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13/11/2014 | FRANCE | N°11/08979

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 1o chambre section ao1, 13 novembre 2014, 11/08979


Grosse + copie délivrées le à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

1o Chambre Section AO1
ARRÊT DU 13 NOVEMBRE 2014
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 08979

Décision déférée à la Cour : Arrêt du 07 JUILLET 2011 COUR DE CASSATION DE PARIS No RG 772- f-d qui casse et annule l'arrêt du 4 décembre 2008 de la Cour d'Appel d'AIX-EN-PROVENCE, sur appel du jugement rendu par le Tribunal de grande instance de MARSEILLE le 20 septembre 2007

APPELANT :

Monsieur Gérard X...né le 14 Août 1948 à Marseille de nationalité française ...

13013 MARSEILLE représenté par Me Alexandre SALVIGNOL, avocat postulant au barreau de MONTPELLIER assisté...

Grosse + copie délivrées le à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

1o Chambre Section AO1
ARRÊT DU 13 NOVEMBRE 2014
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 08979

Décision déférée à la Cour : Arrêt du 07 JUILLET 2011 COUR DE CASSATION DE PARIS No RG 772- f-d qui casse et annule l'arrêt du 4 décembre 2008 de la Cour d'Appel d'AIX-EN-PROVENCE, sur appel du jugement rendu par le Tribunal de grande instance de MARSEILLE le 20 septembre 2007

APPELANT :

Monsieur Gérard X...né le 14 Août 1948 à Marseille de nationalité française ...13013 MARSEILLE représenté par Me Alexandre SALVIGNOL, avocat postulant au barreau de MONTPELLIER assisté de Me Jean Pierre BINON, avocat plaidant au barreau de MARSEILLE

INTIMES :

Monsieur Patrick D...né le 26 Juin 1961 à ENGHIEN LES BAINS de nationalité française ...16100 COGNAC représenté par Me Marie Camille PEPRATX NEGRE de la SCP Eric NEGRE, Marie Camille PEPRATX NEGRE, avocat au barreau de MONTPELLIER

SCP Philippe Y...Sébastien B...Jean François Z...Christophe A...société d'avocats au Barreau de Charenteprise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualités au dit siège social ...16100 COGNAC représentée par Me Joséphine HAMMAR, avocat postulant au barreau de MONTPELLIER, assistée de Me Bruno LEPLUS, avocat plaidant au barreau de PARIS

ORDONNANCE DE CLOTURE DU 17 SEPTEMBRE 2014

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le MERCREDI 8 OCTOBRE 2014 à 8H45, en audience publique, Madame Anne BESSON, Présidente ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de :
Madame Anne BESSON, Président de Chambre Monsieur Bruno BERTRAND, Conseiller Monsieur Eric COMMEIGNES, Conseiller qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Marie-Françoise COMTE

MINISTÈRE PUBLIC :

L'affaire a été communiquée au ministère public, qui a fait connaître son avis le 25 octobre 2013.

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;
- signé par Monsieur Bruno BERTRAND, Conseiller en l'absence de Madame Anne BESSON, Présidente empêchée, et par Marie-Françoise COMTE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE :
Gérard X...a engagé le 13 octobre 2005 une action en responsabilité contre Patrick D..., avocat associé de la SCP Y...-D...-B...-Z...-A..., aux fins d'obtenir sa condamnation à lui payer la somme de 826. 521, 86 ¿ à titre de dommages-intérêts pour ne pas lui avoir recommandé de faire appel d'un jugement du 18 septembre 1995.
Par jugement contradictoire en date du 20 septembre 2007, le tribunal de grande instance de Marseille a débouté Gérard X...de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné à payer au défendeur la somme de 1. 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.
Par arrêt en date du 4 décembre 2008, la cour d'appel d'Aix en Provence statuant sur l'appel de Gérard X..., a confirmé le jugement du 20 septembre 2007 et condamné l'appelant à payer à la SCP Y...-D...-B...-Z...la somme de 1. 500 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens de l'appel.
Par arrêt en date du 7 juillet 2011, la Cour de cassation statuant sur le pourvoi formé par Gérard X..., a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt du 4 décembre 2008 et renvoyé la cause et les parties devant la cour d'appel de Montpellier.
Gérard X...a saisi la cour de renvoi le 28 décembre 2011.
Par arrêt avant dire droit en date du 10 avril 2014 la cour d'appel de Montpellier a ordonné la réouverture des débats à l'audience du 8 octobre 2014 à 8h45 afin de permettre à Gérard X...de produire :- les titres d'acquisition des biens immobiliers,- les actes d'emprunt ayant servi à leur financement,- le jugement de licitation des biens concernés,- l'acte de partage de l'indivision ayant existé entre Hélène C...et lui-même.

