AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLEGIALE R.G : 05/08222SNC INEO COM CENTRE-EST C/ X... APPEL D'UNE DECISION DU :Conseil de Prud'hommes de LYON du 29 Novembre 2005 RG : F04/1554 COUR D'APPEL DE LYON CHAMBRE SOCIALE ARRÊT DU 02 NOVEMBRE 2006 APPELANTE :SNC INEO COM CENTRE-EST 54 bis, rue Pierre Audry 69009 LYON 09 représentée par Me Christian FAYARD, avocat au barreau de DIJON INTIMEE :Madame Valérie X... ... représentée par Me Sandrine ANNE, avocat au barreau de DIJON
DEBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 20 Septembre 2006 COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :M. Didier JOLY, Président M. Dominique DEFRASNE, Conseiller Mme Marie-Pierre GUIGUE, Conseiller Assistés pendant les débats de Monsieur Julien MIGNOT, Greffier. ARRE : CONTRADICTOIRE Prononcé publiquement le 02 Novembre 2006, par mise disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Nouveau Code de Procédure Civile ; Signé par M. Didier JOLY, Président, et par Monsieur Julien MIGNOT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. EXPOSE DU LITIGE Madame Valérie X... a été engagée par
la société nouvelle des établissements Jules Verger et Delporte en qualité de technicien commercial, suivant contrat écrit à durée déterminée du 13 février 1989, d'une durée de trois mois, soumis aux dispositions de la Convention collective du bâtiment. Le 13 juillet 1989, les parties ont conclu un contrat à durée indéterminée. En application de l'article L.122-12 du code du travail, le contrat de travail de Madame X... a été transféré avec effet au 1er janvier 1999 auprès de la société VD centre est SNC, filiale de l'employeur initial, devenue la société INEO COM CENTRE EST.Au dernier état de la collaboration, Madame X... avait une rémunération brute mensuelle de 2303 euros outre une rémunération variable.Par lettre remise en mains propres le 2 février 2004, la société INEO COM CENTRE EST a convoqué Madame X... à un entretien préalable à son licenciement et l'a dispensée de l'exécution de la prestation de travail compte tenu des données confidentielles et des accès aux fichiers dont elle disposait.Par lettre recommandée avec avis de réception datée du 23 février 2004, la société INEO COM CENTRE EST a notifié à Madame X... son licenciement dans les termes suivants : votre désaccord sur vos objectifs 2004 ainsi que sur le plan de rémunération rend impossible la poursuite des relations contractuelles .Madame X... a saisi le conseil des prud'hommes de Lyon.Par jugement du 29 novembre 2005, le conseil des prud'hommes de Lyon (section industrie) a :-dit que le licenciement de Madame X... ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse,-condamné la société INEO COM CENTRE EST à payer à Madame X... les sommes de :
45 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
5000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire,
677,81 euros à titre de commissions,
457,35 euros à titre de rappel de primes du 4ème trimestre 2003,
610 euros à titre de rappel de primes du 3ème trimestre 2003,
457 euros à titre de rappel sur la marge 2003,
1000 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,- ordonné la délivrance de l'attestation Assedic rectifiée,-ordonné le remboursement par l'employeur des indemnités chômage dans la limite de six mois,-débouté la société INEO COM CENTRE EST de sa demande reconventionnelle,-condamné la société INEO COM CENTRE EST aux dépens.La société INEO COM CENTRE EST a interjeté appel du jugement.Dans ses conclusions écrites reprenant ses observations orales visées par le greffe le 20 septembre 2006, la société INEO COM CENTRE EST sollicite l'infirmation du jugement de première instance, le débouté des demandes de la salariée et paiement de la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Elle soutient que le plan de rémunération variable mis en place ne constituait pas une modification du contrat de travail et que le refus de la salariée du plan qui lui était soumis légitime le licenciement.Dans ses conclusions écrites reprenant ses observations orales visées par le greffe le 20 septembre 2006, Madame X... sollicite la confirmation du jugement de première instance et le paiement de la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Elle fait valoir que le refus de la modification du contrat de travail concernant sa rémunération variable ne pouvait fonder un licenciement pour motif personnel.DISCUSSIONSur le licenciementAttendu que la modification de l'assiette et du mode de calcul de la partie variable de la rémunération, même dans un sens favorable au salarié, entraîne une modification du contrat de travail qui ne peut être imposée par l'employeur; Attendu qu'il résulte du débat et des pièces produites que les éléments de la rémunération
