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17/12/2007 | FRANCE | N°1004

France | France, Cour d'appel de reims, Chambre civile 1, 17 décembre 2007, 1004


ARRET No

du 17 décembre 2007

R.G : 00/930

joint au 95/676

STE S.N.V.B.

c/

SARL X... ET Y...

YM

Formule exécutoire le :

à :COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1o SECTION

ARRET DU 17 DECEMBRE 2007

APPELANTE :

d'un jugement rendu le 14 Février 1995 par le Tribunal de Commerce de REIMS

LA SA S.N.V.B.

4 Place Maginot

54074 NANCY CEDEX

COMPARANT, concluant par la SCP DELVINCOURT - JACQUEMET - CAULIER-RICHARD avoués à la Cour, et ayant pour conseil la SCP FOURNIER BADRE HYONN

E SENS-SALIS SANIAL DENIS, avocats au barreau de REIMS

INTIMEE :

LA SARL X... ET Y...

...

51100 REIMS

COMPARANT, concluant par Me SIX - GUILLAUME avou...

ARRET No

du 17 décembre 2007

R.G : 00/930

joint au 95/676

STE S.N.V.B.

c/

SARL X... ET Y...

YM

Formule exécutoire le :

à :COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1o SECTION

ARRET DU 17 DECEMBRE 2007

APPELANTE :

d'un jugement rendu le 14 Février 1995 par le Tribunal de Commerce de REIMS

LA SA S.N.V.B.

4 Place Maginot

54074 NANCY CEDEX

COMPARANT, concluant par la SCP DELVINCOURT - JACQUEMET - CAULIER-RICHARD avoués à la Cour, et ayant pour conseil la SCP FOURNIER BADRE HYONNE SENS-SALIS SANIAL DENIS, avocats au barreau de REIMS

INTIMEE :

LA SARL X... ET Y...

...

51100 REIMS

COMPARANT, concluant par Me SIX - GUILLAUME avoués à la Cour,

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Monsieur MAUNAND, Président de Chambre

Monsieur MANSION, Conseiller

Madame HUSSENET, Conseiller

GREFFIER :

Madame Maryline THOMAS, Greffier lors des débats et Madame Francine D..., adjoint administratif, faisant fonction de Greffier lors du prononcé,

DEBATS :

A l'audience publique du 19 Novembre 2007, où l'affaire a été mise en délibéré au 17 Décembre 2007,

ARRET :

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 17 Décembre 2007 et signé par Monsieur Yves MAUNAND, Président de Chambre, et Francine D..., adjoint administratif, faisant fonction de Greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

La Sarl Simon et Marx, qui exploite un magasin de prêt-à-porter masculin ... (51), a ouvert le 18 janvier 1993 un compte-courant sous le numéro 40719443 K dans les livres de la Société Nancéienne de Banque Varin-Bernier (ci-après la SNVB).

Cette dernière lui a consenti, le 2 février 1993, un prêt d'un montant de 2.586.250 francs destiné à financer l'acquisition du fonds de commerce et la réalisation de travaux, lequel était remboursable en quatre-vingt-quatre mensualités de 44.079,18 francs à compter du 2 mars 1993.

La Sarl Simon et Marx avait également souscrit une convention "commerçants" de cartes bancaires pour l'exécution de laquelle elle avait acquis auprès de la banque un terminal de paiement électronique.

Enfin, la SNVB avait autorisé tacitement la Sarl Simon et Marx, dont les résultats du premier exercice étaient moins bons que prévus, à fonctionner en ligne débitrice, et ce, jusqu'à la fin du mois d'octobre 1994, date à laquelle la banque a mis fin à cet accord et a rejeté les échéances présentées sur le compte.

A la même époque, la banque a débité du compte-courant de la société une somme de 61.091,24 francs correspondant à des paiements effectués à l'aide de cartes bancaires contrefaites.

Première procédure :

Par acte du 22 novembre 1994, la Sarl Simon et Marx a fait assigner la SNVB devant le Tribunal de commerce de Reims afin de faire constater l'absence d'irrégularité quant à la présentation des cartes bancaires et faire juger abusive la rupture de l'ouverture de crédit tacitement autorisée.

Le Tribunal de commerce de Reims a, par jugement du 14 février 1995 assorti de l'exécution provisoire, condamné la SNVB à payer à la Sarl Simon et Marx la somme de 61.091,24 francs au titre des débits de cartes bancaires et celle de 50.000 francs à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive du crédit.

