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16/07/2008 | FRANCE | N°58

France | France, Cour d'appel de Nouméa, Ct0193, 16 juillet 2008, 58


COUR D'APPEL DE NOUMÉA
Arrêt du 16 Juillet 2008
Chambre Sociale
Numéro RG : 07 / 00638
Décision déférée à la Cour : rendue le 26 Octobre 2007 par le TRIBUNAL DU TRAVAIL

Saisine de la Cour : 09 Novembre 2007
PARTIES DEVANT LA COUR
APPELANT
LA COMMUNE DE VOH, MAIRE M. X... BP 32-98833 VOH

représentée par la SELARL F. MARIE, avocats
INTIMÉ
M. Mario Z...demeurant ...

représenté par Me Alain LABRO, avocat
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 18 Juin 2008, en audience publique, devant la cour composée

de :
Michelle FONTAINE, Président de Chambre, Présidente, Christian MESIERE, Conseiller, Roland POTEE, Conseiller...

COUR D'APPEL DE NOUMÉA
Arrêt du 16 Juillet 2008
Chambre Sociale
Numéro RG : 07 / 00638
Décision déférée à la Cour : rendue le 26 Octobre 2007 par le TRIBUNAL DU TRAVAIL

Saisine de la Cour : 09 Novembre 2007
PARTIES DEVANT LA COUR
APPELANT
LA COMMUNE DE VOH, MAIRE M. X... BP 32-98833 VOH

représentée par la SELARL F. MARIE, avocats
INTIMÉ
M. Mario Z...demeurant ...

représenté par Me Alain LABRO, avocat
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 18 Juin 2008, en audience publique, devant la cour composée de :
Michelle FONTAINE, Président de Chambre, Présidente, Christian MESIERE, Conseiller, Roland POTEE, Conseiller, qui en ont délibéré, Michelle FONTAINE, Président de Chambre, ayant présenté son rapport.

Greffier lors des débats : Cécile KNOCKAERT
ARRÊT :- contradictoire- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du Code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie.- signé par Michelle FONTAINE, président, et par Cécile KNOCKAERT, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE
Mario Z..., engagé le 9 octobre 2001 par la commune de VOH en qualité de chauffeur polyvalent, a été licencié par lettre du 23 février 2006, après entretien préalable des 21 et 22 février 2006, pour faute grave, consistant en l'utilisation par le salarié le 26 décembre 2005 d'une pelle Poclain appartenant à la commune, et restituée le lendemain.
Mario Z... ayant saisi le tribunal du travail de diverses demandes en paiement d'indemnités de rupture et dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour violation de son statut protecteur de délégué du personnel, par jugement du 26 octobre 2007, le tribunal a :
- dit que le licenciement de Mario Z... était fondé sur une faute simple,- constaté que le licenciement a été prononcé sans autorisation de la Direction du travail malgré le statut protecteur de délégué du personnel,

- prononcé l'annulation de ce licenciement,
- condamné la commune de VOH à payer à Mario Z... les sommes suivantes :
. 90 733 FCFP au titre de l'indemnité de licenciement, . 201 629 FCFP au titre du préavis, . 2 600 000 FCFP à titre de dommages et intérêts pour violation du statut protecteur, . 100 000 FCFP pour frais irrépétibles,

- débouté Mario Z... du surplus de ses demandes,- débouté la commune de VOH de sa demande de frais irrépétibles et l'a condamnée aux dépens.