variable de Madame X... étaient chaque année définis par un document intitulé définition de l'activité commerciale comprenant en annexe une feuille de rémunération selon objectifs permettant de déterminer les modalités annuelles de l'activité commerciale de la salariée et, par application des règles de calcul définies, la rémunération variable prévisible de la salariée ; que ce document mentionne pour Madame X... en 2003 une catégorie 3 avec une cible commerciale désignée capacité de +/- 40 à 150 postes ;Que début 2004, la société INEO COM CENTRE EST a présenté à l'ensemble de ses commerciaux un document intitulé plan de rémunération 2004 , objet du litige, définissant en fonction d'une classification interne à l'entreprise, nouvellement introduite et décidée unilatéralement par l'employeur, sous le vocable junior, confirmé, senior, grandes affaires ou grands comptes; que le document individuel adressé à Madame X... pour signature prévoyait un objectif individuel annuel de taux de marge brute de 29,50 % avec un salaire annuel fixe de 27 636 euros et un salaire variable à objectifs atteints de 18 424 euros ; Que le document intitulé plan de rémunération 2004 prévoit que :
les salariés junior, confirmé, senior travaillent en priorité sur les affaires de 10 à 300 postes,
le taux de marge brute définissant les objectifs sera fonction du type de marché et d'activité du commercial, c'est à dire fonction du type de vente,
cet objectif de marge constituera l'objectif officiel du plan de rémunération et sera défini par le calcul suivant : objectif de prise de commande (PDC) x taux de marge brute,
pour chacune des catégories, l'employeur définit un PDC en kilo euros et un pourcentage de marge brute, soit pour la catégorie senior, un PDC de 600 kilo euros et un taux de marge brute de 24 % pour
l'activité parc correspondant aux anciens clients et de 35 % pour l'activité chasse correspondant aux nouveaux clients obtenus par le commercial dans son secteur d'activité défini par son manager,
un objectif de contrat de services est défini distinctement à 10 % d'une activité produit ,
la partie variable du salaire est composée de 70 % de la partie produit , de 22,5% de la partie service et de 7, 5 % de la prime individuelle sur la base de la mesure des résultats cumulés à fin de mois,
un calcul complexe est mis en place pour le calcul de la prime individuelle selon une formule comprenant cinq variables dont deux corrections ou pondérations à l'initiative de l'employeur,
la prime individuelle comprend deux modes de calcul, partie produit et partie service ;qu'il résulte de ces éléments que la système de rémunération variable nouvellement défini par la société INEO COM CENTRE EST, se caractérisant par une complexité introduisant de nombreuses variables à disposition de l'employeur, déterminait en 2004 pour Madame X... :
une classification senior, non explicitée ni motivée par des critères objectifs tels une grille de salaire ou la classification conventionnelle, ayant une incidence sur l'objectif de commercialisation jusqu'à 300 postes, représentant une capacité augmentée pour la salariée (en 2003, fixée jusqu'à 150 postes),
l'augmentation des objectifs annuels passés de 428 000 à 600 000 euros, soit une augmentation de 40 % résultant du choix de l'employeur du classement en catégorie senior,
une marge supérieure à celle des coefficients de vente des années précédentes versés au débat,
un potentiel ou parts de marché diminués en raison de la modification en diminution de la cible de clientèle, ces éléments ayant une
incidence sur la rémunération;que Madame X... verse au débat les courriels échangés fin 2003 entre les responsables de l'entreprise mentionnant une obligation de confidentialité du contenu de ces messages à l'égard des commerciaux ; qu'il y est écrit que le document plan de rémunération 2004 sera remis aux salariés sans indication des fourchettes de rémunération servant de base à la grille commerciale et que les premières simulations montrent que les rémunérations variables des commerciaux performants augmentent et que les autres commerciaux sont moins bien payésàce qui me paraît juste ;que la variation de la rémunération du salarié nouvellement définie en 2004 n'était pas fondée sur des éléments objectifs indépendants de la volonté de l'employeur mais sur l'introduction