IG/SD COUR D'APPEL DE POITIERS Chambre Sociale ARRET DU 17 OCTOBRE 2006 ARRET N AFFAIRE N : 05/01373 AFFAIRE : SA GROUPE ORPEA C/ Stéphanie X... APPELANTE : SA GROUPE ORPEA 06 rue du Gué 17000 LA ROCHELLE Représentée par Me François DRAGEON (avocat au barreau de LA ROCHELLE) Suivant déclaration d'appel du 29 Avril 2005 d'un jugement AU FOND du 14 AVRIL 2005 rendu par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE LA ROCHELLE. INTIMEE : Madame Stéphanie X... ... Comparante en Personne Assistée de Me Claudy VALIN (avocat au barreau de LA ROCHELLE) COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré : Président : Yves DUBOIS, Président Conseiller : Isabelle GRANDBARBE, Conseiller Conseiller :
Jean Yves FROUIN, Conseiller Greffier : Joùlle BONMARTIN, Greffier uniquement présent(e) aux débats, DEBATS :
A l'audience publique du 05 Septembre 2006,
Les conseils des parties ont été entendus en leurs explications, conclusions et plaidoiries.
L'affaire a été mise en délibéré et les parties avisées de la mise à disposition de l'arrêt au greffe le 17 Octobre 2006
Ce jour a été rendu contradictoirement et en dernier ressort, l'arrêt suivant : ARRET :
Mme X... a été engagée le 7 février 2002 par la société Résidence d'Accueil du Monastère, qui exploitait la maison de retraite LA CLAIRE FONTAINE à La Rochelle, en qualité d'auxiliaire de vie ; le 16 septembre 2002, la société a été absorbée par le Groupe ORPEA, qui gère 93 maisons de retraite en France ; le contrat de travail de Mme X... a été repris ; la salariée a été licenciée le 16 avril 2004 pour cause réelle et sérieuse en raison de son comportement à la suite d'un incident survenu le 2 avril précédent.
Par jugement du 14 avril 2005, le Conseil des Prud'hommes de La Rochelle, a dit que le licenciement était abusif, a renvoyé l'affaire
devant le juge départiteur pour la fixation des dommages et intérêts dus en application de l'article L 122-14-4 du Code du travail, a ordonné le remboursement des indemnités de chômage par l'employeur aux organismes concernés et a alloué à Mme X... la somme de 700 ç en application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile. La société ORPEA SA a régulièrement interjeté appel de cette décision.
A l'audience de plaidoirie, ont été examinées 4 autres affaires concernant les licenciements de salariés de la maison de retraite LA CLAIRE FONTAINE intervenus courant février, mars, avril et mai 2004. La société ORPEA et la directrice de la maison de retraite LA CLAIRE FONTAINE, Mme Y..., ont fait citer Mme Z..., une des salariés concernés, devant le tribunal correctionnel de La Rochelle du chef de diffamation publique, exposant qu'à l'occasion d'un mouvement social dans l'entreprise, un reportage a été diffusé sur France 3 le 15 avril 2004, au cours duquel Mme Z... s'est exprimée en rapportant des propos tenus par la directrice de l'établissement, précisant, en réponse à une question du journaliste, qu'il s'agissait de menaces claires du fait de la constitution d'une liste CGT aux élections professionnelles. Mme Z..., qui avait été licenciée le 16 avril 2004, a été relaxée par jugement du tribunal correctionnel de La Rochelle du 31 mars 2005. Ce jugement a été frappé d'appel par la partie civile. Il a été confirmé par arrêt de la cour d'appel de Poitiers du 23 février 2006.
C'est dans ces conditions que les salariés concernés ont formé des demandes nouvelles devant la cour, dans le cadre des procédures prud'homales, de dommages et intérêts pour discrimination syndicale.
La société ORPEA conclut à l'infirmation du jugement entrepris et au rejet de la demande nouvelle formée reconventionnellement par la salariée ; elle entend voir débouter Mme X... de toutes ses demandes; subsidiairement, elle conclut à la diminution des sommes sollicitées ; elle sollicite la somme de 2 000 ç sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; la société ORPEA soutient que le licenciement est justifié et conteste avoir pratiqué à l'égard de la salariée une discrimination syndicale.
Mme X... conclut à la confirmation du jugement entrepris en son principe mais demande à la cour d'évoquer sur le montant des dommages et intérêts et de lui allouer la somme de 46 800 ç pour licenciement abusif ; elle forme une demande nouvelle de dommages et intérêts à hauteur de 20 000 ç pour discrimination syndicale.
Mme X... a demandé que soient écartées des débats 2 nouvelles pièces communiquées par la société ORPEA le 1er septembre 2006, à savoir un jugement du tribunal de grande instance de Bobigny du 11 octobre 2005 et une attestation de Mme A...
A l'audience de plaidoirie du 5 septembre 2006, la cour a dit, sur le siège, n'y avoir lieu d'écarter les pièces incriminées, sauf à justifier en cours de délibéré du caractère définitif du jugement communiqué. En cours de délibéré, le conseil de Mme X... a justifié du fait que le jugement est frappé d'appel.
MOTIFS DE LA DÉCISION:
Vu les conclusions des parties reçues au greffe et développées oralement à l'audience de plaidoirie ;
Il convient d'observer au préalable que la salariée ne soulève pas la nullité du licenciement en raison d'une discrimination syndicale ;
elle demande à la cour de dire que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, de lui allouer des dommages et intérêts en raison de son caractère abusif et de lui allouer des dommages et intérêts supplémentaires pour son caractère discriminatoire.
