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27/02/1957 | FRANCE | N°2863

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 27 février 1957, 2863


Sur le premier moyen :

Attendu que, sur la demande introduite contre Jacques X... par la société anonyme Y..., qui avait fait saisir, le 6 juillet 1936, neuf types de graisseurs et raccords de graisseurs, fabriqués par les Etablissements Z... qu'exploite ledit X..., l'arrêt attaqué (Paris, 1er décembre 1948) a déclaré que huit de ces appareils constituent une contrefaçon des modèles Y..., régulièrement déposés sous les numéros 14.758, 15.830 et 15.839 ; qu'il résulte des qualités et des motifs de la décision que l'ancienne société des Etablissements Y... qui avait le

s 1er juin 1923, 31 octobre 1923 et 27 février 1924 effectué le dépôt des...

Sur le premier moyen :

Attendu que, sur la demande introduite contre Jacques X... par la société anonyme Y..., qui avait fait saisir, le 6 juillet 1936, neuf types de graisseurs et raccords de graisseurs, fabriqués par les Etablissements Z... qu'exploite ledit X..., l'arrêt attaqué (Paris, 1er décembre 1948) a déclaré que huit de ces appareils constituent une contrefaçon des modèles Y..., régulièrement déposés sous les numéros 14.758, 15.830 et 15.839 ; qu'il résulte des qualités et des motifs de la décision que l'ancienne société des Etablissements Y... qui avait les 1er juin 1923, 31 octobre 1923 et 27 février 1924 effectué le dépôt desdits modèles a, en septembre 1930, fusionné avec la société "Graissage Alcyl" pour constituer la nouvelle société Y... ; que, devant les juges du fond, X... a soutenu que, faute d'avoir fait l'objet d'une publicité spéciale, le transfert de la propriété des modèles au profit de la nouvelle société Y... n'était pas valable au regard des tiers et qu'en conséquence ladite société n'était point recevable à agir contre lui ;

Attendu que, selon le pourvoi, la Cour d'appel, en refusant d'accueillir la fin de non-recevoir ainsi proposée, a violé les dispositions des articles 1er et suivants de la loi du 14 juillet 1909 sur les dessins et modèles ainsi que les dispositions de l'article 24 alinéa 3 de la loi du 17 mars 1909 relative à la vente et au nantissement des fonds de commerce, dont elle a écarté l'application au motif qu'en l'espèce il n'y avait pas eu cession des modèles, alors que la transmission de propriété par elle constatée n'est autre qu'une cession dont les effets à l'égard des tiers ne pouvaient avoir lieu qu'à condition que fussent remplies les formalités de publicité spécialement édictées ;

Mais attendu que l'arrêt constate : "qu'en l'espèce il ne s'agissait pas de vente de fonds de commerce et que, lors de la fusion des sociétés Etablissements Y... et Graissage Alcyl, il n'y a pas eu cession mais constitution d'une nouvelle société Y... à laquelle lesdites sociétés apportaient leurs actifs, dans lesquels se trouvaient les modèles litigieux" ;

Attendu qu'en l'état de ces circonstances et alors que l'apport en société de modèles, accessoirement ou non à un fonds de commerce, n'est assujetti par la loi à aucune formalité spéciale pour devenir opposable aux tiers, c'est à bon droit que la Cour d'appel a rejeté les prétentions de X... ; que le moyen n'est donc pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que l'arrêt attaqué a écarté les conclusions de X... soutenant que les éléments constitutifs des modèles Y... se trouvaient déterminés par la fonction exercée ou le résultat industriel à atteindre et qu'ils avaient, comme tels, fait l'objet de brevets d'invention, d'ailleurs tombés dans le domaine public ; que le pourvoi fait grief à la Cour d'appel de ne s'être prononcée ni sur l'existence et la portée des brevets dont X... excipait, ni sur les conséquences qui s'attachaient au fait que les inventions couvertes par ces brevets étaient tombées dans le domaine public et d'avoir ainsi laissé sa décision sans base légale suffisante, tant en ce qui concerne le caractère inséparable d'une invention susceptible d'être brevetée des modèles litigieux, qu'en ce qui concerne leur caractère de nouveauté exempte d'antériorité ;

Mais attendu qu'adoptant l'avis motivé de l'arbitre, commis par les premiers juges, dont le rapport est régulièrement produit, l'arrêt attaqué énonce : "que la forme hexagonale et les particularités apparentes des modèles Y... ne sont pas imposées pour assurer le serrage du graisseur ou l'efficacité du graissage, résultat qui peut être obtenu par d'autres moyens que le système à six pans ; que leur aspect extérieur propre est donc indépendant des conditions exigées pour leur emploi ; que, d'autre part, il résulte des débats et de l'instruction ordonnée en première instance qu'aucun des modèles présentés comme formant des antériorités ne peut être considéré comme similaire des modèles Y..." ;

