La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/04/2006 | FRANCE | N°29

France | France, Cour d'appel de Nouméa, Chambre sociale, 12 avril 2006, 29


COUR D'APPEL DE NOUMÉA ARRÊT du 12 avril 2006 Décision attaquée rendue le : 15 Avril 2005 Juridiction Tribunal du travail de NOUMEA Date de la saisine : 03 Mai 2005

Ordonnance de fixation : 05 janvier 2006

RG : 05/199 Composition de la Cour Président : Jean-Michel STOLTZ, Conseiller le plus ancien de la Cour non empêché, Assesseurs: - Roland POTEE, Conseiller - Anne AMAUDRIC du CHAFFAUT, Conseiller magistrats qui ont participé aux débats et au délibéré Greffier lors des débats: Cécile KNOCKAERT PARTIES EN CAUSE DEVANT LA COUR

APPELANTE Mme Sylvie X... née

le 15 Juillet 1970 à NOUMEA (98800) ... représentée par la SELARL CABINET D'AVO...

COUR D'APPEL DE NOUMÉA ARRÊT du 12 avril 2006 Décision attaquée rendue le : 15 Avril 2005 Juridiction Tribunal du travail de NOUMEA Date de la saisine : 03 Mai 2005

Ordonnance de fixation : 05 janvier 2006

RG : 05/199 Composition de la Cour Président : Jean-Michel STOLTZ, Conseiller le plus ancien de la Cour non empêché, Assesseurs: - Roland POTEE, Conseiller - Anne AMAUDRIC du CHAFFAUT, Conseiller magistrats qui ont participé aux débats et au délibéré Greffier lors des débats: Cécile KNOCKAERT PARTIES EN CAUSE DEVANT LA COUR

APPELANTE Mme Sylvie X... née le 15 Juillet 1970 à NOUMEA (98800) ... représentée par la SELARL CABINET D'AVOCATS F. DESCOMBES, avocats

INTIMÉE S.A. SUPERMARCHE PORT PLAISANCE, prise en la personne de son Président en exercice Centre commercial de Port Plaisance - BP L.4 - 98800 NOUMEA représentée par la SELARL REUTER-de RAISSAC, avocats

Débats : le 08 mars 2006 en audience publique où Anne AMAUDRIC du CHAFFAUT, Conseiller, a présenté son rapport, A l'issue des débats, le Président a déclaré que l'affaire était mise en délibéré et que le dossier avec l'arrêt serait remis au greffe le 12 avril 2006 en application de l'article 451 du Code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie. Le dossier avec l'arrêt a été remis au greffe à la date susdite et signé par Jean-Michel STOLTZ, Président, et par Mickaela NIUMELE, Greffier, présent lors de la remise au greffe.

PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE Madame X... a été engagée par la SA SUPERMARCHE PORT PLAISANCE le 15 octobre 1991 en qualité de vendeuse-approvisionneuse. Elle a été promue au poste de responsable de magasin par intérim en juin 2003. Le 28 août 2003, elle était convoquée à un entretien préalable à licenciement pour le 02 septembre 2003, une mise à pied conservatoire étant par ailleurs prononcée. Son licenciement pour faute lourde lui a été notifié par courrier du 05 septembre 2003. La lettre de licenciement reprochait à madame X... d'avoir entrepris depuis plusieurs semaines une action visant à détériorer le fonctionnement du magasin, pour que les effets se fassent sentir à la prise de poste du nouveau responsable, en donnant des instructions à ses collaborateurs dans la semaine du 17 au 23 août de "freiner les commandes, lever le pied, se relâcher lors de l'arrivée du nouveau directeur, de laisser l'impression de vide dans les rayons", cette action a provoqué une véritable implosion de l'équipe ainsi qu'une crise de confiance émanant des collaborateurs, qui ont mis en cause sa loyauté et se sont indignés de cette attitude, faits constituant une faute lourde compte tenu de leur nature qui révèle une intention de nuire au fonctionnement de l'entreprise. * * * Selon requête enregistrée le 12 novembre 2003, madame X... faisait convoquer la SA SUPERMARCHE PORT PLAISANCE devant le Tribunal du Travail de NOUMÉA aux fins de voir dire que son licenciement était irrégulier et abusif et d'obtenir le paiement des sommes suivantes :

