COUR D'APPEL D'ORLÉANS CHAMBRE CIVILE GROSSES + EXPÉDITIONS la SC LAVAL-LUEGER la SCP DESPLANQUES - DEVAUCHELLE Me Estelle GARNIER 09/10/2006 ARRÊT du : 09 OCTOBRE 2006 No :No RG :
05/02660 DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOURS en date du 30 Juin 2005 PARTIES EN CAUSE APPELANTE Madame Marie X... DE Y... Z... ... représentée par la SCP LAVAL-LUEGER, avoués à la Courayant pour avocat Me Gilbert COLLARD, du barreau de MARSEILLE, substitué par Me Dominique ZUCCARELLI, du barreau de MARSEILLE D'UNE PART INTIMÉS :Madame Inès X... DE Y... A... épouse B... ... représentée par la SCP DESPLANQUES - DEVAUCHELLE, avoués à la Cour ayant pour avocat Me Raquel MUNOZ, du barreau de PARIS Madame Elisabeth X... DE Y... A... épouse DE C... DE D... ... représentée par la SCP DESPLANQUES - DEVAUCHELLE, avoués à la Cour ayant pour avocat Me Jean-Etienne GIAMARCHI, du barreau de PARIS Monsieur Thomas X... DE Y... Z... ... représenté par la SCP DESPLANQUES - DEVAUCHELLE, avoués à la Cour ayant pour avocat Me Jean-Etienne GIAMARCHI, du barreau de PARIS Monsieur Jean X... DE Y... Z... ... représenté par Me Estelle GARNIER, avoué à la Cour ayant pour avocat Me Olivier BARATELLI, avocat au barreau de PARIS et Me Hélène DELHOMMAIS, du barreau de TOURS Monsieur Jacques X... DE Y... Z... ... représenté par Me Estelle GARNIER, avoué à la Courayant pour avocat Me Olivier BARATELLI, avocat au barreau de PARIS et Me Hélène DELHOMMAIS, du barreau de TOURS Monsieur Pierre X... DE Y... Z... ... représenté par Me Estelle GARNIER, avoué à la Courayant pour avocat Me Olivier BARATELLI, avocat au barreau de PARIS et Me Hélène DELHOMMAIS, du
barreau de TOURS D'AUTRE PART DÉCLARATION D'APPEL EN DATE DU 14 Septembre 2005 ORDONNANCE DE CLÈTURE DU 9 juin 2006 COMPOSITION DE LA COUR Lors des débats, du délibéré :Monsieur Alain RAFFEJEAUD, Président de Chambre, Madame Marie-Brigitte NOLLET, Conseiller,Madame Elisabeth HOURS, Conseiller.Greffier :Madame Anne-Chantal PELLÉ, Greffier lors des débats .DÉBATS :A l'audience publique du 26 JUIN 2006, à laquelle ont été entendus Monsieur Alain RAFFEJEAUD, Président de Chambre, en son rapport et les avocats des parties en leurs plaidoiries. ARRÊT :
Prononcé publiquement le 09 OCTOBRE 2006 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.Philippe X... de Y... Z... est décédé le 13 juillet 1993, laissant pour lui succéder ses sept enfants Inès, Elisabeth, Jean, Marie, Jacques, Pierre et Thomas , nés de son mariage avec Jeanne E... F..., décédée le 31 mai 1993.D e son vivan Philippe de Y... avait procédé le 20 décembre 1977 à une donation-partage de ses biens meubles et immeubles entre ses enfants, attribuant la quotité disponible à son fils aîné , Jean. Mécontente de l'avantage ainsi consenti à son frère, qu'elle soupçonnait en outre de receler des biens provenant de la succession de leurs deux parents, Marie de Y... a assigné l'ensemble de ses frères et soeurs en décembre 1998 devant le tribunal de grande instance de TOURS aux fins de nullité de la donation-partage et restitution à la succession des biens recélés.Parallèlement, elle déposait le 8 novembre 2001 à l'encontre de son frère Jean une plainte avec constitution de partie civile qui aboutissait le 16 mai 2003 à une ordonnance de non-lieu , confirmée par un arrêt de la chambre de l'instruction en date du 16 octobre 2003.Par jugement en date du 30 juin 2005, le tribunal de grande
instance de TOURS a débouté Marie de Y... de sa demande d'annulation de la donation-partage, a déclaré irrecevable l'action en réduction engagée par elle à l'encontre de l'ensemble de ses frères et soeurs, l'a déboutée du surplus de ses demandes, l'a condamnée à payer à Jean de Y... la somme de 60.000 euros à titre de dommages et intérêts et l'a condamnée à payer à ses frères et soeurs diverses sommes en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile .Pour refuser d'annuler la donation-partage, les premiers juges ont essentiellement considéré que Philippe de Y... avait pu valablement avantager celui de ses enfants qui lui paraissait le plus à même d'assurer la conservation et la transmission du patrimoine familial, et que par ailleurs l'évaluation qui avait été faite des biens n'était pas critiquable.Pour déclarer irrecevable l'action en réduction de la donation, les premiers juges ont relevé qu'elle avait été introduite plus de cinq ans après