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11/10/2011 | FRANCE | N°10/050847

France | France, Cour d'appel de Paris, I7, 11 octobre 2011, 10/050847


COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 5- Chambre 7

ORDONNANCE DU 11 OCTOBRE 2011
(no, pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 05084

Décision déférée : Ordonnance du Juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Paris en date du 15 mars 2010
Nature de la décision : CONTRADICTOIRE
Nous, Line TARDIF, Conseillère à la Cour d'appel de PARIS, déléguée par le Premier Président de ladite Cour pour exercer les attributions résultant de l'article L16B du Livre des procédures fiscales, modifié par l'article 164 de la loi no200

8-776 du 04 août 2008 ;
assistée de Fatia HENNI, greffier lors des débats ;
Après avoir...

COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 5- Chambre 7

ORDONNANCE DU 11 OCTOBRE 2011
(no, pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 05084

Décision déférée : Ordonnance du Juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Paris en date du 15 mars 2010
Nature de la décision : CONTRADICTOIRE
Nous, Line TARDIF, Conseillère à la Cour d'appel de PARIS, déléguée par le Premier Président de ladite Cour pour exercer les attributions résultant de l'article L16B du Livre des procédures fiscales, modifié par l'article 164 de la loi no2008-776 du 04 août 2008 ;
assistée de Fatia HENNI, greffier lors des débats ;
Après avoir appelé à l'audience publique du 21 juin 2011 :
LES APPELANTS :
- Madame Carmen X... ...75011 PARIS

-Monsieur Thierry Y... ...75011 PARIS

-La société ORKENIZE ART SA prise en la personne des ses représentants légaux 171, route de Longwy L-1941 LUXEMBOURG

-La société SARL X... prise en la personne des ses représentants légaux 3, quai de Voltaire 75007 PARIS

représentés par Me Alain TOUCAS, avocat au barreau de Paris, toque : D1155 et Me Marie Christine MOUCHONNET, avocate au barreau de PARIS, toque : C657.

et

L'INTIME

-DIRECTEUR GENERAL DES FINANCES PUBIQUES DIRECTION NATIONALE D'ENQUETES FISCALES 6 bis rue de Courtois 93695 PANTIN

représenté par Me Dominique HEBRARD MINC, avocate au barreau de MONTPELLIER.

