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18/11/2013 | FRANCE | N°12/00296

France | France, Cour d'appel de Nouméa, Chambre civile, 18 novembre 2013, 12/00296


COUR D'APPEL DE NOUMÉA 278 Arrêt du 18 Novembre 2013

Chambre Civile

Numéro R. G. : 12/ 296

Décision déférée à la Cour : Jugement rendu le 16 Juillet 2012 par le Tribunal de première instance de NOUMEA

Saisine de la cour : 27 Juillet 2012

PARTIES DEVANT LA COUR

APPELANT
LE MINISTERE PUBLIC-Représenté lors des débats par Mme Fabienne OZOUX, substitut général, qui a fait connaître ses observations.
INTIMÉ
M. X... né le 19 Septembre 1959 à NOUMEA (98800) demeurant ...

représenté par la SELARL DUMONS et ASSOCIES,

avocat au barreau de NOUMEA

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 14 Octobre 2013, en chambre du c...

COUR D'APPEL DE NOUMÉA 278 Arrêt du 18 Novembre 2013

Chambre Civile

Numéro R. G. : 12/ 296

Décision déférée à la Cour : Jugement rendu le 16 Juillet 2012 par le Tribunal de première instance de NOUMEA

Saisine de la cour : 27 Juillet 2012

PARTIES DEVANT LA COUR

APPELANT
LE MINISTERE PUBLIC-Représenté lors des débats par Mme Fabienne OZOUX, substitut général, qui a fait connaître ses observations.
INTIMÉ
M. X... né le 19 Septembre 1959 à NOUMEA (98800) demeurant ...

représenté par la SELARL DUMONS et ASSOCIES, avocat au barreau de NOUMEA

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 14 Octobre 2013, en chambre du conseil, devant la cour composée de :
M. Pierre GAUSSEN, Président de Chambre, président, M. Yves ROLLAND, Président de Chambre, M. Régis LAFARGUE, Conseiller, qui en ont délibéré, sur le rapport de M. Régis LAFARGUE, Conseiller.

Greffier lors des débats : M. Stephan GENTILIN

ARRET :- contradictoire,- prononcé en chambre du conseil, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,- signé par M. Pierre GAUSSEN, président, et par Mme Cécile KNOCKAERT, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE

Il résulte de l'acte de naissance de M. X... qu'il est né le 19 septembre 1959 à Nouméa de :
- M. X... (son père) né en 1917 au village de Bruc Noi, province de Thai-Binh (Vietnam), lequel a expressément reconnu l'enfant mais n'a pas la nationalité française et de-Mme Y...(sa mère), née le 12 mai 1937 à Nouméa, laquelle dispose de la nationalité française, mais n'a pas formellement reconnu l'enfant.

