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19/06/2007 | FRANCE | N°06/1057

France | France, Cour d'appel de riom, Chambre sociale, 19 juin 2007, 06/1057


157 / 06
Prud'hommes
JLT

SALARIE A LA DISPOSITION CONSTANTE DE L'EMPLOYEUR = REQUALIFICATION DU CONTRAT A TEMPS PARTIEL EN UN CONTRAT A TEMPS PLEIN

Appelant : La société ALBERT TRAVAUX

Intimé : M. Pascal X...

FAITS ET PROCÉDURE

M. Pascal X... a été embauché par la société ALBERT TRAVAUX, selon un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel du 1er mai 2004, en qualité de surveillant sur le site de la micro-centrale hydro-électrique située à SAINT POURCAIN SUR SIOULE.

Il a été licencié par lettre recommandé

e avec avis de réception du 29 octobre 2004.

Saisi par le salarié, le Conseil de Prud'hommes de VICHY, par ju...

157 / 06
Prud'hommes
JLT

SALARIE A LA DISPOSITION CONSTANTE DE L'EMPLOYEUR = REQUALIFICATION DU CONTRAT A TEMPS PARTIEL EN UN CONTRAT A TEMPS PLEIN

Appelant : La société ALBERT TRAVAUX

Intimé : M. Pascal X...

FAITS ET PROCÉDURE

M. Pascal X... a été embauché par la société ALBERT TRAVAUX, selon un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel du 1er mai 2004, en qualité de surveillant sur le site de la micro-centrale hydro-électrique située à SAINT POURCAIN SUR SIOULE.

Il a été licencié par lettre recommandée avec avis de réception du 29 octobre 2004.

Saisi par le salarié, le Conseil de Prud'hommes de VICHY, par jugement du 3 avril 2006, a :
1) requalifié le contrat de travail en contrat de travail à temps plein sur la base de 151 heures 67 par mois,
2) dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse,
3) condamné la société ALBERT TRAVAUX à payer à M.X... les sommes de :
-838,80 € à titre de rappel de salaire pour le mois de mai 2004,
-1056,80 € à titre de rappel de salaire pour le mois de juin 2004,
-1154,12 € à titre de rappel de salaire pour le mois de juillet 2004,
-1154,12 € à titre de rappel de salaire pour le mois d'août 2004,
-1154,12 € à titre de rappel de salaire pour le mois de septembre 2004,
-763,88 € à titre de rappel de salaire pour le mois d'octobre 2004,
-601,79 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
-1310,00 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif,
-795,16 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,
3) ordonné à l'employeur de remettre au salarié les bulletins de salaire pour juillet, août et septembre 2004 ainsi que l'attestation destinée à l'ASSEDIC.

La société ALBERT TRAVAUX a relevé appel de ce jugement le 25 avril 2006.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société ALBERT TRAVAUX, concluant à la réformation, sollicite de débouter M.X... de ses demandes et de le condamner à lui payer la somme de 1000,00 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Elle fait valoir que le rôle de M.X... consistait à se rendre chaque matin sur le site pour contrôler le bon fonctionnement de la centrale lorsqu'elle était en activité, de relever le compteur et d'effectuer ponctuellement l'entretien et que l'estimation du temps de présence du salarié avait été évaluée, de manière indicative, à 30 heures par mois en moyenne, sans caractère certain ni obligatoire.

Elle conteste que M.X... ait été de manière permanente à la disposition de l'employeur et elle souligne qu'il n'avait aucune obligation de présence.

Elle estime qu'en raison des particularités de la mission, et de la totale indépendance du salarié, la mention dans le contrat de travail de la répartition de la durée du travail était impossible et qu'il y a lieu d'appliquer la jurisprudence relative aux VRP et aux salariés des associations d'aide à domicile. Elle sollicite, en conséquence, de débouter le salarié de sa demande de requalification de son contrat de travail.

Elle estime que le mode de rémunération convenu (calculé sur la base de 0,23 centimes du Kw / h en période d'été et de 0,46 centimes du Kw / h en période d'hiver) est licite et que le salarié ne peut remettre en cause ce mode de rémunération ni les règlements effectués. Elle ajoute que les salaires des mois de juillet, août et septembre 2004 ont été payés.

