Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
14ème Chambre-Section B
ARRÊT DU 21 NOVEMBRE 2008
(no 739, 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 08 / 09553
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 17 Avril 2008- Tribunal de Grande Instance de PARIS-RG no 07 / 59392
APPELANTE
S. A. R. L. ALPHA AK agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux
7A rue des Glacis
L1628 GRAND DUCHÉ DU LUXEMBOURG
représentée par la SCP KIEFFER-JOLY-BELLICHACH, avoués à la Cour
assistée de Me Alain MORHANGE, avocat au barreau de METZ
INTIMÉS
Maître François I... pris en sa qualité de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la S. A. H... HH...
6 place Viarme
44000 NANTES
Maître Christophe F..., pris en sa qualité d'administrateur ad hoc de la société H... HH...
Le Moulin des Roches
31 boulevard Albert Einstein
Bat E BP 62366
44323 NANTES CEDEX 3
représentés par la SCP BOMMART-FORSTER-FROMANTIN, avoués à la Cour
assistés de Me Joachim B..., avocat au barreau de NANTES, toque : 57 (SELARL RACINE)
Madame Nelly H...
...
44110 CHATEAUBRIANT
Madame Marie-Anne F... veuve H...
...
44110 CHATEAUBRIANT
représentées par la SCP REGNIER-BEQUET-MOISAN, avoués à la Cour
ayant pour avocat Me Béatrix DE D..., laquelle a fait déposer son dossier par l'avoué
*
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 23 octobre 2008, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Henriette SCHOENDOERFFER, président
Madame Martine PROVOST-LOPIN, conseiller
Madame Sophie DARBOIS, conseiller
qui en ont délibéré
sur le rapport de Madame Martine PROVOST-LOPIN
Greffier, lors des débats : Madame Emmanuelle TURGNÉ
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
-prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Henriette SCHOENDOERFFER, président, qui a remis la minute à Madame Emmanuelle TURGNÉ greffier, pour signature.
*
Vu l'appel formé par la S. A. R. L. ALPHA AK de l'ordonnance de référé rendue le 17 avril 2008 par le président du tribunal de grande instance de Paris qui a :
- déclaré recevable et bien fondée la tierce opposition formée par Maître I... agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société H... HH... contre l'ordonnance de référé du 6 juin 2007 ;
- rétracté en conséquence ladite ordonnance en ce qu'elle a constaté l'acquisition de la clause résolutoire, dit que faute pour Nelly H... de libérer les lieux sis... à l'issue du délai d'un mois à compter de la signification de l'ordonnance, il sera procédé à son expulsion et à celle de tous occupants de son chef, avec l'aide, si nécessaire, d'un serrurier et de la force publique et à la séquestration, à ses frais, risques et péril, des meubles laissés dans les lieux ;
- dit n'y avoir lieu à référé sur le surplus des demandes de Maître I... ès-qualités ;
- déclaré irrecevable la demande reconventionnelle de la société ALPHA AK à l'encontre de Maître I... ès-qualités ;
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la société ALPHA AK aux dépens ;
Vu les conclusions du 16 octobre 2008 par lesquelles la S. A. R. L. ALPHA AK demande à la cour, par voie d'infirmation, de :
- déclarer irrecevable la tierce opposition ;
à titre subsidiaire,
- la déclarer mal fondée, en conséquence, débouter Maître I... ès-qualités de toutes ses demandes,
- le condamner à lui payer à titre de provision en application de l'article 849 du code de procédure civile (sic) une somme de 27 107 € avec intérêts aux taux légal à compter de la décision à intervenir et une indemnité de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les dépens ;
Vu les conclusions du 24 septembre 2008 par lesquelles Maître I... et Maître F... agissant respectivement en qualité de liquidateur judiciaire et de mandataire ad hoc de la société H... HH... demandent à la cour, au visa des articles 582 et suivants du code de procédure civile et L 622-20 et L 622-23 du code de commerce, de confirmer l'ordonnance entreprise et de :
- déclarer Maître I... ès-qualités recevable et bien fondé en sa tierce opposition ;
- rétracter l'ordonnance de référé du 6 juin 2007 ;
- condamner la société ALPHA AK, outre aux dépens, au payement de la somme de 5 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu les conclusions en date du 16 octobre 2008 par lesquelles Mme Nelly H... et Mme Marie Anne F... veuve H... demandent à la cour de renvoyer les parties devant le juge du fond, de condamner la société ALPHA AK à leur payer à chacune d'elles une somme de 750 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens ;
LA COUR,