. indemnité de licenciement ...................... 349.293 FCFP,

. indemnité de préavis ............................... 827.274 FCFP, . congés payés y afférents......................... 82.727 FCFP,

. congés payés........................................... 282.479 FCFP,

. salaire pendant la mise à pied ................. 80.001 FCFP,

. dommages et intérêts............................... 9.927.288 FCFP, . dommages et intérêts complémentaires... 6.618.192 FCFP,

. frais irrépétibles ........................................ 200.000 FCFP. * * * Par jugement en date du 15 avril 2005 auquel il est fait expressément référence pour l'exposé des faits de la procédure et des moyens des parties, le Tribunal du Travail de NOUMEA a : - dit que madame X... a fait l'objet d'un licenciement régulier fondé sur une faute grave, - condamné la SA SUPERMARCHE PORT PLAISANCE à lui payer la somme 282.479 FCFP au titre d'indemnité compensatrice de congés payés, - débouté madame X... de sa demande formée en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile de la Nouvelle-Calédonie. - condamné madame X... aux entiers dépens. PROCÉDURE D'APPEL Par requête déposée le 03 mai 2005, madame X... interjetait appel de la décision notifiée le 15 avril 2005. Dans son mémoire ampliatif d'appel déposé le 27 juin 2005, elle demande à la Cour de: - déclarer recevable son appel, - d'infirmer le jugement, et, statuant à nouveau, de voir dire que son licenciement était irrégulier et abusif et d'obtenir le paiement des sommes suivantes :

. indemnité de licenciement ...................... 349.293 FCFP,

. indemnité de préavis ............................... 827.274 FCFP, . congés payés y afférents......................... 82.727 FCFP,

. congés payés........................................... 282.479 FCFP,

. salaire pendant la mise à pied ................. 80.001 FCFP,

. dommages et intérêts............................... 9.927.288 FCFP,

. dommages et intérêts complémentaires... 6.618.192 FCFP,

. frais irrépétibles ....................................... 250.000 FCFP. - Sur le caractère irrégulier de la procédure du licenciement, madame X... fait valoir qu'elle a été licenciée par une personne morale, la SA SCIE qui n'a jamais été son employeur ; elle prétend que la SA SUPERMARCHE PORT PLAISANCE n'ayant mis en oeuvre aucune procédure de licenciement, celui-ci ne peut être qu'irrégulier et abusif. Elle fait en outre grief au jugement déféré d'avoir fait appel à la notion de mandat apparent pour motiver sa décision. Elle considère en effet que cette notion est inopérante en l'espèce, monsieur Y..., directeur des ressources humaines de la SCIE, ne pouvant licencier le personnel d'une société tierce. Subsidiairement, elle conteste les motifs invoqués et considère en conséquence que son licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse. Elle rappelle qu'il appartient à l'employeur de rapporter la preuve des faits qu'il invoque. Or, elle fait valoir que l'employeur verse uniquement 4 attestations qui émanent de salariés et qui de plus, sont non conformes aux dispositions de l'article 202 Code de Procédure Civile de la Nouvelle-Calédonie, de sorte qu'elles sont à double titre irrecevables. Elle ajoute qu'en tout état de cause, ces témoignages ne font pas état d'instructions données à chacun dans le cadre d'entretiens, individuels ou collectifs, telles qu'indiquées dans la lettre de licenciement.dividuels ou collectifs, telles qu'indiquées dans la lettre de licenciement. Elle prétend qu'elle a été licenciée, non pas comme le laisse entendre la lettre de licenciement, en raison "d'instructions" nuisibles données à ses sept collaborateurs dans le cadre d'entretiens, mais en raison de témoignages de seulement deux salariés de l'entreprise. Elle fait observer que les deux autres salariées ont été témoins, non pas de scènes directes, mais de propos tenus par madame Z... (secrétaire de direction) qui aurait