* * * * *

Et après avoir entendu publiquement, à notre audience du 21 juin 2011, les avocats des demandeurs au recours et l'avocate du défendeur ;
Les débats ayant été clôturés avec l'indication que l'affaire était mise en délibéré au 11 octobre 2011 pour mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
La minute de la présente ordonnance est signée par la déléguée du premier président et Monsieur Daniel COULON, greffier auquel la minute de la présente ordonnance a été remise.
* * * * *
Avons rendu l'ordonnance ci-après :
La juridiction présidentielle a été saisie le 26 mars 2010 d'un appel contre l'ordonnance rendue le 15 Mars 2010 par le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris, interjeté par :
- la société ORKENIZE SA, représentée par son administrateur délégué à la gestion journalière, la société MCL INTERNATIONAL CORPORATION,
- la société SARL X..., représentée par sa gérante, Mme Carmen X...,
- Madame Carmen X... et
-Monsieur Thierry Y... ;
Cette décision a autorisé des opérations de visite et de saisie dans le cadre des dispositions de l'article L 16 B du Livre des procédures fiscales.
L'appel a été enregistré sous le numéro 10/ 05084.
Les opérations autorisées par l'ordonnance critiquée étaient en fait dirigées à l'encontre de la société ORKENISE ART SA, constituée le 18 décembre 2000, représentée par son administrateur délégué à la gestion journalière la société MCL INTERNATIONAL CORPORATION, dont le siège est sis 171, route de Longwy, L-1941 LUXEMBOURG au Luxembourg, qui a pour activité l'importation, l'exportation, toutes activités de commerce, vente, représentation de tous produits ou marchandises et plus précisément toutes opérations relatives à l'activité d'antiquaire et qui selon la requête :
- " exercerait en France une activité de négoce de mobilier de grande valeur et d'objets d'arts, sans souscrire les déclarations fiscales correspondantes et ainsi ne procéderait pas à la passation régulière de ses écritures comptables,
- et ainsi, est présumée s'être soustraite et/ ou se soustraire à l'établissement et au paiement de l'impôt sur les sociétés (IS) et de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), en se livrant à des achats ou des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le Code général des impôts (articles 54 et 209- I pour l'IS et 286 pour la TVA).
L'ordonnance du juge des libertés et de la détention a autorisé la visites des locaux et dépendances sis :
-3, quai Voltaire, 75007 Paris, susceptibles d'être occupés par la SARL X..., enseigne Galerie Y... et/ ou la SA ORKENISE ART,
- et ..., susceptibles d'être occupés par Madame X... Carmen et/ ou M. Y... Thierry et/ ou la SARL X..., enseigne Galerie Y... et/ ou la SA ORKENISE ART.
Ces opérations se sont déroulées le 16 mars 2010 et ont été relatées par deux procès-verbaux de même date.
Les appelants ont également formé deux recours sur le déroulement des opérations, recours qui ont été enregistrés sous les numéros 10/ 05086 et 10/ 05205.
A l'appui de l'appel, le conseil de ORKENISE ART SA, la SARL X..., Mme X... et M. Y... a déposé en date du 20 juin 2011 des conclusions écrites récapitulatives et complémentaires qu'il a développées à l'audience du 21 juin 2011, et dans lesquelles il expose les points suivants :
-1) concernant la requête de mise en oeuvre de l'article L16 Bdu LPF, d'une part il soutient que celle-ci est irrégulière au motif que la signature manuscrite n'est pas authentifiée par l'agent signataire et d'autre part il invoque l'illicéité de certaines pièces produites, et l'absence de certaines autres pièces que la Direction générale des finances publiques se serait abstenue volontairement de transmettre et en conclut que les pièces produites n'apportent aucun élément probant non plus qu'aucun élément de soupçon quant à une éventuelle fraude fiscale de la " ORKENISE ART SA ".
-2) concernant l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris, il soutient que le juge des libertés et de la détention d'une part n'a pas vérifié de manière concrète le bien fondé de la demande d'autorisation et d'autre part n'a pas suffisamment motivé sa décision en fait et en droit ;
-3) concernant la définition de l'établissement stable dans la convention fiscale franco-luxembourgeoise, il soutient que l'ordonnance doit être annulée au motif que la société " ORKENISE ART SA " dispose bien d'un établissement stable au Luxembourg.
-4) concernant les articles 6 § 1 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, il invoque la violation de ces textes.
Il est donc demandé au Premier président de la Cour d'appel de Paris d'annuler l'ordonnance rendue le 15 mars 2010 par le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris, d'annuler par voie de conséquences les saisies en date du 16 mars 2010 de l'ensemble des pièces, effectuées 3, quai Voltaire, Paris 7ème et ...et de condamner la Direction générale des finances publiques au paiement de la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
La Direction générale des finances publiques s'oppose à ces prétentions et sollicite la confirmation en toutes ses dispositions de l'ordonnance du 15 mars 2010, le débouté des appelants de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions, ainsi que leur condamnation au paiement de la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION :

1) Sur la requête de mise en oeuvre de l'article L 16 B du Livre des procédures fiscales par la DNEF datée du 2 mars 2010 :
A) Sur la régularité de la requête de la DNEF du 2 mars 2010 :
Considérant que les appelants soutiennent tout d'abord que la requête doit être considérée comme irrégulière au motif que la signature manuscrite n'est pas authentifiée par le nom de l'agent signataire ;
Mais considérant qu'il n'est pas contesté que la requête débute par la mention " Nous, soussigné Philippe Z..., Inspecteur des impôts... spécialement habilité... " et que l'ordonnance rappelle que celui-ci a présenté au juge la dite requête et son habilitation ;
Que de telles indications, dont rien n'autorise à mettre en doute l'exactitude, sont suffisantes pour constater qu'il n'y a aucune ambiguïté sur l'identité et la compétence du signataire de la requête ;
Que ce moyen sera donc rejeté ;
Considérant que les appelants soutiennent ensuite que la DNEF s'est volontairement et totalement abstenue de faire état de l'existence juridique et fiscale au Luxembourg de la société " ORKENISE ART SA " et qu'elle a ainsi méconnu l'obligation de loyauté que lui impose l'article L 16 B du LPF ;
Mais considérant, que si la DNEF a soutenu qu'il pouvait être présumé que la société ORKENISE ART SA exerçait effectivement son activité depuis le territoire français, elle n'a en revanche jamais contesté le fait que la société ORKENISE ART SA existait juridiquement au Luxembourg et y déposait ses comptes ;
Que ce moyen sera donc rejeté ;
B) Sur l'examen des pièces produites par la DNEF à l'appui de sa requête de mise en oeuvre de l'article L 16 B du LPF :
Considérant que les appelants soutiennent que : " Au vu de l'examen des pièces produites par la DNEF, rien ne permet en l'espèce, de conclure à une présomption de fraude ou encore à l'existence d'un établissement stable de la société luxembourgeoise " ORKENISE ART SA " en France via la société " X... " ;
Que l'administration a tenté de se constituer des preuves à elle-même,
En outre, force est de constater qu'il y a eu détournement de son droit général de communication par la DNEF, qui a obtenu de manière illégale les factures détaillées d'une ligne d'un téléphone portable ;
Force est de constater que les indices invoqués par la DNEF pouvaient avoir une justification exclusive de toute fraude,
En conclusion, les pièces produites par la DNEF donnent beaucoup de volume au dossier, mais n'apportent strictement aucun élément probant quant à une éventuelle fraude fiscale de la " ORKENISE ART SA ", non plus qu'aucun élément de soupçon et ne justifiaient en aucun cas le recours à la mise en oeuvre de l'article L16B du LPF ",
Mais considérant que :
- tout d'abord, il ne saurait être reproché à la DNEF d'avoir produit un grand nombre de pièces susceptibles d'éclairer le juge des libertés et de la détention sur le bien fondé de sa demande ;
- par ailleurs, concernant l'examen par les appelants des pièces produites par la DNEF qui mettrait en évidence une absence totale de démonstration des présomptions de fraude justifiant une procédure de visite domiciliaire puisqu'il en résulterait notamment la preuve qu'il existe une société " ORKENISE ART SA " de droit luxembourgeois établie au Luxembourg et qui déposé régulièrement ses bilans et ses déclarations, il y a lieu de constater ainsi qu'il a été indiqué plus haut que ce point n'est pas contesté, seules étant en cause les conditions d'exercice effectif de l'activité de la société ;
- enfin, concernant la licéité de deux pièces produites par la DNEF à savoir :
a) l'attestation établie le 19 août 2009 par Olivier A..., inspecteur des impôts et Paul B..., contrôleur principal des impôts, tous deux en poste à la DNEF, relatant les constatations sur place à l'adresse 171, route de Longwy à Luxembourg à qui il est reproché de ne disposer d'aucune compétence légale pour établir des faits en dehors de la France et d'avoir agit isolément en dehors de toute coopération avec les autorités fiscales de l'Etat concerné, il y a lieu de constater que la Cour de cassation dans une affaire semblable où il était invoqué l'origine illicite des attestations des agents des impôts, a rejeté le pourvoi contre une ordonnance qui a retenu " que les deux attestations en cause se bornent à relater de simples constatations, qui n'ont consisté qu'à relever, sur le domaine public, les mentions figurant sur des boîtes aux lettres, et qu'il ne s'est nullement agi d'opérations de contrôle nécessitant la mise en oeuvre de procédures spécifiques autorisant l'administration à accomplir des recherches à l'étranger, " (cass. com 12 octobre 2010 pourvoi no 09-70592) ;
Qu'en l'espèce, les agents des impôts se sont limités à certifier s'être rendus le 19 août 2009 devant l'adresse sise 171, route de Longwy à Luxembourg et avoir constaté ce jour qu'était apposée contre la grille extérieure de l'immeuble, une plaque et qu'étaient installées des sonnettes devant la porte d'entrée faisant état respectivement de mentions ou d'entités qu'ils ont reproduites ;
Que leur attestation ne saurait être considérée comme illicite ;
b) la demande en date du 17 juin 2009 adressée au Directeur SFR par l'administration pour obtenir des renseignements concernant les éléments comptables relatifs à la facturation d'un numéro d'appel, il y a lieu de noter que c'est au visa de l'article L 85 du LPF que l'administration a exercé son droit de communication ;
Que de ce fait, cette pièce ne saurait être entachée d'illicéité ;
Que ces moyens seront donc rejetés ;

