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08/11/2011 | FRANCE | N°10/09568

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 1, 08 novembre 2011, 10/09568


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 1

ARRET DU 8 NOVEMBRE 2011

(no 328, 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/09568

Décision déférée à la Cour :

jugement du 3 mars 2010 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG no 09/04894

APPELANTE:

S.A.R.L. MEWA, poursuites et diligences de ses représentants légaux

Za les Petits Vernats

03000 AVERMES

représentée par la SCP NABOUDET-HATET, avou

és à la Cour

assistée de Maître Xavier DHONTE, avocat au Barreau de Lille

INTIMEE :

SOCIETE FIDAL, représentée par ses représentants léga...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 1

ARRET DU 8 NOVEMBRE 2011

(no 328, 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/09568

Décision déférée à la Cour :

jugement du 3 mars 2010 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG no 09/04894

APPELANTE:

S.A.R.L. MEWA, poursuites et diligences de ses représentants légaux

Za les Petits Vernats

03000 AVERMES

représentée par la SCP NABOUDET-HATET, avoués à la Cour

assistée de Maître Xavier DHONTE, avocat au Barreau de Lille

INTIMEE :

SOCIETE FIDAL, représentée par ses représentants légaux

12 boulevard du Général Leclerc

92220 NEUILLY SUR SEINE

représentée par la SCP GRAPPOTTE BENETREAU et PELIT JUMEL, avoués à la Cour

assistée de Maître François-Genêt KIENER, avocat au Barreau de Paris - toque P544

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 21 septembre 2011, en audience publique, le rapport entendu conformément à l'article 785 du code de procédure civile, devant la Cour composée de :

Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre

Madame Brigitte HORBETTE, Conseiller

Madame Dominique GUEGUEN, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Melle Sabine DAYAN

ARRET :

- contradictoire

- rendu publiquement par Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur François GRANDPIERRE, président et par Madame Noëlle KLEIN, greffier auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

***************

La Sarl Mewa, filiale d'un important groupe allemand, spécialisée en fabrication, location et entretien de vêtements industriels, avec un effectif de 65 salariés, a souhaité dans le courant de l'année 2006 concrétiser pour le 31 décembre 2006, avec effet rétroactif au 1er Mars 2006, un projet de fusion absorption en procédant à l'acquisition d'une entreprise dénommée Euronet, spécialisée dans le même domaine qu'elle et ayant un effectif de 120 salariés.

La fusion rendant nécessaire une restructuration de l'entreprise, impliquant la fermeture de trois sites ainsi que la suppression de 40 emplois, la société Mewa a confié au cabinet Fidal l'élaboration et la mise en forme d'un Plan de sauvegarde de l'emploi ( PSE) : le mandat des membres du comité d'entreprise de la société absorbée Euronet expirait le 4 octobre 2006, date trop proche pour permettre de leur soumettre le projet de fusion par voie d'absorption , sur lequel le 13 octobre 2006, ledit comité donnait un avis favorable.

La société Fidal, par mail du 23 novembre 2006, a suggéré à sa cliente la société Mewa que les mandats des membres du comité d'entreprise Euronet soient prorogés, lui adressant à cette fin un projet d'accord lequel a été régularisé à l'unanimité par les organisations syndicales le 13 décembre 2006 et aux termes duquel les mandats devaient être prorogés " jusqu'à la 1ère réunion des représentants du personnel nouvellement élus postérieurement à la fusion" : ce protocole a donc conduit au maintien du comité d'entreprise ex-Euronet postérieurement à la fusion de la société Euronet, avec la difficulté qu'à compter du 31 décembre 2006, l'absorption de la société Euronet par la société Mewa entraînait la disparition de la première, ainsi c'est le comité d'entreprise de la société Mewa, composé à la fois des membres du comité d'entreprise Euronet et de celui de la société Mewa, qui a été consulté dans le cadre du PSE et réuni le 28 mars 2007 dans le cadre de la procédure d'information et de consultation prévue par les dispositions de l'article L 432-1 du code du travail.

