REJET du pourvoi en cassation du procureur de la République de Lyon contre un jugement, statuant sur appel du Tribunal correctionnel de cette ville rendu le 7 mai 1954 qui a relaxé Cotte (Renée) prévenue d'infraction à l'arrêté préfectoral du 21 octobre 1953.
LA COUR,
Vu le mémoire en défense ;
Sur le moyen unique pris de la violation des articles 97 de la loi du 5 avril 1884, 471, paragraphe 15 du Code pénal et de l'arrêté préfectoral du 21 octobre 1953 ;
Attendu que pour relaxer Cotte (Renée), prévenue d'infraction à l'arrêté du préfet du Rhône du 21 octobre 1953, interdisant aux prostituées de stationner d'une manière prolongée ou de se livrer à des allées et venues répétées aux abords des casernes, camps et arsenaux et autres établissements nommément désignés, sur tout le territoire du département du Rhône et sur toutes les voies et places publiques et au seuil des allées, compris dans certaines zones de la ville de Lyon, le jugement attaqué, statuant sur appel d'un jugement du Tribunal de simple police de Lyon du 7 janvier 1954, énonce que, ledit arrêté, étant dépourvu de légalité, ne peut servir de base au jugement de condamnations dont est appel ; que, notamment, le législateur peut, seul en France, porter atteinte à la liberté de l'individu ; que la liberté d'aller et venir à son gré est un des aspects de la liberté individuelle et se confond avec la liberté de circuler sur la voie publique, qu'en l'espèce, l'arrêté préfectoral du 21 octobre 1953, si louable que soit le but poursuivi, aboutit à instaurer, pour une catégorie de citoyens, le caractère d'une prohibition générale ou quasi générale, illicite et excessive ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations le jugement attaqué a fait une exacte application de la loi ;
Que l'arrêté du préfet du Rhône du 21 octobre 1953, à raison de la prohibition générale qu'il comporte, au double point de vue du temps et du lieu, et qui aboutit à l'interdiction, d'une manière quasi absolue, de la circulation sur la voie publique d'une catégorie de personnes déterminées, dépasse, en effet, la limite des pouvoirs de police que le préfet tient de l'article 97 de la loi du 5 avril 1884 comme ayant été pris en violation des droits généraux relatifs aux libertés publiques et notamment de la liberté individuelle ;
Qu'il suit de là que n'ayant pas été légalement pris, il ne saurait être sanctionné par l'article 471 paragraphe 15 du Code pénal et que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que le jugement attaqué est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.