2) Sur l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris du 15 mars 2010 :

a) Sur la vérification concrète par le juge des libertés et de la détention du bien fondé de la demande d'autorisation :
Considérant que les appelants reprochent au Juge des libertés et de la détention :- de s'être " contenté de citer sans les analyser l'ensemble des pièces fournies par la DNEF " et s'appuyant sur une ordonnance du premier président de la Cour d'appel de Paris en date du 4 février 2010, évoquent l'absence de contrôle effectif et réel du juge ;- de n'avoir pas vérifié de manière concrète le bien fondé de la demande de la DNEF, alors que le comptable du service des impôts des entreprises, a dans le même temps, demandé a être autorisé à prendre des mesures conservatoires à l'encontre de la société " ORKENISE ART SA " ;- et de n'avoir pas eu le temps matériel de vérifier les pièces ainsi que la matérialité des allégations de l'administration puisque la requête a été déposée le mardi 2 mars 2010 et que l'ordonnance a été signée le lundi 15 mars 2010 ;

Mais considérant :- que l'ordonnance du 4 février 2010 visée est une décision isolée qui a été cassée par un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation en date du 14 décembre 2010 selon lequel : " En se déterminant ainsi, alors que les motifs et le dispositif de l'ordonnance rendue en application de l'article L 16 B du Livre des procédures fiscales sont réputés établis par le juge qui l'a rendue et signée et que le nombre et l'importance des pièces produites ne peuvent à eux seuls laisser présumer que celui-ci s'est trouvé dans l'impossibilité de les examiner et d'en déduire l'existence de présomptions de fraude fiscale, le premier président, qui a statué par des motifs impropres à établir que le juge n'aurait pas rempli son office, a privé sa décision de base légale " (cass. com pourvoi no 10-13601) ;- et que par ailleurs la DNEF n'a pas " volontairement procédé à un détournement de procédure " comme le soutiennent les appelants mais qu'elle a simplement engagé une procédure distincte comme elle était en droit de le faire, en déposant une requête a fin de mesures conservatoires ;

Que le moyen sera donc rejeté ;
b) Sur l'absence invoquée de motivation de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention tant en fait qu'en droit :
Considérant qu'à l'appui de son argumentation, les appelants développent les paragraphes suivants intitulés :
1) sur le supposé manque de moyens humains et matériels de la société " ORKENISE ART SA " pour exercer son activité depuis le Luxembourg, pièces no1-1, 1-4, 1-5, 1-6 et 2,
2) sur les relations régulières que la société " ORKENISE ART SA " apparaît entretenir avec la SARL " X... ",
3) sur le fait que la société " ORKENISE ART SA " utilise les moyens matériels de la SARL " X... " et de sa gérante Carmen X... pour réaliser son commerce d'objets d'art en France...,
4) sur les " supposées " présomptions selon lesquelles la société de droit luxembourgeois " ORKENISE ART SA " exercerait en France une activité de négoce de mobilier de grande valeur et d'objets d'arts, sans souscrire les déclarations correspondantes et ainsi ne procéderait pas à la passation régulière de ses écritures comptables,
5) sur la " supposée " direction de fait de la société " ORKENISE ART SA " par Mme Carmen X... ;
Qu'ils concluent que le juge des libertés et de la détention ne disposait pas des éléments suffisants pour présumer la fraude et qu'en conséquence, l'ordonnance doit être annulée ainsi que les saisies de l'ensemble des pièces effectuées 3, quai Voltaire Paris 7ème et ...le 16 mars 2010 ;
Mais considérant qu'aux termes de l'article L 16 B du LPF, les opérations de visite domiciliaire peuvent être autorisées lorsque le juge, saisi par l'administration fiscale, estime qu'il existe des présomptions qu'un contribuable se soustrait à l'établissement ou au paiement de l'impôt sur le revenu ou sur les bénéfices ou de la taxe sur la valeur ajoutée en se livrant à des achats ou à des ventes sans factures, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer ces écritures sciemment inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est exigée par le code général des impôts ;
Que le juge doit donc rechercher, au moyen des seuls éléments fournis par l'administration l'appui de sa requête s'il existe des présomptions d'agissements visés par la loi et justifiant la recherche de preuve au moyen d'une visite domiciliaire ;
Qu'il n'est pas tenu de constater l'existence de ces agissements frauduleux ;
Que par ailleurs, le Premier président apprécie l'existence de présomptions à la date de l'autorisation de visite sans avoir à tenir compte des résultats de la vérification de comptabilité ultérieure ;
Qu'en l'espèce, il résulte des éléments qui ont été soumis à l'appréciation du juge des libertés et de la détention du TGI de Paris :
- que la société ORKENISE ART SA, société de droit luxembourgeois constituée le 18 décembre 2000 a son siège au Luxembourg, 171 route de Longwy L-1941 et qu'elle a pour activité l'importation, l'exportation, toutes activités de commerce, vente, représentation de tous produits ou marchandises et plus précisément toutes opérations relatives à l'activité d'antiquaire ;
- que les recherches effectuées sur les banques de données internationales font apparaître :
• d'une part qu'à cette adresse, sont domiciliées 13 sociétés mais que le nom de la société ORKENISE ART SA n'y figure pas et que selon le site internet d'annuaire électronique editus. luxweb. com celle-ci ne disposait pas de coordonnées téléphoniques au Luxembourg • et d'autre part qu'il n'a pas été possible d'identifier la société MCL INTERNATIONAL CORPORATION aux Iles vierges britanniques ;