La SNVB a relevé appel de ce jugement le 6 mars 1995.

Elle a déposé le 15 mai 1995 une plainte avec constitution de partie civile devant le doyen des juges d'instruction du Tribunal de grande instance de Reims contre personne non dénommée pour contrefaçon de cartes bancaires et usage de cartes bancaires contrefaites.

Par arrêt du 21 mai 1997, la chambre civile - 1ère section de la Cour d'appel de Reims a confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait déclaré recevable l'action de la Sarl Simon et Marx au titre du contrat "carte bleue"

et en ce qu'il avait décidé que la Sarl Simon et Marx justifiait d'une ouverture tacite de crédit et sursis à statuer sur le bien-fondé des demandes jusqu'à l'issue de la plainte pénale.

Deuxième procédure

Au cours de la première instance, alors que la banque rejetait les paiements de la Sarl Simon et Marx et que cette dernière rencontrait des difficultés pour régler les échéances du prêt, les parties sont convenues de la mise en place d'un crédit de trésorerie sous la forme d'une mobilisation de billets à ordre avalisés.

C'est dans ces circonstances, que la Sarl Simon et Marx a souscrit le 1er février 1995 un billet à ordre de 140.000 francs à l'ordre de la Sarl Simon et Marx et à échéance du 27 février 1995, lequel a été avalisé par M. X..., d'une part, et M. et Mme Y..., d'autre part, à hauteur de 70.000 francs chacun.

Ce billet ne devait être honoré qu'à hauteur de 39.048,91 francs et le solde, soit 100.951,09 francs, a été isolé sur un compte d'impayé.

Par lettres datées des 10 février et 23 février 1995, la SNVB a placé la Sarl Simon et Marx en interdiction de carte bancaire et bloqué son terminal de paiement. Elle a ensuite refusé de créditer son compte courant de la somme de 126.460 francs due au titre de l'exécution provisoire du jugement du 14 février 1995.

La Sarl Simon et Marx a fait procéder à une saisie-attribution entre les mains de la SNVB pour exécuter son jugement et la somme due a été créditée en compte Carpa. Sur le fondement du billet à ordre, la SNVB a fait procéder à une saisie conservatoire de cette somme, laquelle a été confirmée par le juge de l'exécution du Tribunal de grande instance de Reims le 29 juin 1995.

Par ailleurs, le remboursement du prêt n'étant plus honoré, la SNVB en a, par lettre du 6 mars 1995, prononcé la déchéance du terme. La Sarl Simon et Marx a, cependant, repris avec retard le paiement des échéances jusqu'à celle du 2 juillet 1996, laquelle a été payée le 5 mai 1997.

Par acte du 3 mai 1995, la Sarl Simon et Marx a fait assigner la SNVB devant le Tribunal de commerce de Reims afin notamment de voir juger fautif le comportement de la banque qui ne pouvait invoquer la clause contractuelle de déchéance du terme, voir dire que le contrat de prêt devait être maintenu et voir condamner la SNVB au paiement de la somme de 100.000 francs à titre de dommages-intérêts.

Le 9 juin 1995, la SNVB a fait assigner la Sarl Simon et Marx devant le Tribunal de commerce de Reims afin d'obtenir paiement de la somme restant due sur le billet à ordre.

Par jugement du 28 décembre 1999, le Tribunal de commerce de Reims a :

- déclaré la SNVB mal fondée en ses demandes ;

- constaté qu'au moment où le billet à ordre a été établi le découvert bancaire de la Sarl Simon et Marx ne s'élevait pas à la somme de 140.000 francs et que le compte a été débité artificiellement des sommes par la banque ;

- dit que la SNVB ne peut se prévaloir de ce billet à ordre dépourvu de toute provision ;

- constaté que la SNVB a agi de façon abusive et injustifiée en bloquant la somme de 123.000 francs résultant de l'exécution des condamnations prononcées par le jugement du 14 février 1995 ;

- condamné la SNVB à payer à la Sarl Simon et Marx la somme de 10.000 francs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

- débouté la SNVB et la Sarl Simon et Marx de toutes leurs autres demandes ;

- condamné la SNVB aux dépens.

La SNVB a relevé appel de ce jugement le 7 avril 2000.

