ARRÊT No R.G : 04/03649 CB/NB TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D'AVIGNON 13 juillet 2004 MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS X... C/ Y... Z... A... SARL DENANTE MICHEL S.A AZUR ASSURANCES IARD S.A.R.L. INGENIERIE 84 S.M.A.B.T.P. - SOCIETE MUTUELLE D'ASSURANCE DU BATIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS COUR D'APPEL DE NIMES CHAMBRE CIVILE 1ère Chambre B ARRÊT DU 12 SEPTEMBRE 2006 APPELANTS : MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés ès qualités au siège social 9 Rue Hamelin 75783 PARIS CEDEX 16 représentée par la SCP POMIES-RICHAUD-VAJOU, avoués à la Cour assistée de la SCP ALBERTINI ALEXANDRE MARCHAL, avocats au barreau d'AVIGNON Monsieur Michel X... ... 84220 GORDES représenté par la SCP POMIES-RICHAUD-VAJOU, avoués à la Cour assisté de la SCP ALBERTINI ALEXANDRE MARCHAL, avocats au barreau d'AVIGNON INTIMES : Monsieur Jean Y... né le 28 Avril 1955 à CANNES LA BOCCA (06) ... 84220 GORDES représenté par la SCP FONTAINE-MACALUSO JULLIEN, avoués à la Cour assisté de la SCP GONTARD-TOULOUSE-DUFRAISSE-MAUBOURGUET, avocats au barreau d'AVIGNON Madame Florence Z... A... épouse Y... née le 10 Septembre 1957 à ARCHENA (ESPAGNE) ... 84220 GORDES représentée par la SCP FONTAINE-MACALUSO JULLIEN, avoués à la Cour assistée de la SCP GONTARD-TOULOUSE-DUFRAISSE-MAUBOURGUET, avocats au barreau d'AVIGNON SARL DENANTE MICHEL prise en la personne de son Gérant en exercice, domicilié en cette qualité audit siège Impasse du Gaz 84800 L'ISLE SUR SORGUE n'ayant constitué avoué assignée à personne habilitée S.A AZUR ASSURANCES IARD poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité au siège social 7 avenue Marcel Proust 28932 CHARTES CEDEX 9 représentée par la SCP P. PERICCHI, avoués à la Cour assistée de la SCP BERNARD-HUGUES-JEANNIN, avocats au barreau d'AIX EN PROVENCE S.A.R.L.
INGENIERIE 84 prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège 40 Avenue de la 1ère DB Zone Industrielle du Min 84300 CAVAILLON représentée par la SCP M. TARDIEU, avoués à la Cour assistée de la SELARL PEYLHARD, avocats au barreau d'AVIGNON S.M.A.B.T.P. - SOCIETE MUTUELLE D'ASSURANCE DU BATIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS 300 Boulevard Michelet 13195 MARSEILLE CEDEX 8 représentée par la SCP M. TARDIEU, avoués à la Cour assistée de la SELARL PEYLHARD, avocats au barreau d'AVIGNON ORDONNANCE DE CLÈTURE rendue le 12 Mai 2006 COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS : Mme Christiane BEROUJON, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 786 du NOUVEAU CODE DE PROCÉDURE CIVILE, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la Cour lors de son délibéré. COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : M. Didier CHALUMEAU, Président M. Emmanuel DE MONREDON, Conseiller Mme Christiane BEROUJON, Conseillère GREFFIER : Mme Sylvie BERTHIOT, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision DÉBATS : à l'audience publique du 08 Juin 2006, où l'affaire a été mise en délibéré au 12 Septembre 2006, Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ; ARRÊT : Arrêt réputé contradictoire, prononcé et signé par M. Didier CHALUMEAU, Président, publiquement, le 12 Septembre 2006, date indiquée à l'issue des débats, par mise à disposition au greffe de la Cour. Selon contrat du 30 avril 1996 les époux Y... ont confié à Monsieur X... architecte, une mission complète de maîtrise d'oeuvre pour l'extension de leur maison d'habitation à Gordes. La SARL INGENIERIE 84 a été chargée de l'étude, et des plans d'exécution en béton armé par lettre de commande du 7 octobre 1996 et la SARL Michel DENANTE de la réalisation des travaux de gros oeuvre selon ordre d'exécution du 7 décembre 1996. Lors de leur emménagement en juillet 1997 les époux Y... ont constaté l'existence de
fissures sur les murs porteurs. Après l'échec d'une tentative de règlement transactionnel et après expertise judiciaire les époux Y... ont fait assigner Monsieur X..., la MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS (MAF), la société Michel DENANTE, et son assureur, la Cie AZUR ASSURANCES, la société INGENIERIE 84 et son assureur, la SMABTP, devant le Tribunal de Grande Instance d'Avignon aux fins d'obtenir réparation des désordres. Par jugement du 13 juillet 2004 le Tribunal a déclaré Monsieur X... seul responsable des désordres et l'a condamné in solidum avec la MAF au paiement des sommes suivantes : - 72.053 ç au titre de travaux confortatifs avec indexation sur l'indice du bâtiment de mars 2002. - 1.525 ç de dommages et intérêts pour trouble de jouissance - 1.500 ç en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Monsieur X... et la MAF ont interjeté appel de la décision par acte du 16 août 2004. SUR QUOI : Vu les conclusions signifiées le 26 novembre 2004 par les appelants dans lesquelles d'une part, ils reprochent au Tribunal