Considérant que selon acte sous seing privé du 31 juillet 2002, l'indivision G... a donné à bail à Mme Nelly H... des locaux situés... pour neuf ans ; que Mme F... épouse H... s'est portée caution solidaire ;
Que la société ALPHA AK est devenue propriétaire de l'immeuble dont dépendent les lieux loués le 31 mars 2007 ; qu'à cette date, les loyers impayés s'élevaient à la somme de
39 068, 90 € ; que cette créance a été cédée par l'indivision G... à la société ALPHA AK ; que le 11 avril 2007, cette cession de créance a été signifiée à la locataire et dénoncée à sa caution ;
Que les 16 et 17 mars 2007, un commandement de payer la somme de 39 068, 90 € a été délivré à Mme Nelly H... ; que, par ordonnance de référé du 6 juin 2007, la clause résolutoire a été déclarée acquise et l'expulsion de Mme Nelly H... ordonnée avec toutes conséquences de droit ;
Qu'arguant de sa qualité de locataire, la société H... HH...- placée en redressement judiciaire par jugement du 22 avril 1998 puis en liquidation judiciaire par jugement du 31 octobre 2007- prise en la personne de son liquidateur Maître I... a saisi le juge des référés en rétractation de l'ordonnance de référé du 6 juin 2007 ;
Que c'est ainsi que l'ordonnance entreprise a été rendue, le premier juge déclarant recevable et bien fondée la tierce opposition de Maître I... ès-qualités à l'ordonnance du 6 juin 2007 ;
Considérant qu'au soutien de son appel, la société ALPHA AK soulève l'irrecevabilité de la tierce opposition en application de l'article 583 du code de procédure civile ; qu'elle fait valoir que si Maître I... ès-qualités a un intérêt à agir, il demeure que la tierce opposition doit être formée par un tiers au jugement attaqué, c'est à dire une personne qui n'était ni partie ni représentée à cette décision ; qu'à cet égard, elle indique que le bail a été consenti à Mme Nelly H... à laquelle il a été délivré trois commandements de payer les 16 mars 2007, 17 mars 2007 et 24 avril 2007 ainsi que l'assignation en référé expulsion et à laquelle il a été signifié l'ordonnance du 6 juin 2007 ; que Mme Nelly H..., dirigeante de la société H... HH... aurait pu contester sa qualité de locataire au profit de la société H... HH... qui à l'époque était encore in bonis ; qu'elle aurait pu faire appel de la dite ordonnance ;
Que la société appelante ajoute qu'il existe une communauté d'intérêts entre Mme Nelly H... et la société H... HH... rendant irrecevable la tierce opposition ; qu'enfin, elle allègue que la tierce opposition ne peut être formée contre une ordonnance de référé mais contre un jugement ;
Que " sur le fond ", l'appelante soutient que Mme Nelly H... est seule titulaire du bail ; que la déclaration de créance qu'ont fait les consorts G... en 1998 ne vaut pas reconnaissance du titre locatif de la société H... HH... ; que l'acte de vente de l'immeuble établit que les locaux sont loués à Mme H... et que l'acte de cession de créance des loyers impayés a été signifié à Mme H... et à sa caution ; qu'en outre, Mme H... n'a jamais cédé son droit au bail à la société H... HH... ; qu'enfin, il n'y a pas eu novation par substitution de locataire ;
Considérant que Maîtres I... et F... ès-qualités répliquent, sur la recevabilité, que la société H... HH..., qui n'a pas été assignée, n'a pas été partie en première instance ; qu'à supposer même que, pour les besoins du raisonnement, la société H... HH... soit considérée comme ayant été représentée par Mme Nelly H... en première instance, il demeure que lors de l'introduction de l'instance, la société était en redressement judiciaire et que ni l'assignation ni l'ordonnance n'ont été dénoncées aux organes de la procédure collective ; qu'ils ajoutent qu'il n'y a pas de communauté d'intérêt entre la société H... HH... qui revendique la qualité de locataire et Mme Nelly H... qui laisse juger qu'elle serait seule titulaire du bail ;
Qu'ils soutiennent " sur le fond " que Mme Nelly H... n'est pas immatriculée au registre du commerce et que, lors de la procédure de redressement judiciaire, les anciens propriétaires ont déclaré leur créance de loyers au passif de la société H... HH... ; qu'ils précisent que le bail autorisait Mme Nelly H... à transférer les effets du bail au profit d'une société dont Mme H... détiendrait au moins 50 % du capital ce qui est le cas, Mme H... détenant à l'origine 450 sur 500 parts puis 261 745 sur 350 000 actions composant le capital social de la SA H... HH... ; qu'ils concluent à la rétractation de l'ordonnance du 6 juin 2007 ;
