IG/SD COUR D'APPEL DE POITIERS Chambre Sociale ARRET DU 17 OCTOBRE 2006 ARRET N AFFAIRES N : 05/01234 et 05/1374 AFFAIRE : Nathalie X... Y... C/ SA GROUPE ORPEA APPELANTE : Madame Nathalie X... Y... ... Comparante en Personne Assistée de Me Claudy VALIN (avocat au barreau de LA ROCHELLE) Suivant déclaration d'appel du 20 Avril 2005 d'un jugement AU FOND du 14 AVRIL 2005 rendu par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE LA ROCHELLE. INTIMEE : Appelante Incidente SA GROUPE ORPEA 06 Rue du Gué 17000 LA ROCHELLE Représentée par Me François DRAGEON (avocat au barreau de LA ROCHELLE) COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré : Président : Yves DUBOIS, Président Conseiller :
Isabelle GRANDBARBE, Conseiller Conseiller : Jean Yves FROUIN, Conseiller Greffier : Joùlle BONMARTIN, Greffier uniquement présent(e) aux débats, DEBATS :
A l'audience publique du 05 Septembre 2006,
Les conseils des parties ont été entendus en leurs explications, conclusions et plaidoiries.
L'affaire a été mise en délibéré et les parties avisées de la mise à disposition de l'arrêt au greffe le 17 Octobre 2006
Ce jour a été rendu contradictoirement et en dernier ressort, l'arrêt suivant : ARRET :
Mme X... a été engagée le 24 juillet 2002 par la société Résidence d'Accueil du Monastère, qui exploitait la maison de retraite LA CLAIRE FONTAINE à La Rochelle, en qualité d'auxiliaire de vie ; le 16 septembre 2002, la société a été absorbée par le Groupe ORPEA, qui gère 93 maisons de retraite en France ; le contrat de travail de Mme X... a été repris ; la salariée a été licenciée le 16 avril 2004 pour faute grave en raison de son comportement à la suite d'un
incident survenu le 31 mars 2002 ayant motivé sa mise à pied immédiate à titre conservatoire.
Par jugement du 14 avril 2005, le Conseil des Prud'hommes de La Rochelle, a dit que le licenciement était abusif, a prononcé l'annulation de la mise à pied et a alloué à Mme X... la somme de 1 162ç au titre du préavis, la somme de 15 000 ç à titre de dommages et intérêts en application de l'article L 122-14-4 du Code du travail et la somme de 700 ç en application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.
Mme X... a régulièrement interjeté appel de cette décision. La société ORPEA SA a formé appel incident.
A l'audience de plaidoirie, ont été examinées 4 autres affaires concernant les licenciements de salariés de la maison de retraite LA CLAIRE FONTAINE intervenus courant février, mars, avril et mai 2004. La société ORPEA et la directrice de la maison de retraite LA CLAIRE FONTAINE, Mme Z..., ont fait citer Mme X... devant le tribunal correctionnel de La Rochelle du chef de diffamation publique, exposant qu'à l'occasion d'un mouvement social dans l'entreprise, un reportage a été diffusé sur France 3 le 15 avril 2004, au cours duquel Mme X... s'est exprimée en rapportant des propos tenus par la directrice de l'établissement, précisant, en réponse à une question du journaliste, qu'il s'agissait de menaces claires du fait de la constitution d'une liste CGT aux élections professionnelles. Mme X..., qui avait été licenciée le 16 avril 2004, a été relaxée par jugement du tribunal correctionnel de La Rochelle du 31 mars 2005. Ce jugement a été frappé d'appel par la partie civile. Il a été confirmé par arrêt de la cour d'appel de Poitiers du 23 février 2006. C'est dans ces conditions que les salariés concernés ont formé des
demandes nouvelles devant la cour, dans le cadre des procédures prud'homales, de dommages et intérêts pour discrimination syndicale. Mme X... conclut à la confirmation du jugement entrepris en son principe mais demande à la cour de l'infirmer sur le montant des dommages et intérêts et de lui allouer la somme de 46 800 ç pour licenciement abusif compte tenu notamment du caractère brutal du licenciement et du caractère calomnieux et outrageant de la lettre de rupture ainsi que des écritures de l'employeur à son égard ; elle forme une demande nouvelle de dommages et intérêts à hauteur de 20 000 ç pour discrimination syndicale.
