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31/10/2013 | FRANCE | N°12/00255

France | France, Cour d'appel de Nouméa, Chambre civile, 31 octobre 2013, 12/00255


Chambre Civile
Numéro R. G. : 12/ 255

Décision déférée à la cour : rendue le : 03 Décembre 2009 par le : Tribunal de première instance de NOUMEA

Saisine de la cour : 04 Juillet 2012
PARTIES DEVANT LA COUR
APPELANT
LE FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D'AUTRES INFRACTIONS, pris en la personne de son représentant légal en exercice BP. 93-94603 VINCENNES CEDEX

représenté par la SELARL ETUDE BOISSERY-DI LUCCIO-VERKEYN, avocat au barreau de NOUMEA
INTIMÉS
Mme Dégam X... veuve Y... née le 15 Mai 1956 à POUM (9882

6) demeurant ...(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2012/ 1466 du 18/ 01/ 2013 acc...

Chambre Civile
Numéro R. G. : 12/ 255

Décision déférée à la cour : rendue le : 03 Décembre 2009 par le : Tribunal de première instance de NOUMEA

Saisine de la cour : 04 Juillet 2012
PARTIES DEVANT LA COUR
APPELANT
LE FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D'AUTRES INFRACTIONS, pris en la personne de son représentant légal en exercice BP. 93-94603 VINCENNES CEDEX

représenté par la SELARL ETUDE BOISSERY-DI LUCCIO-VERKEYN, avocat au barreau de NOUMEA
INTIMÉS
Mme Dégam X... veuve Y... née le 15 Mai 1956 à POUM (98826) demeurant ...(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2012/ 1466 du 18/ 01/ 2013 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de NOUMEA)

représenté par Me Gustave TEHIO, avocat au barreau de NOUMEA
M. Sylvio Y... né le 12 Octobre 1980 à NOUMEA (98800) demeurant ...

représenté par la SELARL TEHIO-BEAUMEL, avocat au barreau de NOUMEA
Mme Marguerite Y... épouse Z... née le 07 Septembre 1936 à POUM (98826) demeurant ...

représentée par la SELARL TEHIO-BEAUMEL, avocat au barreau de NOUMEA
AUTRE INTERVENANT
LE MINISTERE PUBLIC
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 03 Octobre 2013, en audience publique, devant la cour composée de :
M. Yves ROLLAND, Président de Chambre, président, M. François BILLON, Conseiller, M. Régis LAFARGUE, Conseiller, qui en ont délibéré, M. Régis LAFARGUE, Conseiller, ayant présenté son rapport.

Greffier lors des débats : Mme Cécile KNOCKAERT

ARRÊT :- contradictoire,- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,- signé par M. Yves ROLLAND, président, et par M. Stephan GENTILIN, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

***************************************
PROCÉDURE AVANT CASSATION
Le 20 juin 2004 Gaston Y... s'est noyé au large de la commune de POUM lors du naufrage du " Kenny " le bateau appartenant à M. A... sur lequel il avait embarqué pour une partie de pêche avec son propriétaire. Le naufrage étant imputable au mauvais état du navire, son propriétaire, M. A..., a été condamné pour homicide involontaire par le tribunal correctionnel de Nouméa le 5 mars 2008. Les ayants droit de Gaston Y... ont saisi la commission d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI) pour obtenir l'indemnisation de leur préjudice tel que fixé par le tribunal correctionnel, soit :- en ce qui concerne Mme X..., épouse de la victime directe, 2 500 000 F CFP au titre du préjudice moral outre 15 038 550 F CFP au titre du préjudice économique,- en ce qui concerne M. Silvio Y..., fils de la victime, 2 500 000 F CFP au titre du préjudice moral,- en ce qui concerne Mme Marguerite Y..., soeur de la victime, 1 000 000 F CFP au titre du préjudice moral, Le Fonds de garantie des victimes et des actes de terrorisme et d'autres infraction (le Fonds) a, d'abord, soulevé l'irrecevabilité de la requête, puis abandonnant cette position s'est borné à discuter les montants réclamés.

La CIVI, par jugement du 3 décembre 2003, a alloué à :- Mme X..., l'épouse de la victime directe, 2 500 000 F CFP au titre du préjudice moral outre 8 518 138 F CFP au titre du préjudice économique,- M. Silvio Y..., enfant majeur de la victime, 2 000 000 F CFP au titre du préjudice moral,- Mme Marguerite Y..., soeur de la victime, 1 000 000 F CFP au titre du préjudice moral.

Le Fonds a interjeté appel de cette décision mais seulement quant à l'évaluation du préjudice économique (fixé à 8 518 138 F CFP par la CIVI alors que le tribunal correctionnel l'avait apprécié à 15 038 550 F CFP), le Fonds demandant à la Cour d'en ramener le montant à 1 290 485 F CFP.
La Cour d'appel, statuant par arrêt du 16 août 2010, a fixé ce poste de préjudice à 4 957 440 F CFP, en considérant qu'il ressortait de l'enquête pénale que Gaston Y... exerçait une activité de pêcheur de manière régulière avec des amis et que le produit de la pêche était partagé, soit en nature, pour assurer sa propre subsistance et celle de sa famille, soit vendu, ce dont il résultait que la victime avait une activité économique, même modeste, lui procurant des revenus réguliers, et que c'est par une juste appréciation que le premier juge avait retenu un revenu annuel de 960 000 francs CFP comme base de calcul du préjudice économique de sa veuve.
Enfin, par arrêt du 29 mars 2012, la Cour de Cassation, statuant sur le pourvoi formé par le Fonds, a fait droit au moyen unique soulevé, pris de la violation de l'article 706-3 du code de procédure pénale, pour avoir expressément repris à son compte l'évaluation forfaitaire des ressources de la victime pour indemniser la perte de revenu subie par son conjoint, alors que l'indemnisation allouée aux victimes d'infraction doit être calculée selon les règles de droit commun de la responsabilité en application du principe de la réparation intégrale, ce dont il résulte que toute évaluation forfaitaire du préjudice est prohibée, la cour de cassation ayant considéré, au visa de l'article 706-3 du code de procédure pénale, qu'en statuant ainsi, alors que cette somme procédait d'une estimation forfaitaire des revenus de la victime, la cour d'appel avait violé le texte et le principe susvisés.
PROCÉDURE APRES CASSATION
Par requête du 4 juillet 2012, et écritures du 15 janvier 2013, le Fonds a soutenu que Mme Y... ne subissait aucun préjudice économique prouvé, puisqu'il n'est pas justifié des prétendus revenus de son défunt mari. Dès lors le Fonds propose de considérer que la victime directe disposait du revenu minimum, soit 1. 280. 000 F CFP par an eu égard au caractère aléatoire de son activité. Il ajoute que les revenus du conjoint survivant (425 916 F CFP par an, en sa qualité d'agent d'entretien) doivent être déduits du préjudice économique résultant de la perte d'une partie des revenus du défunt. Toutefois, il termine en considérant que les revenus du défunt n'étant pas justifiés il y a lieu, à titre principal, de rejeter purement et simplement les demandes de sa veuve, et de la condamner à rembourser les sommes perçues. A titre subsidiaire, le Fonds propose de prendre pour base le 1/ 3 du SMIG annuel soit 480. 000 F CFP annuels, et propose d'allouer à la veuve 1 164 455 F CFP et de la condamner à rembourser le trop perçu soit 3 797 455 F CFP. Par écritures des 29 novembre 2012 et 15 mai 2013 les consorts Y... invoquent encore une appréciation forfaitaire des revenus en soutenant que " localement les Kanak de tribu sont hors du circuit économique " ce dont ils déduisent qu'il " est plus raisonnable et équitable de fixer les revenus de Gaston Y... au SMIG ". Ils citent un rapport de l'Institut agronomique calédonien (" Agriculture en tribu "- rapport réalisé par le CIRAD et l'IAC) dont il résulte que 56 670 habitants en Nouvelle-Calédonie (soit 23 % de la population totale) vivent en tribu et que 77 % des 16 ans et plus ont une activité agricole ou de prélèvement (pêche) répandue et diversifiée, ce qui démontre que beaucoup vivent, à l'instar de Gaston Y..., d'activités d'autosuffisance. Les consorts Y... demandent à la Cour de fixer ce préjudice à 6 058 333 F CFP.