le décès de Philippe de Y....Pour écarter le recel provenant du patrimoine de Jeanne de Y... née E... F..., les premiers juges ont noté que l'essentiel de ses biens se trouvaient en Argentine et devaient être régis par la loi de ce pays, tandis que rien ne démontrait que la parure de rubis qu'elle possédait en France ait été divertie par Jean de Y....Les premiers juges ont encore estimé que le recel de biens provenant de la succession de Philippe de Y... n'était pas établi et que rien ne justifiait que fussent rapportés à la succession le prix de la vente d'un immeuble ou des sommes prélevées sur des comptes bancaires.Ils ont en définitive considéré que Jean de Y... avait subi un préjudice en raison d'une part des accusations portées à son encontre dans le cadre de la plainte pénale, et d'autre part du caractère abusif de l'action civile engagée contre lui.Marie de Y... a régulièrement interjeté appel de ce jugement le 14 septembre 2005.Elle a contesté que son action en
nullité de la donation-partage relevât des dispositions de l'article 1077-2 alinéa 2 du Code civil et fût donc prescrite, faisant en tout état de cause valoir qu'elle était dans l'impossibilité d'agir.Elle a conclu à la nullité de la donation-partage en ce qu'elle reposait sur une cause illicite, dès lors qu'elle tendait à restaurer le droit d'aînesse et les privilèges de masculinité et de primogéniture.Elle a encore contesté l'évaluation , selon elle dérisoire, des parts des sociétés civiles immobilières comprises dans la donation-partage.Elle a sollicité en conséquence, à titre subsidiaire, le rapport à la succession, en nature ou en deniers, des biens compris dans la donation-partage, et, en tout état de cause, une expertise.Elle a maintenu que sa mère était propriétaire, notamment en Argentine, de biens importants mobiliers et immobiliers qui avaient été distraits et recélés par son frère Jean.Elle a donc demandé qu'il fût déchu de tout droit sur lesdits biens.S'agissant de la succession de son père, elle s'est inquiétée de ce que la déclaration de succession ne fasse état d'aucun meuble meublant ou objet mobilier, et de ce que les livres rares et tableaux de maîtres se trouvant dans les châteaux de Y... et DAMPIERRE n'aient fait l'objet d'aucun inventaire ou tirage au sort.Elle a considéré que Jean de Y... les avait en conséquence distraits et elle a , de plus, critiqué l'évaluation qui avait pu en être faite.Elle a encore fait valoir que son père disposait de comptes auprès de banques helvétiques qui avaient fait l'objet d'opérations après son décès.Elle a demandé en conséquence qu'injonction fût faite auxdits établissements bancaires de produire, sous astreinte, l'intégralité des relevés de comptes.Elle a contesté d'autre part sa condamnation à des dommages et intérêts, en ce qu'elle méconnaissait les dispositions des articles 56 et 750 du nouveau Code de procédure civile, ainsi que de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des
libertés fondamentales, essentiellement au motif qu'elle se fondait sur le fait que la procédure pénale qu'elle avait engagée avait abouti à un non-lieu.Elle a en revanche sollicité la condamnation de Jean de Y... à lui payer une somme de 152.650 euros à titre de dommages et intérêts , outre une somme de 76.225 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile .Jean de Y... a répliqué que sa soeur ne disposait que d'une action en réduction de la donation-partage, aujourd'hui prescrite.Il a ajouté que la demande n'avait de toute manière aucun fondement, en contestant toute sous-évaluation des immeubles, de même que l'importance des meubles qu'ils contiendraient , et en rappelant que sa soeur avait expressément accepté, de même que tous les héritiers et l'administration fiscale, les évaluations faites.Il a de même nié tout recel successoral, en contestant l'existence de biens meubles ou immobiliers ou de comptes bancaires à l'étranger ayant appartenu prétendument à ses parents, et il a rappelé que là encore sa soeur avait expressément donné son accord à la donation-partage, à la déclaration de succession et à un partage partiel.Insistant pour le surplus sur les contradictions et les approximations de l'argumentation de sa soeur, il n'a vu dans son action qu'une volonté de lui nuire qui justifiait les dommages et intérêts alloués par les premiers juges.Il a donc conclu à la confirmation de la décision entreprise et a sollicité une somme de 7.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile , ainsi qu'une somme de un euro pour appel abusif.Les autres héritiers ont conclu à l'irrecevabilité de l'action en nullité de la donation-partage, à la confirmation pour le surplus du jugement entrepris et ont sollicité , sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Inès de Y... épouse B... une somme de 10.000 euros , Jacques et Pierre de Y... une somme de 7.000 euros chacun,