Considérant que l'article 583 du code de procédure civile dispose qu'est recevable toute personne qui y a intérêt, à la condition qu'elle n'ait été ni partie ni représentée au jugement qu'elle attaque ;
Considérant que la tierce opposition formée contre l'ordonnance de référé du 6 juin 2007 est recevable dans la mesure où cette voie de recours est ouverte contre toute décision de justice et où le liquidateur a intérêt à agir dès lors d'une part qu'il revendique la qualité de locataire de la société H... HH..., d'autre part qu'il n'est pas établi que Mme Nelly H... ait les mêmes intérêts que ceux de la société H... HH..., en cessation de paiement depuis le 16 avril 2007 et enfin qu'assignée personnellement et non comparante, Mme H... n'a pu représenter la société H... HH... ;
Considérant qu'aux termes de la clause 11 du bail en date du 31 juillet 2002, les bailleurs ont autorisé " le locataire à transférer les effets de ce bail au profit d'une société dont Mlle H... détiendra au moins 50 % du capital " ; que toutefois, l'autorisation ne vaut pas transfert ; que par ailleurs, il ne résulte pas des pièces produites aux débats que le transfert ait été effectué et notifié ; qu'en effet, les pièces annexées à l'acte de vente du 30 mars 2007 notamment la dernière quittance de loyer du 27 février 2007 et le décompte du 26 mars 2007 ont toutes été établies au nom de Mme Nelly H... ; qu'en outre, par lettre du 11 avril 2007, le conseil de la société ALPHA AK a avisé personnellement Mlle H... de la vente de l'immeuble dont dépendent les lieux loués au profit de sa cliente et de ce qu'elle devra à l'avenir s'acquitter du règlement des loyers entre les mains de la société ALPHA AK ; que le même jour, la société ALPHA AK a fait signifier à Mme Nelly H... personnellement la cession de créance aux termes de laquelle " le vendeur des murs a cédé à la requérante ses créances correspondant aux loyers impayés au 31 mars 2007 à l'encontre de Mlle Nelly H... pour un montant total de 39 068, 90 € " ;
Que les seules pièces (une lettre du 10 avril 2007 et le seul avis d'échéance du 23 juillet 2007) établis au nom de " H... HH... " (mentionnant l'adresse personnelle de Mme Nelly H...) sans autre précision ne valent pas acceptation d'un transfert de droit au bail à supposer qu'il ait été effectif ;
Qu'enfin, tous les développements relatifs à la déclaration de créance de loyers faite en 1998 au passif de la société H... HH... sont inopérants dès lors qu'ils concernent des éléments antérieurs au bail du 31 juillet 2002 ;
Que dès lors, il y a lieu, infirmant l'ordonnance, de débouter Maître I... agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société H... HH... de sa demande de rétractation de l'ordonnance de référé du 6 juin 2007 ;
Considérant que la société ALPHA AK sollicite le payement d'une somme de 27 107 € avec intérêts aux taux légal à compter de la décision à intervenir, et ce, à titre de provision à valoir sur l'indemnisation du préjudice subi par elle ;
Que cependant, cette demande, qui excède les pouvoirs du juge des référés, mérite un débat de fond ;
Considérant que l'équité commande d'allouer à la société ALPHA AK une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; que les autres demandes formées par les autres parties à ce titre seront rejetées ;
Considérant que Maître I... agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société H... HH... qui succombe en ses prétentions doit supporter les dépens de première instance et d'appel ;
PAR CES MOTIFS,
Confirme l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a déclaré recevable la tierce opposition formée par Maître I... agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société H... HH... contre l'ordonnance de référé du 6 juin 2007 ;
L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau ;
Déboute Maître I... agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société H... HH... de sa demande de rétractation de l'ordonnance de référé du 6 juin 2007 ;
Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de la société ALPHA AK en payement de dommages et intérêts ;
Condamne Maître I... agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société H... HH... à payer à la société ALPHA AK une indemnité de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, rejetant les demandes des autres parties formées à ce titre ;
Condamne Maître I... agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société H... HH... aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du même code.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT