COUR D'APPEL DE VERSAILLES Code nac : 80A 11ème chambre ARRET No contradictoire DU 28 FEVRIER 2006 R. G. No 04/ 02435
AFFAIRE : Elisabeth X...-Y...C/ S. A. SCC ANCIENNEMENT DÉNOMMÉE ALLIUM en la personne de son représentant légal Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 Avril 2004 par le Conseil de Prud'hommes de NANTERRE Section : Encadrement No RG : 01/ 01324 Expéditions exécutoires Expéditions Copies délivrées le : à : RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS LE VINGT HUIT FÉVRIER DEUX MILLE SIX, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre : Elisabeth X...-Y...... 92500 RUEIL MALMAISON Représenté par Me Georges DUFFO, avocat au barreau de MARSEILLE APPELANT S. A. SCC ANCIENNEMENT DÉNOMMÉE ALLIUM en la personne de son représentant légal Immeuble La Défense-Parc 1 96 Rue des Fontanot 92744 NANTERRE CEDEX Représentée par Me Michel RONZEAU, avocat au barreau de PONTOISE, vestiaire : 9 INTIMÉE Composition de la cour : En application des dispositions de l'article 945-1 du nouveau code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Janvier 2006, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, vice-Présidente et Mme BEAUVOIS Anne conseillère, chargées d'instruire l'affaire. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Colette SANT, présidente,
Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, vice-Présidente,
Mme Anne BEAUVOIS, conseillère, Greffier, lors des débats : Madame Hélène FOUGERAT, FAITS ET PROCÉDURE, Elisabeth X...-Y...a été engagée à compter du 22 juin 1992 par la société EUROPE COMPUTER SYSTEMES (ECS) devenue ensuite ALLIUM, en qualité d'ingénieur commercial micro. Son contrat de travail comportait une clause de non concurrence. Par lettre du 8 février 2000, Elisabeth X...-Y...a notifié à la société ALLIUM sa démission. Par lettre du 21 février 2000, la société ALLIUM a rappelé à la salariée la clause de non concurrence insérée à son contrat de travail. Par courrier du 15 mars 2000, Elisabeth X...-Y...a confirmé qu'elle respecterait l'interdiction résultant de sa clause de non concurrence. Par lettre du 24 mars 2000, la société ALLIUM a informé Elisabeth X...-Y...qu'elle la libérait de tout engagement et lui demandait de quitter immédiatement la société. Par un second courrier du même jour, la société ALLIUM a indiqué qu'elle n'entendait pas faire jouer la clause de non concurrence. Contestant la position adoptée par la société ALLIUM, Elisabeth X...-Y...a saisi le conseil de prud'hommes de NANTERRE d'une demande en paiement de la contrepartie financière de la clause de non concurrence. Par jugement en date du 28 avril 2004, le conseil de prud'hommes a dit que la clause de non concurrence n'a pas été levée dans les délais, a condamné la société S. C. C anciennement dénommée société ALLIUM à verser à Elisabeth X...-Y...la somme de 4. 300 euros à titre de levée tardive de la clause de non concurrence, ainsi que la somme de 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et aux dépens. Par déclaration en date du 11 mai 2004, Elisabeth X...-Y...a interjeté appel de cette décision. Par conclusions écrites, déposées et visées par le greffier, soutenues à l'audience, Elisabeth X...-Y...demande à la cour de :
Réformer le jugement entrepris, Condamner la société ALLIUM nouvellement dénommée S. C. C à lui payer la somme de 100. 858 euros à titre de contrepartie financière de la clause de non concurrence avec intérêts de droit capitalisés à compter du 27 mars 2000, à titre subsidiaire,
Condamner la société ALLIUM nouvellement dénommée S. C. C au paiement de la somme de 100. 858 euros avec intérêts capitalisés à compter de la même date à titre de dommages et intérêts, Condamner également la même au paiement d'une somme de 8. 000 euros à titre de dommages et intérêts pour comportement illicite, Condamner la même au paiement de la somme de 1. 525 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance. Elle fait valoir notamment que :