d'avoir écarté la responsabilité des sociétés INGENIERIE 84 et DENANTE et d'autre part, ils contestent la solution technique préconisée par l'expert judiciaire et le coût des travaux de reprise, Vu les conclusions signifiées le 8 juin 2005 par les époux Y..., intimés, dans lesquelles ils réclament la condamnation "conjointe et solidaire" des participants à l'entreprise de construction à leur payer diverses sommes, Vu les conclusions signifiées le 31 mars 2005 par la Société INGENIERIE 84 et la SMABTP, intimées, dans lesquelles elles demandent à la Cour à titre principal de confirmer le jugement, à titre subsidiaire de dire et juger que les travaux de reprise seront limités à la pose d'une géomembrane, d'un coût de 11.954,93 ç TTC et à titre infiniment subsidiaire, dans l'hypothèse où la Cour réformerait sur les responsabilités, de condamner Monsieur X... et la MAF, la société DENANTE et la Cie
AZUR à les relever et garantir de toutes condamnations prononcées à leur encontre, Vu les conclusions signifiées le 29 avril 2005 par la société AZUR ASSURANCES IARD (AZUR), intimée, dans lesquelles elle demande à la Cour à titre principal de confirmer le jugement en ce qu'il l'a mise hors de cause, à titre subsidiaire de prononcer cette mise hors de cause à raison du caractère apparent des désordres à la prise de possession valant réception tacite, la garantie décennale n'étant pas acquise, et à titre infiniment subsidiaire de dire et juger "que la responsabilité de l'entrepreneur DENANTE est résiduelle, s'agissant d'une erreur de conception dans la profondeur nécessaire des fondations" et que le coût des travaux strictement nécessaires s'élève à 11.954,93 ç ; enfin de débouter les époux Y... de leurs prétentions à dommages et intérêts pour préjudices immatériels ; I - Nature des désordres :
L'expert judiciaire B... désigné par ordonnance de référé du 18 octobre 2000, rendue opposable aux compagnies d'assurances SMABTP et ACS par ordonnance du 21 mars 2001 et à la Cie AZUR par ordonnance du 19 septembre 2001, a déposé son rapport le 7 mars 2002. Il conclut à l'existence sur les 4 murs porteurs de fissurations apparentes au moment de la prise de possession de l'ouvrage par les époux Y... en date du 11 juillet 1997. Il n'y a pas lieu malgré ce caractère apparent des désordres d'écarter la garantie décennale des constructeurs, alors que les maîtres d'ouvrage, profanes en matière de construction, n'étaient pas en mesure de déceler l'origine, ni d'évaluer l'ampleur des désordres en sous-oeuvre à l'origine des fissures apparentes lors de leur prise de possession valant réception tacite de l'ouvrage et que ces éléments n'ont été connus qu'après l'installation de témoins au cours des mois de novembre 1997, février 1998 et novembre 1998 et leur vérification par les différents intervenants à l'entreprise de construction (X..., INGENIERIE 84 et DENANTE) lesquels au vu des
résultats ont établi en novembre 1999 un protocole transactionnel de règlement du litige aux termes desquels ils ont évalué le coût des reprises et se sont répartis sa charge par tiers. Les époux Y... qui ont refusé de signer ce protocole en ce qu'il comportait une clause de renonciation à recours sont parfaitement recevables à rechercher la responsabilité des constructeurs sur le fondement de l'article 1792 du Code Civil. Leur action est également bien fondée. En effet l'expert judiciaire conclut que la plupart des fissures constatées et observées dans leur évolution sont des fissures structurelles vivantes compromettant la solidité de l'ouvrage. II - Sur les responsabilités : L'expert constate que "l'étude géotechnique conduite par la société SOL-ESSAIS en sa qualité de sapiteur a permis de déterminer que les fondations superficielles étaient affectées par les mouvements différentiels des sols d'assise constitués à faible profondeur par les matériaux marno-argileux altérés et sensibles aux variations et d'humidité"es fondations superficielles étaient affectées par les mouvements différentiels des sols d'assise constitués à faible profondeur par les matériaux marno-argileux altérés et sensibles aux variations et d'humidité" Une étude préalable du sol aurait permis la mise en oeuvre de méthodes et matériaux de construction adaptés. C'est en vain que Monsieur Michel X... et la MAF reprochent au Tribunal d'avoir méconnu les conclusions de l'expert judiciaire concluant à une défaillance sur ce point des trois intervenants et par voie de conséquence à un partage des responsabilités, ce type d'assertion formulée sans égard aux stipulations contractuelles ni aux dispositions de la loi ne pouvant en aucun cas lier le juge, seul à même de déterminer les responsabilités. Or le Tribunal a parfaitement rempli son office en jugeant qu'il incombait à l'architecte, investi d'une mission complète de maîtrise d'oeuvre, de se prémunir contre le vice du sol.