Sur le licenciement, Mme X... a été convoquée le 3 avril 2004 pour un entretien préalable le 10 avril suivant ; elle a été licenciée le 16 avril 2004 pour faute avec un préavis de 2 mois, dont elle a été dispensée.
La lettre de rupture lui reproche d'avoir le 2 avril 2004, à l'heure de sa prise de poste, à 13H30, fumé une cigarette à l'extérieur au lieu de travailler, d'avoir répondu de façon désinvolte à l'adjointe de direction, qui le lui faisait remarquer, en disant "on y va, on y va" et d'avoir ensuite vociféré dans les couloirs en criant qu'elle en avait "marre de cette boîte", qu'il y avait un effectif réduit et qu'elle voulait "se barrer".
La société ORPEA prétend que la faute de la salariée est avérée et qu'elle a fait preuve d'un comportement inadmissible.
La salariée conteste les faits invoqués par l'employeur.
Par des motifs pertinents que la cour adopte, le premier juge a dit que le grief n'était pas fondé. La cour observe plus particulièrement que l'employeur ne produit qu'une attestation émanant de l'adjointe de la direction concernée et que Mme X... produit les attestations contraires de 2 salariées.
Il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Compte tenu de l'âge et de l'ancienneté de la salariée, il convient de lui allouer la somme de 8 000 ç à titre de dommages et intérêts.
Sur la demande de dommages et intérêts supplémentaires pour discrimination syndicale, il convient de rappeler qu'aux termes de
l'article L 122-45 du Code du travail, aucun salarié ne peut être licencié en raison de "ses activités syndicales". L'alinéa 4 dispose:
" en cas de litige... le salarié concerné ...présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination."
En l'espèce, le contexte du licenciement est celui de la formation par des salariés de la maison de retraite LA CLAIRE FONTAINE d'une section syndicale de la CGT en vue de préparer les élections des délégués du personnel.
La salariée produit des éléments permettant de penser que les licenciements intervenus en avril et mai 2004 répondaient à des motifs discriminatoires.
En effet, il résulte d'une attestation de Mme PAULE, secrétaire de l'Union Départementale Santé CGT 17 qu'elle a reçu courant février et mars 2004 à plusieurs reprises pour préparer les élections professionnelles l'ensemble du personnel de la maison de retraite LA CLAIRE FONTAINE, en particulier Mme X..., qui justifie par ailleurs de son adhésion à ce syndicat. Le 31 mars 2004, une réunion a eu lieu au cours de laquelle a été créée une section CGT de la maison de retraite LA CLAIRE FONTAINE. Le bureau était constitué de Mme B... comme secrétaire, Mme X... comme secrétaire adjointe et de Mme Z... comme trésorière. Les 3 salariées ont fait l'objet de procédures de licenciements disciplinaires postérieurement à cette réunion et elles ont été licenciées les 14 et 16 avril suivant. Il en a été de même de Mme C..., qui avait participé aux réunions de préparation des élections.
Dans le cadre de la procédure devant le tribunal correctionnel de La
Rochelle relative aux poursuites en diffamation engagée par la société ORPEA et la directrice de la maison de retraite, Mme Y..., à l'encontre de Mme Z..., qui avait dit dans une interview télévisée qu'elle avait été l'objet de menaces de la part de Mme Y... à la suite de la constitution de la liste CGT aux élections professionnelles, les témoins entendus par le tribunal ont confirmé l'existence de menaces voilées mais suffisamment nettes de la part de Mme Y... et cette dernière a reconnu avoir indiqué fin mars 2004 à Mme B... qu'elle connaissait l'existence d'un petit groupe déjà constitué pour les élections processionnelles. Mme Z... a été relaxée des poursuites engagées contre elle. En ce qui concerne cette procédure pénale, il convient de rappeler que, contrairement à ce que soutient la salariée, le jugement du tribunal correctionnel et l'arrêt de la cour d'appel ne s'imposent pas à la juridiction prud'homale puisqu'il ne s'agit pas de décisions ayant statué sur des faits de discrimination syndicale commis à l'encontre de la salariée, ce qui est l'objet du présent litige, mais d'une procédure de diffamation publique intentée à l'encontre de Mme Z.... Néanmoins, les pièces de la procédure pénale produites aux débats constituent des éléments de preuve, notamment les notes d'audience, qui en l'occurrence étayent la thèse de Mme X....
Pour apporter la preuve contraire, la société ORPEA verse aux débats tardivement une attestation du 5 avril 2005 de Mme TRAJEAN, qui aurait été une représentante CGT au niveau nationale et qui dénigre le syndicat CGT ORPEA de façon tellement outrancière qu'elle ne peut pas être crédible. Compte tenu du fait que le licenciement de la salariée est jugée dépourvue de cause réelle et sérieuse, il y a lieu de constater que la société ORPEA ne justifie pas qu'il est sans lien avec son engagement syndical.
Il y a lieu de faire droit en conséquence à la demande de Mme
GREFFARD et de lui allouer la somme de 2 000 ç à tire de dommages et intérêts.
L'appelante, qui succombe, supportera les dépens d'appel et le paiement à la partie adverse d'une indemnité au titre des frais du procès non compris dans les dépens, tels les frais d'avocat, qui sera déterminée dans le dispositif ci-après.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
- Confirme le jugement entrepris ;
- Condamne la société ORPEA à payer à Mme X... les sommes suivantes: - dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse: 8 000 ç - dommages et intérêts pour discrimination syndicale: 2 000 ç
- Condamne la société ORPEA SA aux dépens et au paiement à Mme X... de la somme de 700 ç en application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.
Ainsi prononcé et signé par Monsieur Yves DUBOIS, Président assisté de Madame Joùlle BONMARTIN, Greffier.
Le Greffier,
Le Président,