Sur le premier moyen : Attendu qu'il résulte des qualités et des motifs de l'arrêt attaqué (Tunis, 5 mai 1953) qu'en 1945 a été créée à Tunis la Société anonyme d'Etudes et de Perfectionnements industriels (S.E.P.I.) dont les principaux actionnaires ont ensuite constitué la société anonyme "La Carboline" chargée de l'exploitation de certains brevets ; qu'en 1948, le Conseil d'administration de la S.E.P.I. comprenait les époux X..., principaux actionnaires et Y..., tandis que dans le Conseil d'administration de "La Carboline" figuraient X..., Z...
A... et B... ; que X... exerçait les fonctions de directeur technique des deux sociétés ;
Attendu que des instances ont mis aux prises la société "La Carboline" et X..., au sujet de la révocation de celui-ci comme directeur et de procédés apportés par lui, et que ces procès ont amené des dissentiments entre les actionnaires de la S.E.P.I. divisés en deux groupes dont l'un, majoritaire, comprenait les époux X... alors que le groupe minoritaire comprenait Z...
A..., B... et Y... ; que ces derniers ont obtenu par ordonnance de référé du 29 novembre 1951 la nomination d'un administrateur provisoire chargé de convoquer une assemblée générale ordinaire des actionnaires de la S.E.P.I., aucune des assemblées prévues par les statuts n'ayant été tenues ;
Attendu que l'assemblée générale ainsi convoquée a pris, le 19 février 1952, des décisions votées par le groupe majoritaire malgré l'opposition de la minorité ; que ces résolutions ont homologué, malgré la clause statutaire prévoyant une autorisation préalable, le transfert d'une action cédée par la dame X... à C..., étranger à la société, qui fut nommé administrateur, avec les époux X... seuls, et qu'il a été voté l'approbation de comptes de gestion de X... comme directeur de la S.E.P.I., ainsi que le principe d'une assemblée générale extraordinaire en vue de provoquer la dissolution anticipée de la société à raison d'agissements relevés contre Z...
A..., B..., D... et Y... dans le litige survenu entre la S.E.P.I. et "La Carboline" ;
Attendu que l'arrêt attaqué ayant fait droit à la demande en annulation de l'assemblée générale ordinaire et de ses décisions, formée par le groupe minoritaire à raison des abus de droit reprochés à la majorité, le pourvoi lui reproche d'avoir ainsi statué alors que les délibérations des assemblées générales étant prises à la majorité des voix, le seul fait par un groupe de détenir la majorité ne suffit pas à créer à son encontre une présomption de fraude et que la décision n'était fondée que sur des motifs dubitatifs ;
Mais attendu qu'après avoir relevé les circonstances dans lesquelles avaient été prises les décisions litigieuses et leur portée, la Cour d'appel déclare qu'il en résulte "que, grâce aux 67 voix dont ils disposaient comme propriétaires d'actions ou représentants d'actionnaires absents, les époux X..., particulièrement intéressés par l'ordre du jour, ont, dans leur seul intérêt personnel, fait élire un conseil d'administration constitué à leur gré et systématiquement tenu le groupe minoritaire à leur merci en faisant rejeter par l'assemblée, notamment après l'élection de C... comme administrateur, toutes les résolutions présentées par le groupe, en permettant de surcroît à X... de se donner quitus à lui-même par l'approbation de son rapport de gestion depuis 1949", que le groupe majoritaire ne pouvait "tenir a priori le groupe minoritaire comme responsable de l'opposition existant entre les deux groupes et se coaliser contre lui pour l'écarter de la gestion de la société et repousser systématiquement ses propositions de résolution cependant conformes aux statuts" et enfin "que les décisions prises au cours de l'assemblée du 19 février 1952 apparaissent ainsi comme ayant été dictées moins par l'intérêt social que par l'intérêt personnel des administrateurs et même par le dessein concerté de nuire au groupe minoritaire" ;
Attendu que par ces motifs dépourvus d'ambiguïté la Cour d'appel a établi les abus de droit commis par les membres de la majorité et qu'elle a pu dès lors annuler les décisions ainsi prises, sans violer aucun des textes visés au moyen, d'où il suit que celui-ci n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu qu'il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir, tout en constatant que les contestations entre les associés n'avaient pas été tranchées par décisions de justice définitives, prononcé la dissolution de la société pour mésintelligence grave et persistante entre les associés sans rechercher si ces dissentiments étaient dus au groupe minoritaire comme le soutenaient les demandeurs au pourvoi alors que les associés en faute ne sont pas recevables à provoquer la dissolution judiciaire ;
Mais attendu que si l'arrêt attaqué a retenu que les litiges survenus entre la S.E.P.I. et "La Carboline" n'avaient pas encore fait l'objet de décisions définitives, ce qui ne permettait pas de tenir dès lors a priori le groupe minoritaire pour responsable de l'opposition constatée entre les deux groupes, la Cour d'appel a, en statuant sur la situation particulière de la S.E.P.I., objet du débat, établi les abus de droit commis par le groupe X... et l'hostilité profonde existant depuis trois ans entre les deux groupes, qui rendait impossible la continuation de la société ; qu'en prononçant dans ces circonstances la dissolution de celle-ci à raison d'un état de fait dont la responsabilité ne pouvait être imputée au seul groupe minoritaire l'arrêt attaqué a justifié sa décision sur ce point ; d'où il suit que le moyen doit être rejeté ;
Sur le moyen additionnel :
Attendu qu'il est encore fait grief à la Cour d'avoir confirmé Nicolas (E...) dans sa double fonction de liquidateur et d'expert de la S.E.P.I. sans tenir compte des motifs du groupe majoritaire relatifs au manque d'objectivité de cet auxiliaire de justice et de l'incompatibilité existant entre les deux missions ;
Mais attendu que ce moyen mélangé de fait et de droit n'a jamais été soumis aux juges du fond et qu'il est irrecevable ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi formé contre l'arrêt rendu le 5 mai 1953, par la Cour d'appel de Tunis.