ARRÊT N
RG N : 07 / 00454
AFFAIRE :
Olivier d'A...
C /
SOCIÉTÉ RENAULT TRUCKS SAS,
JL / MLM
Licenciement
COUR D'APPEL DE LIMOGES
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 14 JANVIER 2008
A l'audience publique de la Chambre sociale de la cour d'appel de LIMOGES, le quatorze janvier deux mille huit a été rendu l'arrêt dont la teneur suit ;
ENTRE :
Olivier d'A..., demeurant ...-64990 ST PIERRE D'IRUBE
APPELANT d'un jugement rendu le 27 mars 2007 par le conseil de prud'hommes de LIMOGES
Représenté par Maître Jean-Charles MAURY, avocat au barreau de LIMOGES
ET :
SOCIÉTÉ RENAULT TRUCKS SAS, dont le siège social est ...
Intimée
Représentée par Maître Joseph AGUERA, avocat au barreau de LYON
---= = oO § Oo = =---
A l'audience publique du 26 novembre 2007, la Cour étant composée de Monsieur Jacques LEFLAIVE, Président de chambre, de Monsieur Philippe NERVE et de Madame Anne-Marie DUBILLOT-BAILLY, Conseillers, assistés de Madame Geneviève BOYER, Greffier, Maîtres Jean-Charles MAURY et Joseph AGUERA, avocats, ont été entendus en leur plaidoirie.
Puis, Monsieur Jacques LEFLAIVE, Président de chambre a renvoyé le prononcé de l'arrêt, pour plus ample délibéré, à l'audience du 14 janvier 2008 ;
A l'audience ainsi fixée, l'arrêt qui suit a été prononcé, ces mêmes magistrats en ayant délibéré.
LA COUR
Par un contrat signé le 19 mars 2004, la société RENAULT TRUCKS a engagé Olivier d'A... à compter du 3 mai 2004 et l'a affecté à la direction des fabrications à LIMOGES en qualité de cadre position III A. Il était précisé dans le contrat que, bien que celui-ci précise son affectation, Olivier d'A... pourrait être muté dans tout autre service, établissement ou filiale de RENAULT VÉHICULES INDUSTRIES, en FRANCE ou à l'étranger en fonction des nécessités du travail.
La société RENAULT TRUCKS a adressé le 24 janvier 2006 à Olivier D'A... une lettre recommandée avec accusé réception comme suit :
" Pour faire suite à notre entretien initial du 26 octobre dernier, qui a été suivi par de nouveaux échanges en date du 16 décembre dernier, je vous confirme que, compte tenu des orientations du centre de production des véhicules militaires de LIMOGES, nous sommes à même de vous proposer un poste de contrôleur de gestion au sein de l'UCG de l'établissement RENAULT TRUCKS de BLAINVILLE.
Vous restez ainsi dans le même métier et les conditions générales d'exercice de ces fonctions, le niveau de positionnement et de rémunération, le statut collectif et les perspectives de carrières demeurent inchangés.
Même si votre contrat de travail contient une clause de mobilité, vous bénéficiez bien évidemment de la norme transfert dans la société.
Ayant déjà longuement abordé cette perspective de mobilité avec vous, une réponse désormais rapide de votre part m'obligerait quant à votre acceptation ou non. "
Olivier d'A... a répondu par une lettre recommandée avec accusé réception du 30 janvier 2006 libellée comme suit :
" Par courrier recommandé du 24 janvier dernier vous me demandez une réponse quant à la proposition au poste de contrôleur de gestion au sein de L'UCG RENAULT TRUCKS de BLAINVILLE.
C'est en effet suite à une annonce APEL pour un poste de contrôleur de gestion à LIMOGES que j'y avais pris les fonctions de responsable finance gestion du Centre de production de véhicules militaires.
Lors de nos échanges, je vous avais informé que je ne souhaitais pas une mutation moins de trente six mois avant ma prise de fonction à LIMOGES ; j'espérais la possibilité de solutions sur place d'autant plus que BLAINVILLE est le site le plus éloigné de mon domicile familial.
Compte tenu des circonstances, notamment de l'évolution des postes au sein du CPVM et de la clause de mobilité du contrat de travail signé le 19 mars 2004, cette mutation proposée à BLAINVILLE est une condition de poursuite de ce contrat, que, par conséquence, j'accepte. "
Par lettre recommandée avec accusé réception du 29 mars 2006 la société RENAULT TRUCKS a notifié à Olivier D'A... son licenciement en indiquant le motif suivant :
"... compte tenu des évolutions au centre de production des véhicules militaires de LIMOGES, nous avons été amenés à vous proposer un poste de contrôleur de gestion au sein de L'UCG de notre établissement de BLAINVILLE, soit une affectation cohérente avec vos compétences, votre statut cadre et la clause de mobilité contenue dans votre contrat de travail.
Vous nous avez fait part de votre accord et une réunion a été organisée sur le site de BLAINVILLE.
Nous avons été amenés à constater, de façon objective que, dans le même temps, vous postuliez sur d'autres fonctions à LYON, vous mettez en cause le niveau de rattachement hiérarchique, vous ne manifestiez pas un grand intérêt sur la teneur de vos futures responsabilités, votre préoccupation majeure était en lien avec des considérations d'ordre personnel, à tout le moins incompatibles avec votre fonction et la norme transfert même aménagée.
Dans ce cadre et, ne disposant pas d'autres possibilités de réaffectation, nous sommes dans l'obligation de recourir à cette décision, vous considérant dans l'impossibilité d'exécuter normalement votre contrat de travail, au titre d'un poste opérationnel et à responsabilité en Normandie. "
Olivier d'A... a saisi le conseil de prud'hommes de LIMOGES le 17 août 2006 aux fins de voir dire que son licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse et qu'il est abusif et condamner la société RENAULT TRUCKS à lui payer les sommes suivantes :
indemnité pour non respect de la procédure de mobilité10 000,00 € net
indemnité sur le fondement de l'article L. 122-14-4
du code du travail64 300,00 € brut
complément de salaire et de préavis714,36 € brut
congés payés correspondants7,44 € brut
indemnité au titre de l'article 700 du
nouveau code de procédure civile 3 000,00 €
La société RENAULT TRUCKS a conclu au débouté de l'ensemble des demandes d'Olivier d'A... et a réclamé 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Par jugement du 27 mars 2007 le conseil de prud'hommes de LIMOGES a débouté Olivier d'A... de la totalité de ses demandes et l'a condamné à payer à la société RENAULT TRUCKS 300 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Olivier d'A... a relevé appel de ce jugement par déclaration du 2 avril 2007.
Par écritures soutenues oralement à l'audience il reprend les termes de ses demandes présentées en première instance en exposant l'argumentation suivante :
La convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie prévoit en son article 8 que la mutation doit être notifiée par écrit et fait courir un délai de six semaines pendant lequel l'ingénieur ou le cadre devra accepter ou refuser la modification notifiée, un délai de douze semaines avant l'expiration duquel la mise en oeuvre du changement d'affectation ne pourra avoir lieu qu'avec l'accord de l'ingénieur ou du cadre et un délai de dix-huit semaines pendant lequel l'ingénieur ou le cadre pourra revenir sur son acceptation.