Il y a lieu de confirmer par adoption de motifs sa décision mettant hors de cause la BTP INGENIERIE 84 et la SARL Michel DENANTE pour retenir la seule responsabilité de Monsieur X... sur le fondement des articles 1792 et suivants du Code Civil, sans avoir égard aux termes du protocole transactionnel en date du 10 novembre 1999. Cet acte en effet, d'une part n'avait pas pour objet de déterminer les responsabilités des trois signataires et d'autre part est demeuré à l'état de projet à défaut d'acceptation de ses stipulations par les maîtres de l'ouvrage. III - Sur les dommages : 1) Travaux de reprise : L'avis de l'expert judiciaire qui a méticuleusement répondu aux dires des parties est sur ce point dépourvu de la moindre ambigu'té. Il écrit :
" L'ingénieur géotechnicien propose de reporter les charges de structure en profondeur pour s'affranchir de la zone sensible et ainsi obtenir la stabilisation. Pour cela on utilisera des micro-pieux forés ancrés dans les marnes compactes. C'est en vain que les constructeurs contestent l'opportunité de cette solution et préconisent celle beaucoup moins coûteuse, consistant en la pose d'une géomembrane périphérique avec trottoir destinée à maintenir le degré hygrométrique du sol, alors que l'expert aux termes d'explications techniques qui ne souffrent aucune contestation a écarté le procédé qu'il juge en l'espèce totalement inadapté pour une multitude de raisons parmi lesquelles : - venues d'eaux localisées et aléatoires révélées par certains sondages de la société SOL-ESSAIS - impossibilité d'assurer une évacuation correcte des eaux de ruissellement purgées par la géomembrane du fait de la topographie avec risque d'aggravation des dommages - risque de dessication du sol supportant la partie ancienne de la maison - sujétions liées à la présence de l'installation constitutives d'une moins value. Le procédé des micro pieux apparaît bien comme le conclut Monsieur B... "le seul susceptible de garantir une stabilité durable destinée à
rendre à l'ouvrage la pérennité qu'il n'a pas eue à l'origine par suite de la méconnaissance du sol". Et il y lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné Monsieur X... et son assureur à payer aux époux Y... une somme de 72.053,50 ç avec indexation sur l'indice du bâtiment de mars 2002 au titre des travaux confortatifs de l'ouvrage. 2) Préjudices de jouissance : Impossibilité d'habiter certaines parties de la maison. Elle n'est nullement démontrée et il y a lieu de débouter les époux Y... de la demande qu'ils forment à ce titre. 3) Résistance abusive :
Les participants à l'entreprise de construction n'ont pas refusé une prise en charge du coût des travaux de reprise, mais proposé assez rapidement une solution négociée qui n'a pas obtenu l'aval des époux Y... Les arguments qu'ils ont fait valoir dans le cadre de l'expertise judiciaire - notamment relatifs aux solutions à apporter aux désordres - reposaient sur des éléments techniques. Le fait qu'ils n'aient pas été retenus par le Tribunal et ne le soient pas par la Cour ne suffit pas à démontrer leur caractère abusif ou dilatoire. Il n'y a pas lieu d'accorder aux époux Y... les dommages et intérêts qu'ils sollicitent.
PAR CES MOTIFS, LA COUR : Après en avoir délibéré conformément à la loi, Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, en matière civile et en dernier ressort, Confirme en ses entières dispositions le jugement déféré , Y ajoutant, Condamne in solidum Monsieur X... et la société MAF à payer aux époux Y... une indemnité de 1.500 ç en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile laquelle viendra s'ajouter à celle obtenue par
eux en première instance sur le fondement de cette disposition légale, Rejette toutes prétentions plus amples ou contraires des parties, Condamne in solidum Monsieur X... et la Cie MAF aux entiers dépens de première instance incluant la procédure de référé et les frais d'expertise judiciaire et d'appel et pour ces derniers, autorise les avoués qui en ont fait la demande à les recouvrer conformément à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. Arrêt signé par Monsieur CHALUMEAU, Président et par Madame BERTHIOT, Greffier présent lors du prononcé. LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,