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06/04/2011 | FRANCE | N°10/03766

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 4o chambre sociale, 06 avril 2011, 10/03766


SDV/ PDHCOUR D'APPEL DE MONTPELLIER 4o chambre sociale
ARRÊT DU 06 Avril 2011

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 03766
ARRÊT no
Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 MARS 2010 CONSEIL DE PRUD'HOMMES-FORMATION PARITAIRE DE CARCASSONNE No RG08/ 270

APPELANTES :
AGS (CGEA-TOULOUSE) 72, Rue Riquet BP 846 31015 TOULOUSE CEDEX 6 Représentant : la SELARL FERES et ASSOCIES (avocats au barreau de CARCASSONNE)
AGS STRUCTURE NATIONALE 3 rue Paul Cézanne 75008 PARIS 08 Représentant : la SELARL FERES et ASSOCIES (avocats au barreau de CA

RCASSONNE)

INTIMES :
Me X... mandataire liquidateur de la SA KCP MYRYS...... 11004 CA...

SDV/ PDHCOUR D'APPEL DE MONTPELLIER 4o chambre sociale
ARRÊT DU 06 Avril 2011

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 03766
ARRÊT no
Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 MARS 2010 CONSEIL DE PRUD'HOMMES-FORMATION PARITAIRE DE CARCASSONNE No RG08/ 270

APPELANTES :
AGS (CGEA-TOULOUSE) 72, Rue Riquet BP 846 31015 TOULOUSE CEDEX 6 Représentant : la SELARL FERES et ASSOCIES (avocats au barreau de CARCASSONNE)
AGS STRUCTURE NATIONALE 3 rue Paul Cézanne 75008 PARIS 08 Représentant : la SELARL FERES et ASSOCIES (avocats au barreau de CARCASSONNE)

INTIMES :
Me X... mandataire liquidateur de la SA KCP MYRYS...... 11004 CARCASSONNE CEDEX Représentant : la SCP DABIENS, CELESTE, KALCZYNSKI (avocats au barreau de MONTPELLIER)
Monsieur Marc Y......... 13600 LA CIOTAT Représentant : la SCP LEOSTIC-MEDEAU (avocats au barreau de CHARLEVILLE MEZIERES)

COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 27 JANVIER 2011, en audience publique, Monsieur Pierre D'HERVE, Président de Chambre ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de :
Monsieur Pierre D'HERVE, Président de Chambre Madame Bernadette BERTHON, Conseillère Monsieur Richard BOUGON, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mademoiselle Sylvie DAHURON

ARRÊT :
- Contradictoire.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de Procédure civile ;
- signé par Monsieur Pierre D'HERVE, Président de Chambre, et par Mademoiselle Sylvie DAHURON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * * RAPPEL DES FAITS
L'entreprise MYRYS, dont l'activité était la production et la vente de chaussures, a été fondée dans l'Aude en 1919 par M. Michel Z... et sera, au début des années 1980, le premier employeur de l'Aude avec 1800 salariés.
En 1987, elle sera rachetée par l'entreprise BATA.
Cette activité était alors partagée entre 5 structures : la SARL Etablissements MYRJEF, la SA CHAUSSURES LUCIDOR, la SARL Société d'étude sur la chaussure (SEC), la SA Z... A... ET SES FILS, et la SA CHAUSSURES MYRYS.
Elle connaîtra de graves difficultés financières qui conduiront à une succession de procédures collectives suivies de licenciements pour motif économique.
Les différentes procédures collectives.
licenciements de 1996.
Par jugement du 12/ 04/ 1996, le Tribunal de commerce de LIMOUX ouvrait une procédure de redressement judiciaire à l'encontre des sociétés SARL Etablissements MYRJEF, SA CHAUSSURES LUCIDOR, SARL Société d'étude sur la chaussure (SEC), SA Z... A... ET SES FILS et SA CHAUSSURES MYRYS.
Par jugement du 30/ 09/ 1996, le Tribunal de commerce de LIMOUX, constatant les difficultés du secteur de la chaussure, faisait droit à la proposition de reprise des sociétés par Messieurs B... et C..., auxquelles se verra par la suite substituée la SA MYRYS INVESTISSEMENT.
En application de ce jugement une première série de licenciements était effectuée en octobre et novembre 1996.
Licenciements de 1998.
Par jugement du 31/ 10/ 1997, le Tribunal de commerce de LIMOUX constatait que la SA MYRYS INVESTISSEMENT ne respectait pas ses engagements, prononçait la résolution du plan de redressement par voie de cession des sociétés du groupe MYRYS et ouvrait une nouvelle procédure de redressement judiciaire à l'encontre des 5 sociétés.
Etaient désignés en qualité d'administrateurs judiciaires, Maître D... et Maître E....
Par jugement du 06/ 02/ 1998, le Tribunal de commerce de LIMOUX constatait une nouvelle dégradation de la situation du groupe et ordonnait la cession du groupe MYRYS aux sociétés KLESH et COMPANY LIMITED et ETAM ainsi que le licenciement des salariés non repris.
En application de ce jugement, une deuxième série de licenciements était effectuée en mars 1998.
C'est alors que la société KCP MYRYS sera créée.
Licenciements de 1999.
Par jugement du 13/ 07/ 1999, modifiant le jugement de cession du 06/ 02/ 1998, le Tribunal de commerce de LIMOUX, compte tenu de la situation financière de la KCP MYRYS, autorisait la cession de 23 fonds de commerce et autorisait le licenciement de :
58 salariés attachés aux 23 fonds de commerce cédés 8 salariés dépendant de l'administratif et du dépôt 112 salariés dépendant de la production

En application de ce jugement, une troisième série de licenciements était effectuée en octobre 1999.
Licenciements de 2000.
Le 30/ 03/ 2000 était présenté un nouveau plan social prévoyant notamment :
- la mise en place d'une cellule de reclassement dont la mission était confiée à la SODIE pour une durée de 20 mois.- une aide à la création d'entreprise et la mise en place d'une convention de conversion.- un congé de conversion pendant 20 mois dont le financement était assuré les 10 premiers mois par la collectivité et les 10 mois suivants par l'employeur.- une convention d'allocation temporaire dégressive et une aide à la mobilité géographique.- une surprime de licenciement de 90. 000 francs (16. 188 €) et des conventions FNE.
Une quatrième série de licenciement intervenait alors à compter de mars 2000.
Licenciements de 2001.
La Société KCP MYRYS faisait l'objet d'un nouveau redressement judiciaire le 25 juin 2001.
La liquidation judiciaire était prononcée le 22 août 2001 avec une poursuite d'activité provisoire jusqu'au 3 septembre 2001.
A la suite de cette liquidation judiciaire, Maître X..., liquidateur, procédait au licenciement des salariés qui restaient aux effectifs.

Les jugements du Conseil de Prud'hommes de Carcassonne.
Par jugements du 29 mars 2010, le conseil des prud'hommes de Carcassonne a débouté de leurs demandes les personnes
-qui ne produisaient aucune pièce et notamment pas leur lettre de licenciement, estimant qu'elles ne justifiaient pas qu'elles avaient été salariées par l'une ou l'autre des structures en litige ou licencié pour motif économique par elles,- pour lesquelles il était établi qu'elles n'avaient en réalité pas été licenciées pour motif économique mais pour des motifs personnels qui n'étaient pas critiqués,- qui avaient déjà engagé individuellement, par le passé, une action pour contester leur licenciement et obtenu une indemnisation suite à de précédentes condamnations prud'homales.
Les licenciements de tous les demandeurs qui n'entraient pas dans ces 3 catégories étaient déclarés sans causes réelles et sérieuses et des inscriptions de dommages et intérêts au passif des sociétés en litige étaient prononcées, l'exécution provisoire étant par ailleurs ordonnée.
C'est dans ces conditions que d'une part les salariés déboutés faisaient appel des décisions rejetant leurs demandes, que d'autre part l'AGS interjetait appel de chacune des décisions prévoyant l'inscription de condamnations au passif des sociétés liquidées.

L'exécution provisoire de ces dernières décisions ayant été ordonnée, l'AGS saisissait en référé le Premier Président de la Cour d'Appel de MONTPELLIER aux fins d'arrêter cette exécution provisoire, ou, subsidiairement, de l'autoriser à séquestrer le montant des sommes mises à sa charge.
Par ordonnances du 30 juin 2010, le délégué du Premier Président :
- ordonnait l'arrêt de l'exécution provisoire des décisions à l'encontre des salariés n'ayant plus d'adresse connue-ordonnait l'arrêt de l'exécution provisoire des décisions à l'encontre des demandeurs ayant la qualité d'héritier d'anciens salariés-dans les autres cas, confirmait l'exécution provisoire dans la limite de 12. 000 €.

EXPOSE DU LITIGE soumis à la cour.

Monsieur Marc Y... a été embauché par la société Myrys à compter du 8 août 1983 ; dans le dernier état de la relation de travail, il occupait les fonctions de " cadre commercial " moyennant une rémunération moyenne brute mensuelle de 2477 €.
Alors qu'il était salarié de la société KCP MYRYS, il a été licencié pour motif économique par lettre recommandée AR du 20 septembre 2001 rédigée en ces termes :
" Par jugement en date du 22 août 2001, le tribunal de commerce de Carcassonne a prononcé la liquidation judiciaire de la SA KCP Myrys et a nommé la signataire en qualité de liquidateur.
Ledit jugement a autorisé une poursuite d'activité jusqu'au 31/ 08/ 01, date à laquelle toute activité a définitivement cessé.
C'est pourquoi une procédure de licenciement pour motif économique concernant l'ensemble des salariés inscrits aux effectifs est mise en oeuvre conformément aux dispositions des articles L622-4 et L622-5 du nouveau code de commerce.
La rupture de votre contrat de travail est directement liée aux graves difficultés économiques et financières de la SA Kcp Myrys ayant entraîné sa mise en redressement judiciaire pour cause d'état manifeste de cessation des paiements puis sa liquidation judiciaire avec l'autorisation de poursuite d'activité jusqu'au 31/ 08/ 01.
Les difficultés économiques qui n'ont pu être surmontées emportent la suppression de votre emploi. Les recherches préalables de reclassement se sont avérées infructueuses faute d'emploi et de poste disponible.
C'est pourquoi, suite à la demande d'autorisation que j'ai formulée auprès de l'inspection du travail le 5 septembre 2001 afin de vous licencier en votre qualité de personnel protégé, et à son accord adressé le 18 septembre 2001, reçu ce jour, j'ai le regret de vous notifier votre licenciement pour motif économique en exécution du jugement susvisé, entraînant une cessation totale et définitive de l'activité de la société Kcp Myrys et la suppression subséquente de tous les postes et emplois, et ceci, à la première présentation de la présente (…) ".
Estimant cette rupture abusive il a saisi le conseil de prud'hommes de Carcassonne qui, par jugement du 29 mars 2010, a fixé sa créance au passif des sociétés liquidées aux sommes de 32 205 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de 100 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et l'a débouté de sa demande d'indemnisation pour non-respect de l'ordre des licenciements.

Le centre de gestion et d'études AGS (CGEA) de Toulouse, délégation régionale AGS du sud-ouest et l'AGS ont régulièrement relevé appel de ce jugement le 7 mai 2010.
Ils concluent à l'infirmation de cette décision et demandent à la cour à titre principal de déclarer les demandes irrecevables au motif que le licenciement des salariés protégés ayant été autorisé par l'inspecteur du travail, le juge judiciaire ne peut contrôler les conditions dans lesquelles l'autorité administrative a rempli ses obligations sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, sollicitant l'allocation d'une somme de 500 € pour procédure abusive et celle de 500 € au titre des frais irrépétibles.
A titre subsidiaire, ils soutiennent qu'en conformité avec le droit alors applicable, l'employeur a mis en oeuvre des mesures exceptionnelles et en toute hypothèse proportionnées aux moyens dont il disposait, que le caractère réel et sérieux du licenciement économique ne peut être mis en cause, que l'ordre des licenciements a été respecté et les mesures de reclassement proposées et demandent à la cour de rejeter les prétentions ou en tout état de cause de les réduire, l'intimé ne justifiant pas véritablement du préjudice individuel qu'il réclame.
L'intimé conclut à titre principal à la recevabilité des demandes et à la confirmation du jugement dans son principe ; formant appel incident, ils demande à la Cour de fixer sa créance de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 50 000 €, faisant valoir que le juge judiciaire est exclusivement compétent vis-à-vis des salariés protégés qui ont fait l'objet d'une autorisation administrative lorsque ceux-ci élèvent une contestation sur la validité du plan de sauvegarde de l'emploi comme en l'espèce ; à titre subsidiaire, il demande à la cour de " surseoir à statuer et d'ordonner que les requérants, anciens salariés protégés, saisissent le tribunal administratif afin de juger de la légalité de l'autorisation de l'inspecteur du travail " ; en tout état de cause, il sollicite la condamnation solidaire de l'AGS et de Maître X..., es qualité, à lui payer la somme de 300 € " de dépens fixés par l'ordonnance du président du tribunal de commerce de Carcassonne " (sic) et celle de 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le mandataire liquidateur s'associe à l'argumentation de l'AGS et conclut à l'infirmation du jugement déféré aux motifs que la cour doit se placer à la date de la rupture pour déterminer le droit applicable, que les salariés ont bénéficié d'aides importantes et que leurs demandes ont subi quelques jours avant l'audience une inflation injustifiée.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions respectives des parties, de leurs moyens et arguments, la cour se réfère à leurs conclusions écrites reprises oralement à l'audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION.
L'appel est recevable en la forme.
Il n'y a pas lieu d'écarter des débats les dernières conclusions respectives des parties et leurs pièces, dés lors que la procédure est orale en matière prud'homale et que les parties ont été en mesure d'en discuter à l'audience.
En application des dispositions des articles 4, 6 et 9 du code de procédure civile, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties, à qui il appartient d'alléguer et de prouver conformément à la loi les faits propres à assurer le succès de ces prétentions.
Lorsque le licenciement économique d'un salarié protégé a été autorisé par l'inspecteur du travail à qui il appartient de vérifier l'obligation individuelle de reclassement pour apprécier le caractère réel et sérieux de la cause du licenciement, le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, contrôler le respect de cette obligation.
Il résulte des termes du litige et des pièces communiquées que le licenciement litigieux a effectivement été autorisé par l'inspecteur du travail antérieurement à la mise en oeuvre de la procédure de licenciement.
Cette décision administrative n'a fait l'objet d'aucune contestation et il n'appartient pas à la cour du surseoir à statuer dans l'attente de l'exercice d'un hypothétique recours, en toute hypothèse irrecevable aujourd'hui.
Saisie exclusivement d'une demande d'indemnisation du préjudice causé par le licenciement économique que l'intimé estime sans cause réelle et sérieuse, la cour n'a pas à examiner si l'éventuelle insuffisance du plan de sauvegarde pour l'emploi serait susceptible de causer un préjudice spécifique aux salariés protégés.
Il s'en déduit que ses demandes sont irrecevables et que la décision déférée doit être infirmée.
L'AGS ne démontre pas que le droit d'agir en justice a dégénéré en abus.
Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS
La cour,
Dit n'y avoir lieu à rejet de pièces et conclusions,
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Déclare irrecevables les demandes de Marc Y...,
Rejette la demande en dommages-intérêts pour procédure abusive,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne l'intimé aux dépens de première instance et d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 4o chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/03766
Date de la décision : 06/04/2011
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

ARRET du 27 novembre 2012, Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 27 novembre 2012, 11-18.913 11-18.914 11-18.915 11-18...

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2011-04-06;10.03766 ?
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