Par arrêt du 17 février 2003, la chambre civile - 1ère section de la Cour d'appel de Reims a :

- ordonné la jonction de l'instance avec celle ayant donné lieu à l'arrêt du 21 mai 1997 ;

- ordonné qu'il soit également sursis à statuer sur les demandes de la SNVB à l'encontre de la Sarl Simon et Marx au titre de la déchéance du terme du prêt consenti le 2 février 1993 et du billet à ordre de trésorerie à échéance du 27 février 1995 jusqu'à l'issue de la procédure pénale en cours.

Le juge d'instruction du Tribunal de grande instance de Reims a rendu le 26 juillet 2004 une ordonnance de non-lieu sur la plainte avec constitution de partie civile qu'avait déposée la SNVB.

Par dernières conclusions notifiées le 19 juin 2007, la SNVB demande à la Cour d'infirmer le jugement du 28 décembre 1999 et de :

- constater que le billet à ordre souscrit le 1er février 1995 a été valablement contracté et avalisé et dire valable le consentement donné par la Sarl Simon et Marx et ses dirigeants ;

- constater que le billet à ordre était assorti d'une provision et qu'il était causé conformément à l'article 116 du code de commerce ;

- constater que la Sarl Simon et Marx ne peut invoquer le principe d'une compensation en l'absence de créance certaine, liquide et exigible sur la banque ;

- constater l'existence d'une convention écrite quant au montant des intérêts et à l'indication du TEG s'appliquant au billet à ordre ;

- condamner par conséquent la Sarl Simon et Marx à lui payer la somme de 15.389,89 euros, sous réserve des opérations en cours, outre les intérêts et agios calculés au TEG de 11,25 % l'an à compter du 28 février 1995 jusqu'à parfait paiement ;

- ordonner la conversion en saisie-attribution de la saisie conservatoire validée par jugement définitif du juge de l'exécution du Tribunal de grande instance de Reims du 29 juin 1995 ;

- constater que le compte-courant de la Sarl Simon et Marx était débiteur faute par ses dirigeants d'avoir respecté leurs engagements et constater l'exigibilité du prêt ;

- condamner par conséquent la Sarl Simon et Marx au paiement de la somme de 282.188,60 euros, outre intérêts au taux contractuel de 10,85 % et autres pénalités contractuelles ;

- prononcer la capitalisation des intérêts dus par année entière ;

- en toute hypothèse, dire qu'elle n'a commis aucune faute en déposant sur le compte Carpa le montant des condamnations prononcées par jugement du 14 février 1995 et que la Sarl Simon et Marx ne démontre pas le lien de causalité entre la faute invoquée et le préjudice allégué par elle ;

- condamner la Sarl Simon et Marx à lui payer la somme de 15.244,90 euros pour résistance abusive et mauvaise foi ;

- la condamner également au paiement de la somme de 4.573,47 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel ;

- débouter la Sarl Simon et Marx de toutes ses prétentions plus amples ou contraires et la condamner aux entiers dépens.

Par dernières conclusions notifiées le 5 avril 2007, la Sarl Simon et Marx demande à la Cour de dire mal fondé l'appel relevé par la SNVB contre le jugement du 28 décembre 1999, de constater qu'elle ne formule plus aucune critique contre le jugement du 14 février 1995 et de :

- constater qu'elle n'a commis aucune faute justifiant le prononcé de la déchéance du terme et que la situation du compte-courant permettait le paiement des échéances de remboursement de l'emprunt du 2 février 1993 si la banque n'avait pas rompu brutalement et unilatéralement l'ouverture de crédit dont l'existence est consacré par l'arrêt rendu le 21 mai 1997 ;

- constater que l'échéance du 2 mars 1995 devait être couverte si la banque n'avait pas rompu son concours et si elle n'avait pas irrégulièrement prélevé partie du billet à ordre obtenu par la violence sur la somme de 126.460 francs due en exécution du jugement du 14 février 1995 ;

- constater que l'échéance impayée a été régularisée dans le délai imparti par la banque et dire que la SNVB ne pouvait prononcer la déchéance du terme et que si cette déchéance n'avait pas été prononcée elle aurait aujourd'hui remboursé l'emprunt ;

- constater la nullité du billet à ordre pour avoir été consenti sous la violence et sans cause ou pour une cause illicite et pour être dépourvu de toute provision, laquelle résultait d'un découvert bancaire artificiellement créé ;