Le 20 juillet 2006, le tribunal de Nouméa a délivré à M. X... un certificat de nationalité française, en application des dispositions de l'article 23 du code de la nationalité française (dans sa rédaction de la loi du 9 janvier 1973), en se fondant sur le fait qu'il était né en France d'une mère qui y était elle-même née, ce que conteste le ministère public, qui considère non établi le lien de filiation entre la mère et l'enfant.
Ainsi, la source du litige tient au fait que le père, de nationalité étrangère, a reconnu l'enfant ; tandis que la mère, de nationalité française, n'a pas formellement reconnu l'enfant.
Par requête du 24 février 2010, le ministère public a saisi le président du tribunal de première instance en contestation de la délivrance de ce certificat de nationalité française, alors qu'en l'absence de mention de la reconnaissance maternelle dans l'acte de naissance de l'enfant et l'absence de toute pièce permettant d'établir que l'intéressé disposerait d'une possession d'état d'enfant naturel à l'égard de Mme Y..., le lien de filiation entre l'enfant et cette femme n'était pas établi, ce dont le tribunal ne pouvait que déduire l'extranéité de M. X....
Le ministère public ajoutait (conclusions du 16 décembre 2010 et du 9 septembre 2011), que le droit d'acquérir une nationalité ne figure pas au titre des droits protégés par la convention européenne des droits de l'homme et que la possession d'état d'enfant naturel ne pourrait être établie que pendant la minorité de l'enfant. Il soutenait donc que le certificat de nationalité française délivré à M. X..., le 20 juillet 2006, avait été délivré à tort.
M. X... soutenait que son acte de naissance est corroboré par la possession d'état et qu'ainsi sa filiation maternelle est établie conformément à l'article 337 ancien du code civil, et que la position défendue par le ministère public contrevenait aux droits fondamentaux reconnus par les articles 8 et 14 de la convention européenne des droits de l'homme.
En conséquence, il demandait au tribunal de constater que sa filiation maternelle était fondée sur une possession d'état dont il rapportait la preuve suffisante et, en conséquence, de dire la filiation maternelle établie par l'ace de naissance corroboré par la possession d'état, et de rejeter le recours du ministère public et, à titre subsidiaire, d'ordonner une enquête aux fins de prouver la possession d'état invoquée par M. X....
C'est dans ces conditions que, par jugement du 16 juillet 2012, le tribunal de première instance de Nouméa a constaté que M. X... était bien né de Mme Y..., elle-même née sur le territoire français, et a débouté le ministère public de son recours dirigé contre le certificat de nationalité française délivré à M. X....
Pour statuer ainsi, le premier juge a considéré que : " si l'article 91 de la loi no2006-911 du 24 juillet 2006 a disposé que les dispositions de l'ordonnance no2005-759 du 4 juillet 2005 relative à la filiation n'avait pas d'effet sur la nationalité des personnes majeures à la date de son entrée en vigueur, ce texte (contrevient) aux dispositions des articles 8 et 14 de la convention européenne des droits de l'homme. En effet la désignation de la mère dans l'acte de naissance est suffisante pour opérer l'établissement de la filiation maternelle. Il se déduit de cette désignation la volonté de la mère d'affirmer et révéler son lien maternel...
La nationalité s'établit à partir des règles de filiation. Elle est donc un droit fondamental qui affecte l'individu dans sa dimension personnelle et familiale.... Opérer une différence entre les personnes majeures en matière de nationalité comme le fait l'article 91 de la loi no2006-91 du 24 juillet 2006, constitue une discrimination au sens de l'article 14 de la convention européenne des droits de l'homme qui, en l'espèce, n'est nullement justifiée. Cette limitation peut se comprendre à propos d'actes anciens de naissance ou dans des territoires où l'état civil n'offrait pas toutes les garanties.
L'intéressé et ses parents ont toujours résidé à Nouméa. Sa mère y est née. En déclarant l'enfant à l'état civil de Nouméa, elle revendique ainsi la filiation maternelle par l'établissement de l'acte de naissance d'autant qu'elle a toujours eu des liens familiaux avec lui... Il se déduit du maintien de ses liens familiaux que Mme Y...a bien révélé la filiation maternelle de son fils lors de la déclaration de naissance.
Il est donc constant que l'acte de naissance porte l'établissement de la filiation maternelle de M. X... sans qu'il ne soit besoin de rechercher s'il avait la possession d'état d'enfant naturel lorsqu'il devint majeur.
M. X... prouve qu'il est né d'une femme elle-même née à Nouméa, territoire Français. La requête de madame la Procureure de la République sera rejetée ".

