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28/02/2008 | FRANCE | N°5

France | France, Cour d'appel de Paris, Ct0236, 28 février 2008, 5


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

18ème Chambre C

ARRET DU 28 Février 2008

(no5, 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 06/22696

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 Novembre 2006 par le Tribunal de Grande Instance de Paris RG no 06/09423

APPELANTE

S.A. SNECMA SERVICES agissant en la personne de ses représentants légaux

...

75015 PARIS

représentée par la SCP GAULTIER - KISTNER, avoués à la Cour,

assisté de Me Jér

ôme DANIEL, avocat au barreau de PARIS, R138

INTIMÉS

COMITÉ CENTRAL D'ENTREPRISE DE LA SOCIETE SNECMA SERVICES agissant en la personne de ses rep...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

18ème Chambre C

ARRET DU 28 Février 2008

(no5, 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 06/22696

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 Novembre 2006 par le Tribunal de Grande Instance de Paris RG no 06/09423

APPELANTE

S.A. SNECMA SERVICES agissant en la personne de ses représentants légaux

...

75015 PARIS

représentée par la SCP GAULTIER - KISTNER, avoués à la Cour,

assisté de Me Jérôme DANIEL, avocat au barreau de PARIS, R138

INTIMÉS

COMITÉ CENTRAL D'ENTREPRISE DE LA SOCIETE SNECMA SERVICES agissant en la personne de ses représentants légaux

...

78771 MAGNY LES HAMEAUX

S.A.S. CABINET D'EXPERTISE COMPTABLE ET DE COMMISSARIAT AUX COMPTES SOFRAGECO agissant en la personne de ses représentants légaux

...

93100 MONTREUIL SOUS BOIS

représentés par la SCP TAZE-BERNARD et BELFAYOL BROQUET, avoués à la Cour,

assistés de Me Isabelle TARAUD, avocat au barreau de VERSAILLES

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 24 Janvier 2008, en audience publique, devant la Cour composée de : Madame Catherine TAILLANDIER, Présidente

Madame Catherine MÉTADIEU, Conseillère

Madame Catherine BÉZIO, Conseillère

qui en ont délibéré

GREFFIÈRE : Mademoiselle Céline Z..., lors des débats

MINISTÈRE PUBLIC :

L'affaire a été communiquée au ministère public, représenté lors des débats par Monsieur Patrick A..., qui a fait connaître son avis.

ARRET :

- contradictoire

- prononcé publiquement par Madame Catherine TAILLANDIER, Présidente

- signé par Madame Catherine TAILLANDIER, Présidente et par Mademoiselle Céline Z..., Greffière présente lors du prononcé.

LA COUR,

Statuant sur l'appel formé par la société SNECMA SERVICES à l'encontre du jugement en date du 21novembre 2006, par lequel le tribunal de grande instance de PARIS, conformément à la demande du comité central d'entreprise de cette société, a dit que la mission du cabinet d'expertise comptable SOFRAGECO auquel le comité central d'entreprise a fait appel le 27 avril 2004, en exerçant son droit d'alerte, a été étendue au projet de fusion des groupes SNECMA et SAGEM et a ordonné, en outre, à la société SNECMA SERVICES de remettre au cabinet SOFRAGECO les divers documents que le comité souhaitait voir communiquer à ce dernier- la société SNECMA SERVICES étant condamnée, en outre, à verser au comité central d'entreprise et au cabinet SOFRAGECO, la somme respective de 2500 € en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Vu les dernières écritures signifiées le 20 décembre 2007 par la société SNECMA SERVICES qui conclut à l'infirmation du jugement entrepris, en faisant valoir que la mission d'expertise confiée au cabinet SOFRAGGECO, dans le cadre de l'exercice de son droit d'alerte par le comité central d'entreprise, à la suite de l'ouverture du capital de la société SNECMA SA, ne pouvait être étendue à l'opération de fusion entre SNECMA et SAGEM, qu'elle-même n'était pas tenue à la communication des pièces revendiquée par le comité central d'entreprise et qu'enfin, à compter du 19 janvier 2005, le cabinet SOFRAGECO n'est intervenu qu'en qualité d'expert libre sur le fondement des dispositions de l'article L 436-6 8ème alinéa du code du travail -l'appelante réclamant, de plus, la condamnation de chacun des intimés à lui verser la somme respective de 6000 € en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions du comité central d'entreprise de la société SNECMA SERVICES et du cabinet SOFRAGECO en date du 25 octobre 2007, tendant à ce que la Cour confirme les dispositions du jugement entrepris relatives à la définition de la mission du cabinet SOFRAGECO, à la communication des documents requis et aux condamnations prononcées en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et -faisant droit, la demande nouvelle du comité- condamne la société SNECMA SERVICES, à verser au comité central d'entreprise la somme de 15 000 € de dommages et intérêts, au titre de l'entrave apportée à la mise en oeuvre de la procédure du droit d'alerte, outre la somme respective de 3000 € au comité et au cabinet SOFRAGECO, au titre de leurs frais non répétibles exposés en cause d'appel ;

