ANNUALTION, sur le pourvoi du sieur Y..., d'un Jugement rendu par le Tribunal de commerce d'Alger, le 23 août 1858, en faveur des sieurs Z... et compagnie.
Du 1er août 1860.
LA COUR,
Ouï M. le conseiller Laborie, en son rapport ; Maître Mathieu-Bodet, avocat des demandeurs, et Maître Dubay, avocat des défendeurs, en leurs observations respectives, ainsi que M. le premier avocat général de Marnas, en ses conclusions ; le tout à l'audience publique, après en avoir immédiatement délibéré ;
Vu les articles 499, 501, 502 et 513 du Code Napoléon ;
Attendu que l'incapacité pour le prodigue d'emprunter et d'aliéner sans l'assistance de son conseil implique celle de s'obliger en dehors du cercle des actes d'administration, et, à plus forte raison, de souscrire des engagements d'une nature essentiellement commerciale ; qu'ainsi, sous ce double aspect, l'obligation qui a été l'objet des condamnations prononcées par le jugement attaqué rentrerait dans la classe des actes prévus par les articles 499 et 513 du Code Napoléon, et serait frappée de nullité par l'article 502 du même code ; que, si elle pouvait valoir comme obligation purement civile, ce ne serait qu'autant qu'elle aurait eu pour cause des fournitures faites au prodigue, non seulement en rapport avec ses ressources, mais aussi en considération et dans la juste limite de ses besoins ; qu'alors seulement la reconnaissance de la dette pourrait, suivant les circonstances, affecter le caractère d'un acte d'administration, ou du moins obliger le prodigue dans la mesure de ce qui, dans les fournitures faites, devrait être considéré comme ayant tourné au profit du prodigue ;
Attendu que la nomination d'un conseil judiciaire a son effet du jour du jugement, lorsque ce jugement a été rendu public, dans les conditions et selon les formes déterminées par l'article 501 du Code Napoléon ; que la loi n'exige aucun autre mode de publicité pour le cas où le prodigue vient à changer de résidence ; que tous actes passés postérieurement au jugement ainsi publié, sans l'assistance du conseil, sont nuls de droit ;
Attendu qu'il n'a été ni constaté par le jugement attaqué, ni même allégué, soit que le jugement qui nomme un conseil à A... n'eût pas reçu la publicité prescrite par l'article 501 précité, soit que l'obligation de celui-ci eût pour cause des fournitures à lui faites en considération et dans la juste limite de ses besoins, et pût valoir à ce titre, sinon comme obligation commerciale, du moins comme obligation civile ;
D'où il suit qu'en condamnant A..., par toutes voies de droit et même par corps, au payement de la lettre de change par lui souscrite, sous le double prétexte que sa situation n'aurait pas été, dès son arrivée à Alger, rendue publique par les soins de son conseil, et qu'il s'agissait d'objets de consommation ou d'une dépense de nourriture et de logement qui n'était pas au-dessus de la fortune du prodigue, le jugement dénoncé a violé les dispositions ci-dessus visées :
Par ces motifs, CASSE,
Ainsi jugé et prononcé, Chambre civile.