PROCÉDURE D'APPEL

Le 27 juillet 2012, le ministère public a interjeté appel de cette décision qui lui avait été notifiée le jour même.
Dans son mémoire ampliatif d'appel du 22 octobre 2012, et ses écritures du 6 mai 2013, le ministère public réitère son argumentation de première instance en soutenant que le certificat de nationalité française délivré à l'intéressé " est erroné en ce que sa filiation n'est pas légalement établie à l'égard d'une mère née en France, contrairement à ce qui est indiqué ".
Le ministère public considère que " l'article 311-25 nouveau du code civil mentionne que la filiation est établie, à l'égard de la mère, par la désignation de celle-ci dans l'acte de naissance de l'enfant. Il convient cependant de relever que tenant compte des spécificités du droit de la nationalité, le législateur a indiqué à l'article 91 de la loi no 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration que les dispositions de l'ordonnance no 2005-759 du 4 juillet 2005 relative à la filiation n'ont pas d'effet sur la nationalité des personnes majeures à la date de son entrée en vigueur.
Ainsi, comme le rappelle la Cour d'appel de Paris, dans un arrêt du 29 octobre 2009, les conséquences des modifications apportées par l'ordonnance du 4 juillet 2005 en ce qui concerne la filiation ne sont prises en considération du point de vue de leurs effets de nationalité que pour les personnes nées après le 1er juillet 1988.
A quatre reprises, la Cour de cassation, par arrêts rendus les 17 décembre 2010, 23 février 2011, 18 mai 2011 et 14 mars 2012, a jugé que l'établissement de la filiation maternelle par l'article 311-25 du Code civil est sans incidence sur la nationalité des personnes majeures au jour de l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 4 juillet 2005.
Pourtant, dans la décision rendue le 16 juillet 2012, le tribunal de première instance a considéré que la filiation maternelle de M. X... est établie par la simple mention du nom de sa mère dans son acte de naissance en se fondant sur les articles 8 et 14 de la de Convention Européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Or, dans son arrêt rendu le 23 février 2011, la cour de cassation a jugé ¿ la détermination par un Etat de ses nationaux par application de la loi sur la nationalité ne peut constituer une discrimination, même au sens de l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, dans la mesure où le droit à une nationalité est assuré'.
Dans l'arrêt rendu le 14 mars 2012, la Cour de cassation a également jugé que ¿ les articles 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme ne peuvent faire échec au droit qu'a chaque Etat de déterminer les conditions d'accès à la nationalité'.
En outre, le Conseil constitutionnel, saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité à la Constitution du 6o du paragraphe II de l'article 20 de l'ordonnance no 2005-759 du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation, par décision du 21 octobre 2011, a déclaré ce texte conforme à la Constitution et " n'est contraire au principe d'égalité devant la loi ni à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit ".
En effet, les dispositions du droit de la nationalité ont une valeur propre en droit international.
Les lois de nationalité sont des lois de souveraineté, et le droit de chaque Etat de déterminer quels sont ses nationaux est un principe non contesté du droit international public.
Il résulte de ce principe général de la libre détermination de leurs nationaux par les Etats que les dispositions légales relatives à l'attribution de la nationalité ne sont pas sanctionnées par les Conventions internationales visant à lutter contre les discriminations.
Ainsi, la Cour de Cassation a jugé que " la détermination par un Etat, de ses nationaux, par application de la loi sur la nationalité, ne peut constituer une discrimination au sens du Pacte de New-York du 19 décembre 1966 sur les droits civils et politiques (Civ. 1, 22 février 2000, pourvoi no97-22. 459), ni même au sens de l'article 14 de Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ".
Le ministère public en déduit qu'au cas d'espèce, " l'établissement de la filiation maternelle de l'intéressé né en 1959 dans les termes de l'article 311-25 nouveau du code civil est ainsi sans effet sur sa nationalité ".
La situation de l'intéressé, au regard de la nationalité française, a été pour sa part fixée à sa majorité dans les termes de la loi de filiation applicable à l'époque.
En effet, et conformément au droit applicable durant sa minorité (article 334-8 ancien du Code civil), la filiation maternelle de l'intéressé, régie par la loi française de filiation, ne pouvait s'établir que par reconnaissance, possession d'état ou par l'effet d'un jugement.
L'article 337 du code civil disposait pour sa part que l'acte de naissance portant l'indication du nom de la mère valait reconnaissance lorsqu'il était corroboré par la possession d'état, l'arrêt du 20 novembre 1992 de la cour de cassation (pourvoi no90-15. 348) mentionnant à cet égard que l'acte constatant cette possession devait être intervenu pendant la minorité de l'enfant pour avoir un effet en matière de nationalité.
Aucune mention de reconnaissance maternelle n'apparaît dans l'acte de naissance de l'intéressé.
De plus, par courrier du 28 septembre 2009, le greffier en chef du tribunal de première instance de Nouméa a demandé à l'intéressé, afin de régulariser sa situation, de produire soit l'acte de mariage de ses parents, soit un acte de reconnaissance maternel, un acte de notoriété dressé ou un jugement rendu durant sa minorité constatant l'existence d'une possession d'état d'enfant naturel à l'égard de Mme Y..., ou tout document permettant de rapporter la preuve de l'existence d'une telle possession d'état d'enfant naturel.
En dépit de ce courrier, M. X... n'a produit aucune pièce permettant de prouver sa possession d'état d'enfant naturel à l'égard de Mme Y....
Devant le tribunal de première instance de Nouméa, le défendeur a affirmé que " la possession d'état par la mère de M. X... est prouvée " sans verser aux débats aucune pièce probante, dressée durant sa minorité. Or, il doit être rappelé que " la filiation d'un enfant n'a d'effet sur la nationalité de celui-ci que si elle est établie durant sa minorité ", en application des dispositions de l'article 20-1 du Code civil. Ainsi la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 2 mai 2001 a jugé qu'en application de l'article 20-1 du Code civil, " l'éventuelle admission tardive d'une possession d'état d'enfant naturel à l'égard d'un français était inopérante " (Civ. 1, 2 mai 2011, pourvoi no 97-21. 333).
Les attestations versées aux débats en première instance ont été établies en septembre 2010, M. X... est alors âgé de 51 ans. A supposer même qu'elles puissent être qualifiées d'éléments de possession d'état d'enfant naturel, elles ne peuvent produire aucun effet sur la nationalité de l'intéressé, sauf en violation les dispositions de l'article 20-1 du Code civil ".
Ainsi le ministère public en déduit que " la filiation maternelle de l'intimé n'étant pas établie, la preuve de la nationalité française de l'intéressé fondé sur l'article 23 du Code de la nationalité française, rédaction de la loi du 9 janvier 1973, n'est pas rapportée ".
En conséquence, la constatation de l'établissement de la filiation de M. X... à l'égard de Mme Y...dans les termes retenus par la Cour de Cassation ne permet pas de déduire la nationalité française d'origine de l'intéressé.
Force est en effet de constater qu'à la date de sa majorité en 1977, la filiation maternelle n'était pas établie au regard de la seule mention du nom de sa mère sur son acte de naissance. Il ne peut donc en être déduit sa nationalité française.
Faute de filiation maternelle légalement établie, l'intéressé ne présente aucun titre à la nationalité française et le certificat de nationalité française, délivré le 20 juillet 2006 à son nom, l'a été à tort, son extranéité devra être constatée ".
* * *
Par écritures du 15 avril 2013, M. X... a conclu à la confirmation du jugement déféré et sollicité la condamnation de l'Etat (du " procureur de la république ") à lui verser 200. 000 F CFP au titre des frais irrépétibles.
* * *
Les ordonnances de clôture et de fixation de la date d'audience ont été rendues le 23 juillet 2013.
MOTIFS
Attendu que M. Van Xuan X... est né le 19 septembre 1959 à Nouméa, et que celle qui est mentionnée comme sa mère dans son acte de naissance, Mme Y...est de nationalité française et est née le 12 mai 1937 à Nouméa ; que M. X... a sollicité, le 16 janvier 2005, la délivrance d'un certificat de nationalité française, sur le fondement des dispositions de la loi no 73-42 du 9 janvier 1973, promulguée en Nouvelle-Calédonie au JONC du 26 janvier 1973 (JONC, p. 125) ;