Vu les conclusions de l'appelant remises au greffe le 18 septembre 2014 ;
Vu les conclusions de Patrick D...remises au greffe le 25 septembre 2014 ;
Vu les conclusions de la SCP Y...-B...-Z...-A...remises au greffe le 23 septembre 2014 ;
Vu l'avis de communication de la procédure au Ministère Public ;
Vu l'ordonnance ayant révoqué la clôture du 17 septembre 2014 et prononcé une nouvelle clôture le 8 octobre 2014 avec l'accord de toutes les parties ;

M O T I F S :

Sur la nullité des conclusions prises dans l'intérêt de Gérard X...:

La Scp Philippe Y...Sébastien... conclut à la nullité des conclusions prises le 18 septembre 2014 dans l'intérêt de Gérard X...au motif que celles-ci ne contiennent pas l'adresse de son domicile dont il a été expulsé le 16 septembre 2014 selon ses propres déclarations.
Mais les conclusions prises dans l'intérêt de Gérard X..., qui par suite d'une expulsion très récente se retrouve sans domicile fixe et en recherche de logement, n'encourent pas la nullité dès lors que la partie adverse, sans mauvaise foi de sa part, peut valablement signifier la décision à intervenir chez le conseil de l'intéressé où ce dernier est réputé avoir élu domicile.
La demande de nullité sera rejetée.

Sur la faute de l'avocat :

Gérard X...s'est marié avec Hélène C...le 28 novembre 1970. Il en a divorcé le 8 juin 1973.
Nonobstant ce divorce, le couple a poursuivi la vie commune en union libre entre 1973 et 1991 avant de se séparer définitivement.
Pendant cette période de concubinage le couple a acquis le 29 juin 1981 un terrain à bâtir de 1400 m ² quartier Saint Bathélémy à Marseille sur lequel ils ont fait construire leur maison d'habitation.
Dans le titre authentique d'acquisition, Gérard X...et Hélène C...se déclarent mariés sous le régime de la communauté et expriment leur intention d'acquérir l'immeuble pour le compte de ladite communauté.
En pages 16 et 17 de l'acte, il est indiqué que le prix d'achat est payé comptant par la comptabilité du notaire au moyen des deniers personnels des acquéreurs et sans recours à un emprunt.
La maison construite sur ce terrain à bâtir a été financée au moyen d'emprunts bancaires.
Par un jugement mixte du tribunal de grande instance de Marseille en date du 18 septembre 1995, rendu sur une assignation en partage délivrée par Hélène C..., il a été jugé que l'immeuble du ... à Marseille (bâti sur le terrain acquis en 1981) relevait « d'une indivision post-communautaire ».
Le premier juge n'a pas fait droit aux prétentions de Gérard X...qui soutenait être, depuis l'origine, le seul et unique propriétaire de l'immeuble acquis en 1981.
Maître D..., qui ne conteste pas avoir été mandaté par Gérard X...pour assurer la défense de ses intérêts lors de cette instance en partage, a transmis ce jugement mixte à son client par courrier du 13 octobre 1995 en indiquant rester à son entière disposition pour tout renseignement complémentaire.
Par ce courrier laconique Maître D...ne démontre pas s'être conformé à son obligation de conseil alors qu'en présence d'un jugement ayant rejeté les prétentions de Gérard X..., il devait informer celui-ci sur l'existence d'une voie de recours et insister sur le fait que, après la signification du jugement par la partie adverse (intervenue depuis 8 jours au moment où l'avocat écrivait ce courrier), il disposerait d'un temps très court pour examiner l'opportunité d'interjeter appel.
Maître D..., en se bornant à transmettre un jugement défavorable à son client sans l'informer de l'existence d'une voie de recours ni lui prodiguer aucun conseil sur la conduite à tenir ni même l'avertir des enjeux encourus en cas de signification de la décision par la partie adverse, a commis une faute de nature à engager sa responsabilité.
Maître D...ne peut se retrancher derrière le conflit l'ayant opposé à Gérard X...au sujet de ses honoraires pour justifier le manquement à ses obligations professionnelles et ce moyen sera rejeté.

