Sur le premier moyen :
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt confirmatif attaqué, que le docteur X..., étant veuf, s'est remarié le 8 novembre 1930, sous le régime de la séparation de biens, avec la dame Y..., divorcée d'un précédent mariage ; que le divorce entre les époux Z... a été prononcé le 20 mai 1941, aux torts exclusifs de la femme, bientôt remariée au sieur A... ;
Attendu que la Cour d'Appel, faisant droit à l'action intentée par le docteur X..., par exploit du 21 janvier 1944, et poursuivie, après son décès, par son unique héritière, fille du premier mariage, la dame Madeleine X..., épouse B..., annule, sur le fondement de l'article 299 du Code Civil, en tant que constituant des donations déguisées, différentes acquisitions d'immeubles, faites, en apparence, soit par la dame Y..., pour son propre compte, soit par le docteur X..., pour le compte de sa femme ;
Que les juges du fond se seraient, au dire du pourvoi, appuyés sur des motifs contradictoires, en affirmant, d'une part, que la dame Y... n'avait pas de ressources personnelles, tout en déclarant, d'autre part, qu'elle était propriétaire d'un immeuble et qu'elle avait pu faire des avances pécuniaires à son mari ;
Mais attendu que l'arrêt attaqué relève que les acquisitions litigieuses ont été payées, soit au moyen de chèques tirés par le docteur X..., sur son compte en banque, soit par prélèvement sur le compte du docteur à l'étude du notaire instrumentaire ; que c'est à bon droit, et sans se contredire, qu'il met en regard de ces constatations le fait que la dame Y..., "n'exerçant ni métier, ni profession", ne possédait d'autre avoir que la villa "Ar Vaot" dans laquelle le ménage s'était installé ;
Attendu qu'il n'a été ni allégué que ce dernier immeuble ait été aliéné ou hypothéqué durant le mariage, ni prouvé qu'une avance quelconque en deniers ait été faite à son mari par la dame Y... ;
Qu'il suit de là que le premier moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen ;
Attendu, selon le pourvoi, qu'à supposer qu'elles constituent des libéralités, les opérations effectuées par le docteur X..., de concert avec la dame Y..., s'analyseraient, de toute façon, en dons manuels faits par le mari à la femme, pour permettre à celle-ci de payer, et le caractère ostensible qu'elles présentent en ferait, non des donations déguisées, mais des libéralités portant uniquement sur les deniers versés, lesquels seraient donc seuls soumis à restitution ;
Attendu que les juges du fond, interprétant l'intention des parties et le but poursuivi, constatent que, dans chacun des cas envisagés, les sommes prétendument données correspondent toujours au montant des prix et frais d'acquisition des immeubles ; qu'en réalité, les donations ont eu pour objets les immeubles achetés et non leur prix ; que "l'argent déboursé n'a été que le moyen" ; que ce que l'on voulait donner, c'était le bien dont l'argent allait "permettre l'acquisition" ; que "ce soit les immeubles en cause eux-mêmes et non leur prix qui font l'objet" des donations ; que telles étaient les libéralités que "les acquisitions cachaient" ;
Attendu qu'en décidant ainsi que chaque donation formait un tout indivisible avec l'acte destiné, dans la commune intention des parties, à la déguiser sous une apparence trompeuse, tendant à faire croire que la donataire fournissait elle-même la contre-partie de son acquisition à l'aide de ses propres ressources, l'arrêt attaqué, qui est motivé, loin d'avoir violé les textes visés au moyen, en a fait une exacte application ;
Que le deuxième moyen ne peut être accueilli ;
Le rejette ainsi que le premier moyen ;
Mais sur le troisième moyen, pris en ses deux branches :
Vu l'article 299 du Code Civil et l'article 931 du même Code ;
Attendu que le règlement des impenses effectuées, au cours du mariage, par le mari sur un bien personnel de la femme, est régi par le statut matrimonial des époux ; qu'en l'absence de mandat, le mari, séparé de biens, doit être traité, aux termes des articles 219 et 1375 du Code Civil, comme un gérant d'affaires et indemnisé de ses dépenses nécessaires ou utiles ;
Attendu que la Cour d'Appel fixe les droits du docteur X... au montant de la plus-value actuelle résultant, pour la propriété "Ar Vaot", des constructions ou embellissements incorporés à l'immeuble principal", que motif que cette plus-value constitue "l'avantage dont a bénéficié la dame Y..." et dont elle doit être privée ;
Qu'en statuant ainsi, l'arrêt attaqué a violé par fausse application, les textes susvisés ;
Par ces motifs :
Casse et annule, mais seulement quant au grief faisant l'objet du troisième moyen du pourvoi, l'arrêt rendu entre les parties par la Cour d'Appel de Rennes, le 15 juin 1948, et les renvoie devant la Cour d'Appel d'Angers.