1o/ Sur le droit applicable

Attendu que la loi no 73-42 du 9 janvier 1973, applicable à la Nouvelle-Calédonie, donne une nouvelle définition du territoire français au regard du droit de la nationalité, et abroge les titres préliminaire et premier de l'ancien code de la nationalité, en les remplaçant par de nouveaux articles, finalement intégrés sous les articles 17 et suivants du code civil ;
Qu'il résulte, d'abord, de cette loi que le même régime juridique s'applique aux départements et aux territoires d'outre mer, puisque l'article 6 de l'ancien code de la nationalité française prévoit que " Au sens du présent code, l'expression « En France » s'entend du territoire métropolitain, des départements et territoires d'outre-mer " ;
Que c'est dans ces conditions que M. X... se prévaut des dispositions de l'article 23 de la loi de 1973, aux termes desquelles " les articles 23 et 24 du code de la nationalité française sont applicables à l'enfant né en France d'un parent né sur un territoire qui avait, au moment de la naissance de ce parent, le statut de colonie ou de territoire d'outre-mer de la République française " ;
Que les mêmes principes se retrouvent sous le libellé de l'actuel article 19-3 du code civil dont il résulte que " Est français l'enfant né en France lorsque l'un de ses parents au moins y est lui-même né " ;
Qu'en outre, l'article 17-1 du code civil dispose que " les lois nouvelles relatives à l'attribution de la nationalité d'origine s'appliquent aux personnes encore mineures à la date de leur entrée en vigueur " ;

2o/ Sur la portée de ces principes sur le cas soumis à l'appréciation de la cour

Attend qu'en l'espèce, M. X... était âgé de 14 ans lors de l'entrée en vigueur de la loi de 1973, et que Mme Y...est née à Nouméa ;