La clause de non concurrence fait expressément référence à la convention collective de la métallurgie ingénieurs et cadres pour les modalités d'application, Le protocole d'accord de traitement social du 26 décembre 1995 n'a pu modifier le contrat de travail, la modification dudit contrat requérant l'accord de la salariée, En conséquence, La contrepartie financière prévue à la CCN s'applique, L'employeur ne rapporte pas la preuve que la CCN des bureaux d'études se serait appliqué pendant la durée du contrat de travail, Subsidiairement dans l'hypothèse de l'application de la CCN des bureaux d'études, la clause de non concurrence serait nulle en l'absence de contrepartie financière. Par conclusions écrites, déposées et visées par le greffier, soutenues oralement à l'audience, la société S. C. C anciennement dénommée société ALLIUM demande à la cour de : Confirmer le jugement en ce que le conseil de prud'hommes a débouté Elisabeth X...-Y...de sa demande de condamnation de la société S. C. C au titre de la contrepartie financière de la clause de non concurrence et subsidiairement de dommages et intérêts au titre de cette contrepartie financière, Débouter Elisabeth X...-Y...de ses demandes tant principale que subsidiaire, ainsi que de sa demande de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, Infirmer le jugement en ce que les premiers juges ont condamné la société S. C. C au paiement de dommages et intérêts pour levée tardive de la clause de non concurrence, Condamner Elisabeth X...-Y...au paiement de la somme de 1. 525 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens. Elle soutient notamment que : L'article 28 de la CCN de la métallurgie ingénieurs et cadres ne s'applique pas en raisonL de l'accord de substitution intervenu le 26 décembre 1995 constatant l'application désormais de la CCN des bureaux d'études (SYNTEC), Les modalités de la renonciation par l'employeur de la clause de non concurrence s'apprécie au regard de la CCN SYNTEC laquelle ne prévoit aucune disposition relative à une clause de non concurrence, L'employeur a renoncé à l'application de la clause le 24 mars 2000 et en conséquence, ladite clause n'avait pas à recevoir application, Elisabeth X...-Y...ne justifie pas du préjudice qu'elle invoque et ne produit aucun justificatif de sa situation professionnelle actuelle. Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément aux dispositions de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l'audience ainsi qu'aux prétentions orales telles qu'elles sont rappelées ci-dessus. Par courrier en date du 13 janvier 2006 reçue à la cour le 16 janvier 2006, Elisabeth X...-Y...a adressé des conclusions d'incident et de nouvelles pièces au motif que la société S. C. C aurait soulevé à la barre un moyen nouveau après la plaidoirie de l'appelante. SUR CE, LA COUR Considérant préalablement que, à l'issue de l'audience du 10 janvier 2005, Elisabeth X...-Y...n'a pas été autorisée conformément à l'article 445 du nouveau Code de procédure civile, à adresser en délibéré de nouvelles pièces et des conclusions d'incident ; Que surabondamment, s'agissant d'une procédure orale, il ne résulte pas des débats que l'appelante n'a pas été en mesure de faire valoir ses moyens en réponse à ceux développés oralement à l'audience par l'intimée ; Qu'en conséquence, les pièces et écritures nouvelles seront rejetées ; Considérant sur le fond, que l'employeur ne peut modifier le contrat de travail d'un salarié sans son accord ; Qu'en l'espèce, le contrat de travail de Elisabeth X...