La société RENAULT TRUCKS n'a pas respecté ces dispositions. Dès le 24 janvier 2006, elle a exigé une " réponse rapide " et elle a engagé la procédure de licenciement dès le 14 mars 2006, bien avant l'expiration du délai de dix-huit semaines. Il n'est pas expressément précisé que ce texte ne s'applique pas lorsque le contrat de travail comporte une clause de mobilité. Lorsqu'elle a notifié la mutation la société RENAULT TRUCKS espérait un refus d'Olivier d'A... pour pouvoir s'en séparer. Le non respect de la procédure de mobilité justifie une indemnité de 10 000 euros. Le motif du licenciement est fondé sur une procès d'intention. La société RENAULT TRUCKS n'a pas laissé à Olivier d'A... le temps de faire ses preuves. La direction a considéré qu'il ne pourrait pas assumer ses nouvelles fonctions alors qu'il n'a pas été mis en situation de travailler sur son nouveau poste. Le fait qu'au cours de l'entretien il a fait part de ses préoccupations concernant les conséquences familiales de sa mutation ne peut pas être considéré comme un refus d'intégrer le poste proposé ni la manifestation d'une quelconque mauvaise volonté. La société RENAULT TRUCKS avait décidé de se débarrasser de lui pour des raisons qui n'ont rien à voir avec son comportement professionnel. La personne qui a été engagée pour le remplacer et qui a été également licenciée atteste que la direction était satisfaite du travail d'Olivier d'A..., que le poste proposé à BLAINVILLE était très en dessous de ses compétences et de son expérience et qu'elle a été surprise que d'autres postes ne lui soient pas proposés alors que de nombreux choix existaient sur le site intranet du groupe ;
Le préjudice subi par Olivier d'A... est important. Il a été victime de la pratique dite de délation pour soupçon de faits délictueux, ce qui a conduit la CNIL à procéder à une vérification sur l'établissement de SAINT PRIEST. Il est toujours sans emploi et a 53 ans, il lui sera impossible de retrouver un emploi avec une rémunération équivalente. Le salaire du 31 mars au 4 avril 2006 ne lui a pas été payé.L'attestation ASSEDIC doit être rectifiée car le contrat de travail a pris fin le 4 août 2006.
Par écritures soutenues oralement à l'audience, la société RENAULT TRUCKS conclut à la confirmation du jugement et réclame 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile en exposant l'argumentation suivante.
La bonne foi étant présumée, c'est au salarié d'apporter la preuve que la mutation a été prise pour des raisons étrangères à l'intérêt de l'entreprise.L'article 8 de la convention collective des cadres et ingénieurs de la métallurgie ne s'applique que si le contrat de travail ne comporte aucune clause de mobilité géographique et si la mobilité impose un changement de résidence et il ne peut pas s'appliquer en l'espèce dans la mesure où le contrat de travail d'Olivier d'A... comporte une clause de mobilité. Celui-ci a expressément accepté sa mutation à BLAINVILLE. Pour faciliter son intégration la société RENAULT TRUCKS a organisé des entretiens qui ont eu lieu le 27 février 2006 et il en est ressorti qu'Olivier d'A... ne montrait aucun intérêt pour son nouveau poste et se préoccupait essentiellement des modalités de transfert et de pré-transfert, réclamant des mesures transitoires exorbitantes du droit interne, notamment des allers-retours hebdomadaires jusqu'à la fin de l'année 2007. Il a agi de façon déloyale pour faire échec à sa mutation, recherchant des postes dans la région lyonnaise, alors qu'on ne pouvait lui proposer correspondant à ses compétences. Il a prétendu qu'on voulait mettre fin à son contrat de travail par une procédure transactionnelle et a même entamé une grève de la faim le 20 mars 2006.
SUR QUOI, LA COUR
A-Sur la demande d'indemnité pour non respect de la procédure de mobilité :
ATTENDU que l'appelant soutient que la société RENAULT TRUCKS n'a pas respecté les dispositions du paragraphe 1o de l'article 8 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie, ledit article concernant le changement d'établissement et le changement de résidence ;
Mais ATTENDU que ledit paragraphe mentionne de façon liminaire que " la modification du contrat qui concerne le lieu ou le cadre géographique de travail convenu et impose un changement de résidence devra être notifiée par écrit à l'ingénieur ou cadre " ;
Que ce paragraphe ne s'applique pas si le changement du cadre géographique de travail imposant un changement de résidence constitue une modification du contrat de travail ;
Que dans la mesure où le contrat de travail d'Olivier d'A... prévoyait explicitement qu'il pourrait être muté dans tout autre service, établissement ou filiale de RVI en FRANCE ou à l'étranger, sa mutation dans un autre établissement de la société RENAULT TRUCKS situé en FRANCE, en l'espèce à BLAINVILLE (CALVADOS) ne constituait pas une modification de son contrat de travail ;