Et attendu que la Nouvelle-Calédonie a été annexé à la France en 1853 et que de colonie elle n'est devenue territoire d'outre-mer qu'en 1946 ; qu'ainsi, en 1937, lors de la naissance de la mère de M. X..., la Nouvelle-Calédonie faisait bien partie des colonies françaises ;
Attendu qu'il s'en déduit donc que M. X... (comme sa mère), est bien né " en France " au sens de la loi de 1973, loi nouvelle qui lui est devenue applicable puisqu'il était mineur lors de son entrée en vigueur ; qu'il est né d'une mère, elle-même née en Nouvelle-Calédonie territoire qui avait, au moment de sa naissance en 1937, le statut de colonie française comme l'exige l'article 23 de ladite loi pour bénéficier des dispositions de l'article 19-3 du code civil ;
Attendu que l'argumentation du ministère public repose sur le postulat que le lien de filiation entre M. X... et Mme Y...ne serait pas établi ; que l'établissement du lien de filiation ne peut l'être que dans les termes de l'ancien article 334-8 du code civil : soit par reconnaissance, par l'effet d'un jugement ou par la possession d'état ;
Mais attendu qu'à l'époque de la minorité de M. X..., la loi du 3 janvier 1972 (anciens articles 337, 339 et 320 du code civil) était en vigueur, M. X... n'étant devenu majeur qu'en 1977 ; qu'il résulte de l'article 337 ancien du code civil que " l'acte de naissance portant indication de la mère vaut reconnaissance lorsqu'il est corroboré par la possession d'état " ; qu'au surplus la filiation de M. X... étant établie dans les conditions de l'article 337 du code civil issu de la loi du 3 janvier 1972, M. X... doit être considéré comme reconnu par sa mère, et aucune contestation n'est plus recevable si ce n'est de la part de l'autre parent, de l'enfant lui-même ou de ceux qui se prétendent les parents véritables (art 339 du code civil) ;
Qu'en l'espèce, il résulte des éléments du dossier que M. X... a été élevé, ainsi que ses trois autres soeurs, par ses parents biologiques qui ne se sont pas mariés, et qu'il est resté au domicile familial jusqu'en 1992, année du décès de son père, soit jusqu'à l'âge de 33 ans ; que ces faits, établis par les photographies de famille produites au dossier (prises notamment durant sa minorité) et corroborés par les témoignages de ses soeurs et de sa mère également produits à la procédure, démontrent qu'il avait, au regard des exigences posées par l'article 311-1 issu de la loi du 5 janvier 1972, à savoir une réunion suffisante de faits qui indiquent le rapport de filiation et de parenté entre un individu et la famille à laquelle il est dit appartenir, une possession d'état continue, durant toute sa minorité, venant corroborer la mention du nom de sa mère à l'acte de naissance laquelle, dans ces conditions, vaut reconnaissance ;
Qu'ainsi, le lien de filiation entre M. X... et sa mère née en France, et elle-même de nationalité française, se trouve établi de façon suffisante à la date de l'établissement de l'acte de naissance et, en toute hypothèse, avant qu'il ne devienne majeur ;
Qu'ainsi, et sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens du ministère public, qui manquent en fait ou qui s'avèrent inopérants au regard des éléments de faits ainsi relevés, il y a lieu de dire que M. X... est fondé à se prévaloir des dispositions de l'article 18 du code civil, dont il résulte qu'est Français l'enfant dont l'un des parents au moins est Français, mais encore des dispositions de l'article 19-3 du même code, et de celles de l'article 20 du code civil, dont il résulte que l'enfant qui est français en vertu des dispositions du présent chapitre est réputé avoir été français dès sa naissance ;

Sur les frais irrépétibles

Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de M. X... les frais qu'il a dû engager pour faire valoir ses droits ; que l'Etat devra lui verser une indemnité de 200 000 FCFP sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie ;

Sur les dépens

Attendu que l'Etat, qui succombe, supportera les dépens ;

PAR CES MOTIFS

La Cour,
Statuant, en chambre du conseil, par arrêt contradictoire, déposé au greffe ;
VU les articles 311-3 et 337 anciens du code civil issus de la loi du 3 janvier 1972,
Déclare établi le lien de filiation de M. X... à l'égard de sa mère, Mme Y..., de nationalité française ;
Dit, en conséquence, que M. X... est français en application des dispositions de l'article 18 du code civil ;
En conséquence :
Confirme en toutes ses dispositions la décision attaquée en date du 16 juillet 2012 ;
Condamne l'Etat à verser, à M. X..., une indemnité de deux cent mille (200 000) FCFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie ;
Condamne l'Etat aux dépens dont distraction au profit de la SELARL DUMONS et ASSOCIES

Le greffier, Le président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nouméa
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 12/00296
Date de la décision : 18/11/2013
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Civile

Références :

ARRET du 28 mai 2015, Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 28 mai 2015, 14-50.013, Inédit

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.noumea;arret;2013-11-18;12.00296 ?
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