SUR CE, LA COUR

SUR LES FAITS :

Considérant qu'il n'est pas discuté que la loi de privatisation du 19 juillet 1993 a fait figurer la société SNECMA SA au nombre des 21 sociétés "privatisables"; que le 24 février 2004, le Ministre de la Défense et celui de l'Economie et des Finances ont décidé de procéder à l'application des dispositions de cette loi concernant la société SNECMA SA ;

que conformément aux prévisions de la loi du 6 août 1986, 10 % des actions de SNECMA SA mises sur le marché devaient être réservés aux salariés de cette société et de ses filiales ; que le comité central d'entreprise de la société SNECMA SERVICES, -filiale à 100 % de la société SNECMA MOTEURS, elle-même détenue à 100% par SNECMA SA, "holding" du groupe-, était ainsi convoqué en réunion extraordinaire le 7 avril 2004 afin de donner son avis sur ce projet d'actionnariat salarié ;

que cette réunion ne pouvant se tenir, en raison de l'occupation des locaux par les salariés de l'entreprise, le comité se tint à nouveau les 20 et 27 avril suivants, -les élus décidant à l'issue de cette dernière réunion, d'exercer le droit d'alerte du comité et désignant en qualité d'expert, le cabinet SOFRAGECO pour l'assister dans le cadre de cette procédure d'alerte ;

que par lettre du 11 mai 2004, le cabinet SOFRAGECO adressait vainement à la société SNECMA SERVICES une liste des documents à lui produire et réitérait vainement sa demande le 1er juin, lorsque par assignation en référé du 30 juin 2004, le président de la société SNECMA SERVICES introduisait une procédure, devant le président du tribunal de grande instance de VERSAILLES, à l'effet de voir annuler la résolution du comité central d'entreprise ayant déclenché l'exercice du droit d'alerte et désigné le cabinet SOFRAGECO, au motif que le comité central d'entreprise ne justifiait pas que l'ouverture du capital de la société SNECMA SA pouvait affecter de manière préoccupante la situation économique de cette société ;

que le Juge des référés, par décision définitive du 3 août 2004, -après avoir rappelé, de manière encore aujourd'hui non contestée, qu'à la suite du premier ministre, le 7 mai 2004, la direction de SNECMA SA avait admis, le 25 juin suivant, que l'ouverture de son capital était un pas essentiel vers sa privatisation et le désengagement de l'Etat à son égard- a débouté le demandeur de ses prétentions et lui a ordonné de répondre, en sa qualité de président du comité central d'entreprise, aux demandes de communication de pièces et d'informations du cabinet SOFRAGECO, dans le cadre de la mission confiée à celui-ci en vertu de l'exercice par le comité de son droit d'alerte ;