Saisi sur assignation à jour fixe de l'union locale CFE-CGC de Vitry le François représentée par M. Petit demandant l'annulation de la procédure de licenciement pour diverses irrégularités, par jugement du 18 mai 2007, le tribunal de grande instance de Moulins a déclaré nulle la procédure de licenciement économique collective engagée par la société Mewa au motif notamment qu'il avait été procédé à la consultation d'un comité d'entreprise irrégulièrement composé, décision dont, par lettre du 30 mai 2007, la société Fidal déconseillait à la société Mewa de relever appel, et cette dernière a diligenté une nouvelle procédure d'élaboration et de mise en oeuvre du PSE, avec l'assistance d'un autre conseil, procédure au cours de laquelle la société Mewa a considéré s'être trouvée confrontée, pour parvenir à un accord sur le nouveau plan, à une inflation des demandes des représentants du personnel dont elle estime qu'elle lui a causé un préjudice financier, la notification initiale des licenciements prévue pour le 7 mai 2007, n'ayant pu selon elle être opérée qu'entre le 18 septembre 2007 et le 23 janvier 2008.

Reprochant à la société Fidal de lui avoir donné un conseil erroné et d'avoir ensuite, devant le tribunal de grande instance de Moulins, proposé dans des conclusions d'augmenter le montant de l'indemnité complémentaire de licenciement prévue au PSE, ce qui aggravait le coût du plan d'une somme de 225 500 € et a abouti à ce que le tribunal juge que cette proposition, constituant une modification du plan, devait être examinée par les institutions représentatives du personnel et entraînait elle aussi la nullité du plan, la société Mewa a recherché la responsabilité de son avocat devant le tribunal de grande instance de Paris et demandé la condamnation de la société Fidal à lui payer, outre une indemnité procédurale, les sommes de 503 585, 11 € au titre des charges salariales, 883 913 € au titre du surcoût du plan, 40 000 € au titre des frais d'encadrement, 56 187 € au titre des honoraires exposés, demandant subsidiairement la désignation d'un expert pour donner son avis sur le montant des salaires et charges et le surcoût d'indemnisation par elle supportés à raison de l'annulation du plan jusqu'à la mise en oeuvre effective des licenciements.

Par jugement en date du 3 mars 2010, le tribunal a condamné la société Fidal à payer à la société Mewa la somme de 118 000 € à titre de dommages et intérêts, rejeté le surplus de la demande de dommages et intérêts de la société Mewa et condamné la société Fidal aux dépens ainsi qu'à payer la somme de 7000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

CELA ETANT EXPOSE, la COUR :

Vu l'appel interjeté le 28 avril 2010 par la Sarl Mewa,

Vu les conclusions déposées le 13 septembre 2011 par l'appelante qui demande la réformation du jugement en ce qu'il a limité la condamnation de la société Fidal au paiement de la somme de 118 000 €, statuant à nouveau, la condamnation de la société Fidal à lui payer les sommes suivantes :

- 294 009, 78 € au titre des charges salariales,

- 611 035 € au titre du surcoût du Plan,

- 40 000 € au titre des frais d'encadrement,

- 56 187 € au titre des honoraires exposés,

outre la somme de 30 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à payer les entiers dépens,

Vu les conclusions déposées le 5 septembre 2011 par la société Fidal qui, formant appel incident, demande la réformation du jugement, statuant à nouveau, de dire que l'intimée n'a commis aucune faute dans le cadre de la mission confiée par la société Mewa concernant la mise en place de la procédure de licenciement économique collectif de ses salariés des trois sites concernés, à titre subsidiaire, de dire que les montants des préjudices allégués par la société Mewa sont totalement injustifiés et de rejeter toute demande d'indemnisation de ladite société à son encontre, plus généralement de rejeter l'ensemble des demandes de l'appelante, en tout état, de condamner la société Mewa à lui payer la somme de 6000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à payer les entiers dépens.