Elisabeth de Y... épouse de C... de D... et Thomas de Y... une somme de 3.000 euros chacun.SUR CE , Attendu que les premiers juges ont exactement relevé qu'ils étaient saisis à titre principal d'une action en nullité de la donation-partage pour cause illicite , et seulement à titre subsidiaire d'une action en réduction.Sur la nullité de la donation-partage : Attendu que Marie de Y... soulève la nullité de la donation-partage à raison de sa cause illicite qui aurait consisté à privilégier le descendant mâle aîné ; Que son action qui est distincte de l'action en réduction prévue à l'article 1077-1 du Code civil, se prescrit par trente ans à compter de l'acte attaqué, daté en l'espèce du 20 décembre 1977, et est donc recevable, en application des dispositions de l'article 2262 du Code civil ; Mais attendu que le parent qui procède à la donation-partage de ses biens entre ses enfants, n'a pas d'autre obligation que de ne pas entamer la part de réserve de chacun d'eux et n'a pas , en particulier, à justifier son choix d'avantager l'un de ses enfants plutôt qu'un autre ; Que dans le cas présent, il est manifeste que Philippe de Y... n'a été mû que par le souci d'assurer la pérennité d'un patrimoine familial important, faisant partie du patrimoine historique de la France, dont le partage aurait signifié la dispersion en des mains étrangères, et a , dans ce but, fait le choix de celui de ses enfants qui lui paraissait le mieux à même de gérer ce patrimoine, de le conserver dans la famille et de le transmettre aux générations suivantes ; Que Marie de Y... n'est donc pas admise à contester le choix de son père, qu'elle avait au demeurant expressément accepté en son temps ; Sur l'action en réduction : Attendu que Marie de Y... entend encore soutenir que la valeur des biens reçus par son frère Jean excéderait la quotité disponible ;Qu'à ce titre, seule l'action en réduction prévue à l'article 1077-1 du Code civil lui est ouverte ; Mais attendu que
selon l'article 1077-2 du Code civil, cette action se prescrit par cinq ans à compter du décès de l'ascendant qui a fait le partage, intervenu en l'espèce le 13 juillet 1993 ; Qu'aucune cause n'est venue interrompre ou suspendre la prescription avant le 14 juillet 1998 ; Que Marie de Y... avait certes engagé une instance avant cette date, mais elle l'a laissé périmer, de sorte que l'interruption de la prescription qui en résultait est regardée comme non avenue, conformément aux dispositions de l'article 2247 du Code civil ; Que la croyance que Marie de Y... dit avoir eu dans une résolution amiable du litige, ne caractérise pas l'impossibilité absolue d'agir pouvant justifier la suspension de la prescription ; Qu'il s'ensuit que son action introduite en décembre 1998 est tardive et donc irrecevable ; Sur le recel de biens provenant de la succession de Jeanne de Y... : Attendu que seuls les biens mobiliers sont susceptibles de recel ; que c'est donc vainement que l'appelante rappelle que sa mère était propriétaire de biens immobiliers en Argentine ; que pour le surplus, il n'est apporté aucune preuve de l'existence de biens mobiliers que Jeanne de Y... aurait possédés dans ce pays, et encore moins de ce que Jean de Y... qui n'y réside pas, les auraient distraits et recelés ; Que s'agissant des biens possédés par la défunte en France et susceptibles de recel, qui se limiteraient essentiellement à une parure de rubis, il n'est là encore apporté la preuve ni de leur existence, ni a fortiori de leur détournement par Jean de Y... ; Sur le recel de biens provenant de la succession de Philippe de Y... : Attendu qu'il n'est pas inutile de rappeler en préambule que Marie de Y... est la seule de la fratrie à accuser son frère Jean d'avoir détourné des biens provenant de la succession de leurs parents et qu'elle a expressément donné son consentement tant à la donation-partage du 20 novembre 1977 qu'à la déclaration de succession du 3 septembre 1993 et qu'au partage