qu'après que la société SNECMA SERVICES eut envoyé à l'expert les éléments requis, sans toutefois les fournir tous, le cabinet SOFRAGECO qui avait déjà établi un "document du travail" en date du 7 octobre 2004, a remis au comité un "rapport d'étape" qui a été débattu par le comité dans sa réunion du 19 janvier 2005; que lors de cette réunion, le comité a décidé que la procédure d'alerte devait se poursuivre en raison du rapprochement entre le groupe SNECMA et le groupe SAGEM, annoncé publiquement par les deux ministres concernés dans un communiqué du 29 octobre 2004 ;

que ce rapprochement s'est concrétisé, le 11 mai 2005, par la fusion effective des sociétés mères de chacun des groupes, à la suite de la cession par l'Etat à la société SAGEM, d'une partie de ses actions au sein de la société SNECMA SA qui faisait perdre à l'Etat son caractère d'actionnaire majoritaire ;

que le cabinet SOFRAGECO rencontrait à nouveau des difficultés pour obtenir, de la société SNECMA SERVICES, la remise de divers documents qu'il lui réclamait dans le cadre de la poursuite de sa mission ; que le comité, lors de ses réunions du 25 avril, puis 18 août 2005, dénonçait l'entrave ainsi commise par la direction de la société et devant la persistance du refus de la société de fournir certaines pièces, le comité central d'entreprise, réuni les 27 et 30 septembre suivants, décidait de saisir, avec le cabinet SOFRAGECO, le juge des référés du tribunal de grande instance de PARIS, puis, -après que celui-ci eut estimé qu'il n'y avait pas lieu à référé-, le tribunal, statuant au fond, afin, de voir juger, notamment, que la procédure d'alerte engagée en avril 2004 s'étendait valablement au projet de fusion des groupes SNECMA et SAGEM et que la société SNECMA SERVICES devait en conséquence remettre au cabinet SOFRAGECO les documents qu'elle se refusait à lui communiquer ;

*

SUR LA PROCÉDURE ET LES PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Considérant que par le jugement entrepris, le tribunal de grande instance de PARIS, faisant droit aux prétentions des demandeurs, a dit que la mission du cabinet d'expertise-comptable de SOFRAGECO, auquel le comité central d'entreprise a fait appel le 27 avril 2004, en exerçant son droit d'alerte, a été étendue au projet de fusion des groupes SNECMA et SAGEM et, en conséquence, a ordonné à la société SNECMA SERVICES de remettre à SOFRAGECO les documents suivants :

-brochure et compte consolidés 2004 pour SNECMA et tableau de décomposition du bilan et du résultat consolidé par société intégrée du groupe SNECMA en 2004, balance consolidée et rapport des commissaires aux comptes

- éléments de prévisions pour les exercices à venir en terme de résultats, de bilan, effectifs et de synergies (au-delà de 2005 et pour 3 ans) relatifs au groupe SAFRAN (né de la fusion des deux groupes)

- rapports et PV des organes dirigeants et procès-verbaux des assemblées générales de SNECMA et SAGEM, concernant la fusion des deux groupes

- pactes d'actionnaires, rapport des commissaires aux comptes à la fusion

- étude du cabinet Roland BERGER chargé d'évaluer les synergies des deux groupes en vue de leur fusion,

- note du 7 octobre 2004 intitulée "Evaluation des gains découlant des synergies entre SAGEM et SNECMA";

Considérant qu'il est également acquis aux débats que postérieurement à ce jugement, -non assorti de l'exécution provisoire- la société SNECMA SERVICES a remis au cabinet SOFRAGECO les documents listés par le tribunal dans sa décision, a intégralement acquitté, sans les contester, les honoraires de ce cabinet qui a déposé un rapport final, débattu le 13 juin 2007 par les élus; que ceux-ci le 25 septembre suivant ont repris à leur compte les conclusions de ce rapport et décidé de poursuivre la procédure d'alerte, en saisissant le conseil d'administration de la société SNECMA SERVICES ;