La société ORPEA conclut à l'infirmation du jugement entrepris et au rejet de la demande nouvelle formée reconventionnellement par la salariée ; elle entend voir débouter Mme X... de toutes ses demandes; subsidiairement, elle conclut à la diminution des sommes sollicitées ; elle sollicite la somme de 2 000 ç sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; la société ORPEA soutient que le licenciement est justifié et conteste avoir pratiqué à l'égard de la salariée une discrimination syndicale.
Mme X... a demandé que soient écartées des débats 2 nouvelles pièces communiquées par la société ORPEA le 1er septembre 2006, à savoir un jugement du tribunal de grande instance de Bobigny du 11 octobre 2005 et une attestation de Mme A...
A l'audience de plaidoirie du 5 septembre 2006, la cour a dit, sur le siège, n'y avoir lieu d'écarter les pièces incriminées, sauf à justifier en cours de délibéré du caractère définitif du jugement communiqué. En cours de délibéré, le conseil de Mme X... a justifié du fait que le jugement est frappé d'appel.
MOTIFS DE LA DÉCISION:
Il est de l'intérêt d'une bonne administration de la justice de juger ensemble les instances inscrites sous les numéros de répertoire général 05/1234 et 05/1374. Il convient donc d'en ordonner la jonction.
Vu les conclusions des parties reçues au greffe et développées oralement à l'audience de plaidoirie ;
Il convient d'observer au préalable que la salariée ne soulève pas la nullité du licenciement en raison d'une discrimination syndicale ; elle demande à la cour de dire que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, de lui allouer des dommages et intérêts en raison de son caractère abusif et de lui allouer des dommages et intérêts supplémentaires pour son caractère discriminatoire.
Sur le licenciement, Mme X... a été convoquée le 31 mars 2004 pour un entretien préalable le 12 avril suivant ; elle a été licenciée le 16 avril 2004 pour faute grave.
La lettre de rupture lui reproche d'avoir le 31 mars 2004, au moment de la distribution des médicaments, donné à une résidente dépendante des médicaments "sans avoir au préalable regardé la fiche de traitement" et d'avoir, lorsque la directrice adjointe lui a demandé si elle se rendait compte de la gravité de son acte, répondu: "si on doit faire ça tous les midi, on n'est pas sortis", alors qu'elle devait, selon la procédure ORPEA de préparation et de gestion des médicaments, vérifier le pilulier afin de s'assurer que tous les comprimés devant être distribués aux résidents sont présents, qu'elle avait en outre à sa disposition le classeur contenant les fiches de traitement et qu'elle devait le consulter afin de procéder correctement à la distribution.
La société ORPEA prétend que la faute de la salariée est avérée et qu'elle a fait preuve d'un comportement inadmissible mettant en cause la sécurité des résidents.
La salariée conteste avoir été chargée de vérifier la conformité des pilules, qui sont placées sans emballage dans le pilulier par les infirmières, au traitement et soutient qu'il s'agit d'un motif fallacieux.
Par des motifs pertinents que la cour adopte, le premier juge, après avoir analysé les circonstances de l'incident de façon précise, a dit que le grief n'était pas fondé eu égard aux responsabilités incombant à la salariée en sa qualité d'auxiliaire de vie. La cour observe plus particulièrement que l'employeur se réfère à une circulaire du 4 juin 1999 de la Direction Générale de la Santé mais que celle-ci distingue bien entre l'aide à la prise de médicaments, qui peut être pratiquée par une auxiliaire de vie, s'analysant comme un acte de la vie courante, et la distribution des médicaments relevant de la compétence des infirmiers. Le contenu du pilulier étant élaboré par l'infirmière, les médicaments n'y figurant plus avec leur emballage, la société ORPEA ne répond pas sur le point de savoir si l'auxiliaire de vie est en mesure de faire autre chose que de vérifier qu'elle donne bien à la personne concernée les médicaments qui lui sont nominativement attribués, à supposer, en outre, dans l'hypothèse où les médicaments puissent être identifiés qu'elle possède les compétences pour se rendre compte qu'elle distribue des médicaments inadaptés.
Il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Compte tenu de l'âge et de l'ancienneté de la salariée ainsi que des circonstances de la rupture, le montant des dommages et intérêts a
été surévalué par le conseil des prud'hommes. Il n'y a pas lieu de tenir compte pour apprécier le préjudice des écritures de l'appelante, qui est libre dans l'expression de sa défense. Il convient au vu des éléments du dossier de ramener leur montant à la somme de 8 000 ç.