PROCEDURE D'APPEL :
Par requête déposée le 9 novembre 2007, la commune de VOH a régulièrement interjeté appel de cette décision, notifiée le 7 novembre.
Par requête déposée le 23 novembre 2007, Mario Z... a régulièrement interjeté appel de cette décision, notifiée le 5 novembre 2007.
Les appels ont été joints par ordonnance du magistrat de la mise en état du 4 avril 2008.
Dans son mémoire ampliatif déposé le 8 février 2008, la commune de VOH sollicite le débouté de l'ensemble des demandes du salarié, et subsidiairement, la confirmation de la cause réelle et sérieuse du licenciement, la réduction de l'indemnité de licenciement à la somme de 69 725 FCFP, et à la condamnation du salarié à lui verser la somme de 250 000 FCFP pour frais irrépétibles.
La commune de VOH soutient que le licenciement est intervenu pour une faute grave, à savoir l'utilisation d'une pelle mécanique, sans autorisation, à des fins personnelles et pendant les heures de travail.
Elle conteste l'utilisation du matériel de la commune à des fins personnelles par les employés et particulièrement le maire et affirme que le matériel est utilisé conformément aux missions de service public, notamment le nettoyage des abords des propriétés afin de lutter contre les incendies en période de sécheresse.
La commune de VOH conteste la recevabilité des attestations émanant de salariés de la commune, obtenues, selon elle, contre le gré des signataires, et préétablies, sans que les intéressés aient eu la possibilité de revenir sur leurs déclarations et produites malgré leur interdiction.
Elle insiste sur le fait qu'en l'absence d'autorisation, le comportement de Mario Z... était susceptible d'engager la responsabilité de la commune, si des dommages étaient survenus à un tiers, ce qui justifie la gravité de la faute.
Sur le statut protecteur, la commune de VOH allègue le refus par le directeur du travail, le 16 février 2006, de donner suite à sa demande formulée le 10 janvier 2006, en alléguant un jugement du tribunal du travail du 5 décembre 2003, confirmé par arrêt du 4 mai 2005, estimant que les collectivités citées à l'article 89 de l'ordonnance du 13 novembre 1985 sont fondées à ne pas solliciter l'autorisation de licencier un salarié titulaire d'un mandat représentatif ou syndical, prévue à l'article 75, et qu'ainsi la commune de VOH n'est pas assujettie à la procédure d'autorisation administrative.
Elle observe que par ailleurs le défaut d'autorisation ne lui est pas imputable, et que, compte tenu de la jurisprudence citée et de la position du directeur du travail, elle n'avait pas à solliciter une seconde autorisation.
La commune de VOH expose que la jurisprudence susvisée est applicable à Mario Z..., délégué du personnel d'une collectivité publique.
La commune de VOH fait grief aux premiers juges d'avoir donné pouvoir à l'arrêté du 21 juillet 1975 de déroger à l'ordonnance de 1985, qui a elle-même dérogé à la nécessité de recourir à une autorisation administrative pour les délégués syndicaux et les délégués du personnel.
La commune de VOH fait valoir par ailleurs que l'ancienneté du salarié était inférieure à cinq ans lors du licenciement, et que son dernier salaire s'élevait à 174 312 FCFP, ce qui doit entraîner une indemnité de préavis de 69 725 FCFP.
Elle estime que les dommages et intérêts sollicités par le salarié ne sont pas fondés, non plus que la somme allouée par les premiers juges du fait du non-respect du statut protecteur.
Dans son mémoire ampliatif, déposé le 22 février 2008, Mario Z...conclut à la confirmation du jugement sur les indemnités de licenciement, de préavis, et de procédure, à l'infirmation du jugement pour le surplus et il réclame les sommes demandées en première instance, soit 5 242 354 FCFP au titre du statut protecteur, et 12 419 548 FCFP à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, pour perte d'emploi et de salaire, outre une indemnité de procédure de 200 000 FCFP et aux dépens.
Mario Z... soutient que l'autorisation administrative est une formalité substantielle, exorbitante du droit commun, destinée à protéger les délégués du personnel, et exclusive de tout autre mode de rupture du contrat de travail, et que son absence prive le licenciement de toute cause réelle et sérieuse.
Il réclame en conséquence des dommages et intérêts et des indemnités de rupture de ce fait.
Il ajoute que le préjudice qui découle de ce non-respect représente le montant des salaires qui auraient été perçus jusqu'à la fin de son mandat, prolongée de six mois, soit, au 27 avril 2008, une somme de 5 242 354 FCFP, sur la base d'un salaire de 201 629 FCFP.
Par écritures déposées le 22 avril 2008, en réponse aux conclusions de la commune de VOH, le salarié maintient ses demandes, et développe les points suivants :
Mario Z..., délégué du personnel, bénéficie du statut protecteur et son licenciement doit faire l'objet d'une autorisation administrative, en application de l'article 9 de la convention collective applicable aux personnels ouvriers des services publics du territoire, qui renvoie au chapitre III du code du travail local et notamment à l'arrêté du 22 février 1958 modifié par arrêtés du 21 juillet 1975 et du 13 septembre 1976.
Le salarié précise que la convention collective peut prévoir des dispositions plus favorables aux salariés que les dispositions légales.