- en conséquence, dire n'y avoir lieu à déchéance du terme de l'emprunt contracté le 2 février 1993 et confirmer le jugement du 28 décembre 1999 en ce qu'il a dit que la SNVB ne pouvait pas se prévaloir du billet à ordre dépourvu de toute provision ;

- ordonner l'annulation du billet à ordre ;

- confirmer le jugement du 28 décembre 1999 en ce qu'il a dit que la SNVB n'était pas créancière de la Sarl Simon et Marx d'une somme de 140.000 francs justifiant la saisie conservatoire qu'elle a pratiquée dès lors qu'elle était redevable des condamnations prononcées par jugement du 14 février 1995 ;

- dire abusif et fautif le comportement de la SNVB et condamner cette dernière à lui payer la somme de 150.000 euros à titre de dommages-intérêts toutes causes de préjudice confondues ;

- condamner la SNVB au paiement de la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel.

SUR CE, LA COUR,

Attendu que la SNVB, qui rappelle qu'elle n'a pas autorisé une ouverture de crédit tacite permanente de 350.000 francs ni multiplié les incidents pour contraindre la Sarl Simon et Marx à signer un billet à ordre de 140.000 francs, fait observer que le compte a présenté des positions débitrices de mi-1993 à mi-1994 et qu'à l'automne 1994, après les apports en compte-courant des associés effectués à la fin de l'année 1993 et au cours du premier semestre 1994, elle a fait part de son accord pour apporter une aide circonstanciée à l'entreprise après la remise d'un plan de trésorerie, lequel a été adressé le 25 novembre 1994 ; qu'elle indique qu'elle a rejeté des traites en novembre et décembre 1994 avant d'avoir reçu le premier billet à ordre à effet au 27 février 1995 et qu'il était prévu qu'après le remplacement du découvert par l'escompte de billets à ordre, le compte devait fonctionner en ligne créditrice ;

Que la SNVB fait valoir que la Sarl Simon et Marx a librement consenti le 29 décembre 1994 la souscription d'un billet à ordre pour un montant de 300.000 francs, mais que le 27 janvier 1995, la gérante l'a informée que le besoin de trésorerie serait finalement de 140.000 francs ; que c'est dans ces conditions qu'a été souscrit, sans contrainte ni violence, le billet à ordre à échéance du 27 février 1995 ; que la banque soutient que ce billet était causé par la demande d'un crédit de trésorerie formulée par la Sarl Simon et Marx pour faire face à l'échéance du prêt du 2 février 1993 et à d'autres paiements ; qu'elle se prévaut du bien-fondé de la demande en paiement du billet à ordre, lequel ne l'a été qu'à hauteur de 39.048,91 francs et, en l'absence de remise à l'escompte d'un nouveau billet à ordre de 110.000 francs, comme prévu au plan de trésorerie prévisionnel, le compte a été débité pour la différence ; qu'elle rappelle qu'aucune somme ne lui a été payée depuis et qu'elle reste créancière d'une somme de 100.951,09 francs depuis le 28 février 1995 ; que c'est dans ces conditions qu'a été pratiquée le 12 mai 1995 une saisie conservatoire sur le compte Carpa, laquelle a été confirmée le 29 juin 1995 par le juge de l'exécution du Tribunal de grande instance de Reims ; qu'elle poursuit en conséquence le paiement du solde impayé du billet à ordre, outre, les intérêts au TEG de 11,25 % l'an depuis le 28 février 1995, c'est-à-dire au taux débiteur du compte-courant fixé contractuellement ;

Que la SNVB conclut en conséquence à la confirmation dans leur quantum des dispositions du jugement du 14 février 1995, à l'infirmation du jugement du 28 décembre 1999, à la conversion de la saisie conservatoire en mesure d'exécution, à l'attribution des sommes saisies par elle, à due concurrence de la créance en principal et intérêts, et à la condamnation de la Sarl Simon et Marx au paiement du surplus ;