que, dans sa séance du 12 octobre 2007, le conseil d'administration a estimé que "le projet d'offre de SAGEM a été jugé conforme aux intérêts de SNECMA, de ses actionnaires et de ses salariés, notamment compte tenu de la qualité du projet industriel, de la complémentarité entre les deux groupes et de l'absence de conséquences négatives pour l'emploi des salariés(...) L'analyse des principaux vecteurs économiques, financiers et sociaux de la société SNECMA SERVICES révèle que la situation de l'entreprise n'a pas été affectée négativement par le rapprochement de SNECMA et SAGEM" ;

que cette considération était conforme à l'avis exprimé publiquement le 2 septembre 2007, lors de son départ en retraite, par M. B..., l'ancien président de SNECMA SA, devenu le président du groupe SAFRAN - dénomination du groupe, né de la fusion des groupes SNECMA et SAGEM - l'intéressé ajoutant, néanmoins, de manière critique : "avec les informations que nous avons aujourd'hui, on ne l'aurait pas faite" (la fusion) ;

*

Considérant que, sans avoir introduit la moindre procédure de contestation, comme elle l'avait fait devant le juge des référés de VERSAILLES et sans, aujourd'hui, réclamer la restitution des honoraires du cabinet SOFRAGECO -intégralement payés par elle- la société SNECMA SERVICES soutient présentement que la partie de l'expertise effectuée par SOFRAGECO, postérieurement à la réunion du comité central d'entreprise du 19 février 2005 et jusqu'au dépôt du rapport en juin 2007, a été conduite par le cabinet SOFRAGECO en qualité d'expert libre du comité d'entreprise, et non pas dans le cadre de la procédure d'alerte, initiée le 27 avril 2004, qui, selon elle, se serait achevée lors de la réunion précitée du 19 janvier 2005 ;

que la société SNECMA SERVICES demande en effet à la Cour de juger, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal dans le jugement déféré, que les opérations auxquelles s'est livré le cabinet SOFRAGECO après le 19 janvier 2005, relatives à la fusion des groupes SNECMA et SAGEM, ne relèvent pas de la mission qui avait été confiée à cet expert-comptable dans le strict cadre de la procédure d'alerte ;

qu'à l'inverse, les intimés font valoir que les opérations d'expertise critiquées, s'inscrivent dans le périmètre de la mission confiée dès l'origine au cabinet SOFRAGECO ; qu'en effet, le droit d'alerte a été exercé par le comité central d'entreprise en raison des inquiétudes que généraient pour les salariés de la société SNECMA SERVICES, la nouvelle de l'ouverture du capital de la société mère, la société SNECMA SA, dont l'actionnaire était jusqu'alors, l'Etat, à 97 % ; que la fusion de SNECMA SA avec la société SAGEM et, partant, la fusion consécutive des deux groupes relevaient du processus de privatisation débuté en avril 2004 qui avait justifié les inquiétudes des salariés et le recours à la procédure d'alerte ;

*

SUR LA MOTIVATION :

Considérant que la décision du comité central d'entreprise de recourir à la procédure d'alerte a pris source dans la réunion du comité du 20 avril 2004, date à laquelle avait été renvoyée la précédente réunion, fixée au 7 avril 2004, qui n'avait pu se tenir, compte tenu de l'occupation des locaux par les salariés de la société SNECMA SERVICES et avait pour ordre du jour la consultation du comité central d'entreprise sur le projet d'actionnariat salarié, consécutif à la décision prise par l'Etat, au mois de février précédent, d'ouvrir le capital de la société SNECMA SA, jusqu'alors entreprise quasiment nationalisée, puisque détenue par l'Etat à concurrence de 97 % ;

que l'état d'esprit des salariés, ce même 7 avril, ressortait d'ailleurs des termes d'un document daté du même jour, exposant, en la forme d'un tract, l'avis suivant des élus du comité central d'entreprise SNECMA SERVICES :

"Avec la privatisation que vont devenir nos emplois, nos sites de production (...)

Quel est le projet industriel pour demain, de cette Entreprise nationale, née à la Libération et qui a réussi à dominer le moteur civil pour être aujourd'hui 4ème motoriste mondial ?