- qu'il pouvait donc être présumé, que cette société ne disposait pas de moyens matériels, ni de moyens humains pour exercer son activité au Luxembourg, sans pour autant discuter le fait que la société ORKENISE ART SA existait juridiquement au Luxembourg ou que son administrateur existait juridiquement aux Iles vierges britanniques, la question étant celle de l'exercice effectif de son activité ;
- que par ailleurs lors d'un contrôle effectué les 5 et 6 juin 2008 par les agents de la Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED), qui portait sur les opérations commerciales que la SARL X..., 3, quai Voltaire à Paris, a effectuées en relation avec l'étranger sur une période non prescrite de 3 ans, certains documents concernaient des mises en dépôt pour la vente par la société ORKENISE ART SA auprès de la GALERIE Y... ;
- que lors de ce contrôle, la gérante de la SARL X..., Mme Carmen X... a déclaré notamment que la société vendait, de manière aléatoire, de 25 à 30 % des objets qui lui étaient confiés par la société ORKENISE ART SA ;
- qu'il apparaissait donc, suite aux déclarations de Mme Carmen X... que la société ORKENISE ART entretenait des relations régulières avec la SARL X... ;
- que la société SARL X... a fait l'objet d'une procédure de droit d'enquête à l'issue de laquelle il a été porté à sa connaissance des manquements aux règles de la facturation constitués par l'absence des mentions obligatoires relatives au régime TVA applicable en l'espèce, TVA acquittée sur la marge, exonération de TVA pour les factures à l'exportation ;
- que la société SARL X... n'a présentée aucune observation relative aux manquements constatés ;
- que par ailleurs, la consultation du fichier informatisé de traitement de la TVA intra communautaire a permis de constater que la SA TAJAN, sise ...a procédé au cours des années 2007 et 2008 à des acquisitions intracommunautaires, auprès de la société ORKENISE ART SA et que cette dernière apparaissait comme un client habituel des ventes organisées par la SA TAJAN puisqu'elle bénéficiait d'un taux de commission de 8 % réservé aux clients privilégiés ;
- que les documents de mises en dépôt pour la vente communiqués par les services douaniers à l'administration fiscale sont à en-tête " ORKENISE ART SA, 39, Avenue Monterey, L-2163 Luxembourg orkenise @ noos. fr et que cette adresse mail est attribuée à Carmen X..., Appart 4, ...et concerne un abonnement TV Internet Téléphonie installé depuis le 17 octobre 2007 ;
- qu'il est en conséquence présumé, que la société ORKENISE ART SA utilisait les moyens matériels de la SARL X... et de sa gérante pour réaliser son commerce d'objet d'arts en France, alors qu'elle n'était pas répertoriée au service des impôts des entreprises de la Direction des résidents à l'étranger et des services généraux ni aux services des impôts des entreprises des 7ème et 11ème arrondissements de Paris ;
Que l'ensemble de ces éléments permettaient de présumer que la société de droit luxembourgeois ORKENISE ART SA exerçait en France une activité de commerce d'antiquités et d'oeuvres d'art sans souscrire les déclarations fiscales correspondantes et ainsi, ne procédait pas à la passation régulière des écritures comptables ;
Que cette présomption, justifiait que soit autorisée la mise en oeuvre d'une procédure de visite domiciliaire dans les locaux de la SARL X... et au domicile de sa gérante ;
3) " Sur la définition de l'établissement stable dans la convention fiscale franco-luxembourgeoise " :
Considérant que les appelants en page 57 de leurs écritures indiquent " que la société " ORKENISE ART SA " dispose bien d'un établissement stable au Luxembourg " ;
Mais considérant que l'intimée n'a jamais soutenu que la société ORKENISE ART SA disposait d'un établissement stable en France, mais seulement qu'il pouvait être présumé que cette société n'avait pas de moyens d'exploitation à l'adresse de son siège social et exerçait effectivement son activité depuis le territoire français, au travers des moyens matériels et humains de la SARL X... ;
Qu'en tout état de cause, la qualification de la notion d'établissement stable ne relève que du juge de l'impôt ;
4) Sur la violation des articles 6 § 1 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme :
Considérant que les appelants soutiennent que l'ordonnance n'est pas conforme aux exigences du procès équitable, telles qu'elles sont définies par l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme et précisées par la jurisprudence RAVON/ FRANCE :
- que les personnes concernées doivent pouvoir obtenir un contrôle juridictionnel effectif de la régularité de la décision autorisant la visite, ce qui n'est pas le cas puisque le juge de première instance n'a exercé, selon eux aucun contrôle réel des éléments qui lui sont soumis par l'administration fiscale, se contentant d'apposer sa signature sur un document pré-rédigé par celle-ci ;
- qu'ils invoquent également la violation de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme aux motifs que " l'administration qui sollicite l'autorisation de visite doit justifier qu'elle ne dispose d'aucun autre moyen d'investigation utile " et que " le contrôle de proportionnalité consiste bien, pour partie, à vérifier si la situation présentée par l'Administration justifie une mesure aussi attentatoire aux libertés individuelles qu'une visite domiciliaire " ;
Mais considérant que contrairement à ce que soutiennent les appelants, la procédure prévue par le nouvel article L 16 B du Livre des procédures fiscales (rédaction de la loi du 4 août 2008) est conforme aux exigences de l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, puisqu'elle garantit l'accès à un débat contradictoire dans le cadre du recours mis en place, la Cour d'appel étant amenée à effectuer un second contrôle des pièces produites par l'administration fiscale à l'appui de sa requête ;
- que cette conformité a été reconnue par la Cour européenne des droits de l'homme dans sa décision SAS ARCALIA c/ FRANCE du 31 août 2010 ;
- que par ailleurs, il est admis que les motifs et le dispositif de l'ordonnance sont réputés avoir été établis par le juge qui l'a rendue et signée, le nombre et l'importance des pièces produites à l'appui de la requête ne pouvant à eux seuls laisser présumer que le juge s'est trouvé dans l'impossibilité de les examiner et d'en déduire l'existence de présomptions de fraude fiscale ;
- qu'en l'espèce, l'ordonnance ayant été rendue le 15 mars 2010, soit 13 jours après la présentation de la requête en date du 2 mars 2010, le contrôle du premier juge a pu matériellement avoir lieu ;
- qu'enfin, concernant le grief de violation de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et de la contestation de la proportionnalité de la mesure autorisée, la chambre commerciale de la Cour de cassation a affirmé d'une part, dans un arrêt du 26 octobre 2010 (pourvoi no09-70509) qu'aucun texte ne subordonne la saisine de l'autorité judiciaire par l'administration fiscale pour l'application des dispositions de l'article L 16 B du LPF au recours préalable à d'autres procédures et d'autre part dans un arrêt du 8 décembre 2009 (pourvoi no08-21017 Bull 2009, IV, no 162) que les dispositions de l'article L 16 B du livre des procédures fiscales (issues de la loi du 4 août 2008) ne contreviennent pas à celles des articles 8 et 6 § 1 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Que ce moyen sera donc également rejeté ;
Considérant qu'il y a donc lieu de confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris le 15 mars 2010 et de débouter les appelants de l'ensemble de leurs demandes ;
Considérant que l'équité commande d'allouer à M. le Directeur général des impôts la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Considérant que les appelants doivent être condamnés aux entiers dépens ;

PAR CES MOTIFS

Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Paris le 15 mars 2010,
Déboute la société ORKENISE ART SA, la SARL X..., Mme Carmen X... et M. Thierry Y... de l'ensemble de leurs demandes,
Les condamne à payer à M. le Directeur général des finances publiques la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Les condamne aux entiers dépens.
LE GREFFIER

Daniel COULONLA DÉLÉGUÉE DU PREMIER PRESIDENT

Line TARDIF


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : I7
Numéro d'arrêt : 10/050847
Date de la décision : 11/10/2011
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Références :

ARRET du 29 janvier 2013, Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 29 janvier 2013, 11-26.682, Inédit

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2011-10-11;10.050847 ?
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