Attendu que la SNVB estime, par ailleurs, qu'elle était bien fondée à se prévaloir de la déchéance du terme du prêt du 2 février 1993 compte tenu des circonstances de l'époque alors que l'échéance du 2 mars 1995 d'un montant de 44.967,41 francs n'avait pas été payée faute de provision sur le compte ; qu'elle rappelle que par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 6 mars 1995, elle a prononcé l'exigibilité du prêt et mis en demeure la Sarl Simon et Marx d'avoir à régler sous huit jours la somme de 2.053.609,85 francs, outre intérêts au taux contractuel ; que la Sarl Simon et Marx a poursuivi le paiement pendant un certain temps, régulièrement en 1995, de manière chaotique jusqu'en octobre 1996, puis a cessé ses paiements à l'exception d'un acompte reçu le 5 mai 1997 ;

Qu'enfin, la SNVB estime que le préjudice allégué par l'intimée n'est pas prouvé alors qu'après la rupture avec elle, elle a trouvé une autre banque, la Société Générale, et qu'elle connaît des exercices florissants jusqu'au dernier bilan publié au 31 janvier 2006, le prêt et les intérêts figurant au bilan, tout comme la créance de la banque au titre du billet à ordre ;

Mais attendu que par jugement du 14 février 1995, le Tribunal de commerce de Reims a condamné la SNVB à payer à la Sarl Simon et Marx la somme de 61.460 francs au titre des cartes bancaires indûment débitées sur son compte et la somme de 50.000 francs à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi à la suite de la rupture abusive du crédit qu'elle lui avait consenti de manière durable et régulière pour un montant de l'ordre de 300.000 francs ; que par arrêt du 21 mai 1997, la chambre civile - 1ère section de la Cour d'appel de Reims a confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait déclaré recevable l'action de la Sarl Simon et Marx au titre du contrat "cartes bleues" et en ce qu'il avait dit que la Sarl Simon et Marx justifiait d'une ouverture tacite de crédit et a sursis à statuer sur les prétentions de la Sarl Simon et Marx jusqu'à l'issue de la procédure pénale ouverte sur plainte avec constitution de partie civile de la SNVB ;

Que cette dernière, qui ne querelle plus le jugement du 14 février 1995, dont elle poursuit la confirmation des dispositions dans leur quantum (page 12 de ses conclusions), ne peut donc pas valablement soutenir que les débits opérés au titre des cartes bancaires sur le compte de l'intimée n'auraient pas été effectués indûment ni qu'elle n'aurait pas rompu de manière brutale et abusive l'ouverture tacite de crédit qu'elle avait accordé de manière durable et régulière à la Sarl Simon et Marx ;

Attendu qu'à l'appui de ses prétentions, cette dernière fait valoir que l'établissement du billet à ordre et la déchéance du terme de l'emprunt prononcé par la banque le 6 mars 1995 résultent à la fois de la contre-passation indue en débit du compte du crédit des cartes bancaires et de la rupture brutale du découvert autorisé jusqu'alors ;

Attendu que, le 3 novembre 1994 la SNVB, qui avait rompu l'ouverture de crédit qu'elle consentait précédemment à l'intimée, a refusé de payer les lettres de change arrivées à échéance pour un montant de 151.827 francs, ainsi que l'échéance du prêt pour un montant de 45.011,38 francs ;

Que la Sarl Simon et Marx a saisi à jour fixe le Tribunal de commerce de Reims afin de voir constater le caractère indu du débit des cartes bancaires et le caractère abusif de la rupture de l'autorisation de découvert ;

Que la banque a subordonné l'acceptation des prochaines échéances à la signature de billets à ordre avalisés par les deux associés et le mari de la gérante ; que, le 30 novembre 2004,elle a rejeté les lettres de change arrivées à échéance pour 105.172 francs, tout en écrivant le 1er décembre 1994 à la Sarl Simon et Marx la lettre suivante : "(...) Le paiement de cette échéance aurait été possible si vous aviez répondu favorablement à notre proposition du 14/11/94, à savoir : mise en place d'un crédit de trésorerie sous forme de mobilisation par billets avalisés par Mr et Mme Y... et Mr X... à condition d'être en possession du dernier bilan et de la confirmation de reconduction de la gérance" ;

Que c'est dans ces conditions que la Sarl Simon et Marx signait le 31 janvier 1995 un billet à ordre avalisé à échéance du 27 février 1995 ;

Qu'il s'ensuit que la Sarl Simon et Marx est bien fondée à soutenir, au visa de l'article 1131 du code civil, que le billet à ordre n'avait aucune cause valable, si ce n'est le découvert du compte qui avait été créé par la banque elle-même après qu'elle eut rompu de manière brutale et abusive le crédit qu'elle consentait à sa cliente depuis sa création ;