Les dirigeants de SNECMA ont choisi le camp de la rupture avec les capitaux public et le statut nationalisé (...)

Quelle sera la politique de l'emploi ?

Une société comme SNECMA reposant sur des fonds publics depuis un demi-siècle (...) appartient à la Nation et à ses 39 000 salariés (...)

Les élus du C.C.E. demandent l'arrêt du processus de privatisation du groupe SNECMA et sont défavorables à l'actionnariat salarié" ;

que lors de la réunion du comité central d'entreprise, le 20 avril 2004, les élus qui, plusieurs jours auparavant, avaient adressé au président de la société SNECMA SERVICES une liste de questions sur les diverses répercussions de l'ouverture du capital de la société, mère de leur société, ont cherché à obtenir plus d'informations à ce propos; qu'ils ont estimé insuffisantes, les réponses fournies en séance, notamment quant au projet industriel qui sous-tendait cette opération, et consistait en réalité, selon eux, "d'abord en une opération à visée typiquement financière", puisqu'aussi bien, le président du comité exposait lui-même qu'il n'existait pas de projet industriel précis et que l'ouverture du capital avait présentement pour intérêt de donner à la société SNECMA SA "une capacité de manoeuvre pour profiter d'opportunités" lorsque celles-ci se présenteraient ;

que les élus s'inquiétaient plus spécialement des conséquences d'une ouverture du capital à des firmes étrangères concurrentes et de la politique de l'emploi prévue, en rappelant que si "l'Etat est obligé de réduire la voilure dans une entreprise industrielle, il met plus de formes que les entreprises privées" ;

que tandis que le président du comité invitait les élus à fournir strictement leur avis sur le projet d'actionnariat salarié, seul inscrit à l'ordre du jour, les élus faisaient valoir qu'ils ne pouvaient que différer cet avis, l'un d'eux s'exprimant en ces termes : "S'il y a actionnariat c'est bien parce qu'il y a privatisation et le fait préoccupant pour les salariés est bien le fait d'ouvrir le capital et d'engager le processus de privatisation. Le comité central d'entreprise attendra la fin du processus avant de donner son avis" ;

que finalement lorsqu'il s'est agi pour lui de voter, le comité a constaté n'être pas en mesure de le faire, son secrétaire résumant ainsi le point de vue de ses collègues :

"certaines réponses sont soit insuffisantes, soit n'ont pas convaincu et n'ont surtout pas ôté les inquiétudes et préoccupations des élus qui sont les préoccupations des salariés ; il est donc proposé de déclencher le droit d'alerte" ;

Considérant que la décision d'enclencher la procédure d'alerte a été prise au comité suivant, le 27 avril 2004 ; que le président du comité a immédiatement exprimé son opposition, en considérant que la question de l'ouverture du capital de SNECMA SA n'était pas de la compétence du comité central d'entreprise de la société SNECMA SERVICES ; que les élus ont voté pour le déclenchement de la procédure d'alerte et la désignation du cabinet SOFRAGECO en ces termes :

"le comité central d'entreprise de SNECMA SERVICES, réuni le 27 avril 2004, avec pour ordre du jour : l'actionnariat salarié, suite au projet d'ouverture du capital de Snecma dans le cadre du processus de privatisation (...)

Le comité central d'entreprise considère que ces faits ont un caractère préoccupant pour l'avenir de l'Entreprise et du personnel.