Que, dès lors, le paragraphe précité n'était pas applicable et Olivier d'A... n'est pas fondé à réclamer une indemnité à son employeur au motif que celui-ci ne l'aurait pas respecté ;
B-Sur le licenciement :
ATTENDU que le licenciement est motivé, notamment, par la circonstance que, alors qu'il avait donné son accord à sa mutation à BLAINVILLE et qu'une réunion y était organisée, Olivier d'A... a dans le même temps postulé à d'autres fonctions à LYON ;
ATTENDU que, bien que le contrat de travail comporte une clause de mobilité, la société RENAULT TRUCKS a écrit le 24 janvier 2006 à Olivier d'A... pour lui demander de répondre s'il acceptait ou non le poste de contrôleur de gestion à son établissement de BLAINVILLE ;
Que par un courrier du 30 janvier 2006 Olivier d'A... a rappelé les objections qu'il avait formulées auparavant à cette mutation mais a répondu de façon explicite qu'il l'acceptait ;
ATTENDU qu'il résulte de courriers électroniques adressés à Olivier d'A... par des salariés d'un établissement de VENISSIEUX (RHÔNE), dont la teneur n'a pas été contestée à l'audience, qu'Olivier d'A... s'est porté candidat à deux postes de cet établissement dans le courant du mois de mars 2006 et ce, plusieurs jours avant l'engagement de la procédure de licenciement pour l'un au moins d'entre eux puisque l'un des courriers est daté du 20 mars 2006 et fait état d'un entretien de candidature ayant eu lieu le 9 mars alors que la convocation à l'entretien préalable au licenciement a été envoyée le 14 mars 2006 ;
ATTENDU que le salarié dont le contrat de travail comprend une clause de mobilité portant sur le territoire national et l'étranger, et qui, ayant expressément accepté une mutation sur un établissement et un poste déterminés, se porte candidat à des postes dans un autre établissement avant que sa mutation soit effective et tente ainsi de la remettre en cause, manque à l'obligation de loyauté à laquelle il est tenu à l'égard de son employeur, ce qui constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement ;
Qu'il y a lieu, en conséquence, de débouter Olivier d'A... de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
C-Sur la demande de complément de salaire et de préavis :
ATTENDU que l'appelant ne justifie pas par les pièces qu'il verse aux débats de ce qu'une retenue de salaire aurait été effectuée pour la période du 31 mars au 4 avril 2006, sur laquelle porte la demande de rappel de salaire, l'attestation destinée à L'ASSEDIC mentionnant au contraire un paiement intégral aux mois de mars et avril 2006 ;
D-Sur la remise d'une attestation ASSEDIC rectifiée :
ATTENDU, qu'en vertu de l'article L. 122-14-1 alinéa 1 du code du travail le préavis ne court qu'à compter de la présentation de la lettre de licenciement ;
Que, si la lettre n'a été remise à Olivier d'A... que le 3 avril 2006, elle a été présentée une première fois le 1er avril 2006 ;
Que le contrat de travail a donc pris fin à l'expiration du préavis, qui est de quatre mois, soit le 1er août 2006 ;
Qu'il y a lieu d'enjoindre à l'intimée de délivrer une attestation ASSEDIC rectifiée ;
Que, cependant, il ne paraît pas opportun d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
E-Sur les dépens et les frais irrépétibles :
ATTENDU qu'il y a lieu de condamner Olivier d'A... aux dépens et aux frais irrépétibles supportés par l'intimée ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant en audience publique et par arrêt contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de LIMOGES en date du 27 mars 2007 en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté Olivier d'A... de sa demande de délivrance d'une attestation destinée à L'ASSEDIC rectifiée ;
Statuant à nouveau,
Dit que la société RENAULT TRUCKS devra délivrer à Olivier d'A... une attestation destinée à l'ASSEDIC mentionnant que le contrat de travail a pris fin le 1er août 2006 ;
Dit n'y avoir lieu à prononcer une astreinte ;
Ajoutant au jugement,
Déclare Olivier d'A... mal fondé en sa demande de rappel de salaire et de congés payés correspondants et l'en déboute ;
Condamne Olivier d'A... à payer à la société RENAULT TRUCKS SEPT CENTS (700) EUROS sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Condamne Olivier d'A... aux dépens d'appel.
Cet arrêt a été prononcé à l'audience publique de la Chambre sociale de la cour d'appel de LIMOGES en date du quatorze janvier deux mille huit par Monsieur Jacques LEFLAIVE, président de chambre.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Geneviève BOYER. Jacques LEFLAIVE