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05/11/2008 | FRANCE | N°08/013401

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 04, 05 novembre 2008, 08/013401


COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
4e chambre sociale
ARRET DU 05 NOVEMBRE 2008
Numéro d'inscription au répertoire général : 08 / 01340
Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 JANVIER 2008- TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE DE L'HERAULT-N° RG 20600644

APPELANTE :

Madame Lucien X...... 34500 BEZIERS Représentant : Me PIERCHON avocat à Montpellier

INTIMES :
Madame Jacqueline Z... veuve A...... 34370 MAREILHAN Représentant : Me BARRAL substituant Me Catherine SZWARC (avocat au barreau de MONTPELLIER)

Monsieur Jean Paul A... aya

nt droit de Jean A...... 34550 BESSAN Représentant : Me BARRAL substituant Me Catherine SZWARC (avo...

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
4e chambre sociale
ARRET DU 05 NOVEMBRE 2008
Numéro d'inscription au répertoire général : 08 / 01340
Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 JANVIER 2008- TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE DE L'HERAULT-N° RG 20600644

APPELANTE :

Madame Lucien X...... 34500 BEZIERS Représentant : Me PIERCHON avocat à Montpellier

INTIMES :
Madame Jacqueline Z... veuve A...... 34370 MAREILHAN Représentant : Me BARRAL substituant Me Catherine SZWARC (avocat au barreau de MONTPELLIER)

Monsieur Jean Paul A... ayant droit de Jean A...... 34550 BESSAN Représentant : Me BARRAL substituant Me Catherine SZWARC (avocat au barreau de MONTPELLIER)

Madame Marie Claude Y... ayant droit de Jean A...... 34800 CANET Représentant : Me BARRAL substituant Me Catherine SZWARC (avocat au barreau de MONTPELLIER)

Mademoiselle Corinne A... ayant droit de Jean A......... 34350 VENDRES Représentant : Me BARRAL substituant Me Catherine SZWARC (avocat au barreau de MONTPELLIER)

Mademoiselle Marion A... venant aux droits de son père Bernard A... prédécédé lui-même ayant droit de Jean A...... 34350 VENDRES Représentant : Me BARRAL substituant Me Catherine SZWARC (avocat au barreau de MONTPELLIER)

CPAM DE BEZIERS Place du Général de Gaulle BP 743 34523 BEZIERS CEDEX représentée par M. PAREDES Daniel pouvoir du 19 / 9 / 2008

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 02 OCTOBRE 2008, en audience publique, Monsieur Pierre D'HERVE ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de :
Monsieur Pierre D'HERVE, Président Madame Myriam GREGORI, Conseiller Madame Bernadette BERTHON, Conseiller

Greffier, lors des débats : M. Henri GALAN,
ARRET :
- Contradictoire.
- prononcé publiquement le 05 NOVEMBRE 2008 par Monsieur Pierre D'HERVE, Président.
- signé par Monsieur Pierre D'HERVE, Président, et par Monsieur Henri GALAN, Greffier présent lors du prononcé.
FAITS ET PROCEDURE
Jean A... (né le 9 juillet 1937) a travaillé de 1961 à 1983 en qualité de vulcanisateur (ainsi qu'il est mentionné sur ses bulletins de salaire) au sein du garage automobile Lucien X... garage exploité en nom personnel à BEZIERS, établissement mis postérieurement le 1er janvier 1993 en location gérance.
Le 16 octobre 2003, a été diagnostiqué sur la personne de Jean A... un adénocarcinome pleural.
Le 2 juin 2004, ce dernier déposait auprès de la " Caisse Régionale d'Assurance Maladie de BEZIERS " une demande de reconnaissance de maladie professionnelle en ces termes :
" Par la présente, je sollicite une demande de reconnaissance de maladie professionnelles pour la pathologie, liée à l'exposition à l'amiante, dont je suis victime.
J'ai exercé durant toute ma vie professionnelle la même activité à savoir la vente et le montage de pneu sur des véhicules d'occasion (tourisme, camions, engins de chantier ou engins agricoles). En contact direct et permanent avec les poussières d'amiante issues des plaquettes de freins des véhicules, qui couvraient l'intérieur des jantes de roues et que l'on nettoyait de façon systématique par un soufflage à l'air comprimé, je suis aujourd'hui atteint d'un cancer du poumon.
Mes différents employeurs ont été les établissements ROUDIER 119 avenue du Président WILSON 34500 BEZIERS de 1954 à 1966 et les établissements X... Lucien,... de 1966 à 1986, date de ma cessation d'activité due à mon invalidité pour cause d'accident du travail dont l'origine était consécutive aux manutentions manuelles de charges lourdes qui m'ont valu plusieurs interventions chirurgicales.
Je vous transmet ci-joint le certificat médical attestant du lien possible entre l'affection et mon activité professionnelle. "
Le 6 novembre 2004, il décédait.
Sa veuve Jacqueline Z... et trois de ses enfants par l'intermédiaire de leur avocat demandait le 11 juillet 2005 auprès de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de BEZIERS l'ouverture d'une procédure de reconnaissance de maladie professionnelle et d'une procédure en faute inexcusable.
Le 4 octobre 2005, Jacqueline Z... veuve A... remplissait l'imprimé CERFA de demande de reconnaissance de maladie professionnelle concernant son mari décédé, déclaration adressée avec les différentes pièces médicale à l'organisme social qui la réceptionnait le 14 octobre 2005.
Par courrier du 22 décembre 2005 libellé au nom de Lucien X... mais avec un avis de réception au nom de la Société X... Lucien du 26 décembre 2005, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de BEZIERS indiquait :
" Je vous informe qu'à ce jour l'instruction du dossier est terminée. En effet aucun élément nouveau ne paraît plus devoir intervenir ; préalablement à la prise de décision sur le caractère professionnel de la maladie (de Jean A...) qui interviendra le 4 janvier 2006 vous avez la possibilité de venir consulter les pièces constitutives du dossier. "
Le 4 janvier 2006, l'organisme social notifiait à Jacqueline Z... veuve A... la prise en charge de la maladie de son époux au titre de la législation professionnelle tableau 30.
S'agissant de la procédure de faute inexcusable, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de BEZIERS dressait le 23 janvier 2006 un procès-verbal de carence indiquant que : vu le rapport d'enquête figurant au dossier de maladie professionnelle les différentes entreprises chez qui Jean A... avait été exposé à l'amiante sont à ce jour disparues et qu'il n'est pas possible de convoquer les employeurs concernés.
Suite à la demande du 16 février 2006 de la famille A..., l'organisme social engageait une nouvelle procédure de faute inexcusable de l'employeur pour la maladie professionnelle de Jean A... et a par lettre recommandée du 24 février 2006 non réceptionnée et retournée à l'employeur avec la mention " pas de boîte à ce nom " convoquait les " établissements X...... à une tentative de conciliation et ce pour le mardi 21 mars 2006 à 10 H au siège de l'organisme social.
Le 21 mars 2006, la Caisse établissait un procès-verbal de carence qu'elle notifiait aux ETS X...... par lettre recommandée du 23 mars 2006 avec avis de réception du 27 mars 2006.
Le 19 avril 2006, les ayants droit de Jean A... à savoir sa veuve, trois de ses enfants Jean-Paul, Marie-Claude et Corinne ainsi que les ayants droit de son fils Bernard A... décédé en 1988 ont saisi par requête, le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de l'Hérault à l'encontre de Fabrice X... fils de Lucien repreneur de l'activité, et ce aux fins d'obtenir la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur à l'origine de la maladie à savoir les Etablissements X....
Par jugement rendu le 21 janvier 2008, contradictoirement (les établissements X... domiciliés... étant représentés par la SCP ALBARET GUIGUES) et en premier ressort a :
- dit que la maladie professionnelle dont Jean A... était atteint est la conséquence de la faute inexcusable de son employeur,- fixé l'indemnisation de ses préjudices moraux subis par les ayants droit aux sommes suivantes : 30 000 € pour la veuve et 12 000 € pour ses enfants et petits-enfants,- rappelé que conformément aux dispositions du Code de la Sécurité Sociale, ces sommes seront avancées par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de BEZIERS qui en récupérera le montant auprès de l'employeur condamné dans l'instance,- condamné les Etablissements X... à rembourser à l'organisme Social les sommes dont elle aura eu à faire l'avance dans le cadre de l'instance,- rejeté le surplus des demandes.

Madame Maryse F... veuve Lucien X... domiciliée... se présentant aux droits de feu Lucien X... ayant fait commerce sous la dénomination Etablissement X... à BEZIERS ..., a par l'intermédiaire de la SCP ALBARET GUIGUES interjeté appel de ce jugement qui a été notifié par le secrétariat du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale le 22 janvier 2008 aux Etablissements X... à l'adresse sus dite suivant lettre recommandée retournée avec la mention : " n'habite pas à l'adresse indiquée ".

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Dans ses conclusions récapitulatives et de synthèse en réponse, l'appelante demande au visa des articles 6-1 de la convention européenne des droits de l'homme, R. 441-11 et L. 452-4 du Code de la Sécurité Sociale de :
- au principal annuler le jugement déféré rendu contre les établissements X... et annuler la procédure de reconnaissance de faute inexcusable basée sur une reconnaissance de maladie professionnelle absolument nulle et inexistante, comme ayant été faite à l'encontre d'une personne décédée depuis quatre ans,- au subsidiaire déclarer non opposable à l'employeur la reconnaissance de maladie professionnelle et irrecevable la demande de faute inexcusable,- en très subsidiaire, infirmer le jugement et dire qu'il n'y a pas de faute inexcusable,- en tout état de cause dire irrecevable et mal fondées les demandes formulées par les consorts A... dans leurs conclusions récapitulatives et en réplique communiquées le 1er octobre 2008 de condamnation solidaire de Madame Veuve X... au paiement de diverses sommes et à une expertise médicale et voir condamner les intimés à lui verser 5000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Elle critique la motivation des premiers juges faisant valoir que la procédure de reconnaissance de maladie professionnelle et de faute inexcusable sont viciés sur plusieurs points :- sur la base de l'article R. 441-11 (rédaction décret n° 99-323 du 27 avril 1999) du Code de la Sécurité Sociale le principe du contradictoire et l'article 6-1 de la CESDH au motif que l'organisme social qui ne pouvait ignorer que l'employeur Lucien X... était décédé à BAROQUEVILLE depuis 5 ans le 28 juillet 2001 ne l'a pas informé préalablement à sa décision, sur la procédure d'introduction et sur les points susceptibles de lui faire grief le courrier du 22 décembre 2005 adressé à Lucien X... qui était décédé n'ayant pas été envoyé ni reçu par sa veuve ayant droit de Lucien X... et la lettre de convocation à une tentative de conciliation adressée le 3 mars 2006 à " Etablissements X...... étant revenue à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de BEZIERS ".

D'autre part au subsidiaire elle soutient que l'employeur ne pouvait avoir conscience du danger auquel aurait été exposé le salarié et ce dans la mesure où l'entreprise Lucien X... ne produisait ni ne fabriquait de l'amiante, n'avait pas recours à l'amiante comme matière première et n'utilisait pas de produits contenant de l'amiante rappelant que Jean A... n'était pas vulcanisateur mais monteur démonteur de pneus dans un premier temps puis responsable des monteurs-démonteurs, et n'a jamais travaillé sur les plaquettes de freins, où l'entreprise était une micro-structure, et où ce n'est que le décret n° 96-445 du 22 mai 1996 que le tableau n° 30 a introduit la liste de travaux susceptibles de provoquer cette maladie, antérieurement seul le travail direct sur l'amiante faisant l'objet d'une réglementation.
Aux termes de leurs écritures, les consorts A... ayants droit de Jean A... conclut :
- au débouté des entières demandes de Madame Veuve X...,- à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a dit que la maladie professionnelle dont Jean A... a été atteint est la conséquence de la faute inexcusable de l'employeur,- faisant appel incident à la condamnation " solidairement de Madame Veuve X... et de l'organisme social à lui payer au titre du préjudice moral 35 000 € pour Madame Veuve A..., 25 000 € pour chacun des enfants et petits-enfants ",- avant dire droit sur le préjudice personnel de Jean A... à la désignation d'un expert médical selon mission proposée,- à la condamnation de l'appelant à leur payer 2000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux dépens.

Ils précisent en premier lieu que les premiers juges ont oublié de statuer sur la demande d'expertise afin de déterminer le préjudice personnel de la victime.
Ils font valoir d'autre part que le non-respect de l'article R. 441-11 du Code de la Sécurité Sociale n'est pas sanctionné par la nullité de la procédure mais par l'inopposabilité de la décision de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie à l'employeur.
Ils reprennent à leur compte les arguments de l'organisme social sur l'opposabilité de la décision à l'employeur et rappellent que l'éventuelle inopposabilité de la procédure à l'employeur est sans incidence sur leurs droits à indemnisation la Caisse Primaire d'Assurance Maladie perdant uniquement son recours contre l'employeur.
Ils soutiennent sur le fond que la faute inexcusable de l'employeur est démontrée, que Jean A... a été directement et longuement exposé aux poussières d'amiante des systèmes de freinage des roues qu'il démontait, que les risques liés à l'amiante étaient connus des employeurs depuis 1945, que la responsabilité de l'employeur est engagée dès lors que le résultat n'a pas été atteint et que le salarié a été victime du cancer de l'amiante.
Ils prétendent que l'employeur a commis de multiples fautes (absence d'information de salariés sur le risque amiante, absence de formation, de surveillance médicale, mise à disposition de soufflette à air comprimé pour le dépoussiérage des roues des véhicules et des engins et d'un système de déboulonnage à air comprimé prescrits, absence d'entretien de vêtements de travail, absence d'équipement de protection individuelle).
Dans ses ultimes écritures, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de BEZIERS réitère ses premières écritures tendant à s'en remettre en justice quant à la reconnaissance de la faute de l'employeur, à ce qu'il lui soit donné acte de ce qu'elle émet des réserves quant au montant attribué sur les préjudices dont elle fera l'avance et qu'elle récupérera auprès de l'entreprise.
Elle conclut à l'opposabilité du caractère professionnel de la maladie professionnelle vis-à-vis de la Société X... précisant qu'elle produit la mise en cause préalable à la reconnaissance de la maladie professionnelle à l'employeur à savoir la lettre recommandée adressée le 22 décembre 2005 et dont l'accusé de réception a été retourné signé le 26 décembre 2005 cette pièce étant suffisante pour considérer que l'article R. 441-11 a bien été appliqué vis-à-vis de la Société X... Lucien dont le nom commercial n'a pas été modifié lors de la reprise en gérance par les deux fils Gérard et Fabrice le 1er janvier 1993.
Pour plus ample exposé, la Cour renvoie expressément aux écritures déposées par chaque partie et réitérées oralement à l'audience.
SUR CE
1. Sur les moyens soulevés par l'appelante :
En premier lieu, il convient de constater que certes Madame Veuve Lucien X... a comparu en première instance ainsi que l'ont relevé les premiers juges dans leur décision comme représentante des Etablissements Lucien X..., que d'autre part dans sa déclaration d'appel cette dernière mentionne se présenter aux droits de feu Lucien X... ayant fait commerce sous la dénomination Etablissements X.......
Pour autant, il ne peut être considéré que vis-à-vis de " l'employeur " la procédure en reconnaissance de maladie professionnelle diligentée par l'organisme social est régulière et contradictoire.
L'article R. 441-11 alinéa 1er dispose que hors les cas de reconnaissance implicite du caractère professionnel d'un accident ou d'une maladie et en l'absence de réserve de l'employeur la Caisse d'Assurance Maladie assure l'information de la victime, de ses ayants droit et de l'employeur préalablement à sa décision sur la procédure d'instruction et sur les points susceptibles de leur faire grief .
En application de cet article, il est de jurisprudence constante que l'organisme social doit donc afin de respecter le principe du contradictoire avant de prendre une décision informer l'employeur de la fin de l'instruction, des éléments recueillis susceptibles de lui faire grief, de la possibilité de consulter le dossier et de la date à laquelle elle prévoit de prendre sa décision.
En l'état des pièces versées au débat, il apparaît que la Caisse appelante n'a pas en l'espèce satisfait à son obligation d'information vis-à-vis de l'employeur.
Le rapport d'enquête réalisé le 22 décembre 2005 à l'initiative de l'organisme social conclut " du fait de l'absence de l'employeur (toutes les entreprises ont disparu) nous n'avons que les informations de la veuve de l'assuré. Dans cette situation il est difficile d'avoir une vue réelle et objective de l'activité professionnelle de Jean A... ".
D'autre part, il s'avère que dans les différents courriers qu'elle a envoyés au prétendu employeur de Jean A..., l'organisme social porte sur les lettres ou sur les enveloppes des dénominations différentes Lucien X... (lettre du 22 décembre 2006, alors que ce dernier est décédé depuis le 28 juillet 2001), Société X... Lucien (alors qu'il n'existe pas de Société), Ets X... (lettre du 24 février 2006 du 22 mars 2006 alors qu'elle a été informée par la Caisse Régionale d'Assurance Maladie le 12 avril 2006 l'établissement Lucien X... a été radié depuis le 1er janvier 1993) mais également des adresses différentes parfois..., parfois....
Le seul fait que le courrier du 22 décembre 2005 au nom de Lucien X... mais envoyé au nom de la Société X... Lucien au 29 (et non 27)... à BEZIERS ait pu faire l'objet d'un accusé de réception dont la signature ne correspond pas à celle de Mme Lucien X... ne peut permettre en l'état des anomalies susvisées de considérer que le véritable employeur ou son ayant droit ait été régulièrement avisé.
Au demeurant et ainsi que l'exige l'article R. 441-11 susvisé dans son alinéa 3, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de BEZIERS ne justifie pas avoir envoyé à l'employeur le double de la déclaration de maladie professionnelle rédigé par Madame Veuve A... le 4 octobre 2005.
Dans ces conditions, la reconnaissance de la maladie professionnelle de Jean A... ne peut être que déclarée inopposable à Madame Veuve Lucien X... venant aux droits de feu Lucien X... ayant fait commerce sous la dénomination " Etablissements X... ".
Sur ce point, il doit être rappeler que la sanction encourue est l'inopposabilité de la procédure à l'employeur mais non la nullité.

2. Sur l'existence de la faute inexcusable :

En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers ce dernier d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles, le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L. 452-1 du Code de la Sécurité Sociale lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.
La faute inexcusable ne se présume pas, il appartient à la victime ou à ses ayants droit d'en rapporter la preuve.
En l'état, cette preuve n'est pas rapportée.
Le seul fait que la maladie professionnelle tableau 30 ait été reconnue à Jean A... pour avoir été exposé aux poussières d'amiante notamment quand il a travaillé de 1961 à 1983 au garage de Lucien X..., n'entraîne pas ipso facto la preuve de la faute inexcusable de cet employeur.
Les ayants droit de Jean A... ne versent au débat aucune pièce déterminante.
Ils se contentent de produire :
- un article sur les " risques chimiques dans les garages " extrait d'une publication éditée par la Caisse Régionale d'Assurance Maladie du Languedoc-Roussillon daté de septembre 2004 et intitulé " Prévenir les risques professionnels ",- un document sur l'historique du freinage, imprimé à partir d'internet le 21 septembre 2007,- une fiche d'activité de mécanicien automobile réalisée en février 2005 par le Docteur G... extraite du site Bosson-Futé.

Au vu de ces éléments, il ne peut être contesté qu'antérieurement à 2000 les freins des véhicules comportaient de l'amiante, il ne peut pour autant en déduire que le garage Lucien X... qui ne produisait pas d'amiante et ne l'utilisait pas comme matière première et compte tenu de sa taille avait eu ou aurait dû avoir conscience du danger auquel il exposait son salarié à l'époque alors que c'est le décret du 22 mai 1996 (postérieurement à la période en litige) qui a visé au tableau 30 bis les travaux de maintenance ou d'entretien sur du matériel contenant des matériaux à base d'amiante et le décret du 24 décembre 1996 qui a interdit toutes variétés de fibres d'amiante dans tous les domaines.
Quant aux prétendues fautes de l'employeur sur l'absence de mesures les ayants droit de la victime ne versent au débat aucun témoignage étant observé que les seules déclarations de la victime et de sa veuve (qui répète celles de son mari) ne peuvent suffire à démontrer un comportement non conforme ou déviant de l'employeur.
En conséquence, la faute inexcusable ne saurait être retenue et toutes les demandes faites par les ayants droit de la victime sur les conséquences de la faute inexcusable doivent être rejetées y compris celle au titre de l'expertise sur le préjudice personnel de la victime.
3. Sur les autres demandes :
L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du Code de Procédure Civile à la présente espèce.
La procédure étant sans frais, il n'y a pas lieu de statuer sur les dépens.
L'appelante qui voit son recours accueillie n'a pas à payer le droit fixe prévu à l'article R. 144-10 alinéa 2 du Code de la Sécurité Sociale.

PAR CES MOTIFS

LA COUR
Déclare recevable en la forme l'appel de Madame Veuve Lucien X...,
Sur le fond,
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Dit inopposable à Madame Veuve Lucien X... venant aux droits de feu Lucien X... ayant exploité le garage sous la dénomination " Etablissements X... "..., la reconnaissance par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de BEZIERS de la maladie professionnelle de Jean A...,
Dit que la faute inexcusable de l'employeur n'est pas établi,
En conséquence, déboute les ayants droit de Jean A... tant en leur nom personnel que sur l'action sur le préjudice personnel de la victime de leurs demandes,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de Procédure Civile et de l'article R. 144-10 alinéa 2 du Code de la Sécurité Sociale.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 04
Numéro d'arrêt : 08/013401
Date de la décision : 05/11/2008
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

ARRET du 11 mars 2010, Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 11 mars 2010, 09-10.228, Inédit

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2008-11-05;08.013401 ?
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