Les ordonnances de clôture (à la date du 1er juillet 2013) et de fixation de la date d'audience ont été rendues le 29 mai 2013.
Le Fonds a sollicité, par conclusions, le rabat de l'ordonnance de clôture et l'admision de ses dernières conclusions en date du 23 juillet 2013.
Le Fonds conclut à nouveau, le 30 juin 2013 à titre principal, au rejet des demandes de la veuve, et à sa condamnation à rembourser les sommes perçues. A titre subsidiaire, il propose de prendre pour base le 1/ 3 du SMIG annuel soit 480 000 F CFP annuels, d'allouer à la veuve, non plus la somme de 1 164 455 F CFP, mais la somme de 1 182 876 F CFP, et de la condamner à rembourser le trop perçu soit 3 774 696 F CFP.
MOTIFS
Attendu que les conclusions tardives du Fonds, qui n'appellent pas de réponse en ce qu'elles corrigent à la hausse l'évaluation antérieurement proposée, doivent être déclarées recevables ;
Attendu que le jugement déféré doit être infirmé en ce qu'il a affirmé à tort que les ressources exactes de la victime n'étant pas connues, la commission s'en tenait par conséquent à une estimation forfaitaire des revenus de la victime décédée correspondant aux 2/ 3 d'un SMIG ;
Que de façon surprenante le Fonds se réfère encore dans ses ultimes conclusions à une évaluation forfaitaire en proposant de prendre pour base le 1/ 3 du SMIG annuel soit 480. 000 F CFP annue ls, pour évaluer les revenus de la victime et le préjudice économique de sa veuve, en réitérant dans ses propres conclusions l'erreur de droit qu'il reproche au premier juge, comme à l'arrêt de la cour d'appel objet de la cassation ;
Attendu, compte tenu du mode de vie en autosubsistance de la victime, mais encore en fonction des activités de vente de poisson qui ne sont pas contestables, que la cour dispose des éléments suffisants pour évaluer les ressources de la victime directe à 1 million de francs annuels ;
Qu'ainsi, et compte tenu de la faiblesse des revenus de la veuve (425 916 FCFP), la part des revenus du défunt réservée aux dépenses du ménage doit être fixée à 60 % (soit 600 000 F CFP) ;
Que compte tenu de l'âge de la victime au moment du décès (52 ans), et d'un taux de capitalisation de 10, 328 le préjudice économique de la veuve s'élève à 600 000 FCFP X 10, 328 = 6 196 800 F CFP ;
Qu'il convient sur cet autre point d'infirmer le jugement entrepris ;
Que le Fonds ayant procédé au règlement de la somme de 4 957 518 F CFP en exécution de l'arrêt du 16 août 2010, il y a lieu de le condamner à verser la somme de 6. 196. 800 F CFP à Mme Monique X..., veuve Y..., en deniers ou quittances ;
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Attendu que les dépens seront supportés par le Trésor public ;
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant, publiquement, par arrêt contradictoire, déposé au greffe ;
Prononce le rabat de l'ordonnance de clôture et
Déclare recevables les conclusions tardives du Fonds ;
Vu l'arrêt Civ. 2, 29 mars 2012, pourvoi no 10-25. 614 ;
Statuant à nouveau, dans la limite de la cassation prononcée :
Infirme le jugement rendu par la Commission d'Indemnisation des Victimes d'Infractions le 3 décembre 2009 mais seulement en ce qui concerne l'évaluation du préjudice économique de Mme X... veuve Y... ;
Statuant à nouveau,
Fixe à la somme de six millions cent quatre-vingt-seize mille huit cents (6 196 800) F CFP le préjudice économique subi par Mme X... veuve Y...
Condamne en conséquence le Fonds de garantie des victimes et des actes de terrorisme et d'autres infractions à payer à Mme X... veuve Y..., au titre de son préjudice économique, la somme de six millions cent quatre-vingt-seize mille huit cents (6 196 800) F CFP en denier ou quittances ;
Confirme le jugement déféré pour le surplus
Dit que les dépens seront supportés par le Trésor public ;
Fixe à Six (6) le nombre d'unités de valeur devant servir au calcul de la rémunération de la Selarl TEHIO-BEAUMEL agissant au titre de l'aide judiciaire.

Le greffier, Le président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nouméa
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 12/00255
Date de la décision : 31/10/2013
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Civile

Références :

ARRET du 05 mars 2015, Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 5 mars 2015, 14-14.198, Inédit

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.noumea;arret;2013-10-31;12.00255 ?
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