SUR CE :

Sur les fautes reprochées :

Considérant que le jugement déféré a retenu que la société Fidal a commis seulement certains manquements à son devoir de conseil parmi ceux qui lui sont reprochés par sa cliente, qu'il a estimé en effet que si la responsabilité de cette dernière n'était pas engagée du fait de la prorogation des mandats dès lors qu'il s'avérait qu'il n'existait pas d'autre solution satisfaisante, en revanche la société Fidal avait commis une faute en permettant à sa cliente de soumettre au tribunal de grande instance de Moulins une version du PSE qui n'avait pas été correctement examinée par les institutions représentatives du personnel ;

Considérant que l'appelante, qui maintient que la société Fidal a aussi engagé sa responsabilité à son égard au titre de la prorogation des mandats, fait valoir que cette dernière a commis à ce titre une grave erreur d'appréciation sur les conséquences de la fusion absorption et la gestion des aspects sociaux en lui conseillant une solution provoquant le maintien du comité d'entreprise de la société Euronet postérieurement à la fusion de la société Euronet, alors qu'à compter du 31 décembre 2006, l'absorption de la société Euronet par la société Mewa entraînait la disparition de la première ; que cette irrégularité a vicié la procédure, qu'elle n'a fait pour sa part que suivre les conseils donnés, sans être mise en garde sur les risques, qu'ainsi cette situation a conduit le tribunal de Moulins à décider comme il l'a fait, dès lors que le code du travail ne permet pas la signature d'un tel accord ; qu' elle soutient qu'il existait d'autres solutions, notamment que la société Euronet devienne un établissement distinct, par simple accord entre la direction et les organisations syndicales; qu'ainsi la société Euronet aurait pu disposer de ses propres représentants du personnel, au sein d'un comité d'établissement, que de même une autre solution, proposée par M. Petit, délégué syndical et secrétaire du comité d'entreprise, était également possible, en ce que les membres du comité d'entreprise auraient été présents en invités, sans droit de vote ;

Considérant que la société Fidal, sur la prorogation des mandats des membres du comité d'entreprise d'Euronet qu'elle a effectivement conseillée à sa cliente, soutient que lorsqu'elle est intervenue, le droit positif auquel il convenait de se référer résultait des dispositions de l'article L 2324-26 du code du travail qui prévoit qu'en cas de fusion les mandats des élus subsistent lorsque l'entreprise conserve son autonomie juridique et subsistent également en principe jusqu'à leur terme si l'entreprise transférée " devient un établissement" ou si le transfert "porte sur un ou plusieurs établissements qui conservent ce caractère" ; qu'ainsi elle a rappelé à la société Mewa dans sa lettre du 17 janvier 2007 que les conditions posées par cet article n'étaient pas réunies de sorte que le mandat des membres de la délégation unique du personnel constituant le comité d'entreprise de la société Euronet avait vocation à expirer à la date de la reprise ; que par ailleurs, s'il n'existe aucune disposition spécifique dans le code du travail encadrant les conditions dans lesquelles les salariés d'une société absorbée et qui perd son autonomie sont assurés d'être convenablement représentés au sein du comité d'entreprise, en revanche, la directive de la Communauté Européenne du 12 mars 2001 prévoit en son article 6 que les Etats membres prennent les mesures nécessaires pour assurer que les travailleurs transférés continuent à être convenablement représentés durant la période nécessaire à une nouvelle formation ou désignation de la représentation des travailleurs, conformément à la législation ou pratique nationale ; qu'ainsi il lui a semblé plus prudent que les représentants des salariés de la société Euronet participent au comité d'entreprise devant décider de l'adoption du PSE d'autant qu'ils étaient nombreux à être concernés ; qu'en outre, l'alinéa 3 de l'article L 2324-26 du code du travail prévoit la faculté de prorogation de la durée du mandat des membres élus, par accord entre le nouvel employeur et les organisations syndicales représentatives existant dans l'établissement absorbé ou, à défaut, les membres du comité intéressés ; qu'elle ajoute que l'accord de prorogation a été déposé à la Direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle de l'Allier ( DDTEFP) qui n'a pas soulevé de difficulté, d'autant qu'il était prévu de mettre en place, après la fusion, de nouvelles élections du personnel au sein de la société Mewa ; qu'ainsi la solution qu'elle a préconisée, quand bien même le tribunal de grande instance de Moulins l'a jugée invalide, décision isolée en jurisprudence et qui n'était nullement acquise, n'était pas en elle-même critiquable ; qu'elle a certes examiné la possibilité d'un appel mais a exclu cette hypothèse au regard du délai qui aurait été nécessaire à l'obtention d'une décision, incompatible avec le souhait de sa cliente de procéder dans les meilleurs délais aux fermetures des sites ; qu'elle rappelle encore que le choix de faire siéger au comité d'entreprise de la société Mewa les anciens membres du comité d'entreprise de l'ex-Euronet a été aussi une décision de gestion prise par la société Mewa ne pouvant donc lui être reprochée, cette dernière ayant ainsi voulu éviter une situation de blocage au comité d'entreprise en " noyant le pouvoir de nuisance " de deux membres du comité d'entreprise de Mewa, la situation sociale étant difficile, M. Petit notamment, membre titulaire du comité d'entreprise, personnellement touché par le PSE car travaillant sur l'un des sites devant être fermé, étant décidé à tout mettre en oeuvre pour retarder la procédure de licenciement ;

