FAITS
Le sieur X... s'est pourvu contre un arrêt rendu le 9 janvier 1952 par la Cour d'appel d'Angers au profit des consorts A.... Cet arrêt a été cassé le 18 juin 1958 par la première Chambre civile de la Cour de Cassation. La cause et les parties ont été renvoyées devant la Cour d'appel de Rennes devant laquelle est intervenu le Conseil supérieur du notariat. La Cour d'appel de Rennes a alors statué par arrêt du 29 avril 1959 dans le même sens que la Cour d'appel d'Angers et s'est fondée, en droit, sur des motifs qui sont en opposition avec la doctrine de l'arrêt de Un pourvoi ayant été formé contre l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Rennes, l'attaquant par trois moyens dont le premier est le même que celui ayant entraîné la cassation de l'arrêt de la Cour d'appel d'Angers, la première Chambre civile de la Cour de Cassation a, par arrêt du 29 avril 1963, renvoyé la cause et les parties devant les Chambres réunies.
Le demandeur invoque devant les Chambres réunies trois moyens de cassation dont le premier est ainsi conçu :
Premier moyen : "Violation des articles 1097, 1134, 1395 et 1973 du Code civil, article 7 de la loi du 20 avril 1810, défaut et contradiction de motifs, dénaturation des conventions, manque de base légale, en ce que l'arrêt attaqué a refusé de prononcer la nullité des actes litigieux, comme contenant une libéralité entre époux par un même acte, aux motifs que le caractère successif des rentes stipulées aux actes ne constituait pas une réversibilité au profit de l'époux survivant, révélant une libéralité, mais représentait la contrepartie des droits de la dame Y... dans les biens de communauté, et qu'au surplus l'article 1973 du Code civil dispense les contrats constitutifs de rente viagère des formes requises pour les libéralités - alors que, d'une part, l'arrêt attaqué ne pouvait pas, sans dénaturer manifestement les conventions et faire échec à la règle de l'immutabilité des conventions matrimoniales, décider que les deux rentes, d'un même montant, une servie la vie durant de M. X..., l'autre prenant naissance au jour de son décès, ne constituaient pas une rente viagère unique réversible sur la tête du conjoint survivant, et constitutive comme telle d'une libéralité entre époux - alors que, d'autre part, l'arrêt attaqué ne pouvait pas non plus invoquer les dispositions de l'article 1973 du Code civil pour conclure à la validité des actes incriminés, puisque, en premier lieu, ces motifs étaient en contradiction avec ceux qui les précédaient et, qu'en second lieu, cette disposition légale ne vise que les tiers à l'exclusion de l'épouse commune en biens du vendeur".
Ce moyen a été formulé dans un mémoire déposé au Greffe par Me George, avocat du sieur X.... Un mémoire en défense a été produit par Me Beurdeley, avocat des consorts A.... Un mémoire a été également produit par Me Nicolay, avocat du Conseil supérieur du notariat. Des observations complémentaires ont été déposées par Me Nicolay.
Sur quoi, la Cour statuant toutes Chambres réunies, et vidant le renvoi qui lui a été fait par arrêt de la première Chambre civile du 29 avril 1963 ;
Sur le rapport de M. le conseiller Molinier, les observations de Me George, avocat de X..., de Me Beurdeley, avocat des consorts A..., et de Me Nicolay, avocat du Conseil supérieur du notariat, les conclusions de M. l'avocat général Lemoine, et après en avoir délibéré en la Chambre du Conseil ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'arrêt attaqué constate que les époux Louis X... et Alphonsine Plu vendirent aux époux B..., par acte du 23 mai 1947, deux immeubles de communauté, pour un prix dont une partie fut, dans l'acte même, convertie en une rente annuelle et viagère constituée au profit et sur la tête du mari et en une autre rente viagère, de même montant, au profit et sur la tête de la femme à compter seulement du décès du mari ; que Louis X... étant décédé laissant sa veuve commune en biens et, pour seul héritier, Maurice X..., son fils issu d'un précédent mariage, celui-ci a assigné veuve X... et les époux B... en nullité de l'acte du 23 mai 1947 ;
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, en dénaturant les accords des parties, et en violation de l'article 1097 du Code civil, alors en vigueur, refusé de prononcer la nullité demandée, bien que l'acte incriminé contînt une libéralité mutuelle entre époux ;
Mais attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que l'acte, exonérant dame Z... seule de l'obligation de récompense, n'en dispensait pas Louis X... au cas où il aurait survécu, et ne comportait pas, en conséquence, à cet égard, une libéralité à son profit ; que, dès lors, cet acte ne contenait pas une donation mutuelle et réciproque, et échappait à l'interdiction de l'article 1097 ; que le moyen n'est pas en conséquence fondé ;
Et sur le même moyen en tant qu'il est pris de la violation de l'article 1395 du même Code ;
Vu l'article 58 de la loi du 23 juillet 1947 modifiant l'organisation et la procédure de la Cour de Cassation ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que les Chambres réunies ne sont compétentes que dans la mesure où la juridiction de renvoi s'est mise en contradiction avec l'arrêt de cassation qui l'a saisie ;
Attendu que Maurice X... soutient que l'acte du 23 mai 1947 avait été passé en contravention avec la règle de l'immutabilité des conventions matrimoniales ;
Mais attendu que l'arrêt du 18 juin 1958, qui a cassé la décision de la Cour d'appel d'Angers et saisi la Cour d'appel de Rennes, n'a pas statué sur ce point ; qu'ainsi les Chambres réunies sont incompétentes pour en connaître ;
Par ces motifs :
Rejette le pourvoi en tant que fondé sur la violation de l'article 1097 du Code civil.