Sur le préjudice :

Gérard X...soutient qu'en raison de la négligence fautive de son conseil, le jugement est devenu définitif et qu'il a perdu une chance certaine d'obtenir sa réformation en appel en se voyant reconnaître la qualité de seul et unique propriétaire du bien acquis en 1981.
La propriété d'un bien s'établit par son titre sans égard à son financement.
Le 29 juin 1981, Gérard X...et Hélène C...ont acquis le terrain à bâtir en qualité de coacquéreurs.
Contrairement à ce que soutient Gérard X..., cette acquisition n'a pas été faite « en présence » d'Hélène C...mais avec sa participation active en qualité de cocontractant.
Il s'agit par conséquent d'un achat indivis ainsi que l'a justement considéré le jugement du 18 septembre 1995.
Contrairement à ce que prétend à tort Gérard X..., le juge n'a pas fait une mauvaise application des dispositions de l'article 1442 du code civil puisqu'il a indiqué clairement dans ses motifs que l'acquisition immobilière de 1981 ne pouvait pas dépendre de la communauté légale ayant existé entre les époux puisque le jugement de divorce avait produit ses effets depuis le 24 février 1973.
Le juge a considéré, tenant la persistance de la vie commune entre les ex époux et l'absence corrélative de liquidation de la communauté ayant existé entre eux, que cet immeuble avait été acquis dans le cadre de leur indivision post communautaire c'est à dire durant la période, qui peut être parfois très longue, comprise entre la dissolution de la communauté (effets du divorce) et le partage définitif des intérêts communs (clôture des opérations de liquidation de la communauté).
Ce raisonnement n'est pas critiquable, contrairement à ce que prétend Gérard X..., même s'il est surabondant.
L'acte authentique du 29 juin 1981 ne contient aucune précision sur les quotités d'acquisition de chacun des coïndivisaires.
Dans le silence de cet acte, Gérard X...et Hélène C...sont réputés avoir acquis la propriété indivise du terrain à bâtir chacun pour moitié.
Par la règle de l'accession, la maison construite sur ce terrain indivis est devenue la propriété des coïndivisaires avec les mêmes quotités d'acquisition.
Cette propriété indivise par moitié, qui résulte de leur titre, ne peut être remise en cause même si Gérard X...démontre, ce qui n'est pas le cas en l'espèce car cela ne résulte d'aucune des pièces produites, que le financement du terrain aurait été réalisé au moyen de ses seuls deniers personnels.
Si Gérard X..., ainsi qu'il le prétend, a amélioré à ses frais le terrain indivis en finançant et en entretenant seul la construction qui y a été bâtie, il doit lui en être tenu compte lors de la liquidation de l'indivision.
Mais ces circonstances ne sont pas de nature à remettre en cause les quotes-parts de propriété énoncées précédemment et qui résultent du titre.
Par conséquent, les chances pour Gérard X...d'obtenir la réformation du jugement et de se voir reconnaître la qualité de propriétaire unique du bien immobilier étaient nulles.

Il doit être débouté de toutes ses demandes de dommages-intérêts en l'absence d'une quelconque perte de chance, même infime, de gagner le procès.

Le jugement dont appel doit être confirmé par ces motifs substitués.

P A R C E S M O T I F S :

La cour, statuant sur renvoi de cassation ;

Rejette la demande de nullité formée par la Scp Philippe Y...Sébastien... ;
Confirme le jugement entrepris par substitution de motifs ;
Condamne Gérard X...aux dépens de l'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
Dit n'y avoir lieu au bénéfice des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel et déboute toutes les parties de leurs prétentions de ce chef.

LE GREFFIER P/ LA PRÉSIDENTE

AB


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 1o chambre section ao1
Numéro d'arrêt : 11/08979
Date de la décision : 13/11/2014

Analyses

En se bornant à transmettre un jugement défavorable à son client sans l'informer de l'existence d'une voie de recours ni lui prodiguer aucun conseil sur la conduite à tenir ni même l'avertir des enjeux encourus en cas de signification de la décision par la partie adverse, un avocat a commis une faute de nature à engager sa responsabilité. En revanche, son client doit être débouté de sa demande de dommages-intérêts lorsqu'il résulte des pièces produites qu'il n'avait aucune chance, même infime, d'obtenir la réformation du jugement et de gagner le procès en appel.


Références :

Décision attaquée : Cour de cassation, 07 juillet 2011


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2014-11-13;11.08979 ?
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