déclaré avoir reçu des instructions. À l'appui de sa demande de dommages et intérêts, elle soutient que la procédure a été montée par la direction en raison de son appartenance syndicale, en sorte que le licenciement revêt un caractère particulièrement vexatoire compte tenu de son ancienneté de 13 ans, sans aucun reproche. * * * Dans ses conclusions du 12 octobre 2005, la société SUPERMARCHE PORT PLAISANCE demande à la Cour de : - dire recevable mais mal fondé l'appel formé par madame X..., - confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, - réformer le jugement en ce que la cause réelle et sérieuse a été limitée à une faute grave et dire que le licenciement était fondé sur une faute lourde, l'intention de nuire étant établie, - en conséquence, débouter madame X... de l'ensemble de ses demandes, outre sa condamnation à lui payer la somme de 200.000 FCFP. La société SUPERMARCHE PORT PLAISANCE expose qu'avec la SCIE, elle fait partie du groupe A..., exerçant toutes les deux sous l'enseigne CASINO, la première étant détenue à 52,69 % par la seconde. La SCIE pour des raisons d'organisation est chargée de la gestion administrative de toutes les surfaces de vente. Elle souligne que s'agissant de madame X..., responsable du magasin par intérim, la procédure ne pouvait pas être diligentée sous une autre forme, étant donné qu'il n'existait aucun salarié d'échelon hiérarchique supérieur entre celle-ci et le président, monsieur A..., qui avait délégué ses pouvoirs en la matière à monsieur Y..., responsable du personnel du groupe. Elle confirme que la mesure est bien fondée sur les faits reprochés, la salariée ayant entrepris une action visant à détériorer le fonctionnement du magasin et que, contrairement à ce qu'elle prétend, trois salariées ont eu directement connaissance des instructions données et seule la caissière n'a pas été témoin direct des faits. Elle conteste une quelconque discrimination syndicale,

n'ayant pris connaissance de l'appartenance syndicale de la salariée que lors du blocage de l'entreprise, un samedi, par le syndicat auquel elle dit appartenir. * * * L'ordonnance de fixation est intervenue le 05 janvier 2006. MOTIFS DE LA DÉCISION 1 - Sur la régularité de la procédure de licenciement Il est constant que la SCIE détient 52,69 % du capital de la SA SUPERMARCHE CASINO. Il est tout aussi constant qu'une société mère peut assurer la gestion administrative d'une des ses filiales. En outre, l'intimée démontre que monsieur A..., le Président Directeur Général tant de la SCIE que de la SA SUPERMARCHE PORT PLAISANCE, avait donné le 28 avril 2003, délégation à monsieur Y... en matière de gestion du personnel, de réglementation du travail et de protection sociale. Dans ces conditions, monsieur Y... avait qualité pour procéder à l'entretien préalable et au licenciement de madame X... qui ne l'a d'ailleurs pas contesté lors de l'entretien. Dès lors, le licenciement est régulier et le jugement doit être confirmé en qu'il a déclaré le licenciement régulier. 2 - Au fond a) Sur la nature du licenciement Les parties reprennent devant la Cour leurs prétentions et leurs moyens de première instance. Dès lors, en l'absence de nouvel élément probant soumis à son appréciation, la Cour estime que les premiers juges, par des motifs pertinents qu'elle approuve, ont fait une juste appréciation des faits de la cause et du droit des parties en ce qu'ils ont exactement précisé: - en premier lieu, que les salariés étaient les mieux placés pour apporter un témoignage et que les attestations versées aux débats, même si elles ne remplissaient pas les conditions formelles des attestations produites en justice, avaient néanmoins valeur d'information, - en second lieu, qu'il pouvait être constaté :