de nombreuses variables unilatéralement définies par l'employeur ayant une incidence sur la rémunération variable de la salariée;que l'affirmation de la société INEO COM CENTRE EST selon laquelle le système pouvait aboutir à une augmentation de la rémunération variable à objectifs atteints, n'est pas justifié et constitue ainsi une simple allégation ; que ce moyen est inopérant au regard de la règle de prohibition de la modification unilatérale de la rémunération ;que la cour retient que la proposition de rémunération variable faite par la société INEO COM CENTRE EST introduisait une modification de la rémunération de Madame X... constitutive d'une modification du contrat de travail ;que Madame X... était fondée à refuser la modification apportée à son contrat de travail ;que le seul motif de licenciement visé dans la lettre de licenciement réside dans le refus de la salariée du plan de rémunération ;que le licenciement de Madame X... est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;que le jugement entrepris sera confirmé sur ce point ; Sur l'indemnisationAttendu que Madame X... qui a été licenciée sans cause réelle et sérieuse, alors qu'elle avait plus de deux ans
d'ancienneté dans une entreprise occupant habituellement plus de dix salariés, est en droit de prétendre, en application de l'article L.122-14-4 du code du travail, à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois ; qu'en l'espèce, c'est à juste titre et en considération des éléments de la cause que les premiers juges ont fixé à 45 000 le montant des dommages et intérêts dus à Madame X...;qu'en application des dispositions de l'article L 122-14-4 (alinéa 2) du code du travail, les premiers juges ont, à bon droit, ordonné le remboursement par la société INEO COM CENTRE EST à l'ASSEDIC concernée des indemnités de chômage payées à Madame X... du jour du licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage ; Attendu que Madame X... a été dispensée d'exécuter son travail, dès le début de la procédure de licenciement, au motif de la confidentialité et de l'accès aux données à disposition de la salariée ; qu'ainsi, Madame X..., après 15 ans de travail dans l'entreprise, se trouvait de fait mise à pied sans qu'aucune faute ne lui soit reprochée dans le cadre du licenciement ; que cette défiance injustifiée est complétée par la volonté avérée de l'employeur de ne pas donner à la salariée les éléments objectifs permettant de comprendre le calcul des primes ainsi qu'il résulte des courriels précités et du refus de communiquer le configurateur de calcul devant être mis à disposition des salariés ;qu'à juste titre et en considération des éléments de la cause, les premiers juges ont fixé à 5000 le montant des dommages et intérêts dus à Madame X... en réparation du caractère abusif et vexatoire des circonstances entourant le licenciement;
Sur le rappel de commissionsAttendu que les premiers juges n'ont pas statué au delà de leur saisine, sur la demande de rappel de commissions et primes, compte tenu des demandes formulées par Madame X... au dernier état du débat devant le conseil de prud'hommes
;qu'en examinant les pièces produites au débat, le conseil de prud'hommes a, à bon droit, constaté que la vente effectuée par Madame X... en 2003 auprès des collèges du département n'avait pas été prise en compte par la société INEO COM CENTRE EST au titre des commissions et primes 2003 ; que la société INEO COM CENTRE EST ne prouve pas une renonciation de la salariée à cette rémunération ; que les premiers juges ont exactement calculé le montant des créances résultant de cette retenue injustifiée par l'employeur; Que le jugement entrepris mérite entière confirmation en ses dispositions relatives au rappel de commissions, de primes des 2ème et 4éme trimestres 2003 et du rappel de prime sur marge 2003;
Sur la demande au titre des frais irrépétibles
Attendu qu'il ne serait pas équitable de laisser Madame X... supporter les frais qu'elle a dû exposer en cause d'appel et qui ne sont pas compris dans les dépens ; qu'une somme de 2000 euros lui sera allouée sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, en sus de celle déjà octroyée par les premiers juges ;
PAR CES MOTIFS,LA COUR :Reçoit l'appel régulier en la forme ;Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;Condamne la société INEO COM CENTRE EST à payer à Madame X... la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile pour les frais exposés devant la Cour;Condamne la société INEO COM CENTRE EST aux dépens d'appel.
Le greffier Le président