de dépendance et de subordination économique et juridique, caractéristiques essentielles d'un contrat de louage de services" ;

Ces moyens ont été formulés dans un mémoire déposé au greffe par Me Fortunet, avocat des docteurs Wattez, Catteau, Deltombe, Normand, et Piquet. Un mémoire en défense a été produit par Me Le Prado, avocat de la Société de secours minière A 8 ;

Sur quoi, la Cour, statuant toutes Chambres réunies, et vidant le renvoi qui lui a été fait par arrêt de la deuxième Chambre civile du 16 décembre 1964 ;

Sur le rapport de M. le conseiller Cosse-Manière, les observations de Me Fortunet, avocat des docteurs Wattez, Catteau, Deltombe, Normand et Piquet, de Me Le Prado, avocat de la Société de secours minière A 8, les conclusions de M. Orvain, avocat général, et après en avoir délibéré en la Chambre du Conseil ;

Sur les deux moyens réunis :

Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que Wattez, Catteau, Deltombe, Normand et Piquet, docteurs en médecine, ont assigné en 1950 la Société de secours minière A 8, en payement d'indemnités pour vingt-huit jours de congés payés, outre une journée par cinq années d'ancienneté ; qu'il est reproché à la Cour d'appel d'avoir, en violation de l'article 54 f du Livre II du Code du travail, refusé d'accorder aux praticiens intéressés le bénéfice des congés payés, alors, selon le pourvoi, que, recevant de la Société de secours minière une rétribution forfaitaire constitutive d'un traitement, ils auraient dû être considérés comme des salariés ; qu'il est encore soutenu que, chargés par ladite société, d'examiner, sous son contrôle et moyennant une rémunération forfaitaire annuelle, les malades qui leur étaient désignés par cet organisme, ces praticiens se trouvaient, envers celui-ci, dans un état de dépendance et de subordination économique et juridique, caractéristique essentielle d'un contrat de louage de services ;

Mais attendu que l'article 54 f, précité, subordonne le droit aux congés payés à l'existence d'un contrat de louage de services, que la perception d'une rémunération forfaitaire ne suffit pas à conférer à celui qui la reçoit la qualité de partie à un tel contrat dès lors qu'il ne se trouve pas dans un rapport de subordination à l'égard de celui qui la lui verse ;

Attendu que, tant par motifs propres que par adoption de ceux des premiers juges, l'arrêt relève que les médecins susnommés "étaient liés à la Société de secours minière A 8 par une convention verbale", qui avait seulement pour objet de les obliger, "moyennant une rémunération fixée forfaitairement par an et par adhérent, à donner leurs soins à ces adhérents", que cette convention ne leur imposait ni l'obligation de "déférer aux injonctions autres que celles de leur science et de leur conscience", ni "des conditions particulières de travail" et qu'ils pouvaient, en conséquence, fixer comme et quand il leur plaisait leurs visites et leurs "chambres" de consultation, "prescrire des médicaments et délivrer des ordonnances en toute indépendance, commencer, suspendre et arrêter" leur travail comme ils l'entendaient ;

Attendu qu'en déduisant de ces constatations l'absence d'un lien de subordination, par suite celle d'un contrat de travail liant à la société défenderesse au pourvoi les médecins demandeurs, et en refusant, en conséquence, d'allouer à ces derniers, des indemnités compensatrices de congés payés, la Cour d'appel n'a dénaturé aucun document et n'a pas violé l'article 54 f du Livre II du Code du Travail ;

D'où il suit que les moyens ne sont pas fondés ;

Par ces motifs :

Rejette le pourvoi formé contre l'arrêt rendu le 9 mai 1962 par la Cour d'appel de Rouen.


Synthèse
Formation : Chambres reunies
Numéro d'arrêt : 63-10266
Date de la décision : 21/05/1965
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Chambre mixte

Analyses

MEDECIN CHIRURGIEN - Médecin d'une société de secours minière - Contrat de travail - Conditions.

L'article 54 f du Livre II du Code du travail subordonne le droit aux congés payés à l'existence d'un contrat de louage de services ; la perception d'une rémunération forfaitaire ne suffit pas à conférer à celui qui la reçoit la qualité de partie à un tel contrat, dès lors qu'il ne se trouve pas dans un rapport de subordination à l'égard de celui qui la lui verse. Après avoir constaté que des médecins étaient liés à une société de secours minière par une convention verbale ayant seulement pour objet de les obliger moyennant une rémunération fixée forfaitairement par an et par adhérent, à donner leurs soins à ces adhérents, sans leur imposer ni l'obligation de déférer aux injonctions autres que celles de leur science et de leur conscience, ni des conditions particulières de travail, les laissant libres de fixer comme et quant il leur plaisait leurs visites et leurs "chambres" de consultation, de prescrire des médicaments et délivrer des ordonnances en toute indépendance, de commencer, suspendre et arrêter leur travail comme ils l'entendaient, un arrêt, en déduisant de ces circonstances l'absence d'un lien de subordination et par suite celle d'un contrat de travail liant à la société lesdits médecins et en déboutant, en conséquence, ces derniers de leur action en payement des indemnités compensatrices de congés payés, ne viole pas l'article 54 f du Livre II du Code du travail.


Références :

Code du travail 54 F livre II

Décision attaquée : Cour d'appel Rouen, 09 mai 1962


Publications
Proposition de citation : Cass. ch. réun., 21 mai. 1965, pourvoi n°63-10266, Bull. civ. des arrêts Cour de Cassation Chambres réunies N. 5 p. 6
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles des arrêts Cour de Cassation Chambres réunies N. 5 p. 6

Composition du Tribunal
Président : P.Pdt. : M. Bornet
Avocat général : Av.Gén. : M. Orvain
Rapporteur ?: Rapp. : M. Cosse-Manière
Avocat(s) : Av. Demandeur : Me Fortunet

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1965:63.10266
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