Ces questions de l'ordre du jour créent l'événement pour déclencher le droit d'alerte.(...)";

Considérant qu'il résulte des énonciations précédentes que le fait à l'origine du déclenchement de la procédure d'alerte était l'instauration d'une ouverture du capital de SNECMA SA, -public depuis plus de 50 ans-, au profit d'actionnaires privés, dans des conditions, de surcroît, totalement indéterminées quant à l'identité des futurs investisseurs et la nature du projet industriel que pouvait supporter cette opération ;

que ce bouleversement capitalistique, allié à l'indécision économique des dirigeants de SNECMA SA ébranlaient, sur ses bases mêmes, le fonctionnement du groupe SNECMA, vieux d'un demi-siècle ; qu'il n'est dès lors pas contestable que l'ouverture du capital de SNECMA SA était bien un fait qui au sens de l'article L 432-5 du code du travail était de nature à affecter de manière préoccupante la situation économique de l'entreprise ;

Et considérant que vainement la société SNECMA SERVICES prétend faire une distinction entre la notion d'ouverture de capital -dont elle ne conteste pas qu'elle pouvait justifier l'application de cet article- et celle de fusion du groupe SNECMA et du groupe SAGEM qui, selon elle, aurait dû échapper au domaine de la mission confiée au cabinet SOFRAGECO ;

qu'en effet, cette fusion qui a été annoncée le 29 octobre 2004 par les ministres concernés -alors que le cabinet SOFRAGECO n'avait donc pas encore déposé son rapport, dit "d'étape", discuté au comité du 19 janvier 2005- faisait partie du processus de privatisation visé par le comité central d'entreprise, dans son vote du 27 avril 2004 précédemment rappelé, comme le fait générateur préoccupant, justifiant le déclenchement de la procédure d'alerte ;

que l'"ouverture du capital" de SNECMA SA, ne consistait d'ailleurs qu'en une décision gouvernementale de principe adoptée dès février 2004, impliquant, par elle-même, nécessairement l'élaboration d'un projet d'actionnariat des salariés du groupe et, à ce titre, la consultation du comité central d'entreprise de la société SNECMA SERVICES prévue le 7 avril 2004 ;

que l'opération de fusion, n'était, elle, que la forme définitive prise par cette décision de principe, immédiatement qualifiée d'ailleurs par le gouvernement, lui-même, -ainsi qu'il a été précédemment rappelé- de "premier pas vers la privatisation"; que, de fait, la forme et les partenaires de celle-ci étant encore indéterminés lorsque le comité central d'entreprise a décidé d'exercer son droit d'alerte, le comité n'a pu, d'évidence, viser expressément cette fusion, alors inexistante, dans sa résolution du 27 avril 2004 et, donc, dans la mission du cabinet SOFRAGECO ;

que néanmoins, procédant d'une cession d'actions à la société SAGEM qui faisait perdre à l'Etat sa qualité d'actionnaire majoritaire au sein de SNECMA SA, la fusion consécutive des sociétés SNECMA SA et SAGEM, faisait bien partie intégrante du "processus de privatisation" engagé par la décision gouvernementale de février 2004; que compte tenu du lien indissociable qui existait ainsi, entre le fait préoccupant, à l'origine de l'exercice de son droit d'alerte par le comité central d'entreprise, et la fusion litigieuse qui est intervenue postérieurement, au cours de l'expertise diligentée dans le cadre de la procédure d'alerte, c'est à bon droit que le comité central d'entreprise a précisé, lors de sa réunion du 19 janvier 2005, que le cabinet SOFRAGECO devait également faire porter ses investigations sur la fusion envisagée entre les sociétés SNECMA SA et SAGEM, puis réalisée le 11 mai 2005 ;

Considérant que le jugement entrepris doit donc être confirmé en ce qu'il a dit que le domaine de la mission confiée par le comité central d'entreprise au cabinet SOFRAGECO dans le cadre de la procédure d'alerte s'étendait au projet de fusion des groupes SNECMA et SAGEM ;

Considérant qu'au demeurant, la Cour observe, avec les intimés, que la société SNECMA SERVICES, si déterminée à contester judiciairement l'exercice, à l'origine, de son droit d'alerte par le comité central d'entreprise, n'explique nullement qu'elle n'ait à aucun moment réitéré sa démarche, alors que le dépassement de sa mission par l'expert, était, selon elle, patent, ni qu'elle ait, sans contestation, accepté de régler la totalité des honoraires du cabinet SOFRAGECO ;