Considérant que les premiers juges ont considéré que si la société Fidal avait certes conseillé à sa cliente une solution incertaine, dès lors qu'elle n'était pas prévue par les textes du code du travail, toutefois elle n'était pas dépourvue de pertinence, visait à assurer une certaine représentation des salariés d'Euronet alors qu' aucune autre solution satisfaisante n'était envisagée ou proposée et en conséquence ne pouvait être reprochée à l'avocat qui en était l'auteur ;

Considérant qu'ils ont rappelé les termes de la motivation figurant dans le jugement du tribunal de grande instance de Moulins sur laquelle s'appuie essentiellement la société Mewa qui considère qu'elle suffit à caractériser le manquement de la société Fidal à son devoir de conseil ; qu'il est notamment indiqué que " la société Euronet a perdu son entité juridique dans le cadre de la fusion absorption et ne constituant pas un établissement distinct à l'issue de celle-ci, l'accord de prorogation conventionnelle des mandats des membres du comité d'entreprise de la société Euronet n'était pas valable et le comité d'entreprise qui s'est réuni le 28 mars 2007 n'était pas valablement constitué " ; que si cette décision et cette analyse font ressortir l'existence pour la société Mewa d'un aléa s'attachant effectivement à la solution proposée par la société Fidal, pour autant elles doivent être replacées dans le contexte, la juridiction se trouvant par ailleurs saisie d'une autre difficulté, majeure, examinée ci-après la conduisant à annuler la procédure d'information - consultation du comité d'entreprise ; qu'à juste titre la société Fidal rappelle l'état du droit positif au jour de son intervention, le code du travail ne contenant aucune disposition spécifique encadrant les conditions dans lesquelles les salariés d'une société absorbée et qui perd son autonomie, sans pouvoir avoir la qualification d'établissement distinct de l'entreprise d'accueil, sont assurés d'être convenablement représentés au sein du comité d'entreprise ;

