Sur le moyen unique et le premier moyen additionnel réunis, pris de la violation des articles 32 et suivants, 50, 51, 99 b, du Livre 1er du Code du travail, et 7 de la loi du 20 avril 1810, défaut de motifs et manque de base légale ; Attendu qu'il est fait grief au jugement attaqué d'avoir refusé d'accueillir la demande en compensation du déficit de caisse dû à la Société du Lait intégral par la dame X..., vendeuse, ayant été à son service, avec les salaires revenant à cette dernière et avec le cautionnement affecté à sa gestion, au motif que la compensation aurait pour résultat de réduire la rémunération de la dame X... à un niveau inférieur à celui du salaire minimum interprofessionnel garanti, alors qu'il a été ainsi fait une confusion entre la naissance et l'étendue de la créance de la salariée, d'une part, et d'autre part, le mode d'extinction de cette créance, lequel peut être une compensation aussi bien qu'un payement, alors que les textes susvisés ne font aucune distinction entre le salaire minimum interprofessionnel garanti et les salaires plus élevés, et alors en tous cas que le cautionnement, d'ailleurs motivé par la responsabilité éventuelle de l'employée prise comme mandataire de l'entreprise, était légalement affecté à la garantie de l'employeur et ne pouvait s'évanouir en totalité ou en partie du fait que cette dernière n'était créancière que d'un salaire égal ou de peu supérieur au salaire minimum interprofessionnel garanti, ou même inférieur ;
Mais attendu que les juges du fond ont constaté que si la dame X..., première vendeuse, chargée de la gérance salariée d'un dépôt de vente de la société "Au Lait intégral", était, d'après le règlement intérieur, responsable de la gestion financière et du déficit de caisse, elle n'était pas seule à posséder les clefs du magasin, que ses collaborateurs lui étaient imposés, que sa malhonnêteté n'était pas alléguée, et que c'était par l'imputation de risques normaux d'exploitation sur les sommes qui lui étaient dues par la société que celle-ci se proposait de ramener la rémunération de son travail à une somme inférieure au salaire minimum interprofessionnel garanti ;
Or attendu que si selon l'article 21 de la loi du 11 février 1950, les employeurs et les organisations syndicales les plus représentatives des travailleurs peuvent conclure librement des conventions de salaires, aucun salarié ne peut être rémunéré à un taux inférieur à celui du salaire minimum interprofessionnel garanti, déterminé conformément à l'article 31 x, du livre 1er du Code du travail ; D'où il suit qu'en contrepartie du travail fourni à son employeur par la dame X..., il devait entrer dans son patrimoine une somme au moins égale au montant du salaire minimum interprofessionnel garanti, que celle-ci ne pouvait être ramenée à un montant inférieur par l'imputation sur la paye ni sur le cautionnement de risques normaux d'exploitation, et que le jugement attaqué a donné de ce chef une base légale à sa décision ;
Mais sur le deuxième moyen additionnel : Vu l'article 7 de la loi du 20 avril 1810 ;
Attendu qu'après avoir constaté que le règlement intérieur de la société "Au Lait intégral" était nul et ne devait pas recevoir d'application en tant qu'entraînant le payement à la dame X... d'un salaire dont le montant était inférieur au salaire minimum interprofessionnel garanti, le jugement attaqué déboute pour le tout la société de sa demande reconventionnelle en payement des sommes mises à la charge de ladite dame en vertu du règlement susvisé ; qu'en statuant ainsi, sans limiter leur décision au montant du salaire minimum interprofessionnel garanti, alors que le règlement intérieur n'était contraire à l'ordre public que dans la mesure où il entraînait le versement à la dame X... d'une rémunération inférieure à ce montant et qu'il faisait, pour le surplus, la loi des parties, les juges du fond, qui se sont contredits, n'ont pas légalement justifié leur décision ;
PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE le jugement rendu entre les parties par le Tribunal civil de la Seine, le 12 avril 1957 ; remet en conséquence la cause et les parties au même et semblable état où elles étaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le Tribunal de grande instance de Versailles.