Sur la demande de dommages et intérêts supplémentaires pour discrimination syndicale, il convient de rappeler qu'aux termes de l'article L 122-45 du Code du travail, aucun salarié ne peut être licencié en raison de "ses activités syndicales". L'alinéa 4 dispose:
" en cas de litige... le salarié concerné ...présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination."
En l'espèce, le contexte du licenciement est celui de la formation par des salariés de la maison de retraite LA CLAIRE FONTAINE d'une section syndicale de la CGT en vue de préparer les élections des délégués du personnel.
La salariée produit des éléments permettant de penser que les licenciements intervenus en avril et mai 2004 répondaient à des motifs discriminatoires.
En effet, il résulte d'une attestation de Mme B..., secrétaire de l'Union Départementale Santé CGT 17 qu'elle a reçu courant février et mars 2004 à plusieurs reprises pour préparer les élections professionnelles l'ensemble du personnel de la maison de retraite LA CLAIRE FONTAINE, en particulier Mme X..., qui justifie par ailleurs de son adhésion à ce syndicat. Le 31 mars 2004, une réunion a eu lieu au cours de laquelle a été créée une section CGT de la maison de retraite LA CLAIRE FONTAINE. Le bureau était constitué de Mme C... comme secrétaire, Mme D... comme secrétaire adjointe et de Mme X...
comme trésorière. Les 3 salariées ont fait l'objet de procédures de licenciements disciplinaires postérieurement à cette réunion et elles ont été licenciées les 14 et 16 avril suivant. Il en a été de même de Mme E..., qui avait participé aux réunions de préparation des élections.
Dans le cadre de la procédure devant le tribunal correctionnel de La Rochelle relative aux poursuites en diffamation engagée par la société ORPEA et la directrice de la maison de retraite, Mme Z..., à l'encontre de Mme X..., qui avait dit dans une interview télévisée qu'elle avait été l'objet de menaces de la part de Mme Z... à la suite de la constitution de la liste CGT aux élections professionnelles, les témoins entendus par le tribunal ont confirmé l'existence de menaces voilées mais suffisamment nettes de la part de Mme Z... et cette dernière a reconnu avoir indiqué fin mars 2004 à Mme C... qu'elle connaissait l'existence d'un petit groupe déjà constitué pour les élections professionnelles. Mme X... a été relaxée des poursuites engagées contre elle. En ce qui concerne cette procédure pénale, il convient de rappeler que, contrairement à ce que soutient la salariée, le jugement du tribunal correctionnel et l'arrêt de la cour d'appel ne s'imposent pas à la juridiction prud'homale puisqu'il ne s'agit pas de décisions ayant statué sur des faits de discrimination syndicale commis à l'encontre de la salariée, ce qui est l'objet du présent litige, mais d'une procédure de diffamation publique intentée à l'encontre de Mme X.... Néanmoins, les pièces de la procédure pénale produites aux débats constituent des éléments de preuve, notamment les notes d'audience, qui en l'occurrence étayent la thèse de Mme X....
Pour apporter la preuve contraire, la société ORPEA verse aux débats tardivement une attestation du 5 avril 2005 de Mme TRAJEAN, qui aurait été une représentante CGT au niveau nationale et qui dénigre
le syndicat CGT ORPEA de façon tellement outrancière qu'elle ne peut pas être crédible. Compte tenu du fait que le licenciement de la salariée est jugé dépourvu de cause réelle et sérieuse, il y a lieu de constater que la société ORPEA ne justifie pas qu'il est sans lien avec son engagement syndical.
Il y a lieu de faire droit en conséquence à la demande de Mme X... et de lui allouer la somme de 2 000 ç à titre de dommages et intérêts La société ORPEA supportera les dépens d'appel et le paiement à la partie adverse d'une indemnité au titre des frais du procès non compris dans les dépens, tels les frais d'avocat, qui sera déterminée dans le dispositif ci-après.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
- Ordonne la jonction des instances inscrites sous les numéros de répertoire général 05/1234 et 05/1374 ;
- Confirme le jugement entrepris sauf en ce qui concerne le montant des dommages et intérêts ;
- Statuant à nouveau sur le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :
- Condamne la société ORPEA à payer à Mme X... la somme de 8 000 ç ;
- Y ajoutant:
- Condamne la société ORPEA à payer à Mme X... la somme de 2 000 ç à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale;
- Condamne la société ORPEA SA aux dépens d'appel et au paiement à Mme X... de la somme de 700 ç en application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.
Ainsi prononcé et signé par Monsieur Yves DUBOIS, Président assisté de Madame Joùlle BONMARTIN, Greffier.
Le Greffier,
Le Président,