Considérant que la société Fidal, en cherchant à assurer la continuité de la représentation des travailleurs transférés dans l'attente de la désignation de nouveaux représentants n'a en conséquence pas commis l'erreur d'appréciation qui lui est imputée ; que certes le mandat des membres élus a expiré à la date d'effet de la reprise mais qu'elle s'est appuyée sur la faculté de proroger la durée du mandat des représentants du personnel, prévue par l'alinéa 3 de l'article L 2324-26 du code du travail, une telle prorogation n'étant donc pas en elle-même critiquable ; qu'il y a lieu de noter qu'en cas d'absence de comité d'entreprise, le PSE est alors adressé aux délégués du personnel ; qu'il n'était donc pas fautif de chercher à consulter les deux comités d'entreprise, qu'en effet, le raisonnement suivi était adéquat en ce qu'il n'a pas fait abstraction du principe selon lequel lorsque les deux sociétés ont chacune des comités d'entreprise mais ne demeurent pas autonomes, elles cessent d'être identifiables, les mandats des membres élus des deux comités d'entreprise expirent à la date d'effet de l'opération et il faut constituer un nouveau comité d'entreprise c'est à dire prévoir des élections à la date de renouvellement du comité d'entreprise a priori de celui de la société subsistant ; que ce rappel suffit à mettre en évidence l'insuffisance des prétendues autres solutions parfaitement fiables dont fait état la société Mewa ; qu'en particulier la société Fidal souligne à raison qu'il n'était pas possible, ce qu'elle avait envisagé, de faire d'Euronet un établissement distinct dès lors qu'il est nécessaire alors de remplir des critères d'autonomie, lesquels n'existaient pas ; que des contraintes inévitables, le temps non négligeable qui aurait été en pratique nécessaire pour des élections, devaient aussi être prises en compte ce qu'ont rappelé en des termes pertinents que la cour approuve, les premiers juges, soulignant notamment que rien n'assurait, en cas du choix d'une autre solution, l'absence de protestation de la part des salariés ou des anciens élus d'Euronet dans un contexte social dont il a été rappelé qu'il était difficile ; qu'en particulier la société Fidal rappelle avec pertinence que le cas de l'un des membres du comité d'entreprise de Mewa, M. Petit, touché personnellement par le PSE, qui a refusé de déposer son mandat et de permettre de nouvelles élections du personnel suite à la fusion, explique la décision de Mewa d'appliquer à la lettre l'accord de prorogation des mandats ; que par ailleurs la non consultation des deux comités d'entreprise était autant de nature à générer des conflits ; qu'il importe surtout que ce soit sur un PSE complet que le ou les comités d'entreprise puissent formuler des avis en connaissance de cause pour que la procédure suivie soit fiable ;

Considérant en conséquence que la décision déférée sera confirmée en ce qu'elle a retenu que la responsabilité de la société Fidal n'était pas engagée du fait de la prorogation des mandats ;

Considérant que la société Fidal conteste la seconde faute qui lui est reprochée, selon laquelle la Sarl Mewa soutient que la proposition de modification du plan, en en aggravant le coût, a fait naître un doute sur l'équilibre du plan et a amené le tribunal à annuler ledit plan, faisant notamment valoir que l'irrégularité tirée de la composition du comité d'entreprise aurait pu n'avoir pour conséquence que la suspension du plan, notion dont le tribunal de grande instance de Moulins fait d'ailleurs mention ;

Considérant que la Sarl Mewa soutient que cette faute est assurément à l'origine de la décision du tribunal de grande instance de Moulins, que les premiers juges l'ont à juste titre retenue, qu'en particulier le fait d'avoir proposé des modifications par voie de conclusions a inévitablement entraîné l'annulation et de ce fait l'échec du plan, la plaçant dans une situation qui ne lui permettait plus aucune discussion devant fermer au plus vite l'un des sites causant un risque environnemental ; qu'à titre d'exemple, il a été ajouté une indemnité complémentaire de licenciement ( ICL) qui ne fait pas partie, selon le code du travail, des phases obligatoires et légales d'un PSE ;