. d'une part, de l'attestation de madame Z... que c'est lors d'une discussion, et non au cours d'une réunion, comme indiqué dans

le jugement déféré, qu'elle avait eue avec madame B... et madame X..., que cette dernière leur avait conseillé de freiner les commandes du magasin, de lever le pied et de se relâcher lors de l'arrivée du nouveau directeur ; que les termes de cette discussion étaient de plus corroborés par l'attestation de madame B...,

. et d'autre part, au sujet de celle de madame C... que madame X... lui avait tenu les mêmes propos. - en troisième lieu, que ces propos, même s'ils ont été tenus sous la forme de conseils et non d'instructions par une salariée investie d'une responsabilité d'encadrement, et qui avait de ce fait une obligation de loyauté et de réserve, étaient incontestablement constitutifs d'un comportement fautif en ce qu'ils incitaient le personnel d'exécution à remplir de façon incorrecte ses fonctions. Par ailleurs, les premiers juges ont fait une juste analyse de la motivation de madame X... qui manifestait par ces propos son refus de voir arriver un nouveau directeur. Enfin, s'il est exactement apprécié que les propos tenus sont constitutifs d'une faute, la preuve n'est néanmoins pas rapportée, qu'ils aient été tenus dans l'intention de nuire à l'employeur. Dès lors, c'est à juste titre que le Tribunal a considéré qu'ils ne pouvaient pas constituer une faute lourde. En conséquence, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a dit que le licenciement était fondé sur une faute grave et en ce qu'il a accordé à la salariée une indemnité compensatrice de congés payés, soit la somme de 282.479 FCFP. b) Sur la demande de dommages et intérêts L'appelante, qui ne s'était pas fait accompagner par un délégué syndical lors de l'entretien préalable ou qui ne démontre pas qu'elle avait pu participer à une délégation syndicale antérieurement à la procédure de licenciement, échoue à rapporter la preuve que l'employeur pouvait avoir connaissance de son appartenance syndicale. De plus, madame X...,qui a été licenciée régulièrement, ne

démontre pas le caractère vexatoire de son licenciement. Le jugement doit être également confirmé en ce qu'il a débouté l'appelante de sa demande de dommages et intérêts. 3 - Sur les frais irrépétibles L'équité commande d'accorder à la SA SUPERMARCHE PORT PLAISANCE la somme de 80.000 FCFP en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile de la Nouvelle-Calédonie. 4 - Sur les dépens En matière sociale il n'y pas lieu de statuer sur les dépens, la procédure étant gratuite en application de l'article 880-1 du Code de Procédure Civile. Le jugement doit donc être infirmé de ce chef. PAR CES MOTIFS LA COUR, STATUANT par arrêt contradictoire déposé au greffe ; DECLARE les appels principal et incident recevables ; CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions, à l'exception de celle relative aux dépens ; CONDAMNE madame Sylvie X... à payer à la SA SUPERMARCHE PORT PLAISANCE la somme de QUATRE VINGT MILLE (80.000) FCFP en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile de la Nouvelle-Calédonie ; DIT n'y avoir lieu à condamnation aux dépens. ET signé par Jean-Michel STOLTZ, Président, et par Mickaela NIUMELE, Greffier présent lors de la remise du dossier avec l'arrêt au greffe.

LE GREFFIER

LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nouméa
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 29
Date de la décision : 12/04/2006
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Licenciement - Formalités légales - Entretien préalable - Représentation de l'employeur

Le directeur des ressources humaines d'une société mère, ayant reçu délégation à cet effet, a qualité pour procéder à l'entretien préalable et au licenciement d'un salarié d'une des filiales


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Composition du Tribunal
Président : M. STOLTZ, Président

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.noumea;arret;2006-04-12;29 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award