Elle indique s'en remettre à droit sur la demande d'indemnisation pour non-respect de la procédure de licenciement en soulignant que l'indemnisation ne peut intervenir que sur la base d'1 / 12ème des salaires perçus et qu'elle ne peut se cumuler avec les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Elle estime le licenciement justifié par les carences du salarié qui n'a pas respecté les missions qui lui incombaient, à savoir l'entretien général de la centrale.

M.X... sollicite la confirmation du jugement sauf à condamner l'employeur à lui remettre les bulletins de salaire rectifiés de mai à novembre 2004 et un certificat de travail.

Il soutient qu'il devait intervenir à des horaires très variés, de jour, de nuit, durant la semaine ou le dimanche, qu'il était dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il était, en conséquence, à la disposition permanente de l'employeur.

Il estime bien fondée sa demande de rappel de salaire, faisant observer que l'employeur était tenu de le rémunérer sur la base minimale du SMIC.

Il souligne l'absence totale de respect de la procédure de licenciement et soutient que l'indemnité à ce titre est cumulable avec les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ayant moins de deux ans d'ancienneté.

Il fait valoir que l'employeur ne justifie pas les reproches qui lui ont été faits, que l'attestation de M.Y... est dépourvue de valeur probante et qu'il a fait son travail.

Pour plus ample relation des faits, de la procédure et des prétentions et moyens antérieurs des parties, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux conclusions déposées, oralement reprises.

DISCUSSION

Sur larecevabilité

La décision contestée ayant été notifiée le 6 avril 2006, l'appel, régularisé le 25 avril 2006, est recevable au regard du délai d'un mois prescrit par les articles 538 du nouveau code de procédure civile et R 517-7 du code du travail.

Sur la demande de requalification du contrat de travail

Il résulte du contrat de travail que M.X... a été embauché pour assurer la surveillance et l'entretien d'une micro-centrale hydroélectrique.

Selon ce contrat, sa mission consistait :
-à relever les compteurs chaque jour et faire part à l'employeur des éventuelles observations ou anomalies,
-à effectuer l'entretien, les niveaux, les vidanges, les graissages, les menues réparations sur l'ensemble du matériel de la micro centrale,
-à assister aux différents travaux de réparations ou de modification sur le matériel de la micro centrale,
-à entretenir les différentes passes à poissons et dégrilleurs (veiller à l'encombrement par des branchages etc...),
-à aviser l'employeur de toutes demandes ou réclamations de société extérieures ou administration avant de donner toute autorisation,
-à aviser suffisamment tôt de tout besoin de matériel ou matériaux pour ne pas être en rupture de stock, de demander à l'employeur l'autorisation d'effectuer des achats sur place.

Il est précisé : " ce contrat représente 30 heures de travail environ par mois mais n'est en aucun cas limitatif, suivant les périodes de production où la surveillance doit être plus ou moins suivie ".

S'il est certain que M.X... a donné son consentement au contrat ainsi rédigé, ainsi que le fait valoir l'employeur, il n'en reste pas moins que ce contrat doit répondre aux exigences légales applicables aux contrats à temps partiel.

Selon l'article L 212-4-3 du code du travail, le contrat de travail des salariés à
temps partiel mentionne la durée hebdomadaire ou, le cas échéant, mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations d'aide à domicile, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois. Il définit en outre les cas dans lesquels une
modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette
modification. Toute modification doit être notifiée au salarié sept jours au moins avant la
date à laquelle elle doit avoir lieu.

Ce texte précise que le nombre d'heures complémentaires effectuées par un salarié à temps partiel au cours d'une même semaine ou d'un même mois ne peut être supérieur au dixième de la durée hebdomadaire ou mensuelle de travail prévue dans son contrat et que les heures complémentaires ne peuvent avoir pour effet de porter la durée du travail effectuée par le salarié au niveau de la durée légale du travail ou à la durée fixée conventionnellement.

En l'espèce, le contrat de travail ne comporte pas l'indication de la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois et n'est donc pas conforme aux dispositions légales.

