Sur le premier moyen de cassation :
Vu l'article 5 de la loi du 2 avril 1936 ;
Attendu que le transporteur maritime, auquel la loi du 2 avril 1936, dans son article 9, interdit à peine de nullité d'insérer dans les connaissements qu'il délivre une clause ayant directement ou indirectement pour objet de le soustraire à la responsabilité que le droit commun ou ladite loi mettent à sa charge, ne peut en aucun cas, voir cette responsabilité dépasser, pour les pertes ou dommages subis par les marchandises, la somme fixée par le texte, à moins que la nature et la valeur de ces marchandises aient été déclarées par le chargeur avant leur embarquement ;
Attendu que si, comme la fraude, le dol échappe à toutes les règles et fait échec à cette limitation légale, les termes généraux et impératifs du texte excluent toute assimilation de la faute lourde au dol ; qu'en effet, le régime de la responsabilité du transporteur maritime n'est pas déterminé par la libre volonté des parties, mais par des prescriptions d'ordre public qui, s'inspirant étroitement des règles posées par la convention internationale de Bruxelles, du 25 août 1924, ont fixé elles-mêmes l'étendue des obligations réciproques des contractants et réalisé leur équilibre ;
Attendu, dès lors, que l'arrêt attaqué qui, pour condamner l'Etat français, représenté par la direction des Transports maritimes, à payer à Boyer la valeur intégrale des marchandises disparues sur le navire Strasbourgeois au cours de la traversée entre Casablanca et Marseille, et refuser d'appliquer la limitation légale de responsabilité, s'est fondé sur l'assimilation de la faute lourde au dol, a violé, par refus d'application, le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE l'arrêt rendu, le 7 juin 1955, par la Cour d'appel de Rouen ;
Remet, en conséquence, la cause et les parties au même et semblable état où elles se trouvaient avant ladite décision et pour être fait droit les renvoie devant la Cour d'appel d'Amiens.