CASSATION, sur le pourvoi du sieur X... et autres, d'un arrêt rendu, le 28 décembre 1923, par la cour d'appel de paris, au profit des consorts Z....
LA COUR,
Ouï, en l'audience publique de ce jour, M. le conseiller Bouchardon, en son rapport ; Mes de Lavergne et Tabareau, avocats des parties, en leurs observations respectives, ainsi que M. Mornet, avocat général en ses conclusions ;
Et après en avoir immédiatement délibéré conformément à la loi ;
Donne acte à Van den Heyden et à Benoist, ès-qualités, de leur désistement.
En ce qui concerne le pourvoi de X... :
Sur le moyen unique.
Attendu d'abord, sur la fin de non-recevoir opposée par les consorts Y... et tirée de la prétendue nouveauté du moyen ;
Que dans ses exploits d'assignation X... avait conclu à la condamnation solidaire des différents défendeurs à des dommages-intérêts ; que le tribunal de commerce ayant prononcé cette solidarité X... a conclu en appel à la confirmation pure et simple du jugement entrepris ; d'où il appert que le moyen tiré de la solidarité n'est pas nouveau devant la Cour de cassation ;
Rejette la fin de non-recevoir.
Mais au fond :
Vu l'article 1107, par. 2, du Code civil ;
Attendu qu'aux termes de cette disposition, des règles particulières aux transactions commerciales sont établies par les lois relatives au commerce ;
Attendu qu'il résulte de la décision attaquée que, suivant conventions du 20 novembre 1916, Renoux et Sargé, négociants en bois, se sont engagés à livrer à X..., également négociant en bois, dix mille mètres cubes de bois de mines, dans un délai de trois ans, avec un minimum annuel de fournitures de deux mille cinq cents mètres cubes ;
Que, suivant lettre du 20 novembre 1917, Delaval, Van den Heyden et Huet, autres négociants en bois, se sont engagés, vis-à-vis du même X..., à prendre la suite du contrat passé entre lui et Renoux et Sargé ;
Attendu que le marché n'ayant été exécuté qu'à concurrence de quatre-vingt-quatre mètres cubes, X... a, par exploits des 13 et 17 février 1919 et 5 avril 1919 et 5 avril 1919, assigné, devant le tribunal de commerce de la Seine, Renoux, Sargé, Delaval, Van den Heyden et Huet, à l'effet de voir prononcer à leurs torts et griefs la résolution des conventions du 20 novembre 1916 et de s'entendre condamner solidairement à 56954 francs de dommages-intérêts ;
Attendu que le tribunal de commerce ayant, par jugement du 24 avril 1920, résilié le marché et condamné solidairement les cinq défendeurs à 25000 francs de dommages-intérêts envers X..., Renoux et Sargé seuls ont interjeté appel de cette décision, tant contre leurs codéfendeurs que contre X... et, que, devant la cour, ce dernier a conclu à la confirmation du jugement condamnant Renoux et Sargé, solidairement avec leurs codéfendeurs ;
Attendu que la cour de Paris après avoir déclaré irrecevable à l'égard de Delaval et de Huet l'appel formé par Renoux et Sargé, a, par arrêt du 28 décembre 1923, confirmé le jugement sous réserve "que la solidarité ne se présumant pas il n'y avait lieu qu'à condamnation conjointe des vendeurs originaires et cessionnaires" ;
Mais attendu que, s'il en est ainsi aux termes de l'article 1202 du Code civil, ce texte demeure sans application en matière commerciale, ou à défaut de convention contraire ou de circonstances relevées par les juges du fond la solidarité entre débiteurs est de règle ;
D'où il suit qu'en refusant d'appliquer à une obligation commerciale le principe de la solidarité pour un motif tiré d'une disposition du droit civil étrangère à cette matière, l'arrêt attaqué a faussement appliqué et par conséquent violé les textes visés au moyen ;
Par ces motifs ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a décidé qu'il n'y avait lieu à condamnation conjointe des vendeurs originaires et cessionnaires.