Attendu qu'il convient, dès lors, de prononcer la nullité du billet à ordre pour avoir été consenti sans cause ; que la SNVB ne peut, par conséquent, prétendre au paiement du solde impayé du billet à ordre ni à la conversion en saisie-attribution de la saisie conservatoire validée par jugement du juge de l'exécution du Tribunal de grande instance de Reims du 29 juin 1995 ;

Attendu, en effet, que c'est de manière abusive que la SNVB, qui avait mis la Sarl Simon et Marx en interdiction de carte bancaire et en interdiction bancaire et qui avait refusé de créditer son compte de la somme de 126.400 francs due en exécution du jugement du 14 février 1995 assorti de l'exécution provisoire, a, sur le fondement du billet à ordre partiellement impayé, fait procéder le 12 mai 1995 à une saisie conservatoire sur le compte Carpa de la somme provenant des condamnations prononcées au profit de la Sarl Simon et Marx par le jugement du 14 février 1995 ;

Attendu, enfin, que la Sarl Simon et Marx est bien fondée à faire valoir qu'aucune déchéance du terme ne pouvait être notifiée le 6 mars 1995 par la SNVB dès lors que la situation débitrice du compte avait été créée par la banque elle-même ; qu'en effet, le paiement partiel du billet à ordre, créé dans les conditions rappelées ci-dessus, et le refus de la banque d'exécuter le jugement du 14 février 1995, dont elle poursuit aujourd'hui la confirmation, ont eu pour conséquence de ne pas permettre le paiement de l'échéance du prêt au 2 mars 1995 ;

Qu'en outre, le 6 mars 1995, la SNVB a adressé un courrier à la Sarl Simon et Marx dans lequel elle écrivait : "Nous avons le regret de vous faire savoir que la position de votre compte ne nous a pas permis de prélever l'échéance de votre prêt au 2 mars 1995. Nous l'isolons sur un compte interne. Nous vous remercions de bien vouloir prendre contact avec votre agence SNVB avant le 14 mars 1995 afin de régulariser votre situation." ; que le même jour, la banque a adressé un autre courrier à la Sarl Simon et Marx pour lui rappeler que l'échéance du prêt du 2 mars 1995 n'avait pas pu être payée faute de provision sur le compte, l'informer qu'elle prononçait l'exigibilité du prêt et la mettre en demeure de régler sous huit jours la somme de 2.053.609,85 francs ; que la Sarl Simon et Marx fait cependant justement observer que, par virement du 8 mars 1995, elle avait régularisé l'échéance de mars dans le délai qui lui avait été imparti ;

Qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que la SNVB ne pouvait pas valablement prononcer le 6 mars 1995 la déchéance du terme de l'emprunt accordé le 2 février 1993 ; que la Sarl Simon et Marx fait justement valoir qu'en raison du prononcé de cette déchéance, la banque lui a appliqué des agios de l'ordre de 50.000 francs par trimestre si bien que les versements qu'elle a effectués après mars 1995 servaient pour partie à payer des agios qu'elle n'aurait pas dû acquitter ; que c'est dans ces conditions que la Sarl Simon et Marx a décidé de cesser de rembourser le prêt ;

Attendu que la SNVB est cependant désormais bien fondée à poursuivre le paiement du solde impayé du prêt qui, remboursable en sept ans, est arrivé à terme en février 2000 ; qu'elle ne peut cependant pas prétendre à la somme qu'elle revendique et qui procède, pour partie, de l'application d'agios qui sont la conséquence de la déchéance du terme ; que, compte tenu de la somme restant due au 6 mars 1995 et des paiements effectués par la Sarl Simon et Marx, la SNVB peut poursuivre à l'encontre de cette dernière le paiement de la somme de 189.729,48 euros, laquelle portera intérêts au taux contractuel de 10,85 %, outre autres pénalités contractuelles, à compter de la mise en demeure du 6 juin 1997 ;

Que rien ne s'oppose à ce que la demande d'anatocisme soit accueillie ;