-Y...prévoyait une clause de non concurrence ainsi rédigée : Après engagement définitif et en cas de rupture du contrat de travail, pour quelque cause que ce soit, Mademoiselle Élisabeth X...s'interdit de faire concurrence, directement ou indirectement à ECS soit en créant une affaire ou une société sur une activité similaire à celle d'ECS, soit en ayant des intérêts ou des participations directes ou indirectes dans une société qui aurait une activité similaire à celle d'ECS, soit en travaillant de quelque sorte que ce soit (salarié, agent commercial, représentant, dirigeant) dans une société qui aurait une activité similaire à celle d'ECS. Cette clause de non concurrence est limitée à une durée d'un an, commençant à courir à l'expiration du préavis contractuel, qu'il soit ou non effectué par Madame Élisabeth X.... Elle est limitée géographiquement à la région de PARIS et d'Ile de France. Les modalités d'application de cette clause sont celles prévues à l'article 28 de la Convention Nationale des Ingénieurs et Cadres de la Métallurgie ; Que lors du transfert du contrat de travail de Elisabeth X...-Y...à la société ALLIUM, société résultant de la fusion entre E. C. S et une autre société, le courrier en date du 12 octobre 1995 adressé à la salariée indiquait expressément que son contrat de travail n'était pas modifié ; Que l'accord traitement social en date du 26 octobre 1995 conclu avec les organisations syndicales, ayant notamment adopté la convention collective des Bureaux d'études (SYNTEC) aux lieu et place de la convention collective de la métallurgie, ne pouvait modifier, sans l'accord de la salariée, les droits qu'elle détenait de son contrat de travail ; Qu'en effet, il résulte des débats et des pièces, que postérieurement à ce protocole, la salariée n'a signé aucun avenant à son contrat de travail qui pourrait justifier d'une modification des termes de la clause de non concurrence insérée à son contrat ; Qu'en conséquence, cette clause qui renvoie expressément les parties à l'article 28 de la convention collective de la métallurgie ingénieurs et cadres quant aux modalités de sa mise en. uvre (contrepartie financière, délai dans lequel l'employeur peut renoncer à la clause) est donc applicable ; Que l'article 28 de la convention collective prévoit notamment : (à) L'interdiction de concurrence doit faire l'objet d'une clause dans la lettre d'engagement ou d'un accord écrit entre les parties. Dans ce cas, l'interdiction ne peut excéder une durée de un an, renouvelable une fois, et a comme contrepartie, pendant la durée de non concurrence, une indemnité mensuelle égale à cinq dixièmes de la moyenne mensuelle des appointements ainsi que des avantages et gratifications contractuels dont l'ingénieur ou cadre a bénéficié au cours de ses douze derniers mois de présence dans l'établissement. Toutefois, dans le cas de licenciement non provoqué par une faute grave, cette indemnité mensuelle est portée à six dixièmes de cette moyenne tant que l'ingénieur ou cadre n'a pas retrouvé un nouvel emploi et dans la limite de la durée de non-concurrence. L'employeur, en cas de cessation d'un contrat de travail qui prévoyait une clause de non-concurrence, peut se décharger de l'indemnité prévue ci-dessus en libérant l'ingénieur ou cadre de l'interdiction de concurrence, mais sous condition de prévenir l'intéressé par écrit dans les huit jours qui suivent la notification de la rupture du contrat de travail. L'indemnité mensuelle prévue ci-dessus étant la contrepartie du respect de la clause de non-concurrence, elle cesse d'être due en cas de violation par l'intéressé, sans préjudice des dommages et intérêts qui peuvent lui être réclamés. Considérant en l'espèce que la rupture du contrat de travail a été notifiée le 9 février 2000, suite à la démission de la salariée ; Que dans le délai de 8 jours de la notification de la démission, l'employeur n'a pas informé Elisabeth X...-Y...de ce qu'il entendait être déchargé du paiement de la contrepartie financière en libérant la salariée de l'interdiction de concurrence, puisque tout au contraire, il a, par courrier du 21 février 2000, rappelé à Elisabeth X...-Y...ladite interdiction ; Qu'en conséquence, la salariée n'ayant pas été libérée de l'interdiction de concurrence, devait percevoir la contrepartie financière selon les modalités prévues par l'article 28 précité et pendant la durée visée par la clause insérée au contrat de travail, en l'espèce un an ; Qu'en effet, cette durée résulte de l'accord des parties et est compatible avec les dispositions de l'article 28 qui prévoit une durée d'un an renouvelable une fois et non deux ans ; Que l'interdiction n'a pas été renouvelée à l'expiration de la première année ; Que la salariée ne peut sérieusement se prévaloir de l'erreur de plume commise par l'employeur (courrier du 21 février 2000) sur la durée de l'interdiction pour prétendre que la contrepartie financière est due pendant deux ans ; Qu'effectivement, dans son courrier du 21 février 2000, l'employeur fait expressément référence à l'article 10 du contrat qui ne prévoyait qu'une durée d'un an, courrier auquel Elisabeth X...-Y...répond le 15 mars 2000 en se bornant à indiquer qu'elle exécutera la clause conformément à l'article 10 (du) contrat et l'article 28 de la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie ; Considérant qu'il résulte des débats et des pièces, que l'employeur ne conteste pas que la salariée a exécuté loyalement la clause pendant un an ; Qu'en conséquence, eu égard aux bulletins de salaire produits, les sommes perçues, sur la période de février 1999 à janvier 2000, correspondant aux salaires, commissions et accessoires dus pour cette période, s'élèvent à 519. 047 F. soit 79. 128, 21 euros, soit mensuellement la somme de 6. 594 euros ; Que la contrepartie financière s'élève en conséquence à 3. 297 euros (5/ 10 de 6. 594 euros) par mois, soit pour un an, la somme brute de 39. 564 euros ; Que le jugement entrepris sera en conséquence infirmé de ce chef ; Que Elisabeth X...-Y...sera déboutée du surplus de ses demandes à ce titre ;
Considérant sur la demande de dommages et intérêts en application de l'article 1382 du Code civil, qu'il résulte des débats que Elisabeth X...-Y...a retrouvé un emploi dès la fin de son préavis ; Qu'en outre, elle ne démontre pas que la société S. C. C anciennement dénommée société ALLIUM a tenté de l'empêcher de retrouver un emploi, le courrier produit non daté, sans entête, sans le nom de son signataire et sans signature étant insuffisant pour justifier d'une quelconque manoeuvre de l'employeur ; Qu'elle sera en conséquence, déboutée de sa demande à ce titre ; Considérant que l'équité commande qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Que la société S. C. C sera condamnée au paiement d'une somme supplémentaire de 1. 000 euros à ce titre ;
PAR CES MOTIFS Statuant publiquement et contradictoirement,
DÉCLARE recevable l'appel interjeté par Elisabeth X...-Y...,
REJETTE les pièces et écritures adressées en cours de délibéré, INFIRME sauf sur les dépens et les frais irrépétibles, le jugement rendu le 28 avril 2004 par le conseil de prud'hommes de NANTERRE, Statuant à nouveau,
CONDAMNE la société S. C. C anciennement dénommée société ALLIUM à payer à Elisabeth X...-Y...la somme de 39. 564 euros (TRENTE NEUF MILLE CINQ CENT SOIXANTE QUATRE EUROS) brut à titre de contrepartie financière de la clause de non concurrence insérée au contrat de travail, et ce avec intérêts de droit à compter du 15 mai 2001 date de réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation,
ORDONNE la capitalisation des intérêts à compter de la date de la demande soit le 10 janvier 2006, conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil,
DÉBOUTE Elisabeth X...-Y...du surplus de sa demande au titre de la contrepartie financière et de sa demande de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1382 du Code civil,
CONDAMNE la société S. C. C anciennement dénommée société ALLIUM à payer à Elisabeth X...-Y...une somme complémentaire de 1. 000 euros (MILLE EURO) en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Arrêt prononcé et signé par Madame Colette SANT, présidente, et signé par Madame Anne-Sophie COURSEAUX, faisant fonction de greffier présent lors du prononcé.
Le GREFFIER,
La PRÉSIDENTE,