*

Considérant que si la résistance manifestée par la société SNECMA SERVICES à participer initialement à la procédure d'alerte n'apparaît pas critiquable, compte tenu du fait que la société a, elle-même, saisi, sans retard, le juge des référés du tribunal de grande instance de PARIS de sa contestation, le comportement de l'appelante, postérieur à l'ordonnance de ce magistrat rendue le 3 août 2004, traduit, en revanche, une volonté manifeste de la société SNECMA SERVICES de faire obstacle à l'exercice, par le comité central d'entreprise, de son droit d'alerte pourtant consacré par cette décision ;

Considérant qu'en effet, postérieurement à l'ordonnance de référé, la société, à plusieurs reprises, entre le dernier trimestre 2004 et le mois d'août 2005, a refusé de remettre diverses pièces au cabinet SOFRAGECO, en faisant valoir d'abord que les pièces réclamées ne la concernaient pas, puis, qu'elle avait demandé les pièces litigieuses auprès des sociétés du groupe intéressées lesquelles se refusaient à les communiquer ;

que ces divers arguments sont dépourvus de pertinence puisqu'aussi bien, l'expert comptable commis dans le cadre d'une procédure d'alerte dispose des mêmes pouvoirs que ceux du commissaire aux comptes et que le cabinet SOFRAGECO pouvait donc régulièrement se faire communiquer des documents visant d'autres sociétés que la société SNECMA SERVICES, appartenant, comme celle-ci, au nouveau groupe SAFRAN, issu de la fusion des groupes SNECMA SA et SAGEM ; qu'en sa qualité d'interlocuteur de l'expert comptable dans le cadre de la procédure d'alerte et de l'expertise corrélative, la société SNECMA SERVICES se doit de répondre de l'inexécution de l'obligation qui lui incombait, de fournir les éléments et informations requis par l'expert, finalement fournis sur la seule injonction du tribunal de grande instance de PARIS dans son jugement du 24 novembre 2006 ;

que cette volonté de la société SNECMA SERVICES de porter atteinte aux prérogatives du comité central d'entreprise, est d'autant plus patente que, tout en s'abstenant -pendant de nombreux mois, au total- de satisfaire à son obligation, l'appelante, postérieurement à l'ordonnance du 3 août 2004, n'a à aucun moment exprimé le désir de saisir le juge de la contestation larvée qu'elle manifestait par ses retards, ses réticences, et ses carences, opposés aux demandes du cabinet SOFRAGECO ;

Considérant que se trouve dès lors justifiée la demande de dommages et intérêts, formée par le comité central d'entreprise au titre de l'entrave qu'il a ainsi subie dans l'exercice de ses prérogatives ; qu'au regard des énonciations qui précèdent, la Cour dispose des éléments pour allouer, de ce chef, au comité central d'entreprise une indemnité de 10.000 € ;

* Considérant qu'enfin, en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile, il convient d'allouer, tant au comité central d'entreprise qu'au cabinet SOFRAGECO, la somme de 2.000 € au titre des frais de procédure non répétibles qu'ils ont exposés en cause d'appel ;

PAR CES M C...

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

Y AJOUTANT,

CONDAMNE la société SNECMA SERVICES à payer à son comité central d'entreprise la somme de 10.000 € (dix mille euros) à titre de dommages et intérêts ;

CONDAMNE la société SNECMA SERVICES aux dépens d'appel et au paiement au profit de son comité central d'entreprise et de la société cabinet SOFRAGECO, de la somme respective de 2.000 € (deux mille euros) en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile ;

AUTORISE sur sa demande la SCP TAZE BERNARD et BELFAYOL BROQUET, avoués, à recouvrer les dépens conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Ct0236
Numéro d'arrêt : 5
Date de la décision : 28/02/2008

Références :

ARRET du 29 septembre 2009, Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 29 septembre 2009, 08-15.035, Publié au bulletin

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Paris, 21 novembre 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2008-02-28;5 ?
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