Il est vrai que la non-conformité du contrat de travail à temps partiel n'entraîne pas automatiquement sa requalification en contrat à temps plein mais une présomption simple de l'existence d'un tel contrat et que l'employeur peut prouver la réalité du travail à temps partiel.

La société ALBERT TRAVAUX explique que les tâches demandées à M.X... ne demandaient que très peu de temps et que l'activité était saisonnière, dépendant du niveau d'eau. Il souligne que le salarié n'avait aucune obligation de présence, le seul objectif commun étant que la centrale fonctionne.

Cependant, l'employeur reconnaît qu'outre le relevé des compteurs qui ne nécessitait qu'une présence journalière de quelques minutes et les activités ponctuelles et échelonnées dans le temps en fonction du fonctionnement des turbines, M.X... devait aussi procéder aux opérations d'entretien des passes à poisson en cas de fortes précipitations et qu'il devait intervenir en cas de panne ou d'anomalie quelconque. Selon ses propres explications, l'activité confiée au salarié était " ponctuelle et par nature imprévisible ". Il était avisé sur son téléphone portable ou sur son téléphone fixe en cas de panne ou de coupure. Ce faisant, le salarié se trouvait ainsi dans l'obligation d'assurer une surveillance permanente et se trouvait en conséquence dans l'impossibilité d'exercer une autre activité professionnelle.

M.X... verse aux débats plusieurs attestations de parents ou d'amis rapportant qu'il se rendait tous les jours à la centrale, y compris les dimanches et les jours fériés, qu'il pouvait s'y rendre à n'importe quelle heure en cas d'urgence et qu'il restait chez lui au cas où l'alarme se déclencherait.

S'il est admis que, dans le cas des VRP, les conditions d'exercice de leur activité et l'indépendance dont ils jouissent dans l'organisation de leur travail ne rendent pas nécessaire la mention dans le contrat de travail de la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, la situation de M.X... ne peut nullement être assimilée à celle d'un VRP. Alors que le VRP organise librement sa journée de travail, M.X... se trouvait soumis à une obligation de présence constante, ne pouvant prévoir à quel moment il pourrait être amené à intervenir.

Dans la mesure où le contrat de travail ne comporte aucune répartition de la durée du travail entre jours de la semaine ou les jours du mois et où M.X... devait pouvoir intervenir à tout moment, il apparaît que le salarié se trouvait dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler chaque mois et qu'il était dans l'obligation de se tenir en permanence à la disposition de l'employeur.

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a accueilli la demande de requalification du contrat à temps partiel en contrat à temps plein.

Il sera aussi confirmé en ce qu'il a condamné l'employeur à payer un rappel de salaire pour les mois de mai à octobre 2004, les sommes allouées correspondant à la différence entre le montant des salaires dû dans le cadre d'un contrat à temps plein sur la base du SMIC et le montant des salaires effectivement perçus.L'employeur n'est pas fondé à se prévaloir de la signature par le salarié, lors de la rupture du contrat, d'un reçu pour solde de tout compte, un tel reçu n'ayant, conformément à l'article L 122-17 du code du travail, que la valeur d'un simple reçu des sommes qui y figurent et ne pouvant priver le salarié du droit de former une réclamation ultérieure.

Sur le licenciement

Aux termes de la lettre de licenciement, celui-ci est motivé de la manière suivante : " Vous ne respectez pas les missions qui vous incombent à savoir l'entretien général de la micro centrale ".

Il est versé aux débats l'attestation de M.Y..., l'ancien gardien de la micro centrale qui affirme que M.X..., après un moment, n'a plus satisfait à ses obligations, qu'il passait juste pour effectuer les relevés des compteurs et qu'il ne tenait pas compte de ses remarques.

Ni cette attestation ni aucun des éléments versés aux débats ne fait état d'une quelconque circonstance de fait précise par laquelle se serait manifestée la carence reprochée au salarié et qui permettrait de vérifier le grief avancé.

L'appréciation personnelle de M.Y... ne pouvant apporter la preuve du comportement reproché, le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il est constant, en outre, que la procédure de licenciement n'a pas été respectée en l'absence, notamment, de convocation du salarié à un entretien préalable.

L'article 122-14-5 du code du travail, applicable en l'espèce, dispose que le salarié a droit, en cas de licenciement abusif, à une indemnité calculée en fonction du préjudice subi. Cet article autorise le versement à titre de dommages-intérêts d'une somme pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'une somme pour non-respect de la procédure de licenciement.

Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a indemnisé M.X... du préjudice subi en lui allouant une somme globale, aucune critique n'ayant été formée à l'encontre du jugement par le salarié qui en a demandé la confirmation.

Compte tenu de la durée de la présence du salarié dans l'entreprise, de son salaire et des pièces justificatives produites, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné l'employeur au paiement de la somme de 1310,00 €, cette somme étant de nature à permettre la réparation du préjudice subi.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis

Pour solliciter une somme égale à un an de salaire, M.X... s'appuie sur le contrat de travail qui impose au salarié un délai de prévenance d'un an pour quitter l'entreprise.

Toutefois, ce délai dû au salarié au profit de l'employeur ne saurait, en l'absence de stipulation expresse du contrat de travail, obliger l'employeur un délai de préavis équivalent en cas de licenciement.

Il s'ensuit que M.X... ne peut prétendre qu'à une indemnité compensatrice de préavis égale à un mois de salaire, conformément à l'article L 122-6 du code du travail et que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a condamné l'employeur à lui payer la somme de 601,79 €, compte tenu de la somme déjà perçue.

Sur les congés payés

Il résulte des bulletins de salaire que M.X... n'a pas bénéficié de congés payés et qu'il n'a perçu aucune indemnité à ce titre.

Comme le montant total des salaires perçus pendant la durée d'exécution du contrat de travail s'établit à 7951,62 €, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné l'employeur à lui payer la somme de 795,16 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés.

Sur la demande de documents

Le jugement a condamné l'employeur à remettre au salarié les bulletins de salaire pour juillet, août, septembre 2004 et l'attestation destinée à l'ASSEDIC.

Compte tenu des demandes formées en appel par le salarié et de leur bien fondé, il y a lieu à infirmation sur ce point et l'employeur devra remettre au salarié les bulletins de salaire rectifiés pour les mois de mai à novembre 2004 ainsi que le certificat de travail et l'attestation destinée à l'ASSEDIC rectifiés.

Cette remise devra intervenir dans le délai de quinze jours suivant la notification du présent arrêt, sous peine d'une astreinte de 50,00 euros par jour de retard et pendant 60 jours.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,
Statuant publiquement et contradictoirement :

En la forme,

-Déclare l'appel recevable,

Au fond,

Confirme le jugement sauf en ses dispositions relatives à la remise de documents,

Infirmant sur ce point et statuant à nouveau,

-Dit que la société ALBERT TRAVAUX doit remettre à M. Pascal X... les bulletins de salaire rectifiés pour les mois de mai à novembre 2004 ainsi que le certificat de travail et l'attestation destinée à l'ASSEDIC rectifiés.

-Dit que cette remise devra intervenir dans le délai de quinze jours suivant la notification du présent arrêt, sous peine d'une astreinte de 50,00 euros par jour de retard et pendant 60 jours.

-Dit que la société ALBERT TRAVAUX doit supporter les dépens de première instance et d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de riom
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 06/1057
Date de la décision : 19/06/2007
Type d'affaire : Sociale

Analyses

TRAVAIL REGLEMENTATION - Durée du travail - Travail à temps partiel - Formalités légales - Contrat écrit - Mentions obligatoires - Répartition de la durée du travail - Précision - Défaut - Effets - // JDF

Doit être requalifié en contrat de travail à temps plein le contrat de travail à temps partiel d'un salarié ne comportant aucune répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les jours du mois, le salarié se trouvant dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler chaque mois et dans l'obligation de se tenir en permanence à la disposition de l'employeur


Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Vichy, 03 avril 2006


Composition du Tribunal
Président : M. Gayat-Wecquer

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.riom;arret;2007-06-19;06.1057 ?
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