Sur le premier moyen :
Attendu qu'il résulte des qualités et des motifs de l'arrêt attaqué (Paris, 14 janvier 1954) que X..., actionnaire et administrateur de la Société anonyme "Cinéma Tirage L. Maurice" (C.M.T.) est devenu, suivant contrat du 27 octobre 1919 renouvelé le 1er avril 1939, directeur technique de celle-ci, et a été, dès la promulgation de la loi du 16 novembre 1940, nommé président directeur général de cette société ; qu'il a, le 29 août 1944, été l'objet d'une mesure de suspension de ses fonctions, prise par un organisme dit "Comité de libération du Cinéma", et remplacé le 12 septembre 1944 par un administrateur provisoire ; qu'enfin, par arrêté du préfet de la Seine du 19 octobre 1945 il s'est vu interdire l'exercice de toutes fonctions de direction et d'administration dans une entreprise cinématographique ;
Attendu que X... ayant assigné la société en payement de son traitement de directeur technique depuis la cessation de son activité jusqu'au 20 octobre 1945, l'arrêt confirmatif attaqué a fait droit à sa demance ; que le pouvoi reproche à cette décision d'avoir refusé de constater la nullité du contrat relatif à la direction technique, alors que du but poursuivi par le législateur lorsqu'il a voté la loi du 16 novembre 1940 et du rôle éminent conféré au président directeur général résulte une incompatibilité évidente entre la qualité de salarié et celle de mandataire légal de la société, dont le caractère essentiellement révocable est consacré par la loi ;
Mais attendu que la loi du 16 novembre 1940, modifiée par celle du 4 mars 1943, ne comporte dans son article 2, par. 2, relatif aux pouvoirs du président directeur général d'une société anonyme aucune prohibition d'un cumul entre cette fonction et celle de directeur technique lié à la société, personne morale distincte de la personnalité de son mandataire, par un contrat de louage de services ; que la Cour d'appel constate qu'en l'espèce "loin d'être fictif le contrat du 1er avril 1939 qui avait été signé au nom de la société C.M.T. ne faisait que perpétuer et confirmer une situation acquise et consacrée par trois contrats successifs suivant la volonté du conseil d'administration" et "qu'aucune disposition de ces contrats ne conférait au sieur X... la signature sociale, que ses droits sur le personnel placé sous ses ordres, sa responsabilité devant le conseil d'administration, l'attribution d'une voix consultative (et non délibérative) audit conseil et le droit d'assister à ses réunions n'étaient nullement exorbitantes du droit commun" ;
Attendu que dans ces circonstances l'arrêt attaqué a pu déclarer valable le contrat litigieux, et que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que le pourvoi fait encore grief à la Cour d'appel d'avoir admis que X..., bien qu'ayant cessé toute activité depuis la fin du mois d'août 1944, du fait de la mesure de suspension de ses fonctions de directeur technique, avait néanmoins droit au payement de ses salaires et indemnités, jusqu'au 20 octobre 1945, par le motif que l'intéressé objet d'une mesure de suspension irrégulière et sans valeur pouvait a fortiori se prévaloir de l'ordonnance du 16 octobre 1944, relative à la suspension avec traitement de personnes déférées régulièrement à des organismes d'épuration légalement constitués, alors que la société n'a apporté aucune entrave à l'exécution du contrat de travail litigieux et que les dispositions de la susdite ordonnance ne pouvaient être appliquées en dehors des cas expressément visés par ce texte ;
Mais attendu que l'arrêt attaqué déclare que la suspension ordonnée par le "Comité de libération du Cinéma", organisme sans aucune existence légale, constituait une mesure de pur fait sans force obligatoire pour la société, que le contrat de travail continuait à régir les parties, que la société ne justifie pas s'être trouvée devant un obstacle insurmontable pour l'exécuter, que dans sa séance du 12 septembre 1944 son conseil d'administration déléguait provisoirement un administrateur en remplacement de X... pendant la durée de la suspension de celui-ci, ce qui établissait que la société elle-même ne considérait pas le contrat de travail comme rompu, et enfin, que l'interruption des fonctions de l'intéressé ne résultait que de l'observation d'une décision sans valeur ;
Attendu que de ces constatations souveraines et appréciations la Cour d'appel a pu déduire que pendant l'interruption de fait de ses fonctions de directeur technique, X... avait droit aux salaires afférents à cette période ;
Qu'il s'ensuit que l'arrêt attaqué n'a violé aucun des textes visés au moyen et a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi formé contre l'arrêt rendu le 14 janvier 1954, par la Cour d'appel de Paris.