partiel du 11 mars 1994 , ce qui rend peu crédibles ses accusations d'aujourd'hui ; Que la cour n'entend pas en tout cas, pour pallier sa carence dans l'administration de la preuve, ordonner la mesure d'instruction qu'elle sollicite ; Qu'il reste qu'elle ne verse aux débats aucune pièce nouvelle utile, autre que celles que les premiers juges ont parfaitement analysées pour considérer que la preuve d'un recel n'était absolument pas rapportée ; Qu'il apparaît au demeurant des explications de l'appelante que, sous couvert de recel, elle entend, en premier lieu, remettre en cause l'évaluation des biens meubles dépendant de la succession , telle qu'elle a pu être faite dans le passé et acceptée par tous les héritiers, y compris elle-même ; Qu'il apparaît qu'ensuite elle persiste, sans le moindre commencement de preuve, à insinuer que son frère aurait profité de la procuration dont il bénéficiait sur le compte bancaire de leur père malade, pour détourner des sommes à son profit, alors que l'inanité de ces insinuations résulte suffisamment de l'attestation de Monsieur G... de la banque LAZARE et du sort réservé par l'arrêt de non-lieu à la plainte avec constitution de partie civile qu'elle avait déposée du chef de fausse attestation ; Qu'elle évoque enfin à nouveau l'existence de comptes bancaires en Suisse qui lui aurait été rapportée par des "informations portées à sa connaissance", mais qui sont insuffisantes pour constituer une preuve en justice desdits comptes et plus encore du détournement de leur contenu par Jean de Y... ; Sur les dommages et intérêts : Attendu que la demande est parfaitement motivée au regard des dispositions de l'article 56 du nouveau Code de procédure civile ; Attendu que s'il est exact que le tribunal saisi d'une demande de dommages et intérêts pour procédure abusive n'a pas à se faire juge du caractère téméraire d'une procédure autre que celle dont il a à connaître, il peut en revanche fonder sa décision sur des faits évoqués à l'occasion de la
précédente procédure et repris devant lui ; Attendu qu'en l'espèce, il s'inférait de l'arrêt de non-lieu que Marie de Y... ne pouvait plus, sans intention maligne évidente, insinuer que son frère avait abusé de la procuration qu'il détenait sur les comptes bancaires de leur père ; Que d'une manière générale, les accusations de recel proférées par Marie de Y... à l'encontre de son frère sans le moindre commencement de preuve, à l'évidence au seul motif qu'elle n'admet pas qu'il ait été avantagé par rapport à elle dans le partage, causent à l'intéressé qui voit ainsi son honorabilité et son intégrité injustement mises en cause de façon malveillante, un préjudice certain ; Qu'il apparaît toutefois que la publicité donnée aux allégations de Marie de Y... est demeurée limitée aux membres de la famille, lesquels n'ont pas été dupes des propos de leur soeur , si l'on en juge par leur grande retenue dans leurs conclusions, alors qu'ils étaient réputés avoir été victimes , au même titre qu'elle, des agissements supposés de leur frère ; Qu'en conséquence, l'indemnité allouée par les premiers juges est excessive et sera réduite à 20.000 euros ; Et attendu que dès lors qu'il est fait droit partiellement à l'appel, il n'y a pas lieu à dommages et intérêts pour appel abusif ; Sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile :Attendu que Marie de Y... succombant pour l'essentiel dans son appel, elle en supportera les dépens et paiera aux intimés des indemnités sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; PAR CES MOTIFS, CONFIRME le jugement entrepris, sauf à réduire à 20.000 euros l'indemnité allouée à Jean de Y... à titre de dommages et intérêts , Y AJOUTANT , CONDAMNE Marie de Y... à payer à Jean de Y... une somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, LA CONDAMNE à payer à chacun des cinq autres intimés une somme de 2.000 euros sur ce même fondement , LA CONDAMNE aux dépens d'appel , et
ACCORDE à Me GARNIER et à la SCP DESPLANQUES DEVAUCHELLE , avoués, le bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile , REJETTE toutes autres demandes comme étant non fondées ou sans objet.Arrêt signé par Monsieur Alain RAFFEJEAUD, président et Madame Anne-Chantal PELLÉ, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.LE GREFFIER,
LE PRÉSIDENT.