Sur les causes du licenciement, Mario Z... soutient qu'il n'a commis aucune faute, ayant obtenu l'autorisation du maire et il invoque à cet égard les attestations de deux employés municipaux, outre, en appel, une attestation du chef de service déclarant avoir autorisé l'intéressé à utiliser la pelle pendant les heures de travail et pour ses besoins personnels.
Subsidiairement, il sollicite l'audition de Monsieur A... Maurice, auteur de cette attestation.
Le salarié ajoute avoir utilisé la pelle mécanique pour débroussailler sa propriété (de 1 ha environ), afin de limiter les risques d'incendie, et qu'il est fréquent que le maire autorise l'utilisation de cet engin à de telles fins.
Sur le préjudice, Mario Z... maintient que le tribunal a exactement calculé ses indemnités de préavis et de licenciement, au prorata du temps passé, et sur la moyenne des trois derniers mois de salaire.
L'ordonnance de fixation est intervenue le 19 mai 2008.
MOTIFS ET DÉCISION :
Sur l'autorisation administrative de licenciement :
Attendu que Mario Z... a été élu en qualité de délégué du personnel le 27 octobre 2005 ;
Attendu qu'une convention collective peut comporter des dispositions plus favorables aux salariés que celles prévues par les lois et règlements en vigueur ;
Attendu que Mario Z... allègue dans ses conclusions l'application de la convention collective des personnels ouvriers et assimilés des services publics du 10 décembre 1980, notamment en ses articles 9 et 15 ;
Attendu que, si l'article 89 de l'ordonnance du 13 novembre 1985 établissant les principes directeurs du droit du travail en Nouvelle-Calédonie exclut du bénéfice de l'article 75 le personnel des collectivités publiques, la convention collective précitée énonce en son titre III article 9 que, pour ce qui concerne les délégués du personnel, la convention se réfère au chapitre III du code du travail dans les territoires d'outre-mer et des textes pris pour son application, notamment l'arrêté n° 58 / 052 / CG du 22 février 1958 modifié par arrêté n° 75 / 310 / CG du 21 juillet 1975 et n° 76 /421 du 13 septembre 1976 ;
Attendu que l'article 1er de l'arrêté du 21 juillet 1975 crée un article 22 nouveau à l'arrêté du 22 février 1958, dont l'alinéa 1 prévoit que " tout licenciement d'un délégué du personnel, titulaire ou suppléant, ne peut intervenir qu'après l'autorisation de l'inspecteur du travail " ;
Attendu que l'article 15 de la convention collective précitée renvoie à l'article 167 (en réalité 160) du code du travail applicable dans les TOM, qui prévoit la nécessité d'une autorisation administrative avant le licenciement d'un délégué du personnel, ainsi qu'aux anciens délégués du personnel pendant une durée de 6 mois suivant l'expiration de leur mandat ;
Attendu que, si pour l'avenir, et postérieurement à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 13 novembre 1985, les collectivités publiques et les établissements publics administratifs peuvent se prévaloir des dispositions de l'article 89 susvisé, il reste néanmoins que la convention collective plus favorable signée antérieurement demeure applicable tant qu'elle n'a pas été expressément dénoncée selon les formes prévues à l'article 2 de la convention ;
Attendu que la commune de VOH n'allègue pas la signature d'une convention collective postérieure au document invoqué, qu'elle y a par ailleurs fait référence, en sollicitant l'autorisation du directeur du travail préalablement au licenciement de Mario Z... ;
Attendu que le refus de statuer du directeur du travail ne constitue pas une cause d'exonération, alors que la cour avait déjà retenu l'application de cette convention collective en dépit des dispositions de l'article 89 de la délibération du 13 novembre 1985, dans un arrêt du 21 janvier 2000, opposant le syndicat Union Territoriale Force Ouvrière à la mairie de Bourail, qu'ainsi, faute d'autorisation administrative, le licenciement de Mario Z... est nul de plein droit ;
Attendu qu'en l'état de la nullité absolue du licenciement retenue, il n'y a pas lieu d'examiner les motifs du licenciement de salarié ; que les indemnités pour violation du statut protecteur se cumuleront avec les indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Attendu que le salarié ne sollicite pas sa réintégration, mais des indemnités de rupture ;
Attendu que le salarié a droit, au titre de la violation du statut protecteur, à la rémunération qu'il aurait perçue à compter du licenciement jusqu'à la fin de son mandat, prolongé d'une période de six mois, soit jusqu'au 27 avril 2008 ;
Attendu que cette indemnité, soumise à cotisations sociales, sera fixée en salaire brut, soit la somme de 5 242 354 FCFP ;
Attendu que les indemnités au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse seront fixées comme suit, à la charge de la commune de VOH :
- un mois de préavis, soit la somme brute de 201 629 FCFP réclamée par le salarié, la commune de VOH calculant cette indemnité sur le salaire net, alors que cette indemnité, qui présente un caractère salarial, est soumise à cotisations sociales,- indemnité de licenciement : 90 733 FCFP, au prorata du temps passé,- dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 1 300 000 FCFP, aucun préjudice supérieur, notamment moral, n'étant démontré par le salarié ;