Attendu qu'il résulte des développements qui précèdent que la SNVB a rompu abusivement l'autorisation de découvert qu'elle avait accordée de manière régulière et durable à la Sarl Simon et Marx depuis la création de l'entreprise, qu'elle lui a fait signer un billet à ordre qui n'avait pour cause que le découvert qu'elle avait créé artificiellement à la suite de la dénonciation de l'accord tacite de crédit, qu'elle a refusé d'exécuter le jugement du 14 février 1995, assorti de l'exécution provisoire, la condamnant à contre-passer le débit indu des cartes de crédit et à payer des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par la rupture abusive du crédit, qu'elle a présenté à l'échéance le billet à ordre signé dans les conditions sus-mentionnées, qu'elle a prononcé indûment le bénéfice du terme de l'emprunt accordé le 2 février 1993 et qu'elle a fait procéder, sur le fondement du billet à ordre partiellement impayé, le 12 mai 1995 à une saisie conservatoire ayant pour effet de priver la Sarl Simon et Marx du bénéfice des condamnations prononcées à son profit par le Tribunal de commerce de Reims ;

Que l'ensemble de ces agissements caractérise un comportement fautif de la banque qui est en rapport de causalité directe avec le préjudice subi par la Sarl Simon et Marx qui a, notamment, été dans l'impossibilité de faire face aux échéances de son prêt et qui doit désormais rembourser une somme comportant une part très importante d'intérêts ;

Qu'au regard des éléments justificatifs produits et des explications fournies, la Sarl Simon et Marx justifie d'un préjudice qui sera réparé par l'allocation de la somme de 150.000 euros à titre de dommages-intérêts ;

Attendu que la SNVB, qui succombe dans ses prétentions, ne peut prétendre à l'allocation des dommages-intérêts pour résistance abusive et de mauvaise foi ;

Que, succombant dans ses prétentions, elle sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel ; qu'elle ne peut donc pas prétendre à l'indemnité qu'elle sollicite au titre de ses frais de procédure non compris dans les dépens ;

Que l'équité commande sa condamnation au paiement de la somme de 5.000 euros à titre d'indemnité de procédure en cause d'appel ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et par arrêt contradictoire ;

Vu les arrêts des 21 mai 1997 et 17 février 2003 ;

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du 14 février 1995 et confirme le jugement du 28 décembre 1999 en ce qu'il a constaté le caractère artificiel du découvert bancaire de la Sarl Simon et Marx en raison de la rupture abusive du crédit et le caractère abusif et injustifié du comportement de la banque par son refus d'exécuter le jugement du 14 février 1995 et en ce qu'il a condamné la SNVB au paiement d'une indemnité de procédure et aux dépens ;

Le réformant pour le surplus et y ajoutant :

Prononce la nullité du billet à ordre souscrit le 1er février 1995 par la Sarl Simon et Marx à échéance du 27 février 1995 ;

Déboute la SNVB de sa demande en paiement de la somme de 15.389,89 euros, outre intérêts, et de sa demande de conversion en saisie-attribution de la saisie conservatoire pratiquée le 12 mai 1995 ;

Dit qu'il n'y avait pas lieu le 6 mars 1995 à déchéance du terme du prêt consenti le 2 février 1993 ;

Condamne la Sarl Simon et Marx à payer à la SNVB la somme de 189.729,48 euros (cent quatre-vingt-neuf mille sept cent vingt-neuf euros et quarante-huit centimes), avec intérêts au taux contractuel de 10,85 %, outre autres pénalités contractuelles, à compter du 6 juin 1997 ;

Dit que les intérêts seront capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du code civil ;

Déboute la SNVB de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive ;

Déclare fautif le comportement de la SNVB à l'égard de la Sarl Simon et Marx et la condamne à payer à cette dernière la somme de 150.000 euros (cent cinquante mille euros) à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice ;

Condamne la SNVB à payer à la Sarl Simon et Marx la somme de 5.000 euros (cinq mille euros) à titre d'indemnité de procédure en cause d'appel ;

Rejette la demande formée par la SNVB au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et la condamne aux entiers dépens de première instance et d'appel et admet, pour ces derniers, la SCP Six Guillaume Six, avoués, au bénéfice de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de reims
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 1004
Date de la décision : 17/12/2007
Type d'affaire : Civile

Références :

ARRET du 13 mars 2012, Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 13 mars 2012, 08-16.848, Inédit

Décision attaquée : Tribunal de commerce de Reims, 14 février 1995


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.reims;arret;2007-12-17;1004 ?
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