Considérant que la société Fidal fait valoir que la modification du PSE en cours d'instance devant le tribunal de Moulins est une initiative qui ne lui est pas imputable mais prise uniquement du fait de la société Mewa, position qui n'était pas sans intérêt, ce pour tenter d'obtenir de M. Petit le retrait de la demande en annulation et transiger ; que dans ses conclusions, qui ont été approuvées par la cliente, elle a proposé une indemnité complémentaire de licenciement de 2000 € avec un supplément de 350 € par année d'ancienneté alors qu'était prévue initialement une indemnité de 1500 €, qu'ainsi sa proposition n'a pas aggravé le coût du plan de sauvegarde de l'emploi de 225 000 € mais seulement de 118 000 €, que cette dernière était tout à fait pertinente au demeurant dans la mesure où elle répondait au moyen soulevé par le comité d'entreprise tenant à une insuffisance des mesures du PSE ; qu'elle ajoute qu'en tout état de cause, la suspension de la procédure, quand bien même elle aurait été retenue par le tribunal au lieu de l'annulation, aurait imposé également de reprendre la procédure d'information consultation et que ce n'est pas sa proposition qui a contraint la société à augmenter les indemnités versées dans la version 2 du PSE dès lors que les différences entre les versions sont sans commune mesure, l'augmentation accordée s'élevant à plus de 650 000 € ;

Considérant que par des motifs pertinents que la cour fait siens les premiers juges ont retenu le manquement du cabinet Fidal ; qu'en effet, dès lors que le plan fait l'objet d'une modification, il est indispensable, sous peine d'une irrégularité de la procédure, qu'elle soit examinée par les institutions représentatives du personnel qui doivent pouvoir formuler des avis en toute connaissance de cause ; qu'en la matière, il n'est certes pas impossible, si le PSE d'origine n'est pas notoirement insuffisant, de le compléter et de l'améliorer au cours de la procédure d'information consultation du comité d'entreprise mais pour y parvenir, à condition qu'il ne s'agisse pas au surplus d'un PSE entièrement nouveau, il aurait été alors prudent d'agir en référé pour faire prescrire une nouvelle réunion à la place de la réunion irrégulière et pour suspendre la procédure de notification des licenciements ; que le fait de seulement conclure devant la juridiction du fond sans autre précaution procédurale n'était pas de nature à permettre à ladite juridiction de constater la régularité de la procédure ce qui l'a conduite à prononcer l'annulation du plan ;

Considérant que le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu que le cabinet Fidal avait à ce titre engagé sa responsabilité ;

Considérant qu'il s'en infère que la faute commise, proposition de modification du plan dans les écritures déposées, a entraîné l'annulation au lieu d'une simple suspension ; qu'elle a nécessairement entraîné pour la Sarl Mewa un surcoût du plan, d'une part dans la mesure où elle a été évidemment contrainte de reprendre une nouvelle procédure d'élaboration d'un PSE, réalisée avec l'assistance d'un autre conseil, comportant, pour parvenir à un accord, des propositions d'indemnisation supérieures aux premières propositions et d'autre part du fait que la notification des licenciements a été nécessairement retardée de plusieurs mois ;

Considérant toutefois, s'agissant de l'aggravation du coût du PSE que le préjudice en lien direct de causalité avec la faute ainsi commise, s'analysant en une perte de chance, ne saurait être évalué sans tenir cause des coûts ou des difficultés diverses inhérentes à l'opération elle-même et dont le cabinet Fidal ne peut être comptable ;

Considérant en premier lieu que la Société Mewa était consciente de l'insuffisance des modalités financières du PSE d'origine et avait pris la décision dès le 3 mai 2007 de " revoir certaines mesures du PSE à la hausse" ; que les modifications, figurant dans les conclusions, ont été acceptées par la société Mewa qui les a approuvées ; que l'argumentation développée longuement par cette dernière sur la question des indemnités obligatoires et légales ou non d'un PSE au regard du code du travail, notamment de l'article L 1233-62 dudit code, n'est donc pas de nature à asseoir sa thèse selon laquelle, bien informée, elle n'aurait pas accepté cette stratégie ;