Attendu que, par ces appréciations souveraines, d'où résulte, à la fois, le fait que les modèles litigieux n'étaient pas inséparables des brevets d'invention invoqués et le caractère de nouveauté desdits modèles, la Cour d'appel a légalement justifié sa décision ; qu'ainsi le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen, pris en ses deux branches :

Attendu qu'il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir, contrairement au jugement, retenu le grief de concurrence déloyale à la charge de X... et d'avoir interdit à ce dernier d'utiliser le vocable "Z...", en le condamnant par ailleurs à des dommages-intérêts, alors, d'une part, que l'existence d'une confusion dommageable ne résulte pas des motifs de cette décision, et alors, d'autre part, que la Cour d'appel a omis de s'expliquer tant sur les éléments d'appréciation servant de base à la décision contraire des premiers juges, que sur les droits dont se prévalait X... à l'usage d'une dénomination par lui déposée comme marque dès 1924, antérieurement à la constitution de la société Y... ;

Mais attendu, d'une part, que l'arrêt énonce : "que rien ne justifiait pour X..., qui exerce lui-même son commerce, l'adoption d'une dénomination analogue à celle de Y... ; que le choix de ce mot ne peut s'expliquer que par l'intention de X... de rechercher une confusion avec le nom connu de la société Y..., alors surtout qu'il a eu soin d'apposer une telle dénomination presque aux mêmes emplacements et avec les mêmes caractères que ceux de cette société" ; que l'existence d'une confusion dommageable ressort de ces énonciations ;

Attendu, d'autre part, que, réfutant l'argument de X... admis par les premiers juges, à savoir que Z... n'est qu'un anagramme sans ressemblance avec Y..., l'arrêt déclare : "que cet argument est inopérant, l'anagramme de X... étant A... et non Z... ; que la volonté de ce dernier de créer une confusion entre les deux dénominations, ayant la même désinence, n'est pas douteuse" ; qui soutenait que la marque Y... déposée dans toutes les classes en 1922, ne jouissait d'aucune notoriété lorsqu'il avait, le 20 juin 1924, effectué le dépôt de la marque Z..., l'arrêt énonce, au contraire, que Y... était un "nom commun" ;

Qu'ainsi la Cour d'appel s'est expliquée sur les éléments d'appréciation qui servaient de base à la décision des premiers juges et a répondu aux conclusions dont elle est saisie ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé dans aucune de ses branches et que l'arrêt attaqué, dûment motivé a, sans violer les textes visés au pourvoi, donné une base légale à sa décision ;

Par ces motifs :

Rejette le pourvoi formé contre l'arrêt rendu le 1er décembre 1948 par la Cour d'appel de Paris


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 2863
Date de la décision : 27/02/1957
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

1°) DESSINS ET MODELES - Cession - Apport en société - Opposabilité aux tiers.

L'apport en société de modèles, accessoirement ou non à un fonds de commerce, n'est assujetti par la loi à aucune formalité spéciale pour devenir opposable aux tiers. La Cour d'appel qui constate que les modèles litigieux faisaient partie de l'actif de l'une des sociétés dont la fusion a entraîné constitution d'une nouvelle société rejette à bon droit l'argument invoqué par le contrefacteur desdits modèles selon lequel, faute d'avoir fait l'objet d'une publicité spéciale, le transfert de la propriété de ces modèles au profit de la nouvelle société n'était pas valable au regard des tiers en sorte que la nouvelle société ne serait point recevable à agir contre lui.

2°) DESSINS ET MODELES - Dépôt - Validité - Modèle séparable d'un brevet - Nouveauté.

Dès lors qu'elle relève que la forme hexagonale et les particularités apparentes des modèles ne sont pas imposées pour assurer le résultat recherché, lequel peut être obtenu par d'autres moyens, que leur aspect extérieur propre est donc indépendant des conditions exigées pour leur emploi et qu'enfin il résulte des débats qu'aucun des modèles présentés comme formant des antériorités ne peut être considéré comme similaire des modèles litigieux, la Cour d'appel fait ressortir à la fois que lesdits modèles ne sont pas inséparables des brevets d'invention invoqués par le contrefacteur et qui seraient tombés dans le domaine public et qu'ils revêtent un caractère de nouveauté.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)

A rapprocher : Sur le n° 2 : Chambre commerciale, 1956-02-20, Bulletin 1956, III, n° 76 p. 63.


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 27 fév. 1957, pourvoi n°2863, Bull. civ. 1957 III N° 77 p. 65
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1957 III N° 77 p. 65

Composition du Tribunal
Président : Premier président : M. Battestini
Avocat général : Avocat général : M. de Bonnefoy des Aulnais
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Monguilan
Avocat(s) : Avocats : MM. de Ségogne, Morillot et Beurdeley

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1957:2863
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