Attendu que le jugement sera infirmé en ce sens ;
Sur les frais irrépétibles :
Attendu qu'il apparaît équitable de décharger Mario Z... des frais irrépétibles exposés en appel pour la somme de 100 000 FCFP, l'indemnité allouée par les premiers juges étant confirmée par ailleurs ;
Attendu que la commune de VOH sera déboutée de sa demande au même titre ;
Sur les dépens :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les dépens en matière sociale, la procédure étant gratuite, en application de l'article 880-1 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie, que le jugement sera infirmé de ce chef.
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, déposé au greffe,
Déclare les appels recevables,
Infirme partiellement le jugement déféré,
Dit que le licenciement de Mario Z... est nul de plein droit en l'absence d'autorisation du directeur du travail,
Condamne la commune de VOH à payer à Mario Z... les sommes suivantes :
- dommages et intérêts pour violation du statut protecteur de délégué du personnel : cinq millions deux cent quarante-deux mille trois cent cinquante-quatre (5 242 354) FCFP,- préavis : deux cent un mille six cent vingt-neuf (201 629) FCFP,- indemnité de licenciement : quatre-vingt-dix mille sept cent trente-trois (90 733) FCFP,- dommages et intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse : un million trois cent mille (1 300 000) FCFP ;

Confirme le jugement sur l'indemnité de procédure allouée,
Condamne la commune de VOH à payer à Mario Z... la somme de cent mille (100 000) FCFP pour frais irrépétibles d'appel ;
Déboute la commune de VOH de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie ;
Dit n'y avoir lieu de statuer sur les dépens.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nouméa
Formation : Ct0193
Numéro d'arrêt : 58
Date de la décision : 16/07/2008

Références :

ARRET du 10 mars 2010, Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 10 mars 2010, 08-44.569, Inédit

Décision attaquée : Tribunal de première instance de Nouméa, 26 octobre 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.noumea;arret;2008-07-16;58 ?
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