Considérant en conséquence que si les premiers juges ont retenu à juste titre comme constitutive du préjudice de la société Mewa l'augmentation du coût du plan induite par la proposition relative à l'indemnité conventionnelle de licenciement effectuée dans des conditions procédurales irrégulières entraînant l'annulation du PSE version 1, dès lors que cette situation, renforçant à l'évidence la position des représentants du personnel, a nécessairement contraint la société Mewa à une majoration de l'enveloppe du PSE, il y a lieu toutefois de relever que selon la version 2 du PSE, désormais produite aux débats devant la cour, c'est une majoration très importante de l'enveloppe du plan qui en résulte, le surcoût invoqué s'élevant à la somme de 611 035 € ; que le plan initial et le plan définitif n'ont plus rien de commun, sans qu'une telle différence ne puisse être imputable à la faute de l'avocat ; qu'en particulier il est possible de relever que la société Mewa a finalement accordé à ses anciens salariés une indemnité complémentaire de licenciement tout à fait différente dans sa nature ( prenant en considération l'option du salarié pour le bénéfice d'un congé de reclassement plus ou moins long ) de celle décrite dans les conclusions déposées devant le tribunal de grande instance de Moulins ; que d'autres postes du PSE ont été augmentés pour une amélioration totale de plus de 800 000 € ; qu'il n'existe pas de lien direct de causalité entre la faute retenue et de telles augmentations ; que par ailleurs, en l'absence de la proposition figurant à tort dans des conclusions, la procédure aurait été non pas annulée mais suspendue, que la société Mewa ne justifie pas en quoi cette situation aurait eu moins de conséquences préjudiciables pour elle, dès lors qu'elle aurait du reprendre aussi la procédure d'information-consultation ; qu'il demeurait dans tous les cas des risques importants de contestation ; que le préjudice réparable au titre du surcoût du PSE s'analyse en perte de chance, qu'il y a lieu de ramener à la somme de 100 000 € de dommages et intérêts le montant de la condamnation prononcée à l'encontre du cabinet Fidal, le jugement déféré étant en conséquence infirmé uniquement sur le quantum de la condamnation prononcée au titre du surcoût du plan ;

Considérant, sur les autres postes de préjudice invoqués par la société Mewa que celle-ci ne saurait affirmer que tous les licenciements auraient été notifiés aussi rapidement qu'elle le prétend, que d'ailleurs elle y a procédé de manière échelonnée, entre le 18 septembre 2007 et le 23 janvier 2008, que la situation de blocage établie par les circonstances de fait sus-rappelées, pouvait nécessiter des négociations ; que la date du 7 mai 2007 n'était au surplus pas celle du calendrier prévisionnel des premières notifications des licenciements, ne commençant qu'à partir du 23 mai 2007 ; que l'arrêt de l'activité des sites industriels se situe au 2 mai 2008 ; qu'ainsi la demande présentée au titre des charges salariales supplémentaires, que la société Mewa aurait payées du fait du retard pris dans les licenciements, n'est pas justifiée dans son principe ;

Considérant sur la demande présentée au titre des frais d'encadrement que les premiers juges l'ont exactement écartée au motif que la société MEWA aurait eu à exposer ces frais en tout état, l'élaboration d'un plan de sauvegarde de l'emploi impliquant nécessairement la mobilisation du personnel d'encadrement ;

Considérant de même sur la demande au titre des honoraires versés au conseil auquel la société Mewa a décidé de transférer le dossier, indispensables pour reprendre la procédure, que ce coût supplémentaire aurait existé même dans le cas d'une simple suspension et ne peut dans ces conditions être imputé au cabinet Fidal dont la responsabilité seulement partielle a été retenue ;

Considérant que l'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société Mewa dans les termes du dispositif ci-après ; que la société Fidal, dont la faute est retenue, sera déboutée de la demande par elle formée sur ce même fondement et supportera les entiers dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS :

Infirme le jugement déféré uniquement en ce qu'il a condamné la société Fidal à payer à la société Mewa la somme de 118 000 € à titre de dommages et intérêts,

Statuant à nouveau quant à ce :

Condamne la société Fidal à payer à la société Mewa la somme de100 000 € à titre de dommages et intérêts,

Y ajoutant,

Condamne la société Fidal à payer à la société Mewa la somme de 7000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Fidal aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 dudit code.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 10/09568
Date de la décision : 08/11/2011
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

ARRET du 06 février 2013, Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 6 février 2013, 12-14.433, Inédit

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2011-11-08;10.09568 ?
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