MINUTE No 08 / 0514
NOTIFICATION :
ASSEDIC ()
Copie aux parties
Clause exécutoire aux :- avocats- délégués syndicaux- parties non représentées
COUR D'APPEL DE COLMAR CHAMBRE SOCIALE- SECTION A
ARRÊT DU 03 Avril 2008
Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A 08 / 01170 Décision déférée à la Cour : 04 Mars 2008 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE STRASBOURG
APPELANTE :
POSTE (LA), prise en la personne de son représentant légal, non comparant, Agence Coliposte Rue Forlen 67118 GEISPOLSHEIM
Représentée par Me Patrick TRUNZER (avocat au barreau de STRASBOURG),
INTIMÉ :
Monsieur Fabrice X..., comparant en personne, ......
Assisté de Me Claus WIESEL, (avocat au barreau de COLMAR),
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 25 Mars 2008, en audience publique, devant la Cour composée de : M. VALLENS, Président de Chambre Mme SCHNEIDER, Conseiller M. JOBERT, Conseiller qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Melle FRIEH, Greffier
ARRÊT :- contradictoire- prononcé par mise à disposition au greffe par M. VALLENS, Président de Chambre,- signé par M. VALLENS, Président de Chambre et Melle FRIEH, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
M. Fabrice X... était agent salarié de droit privé de La Poste selon un contrat à durée indéterminée du 16 août 1999 comme opérateur.
Élu à la commission consultative paritaire, M. X... a été désigné ultérieurement par la CGT comme représentant CGT au comité d'hygiène et de sécurité et des conditions de travail, par une lettre adressée à La Poste le 6 septembre 2005 pour l'agence de GEISPOLSHEIM où il était affecté.
En raison de défaillances professionnelles de M. X..., La Poste l'a convoqué à un entretien préalable en vue de son licenciement éventuel pour le 18 janvier 2007 et saisi la commission consultative paritaire pour avis, laquelle a recommandé une mutation.
M. X... a été licencié par une lettre du 26 février 2007 le dispensant de préavis.
La CGT a contesté la régularité de ce licenciement, effectué sans l'autorisation préalable de l'administration, en invoquant la protection applicable aux représentants du personnel.
La Poste lui a contesté le bénéfice de cette protection par une lettre du 2 mars 2007.
Le 3 décembre 2007, M. X... a fait citer La Poste devant le Conseil de Prud'hommes de STRASBOURG en formation de référé pour voir constater sa qualité, l'irrégularité de son licenciement et le trouble manifestement illicite, et voir ordonner sa réintégration, outre le paiement d'un rappel de 7. 575 euros à titre de rappel de salaires et de 2. 000 euros pour frais de procédure.
Par une ordonnance du 4 mars 2008, le Conseil de Prud'hommes de STRASBOURG statuant en référé a ordonné à La Poste de réintégrer M. X... dans ses fonctions sous peine d'une astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du cinquième jour suivant sa décision et lui a alloué la provision réclamée de 7. 575 euros pour le préjudice subi et 1. 000 euros pour frais de procédure.
Autorisée par une ordonnance du 13 mars 2008 rendue en application de l'art. 948 du Code de procédure civile, La Poste a fait citer M. X... et demande à la Cour d'infirmer l'ordonnance, de rejeter la demande de réintégration de M X..., de constater l'incompétence de la juridiction des référés, et de lui allouer une indemnité de 2. 000 euros pour frais de procédure.
Elle fait valoir qu'il n'existe pas de comité d'entreprise mais une commission consultative paritaire et que le CHSCT institué au sein de La Poste est celui prévu par un décret du 28 mai 1982.
Selon l'appelante, la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation de La Poste autorise le recrutement d'agents contractuels de droit privé mais renvoie à un décret, qui n'a jamais été pris, pour les conditions de représentation des personnels en matière d'organisation des services et de conditions de travail.
De plus, cette loi déclare applicables les titres III et IV du livre 2 du Code du travail, sous réserve des adaptations à préciser par ce décret.
Il en résulte selon l'appelante que les règles protectrices des délégués du personnel et des membres des comités d'entreprise ne sont pas applicables, et qu'aucune protection spécifique n'est prévue pour les membres du CHSCT, ni pour les salariés qui y siègent.
Selon elle, l'art. L 231- 1 du Code du travail est limité aux établissements publics, industriels ou commerciaux ou ceux déterminés par décret, alors que La Poste a un statut particulier celui d'un exploitant public, et qu'aucun décret ne le réglemente.
Quant au décret du 28 mai 1982, antérieur à la loi de 1990, il déclare applicables les règles en matière d'hygiène et de sécurité mais ne rend pas pour autant applicables le statut protecteur des membres du CHSCT.
En l'absence d'un accord d'entreprise spécifique, il n'y a pas selon elle de règles protectrices pour ses membres.
M. X... conclut au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement, et demande à la Cour de porter la provision allouée à 16. 533 euros augmentée d'une indemnité de 2. 000 euros pour frais de procédure.
Il fait valoir que son licenciement, comme membre du CHSCT, ne pouvait intervenir sans la consultation de l'Inspection du travail.
Selon lui, la Convention collective commune à La Poste et à France Télécom régit les rapports des salariés de droit privé, tandis que les règles de la fonction publique s'appliquent aux seuls salariés fonctionnaires.
Un CHSCT a été ainsi institué au sein de La Poste en application de l'article 31- 3 de la loi du 2 juillet 1990 modifiée par une loi du 20 mai 2005.
Le décret prévu n'ayant pas été pris, l'organisation de ce comité reste régie par le décret antérieur du 28 mai 1982, dont l'art. 40 réglemente la désignation des représentants du personnel en son sein.
Selon lui, l'Inspection du travail devait donc être consultée, de sorte que son licenciement est nul et sa réintégration doit être confirmée.
L'indemnité réclamée correspond aux 11 mois de salaires qu'il n'a pas perçus depuis son éviction.
Les parties ont développé à l'audience leurs conclusions.
Sur ce, la Cour,
La juridiction des référés est compétente en présence d'un trouble manifestement illicite par application des art. 809 CPC et R 516- 31 du Code du travail, peu important l'existence de contestations sérieuses.
Il convient de déterminer au vu des textes applicables si le licenciement de M. X... a méconnu manifestement les règles protectrices du Code du travail susceptibles de lui être appliquées.
M. X... a été engagé par un contrat de droit privé qui était expressément soumis aux dispositions légales et réglementaires, comme à la convention commune La Poste- France Télécom et à l'accord d'entreprise du 12 juillet 1996.
Il a été régulièrement désigné par la CGT comme représentant syndical au CHSCT pour l'agence où il était affecté.
C'est en vertu de ce statut, qu'il réclame en référé la protection prévue par les dispositions du Code du travail applicables aux représentants du personnel et aux représentants syndicaux.
L'organisation du service public de la poste est régie par la loi du 2 juillet 1990.
L'article 31 de cette loi autorise par une disposition générale l'emploi d'agents contractuels en renvoyant à un décret, qui n'a pas été pris, les conditions dans lesquelles les agents de La Poste sont représentés dans des instances de concertation chargées d'assurer l'expression collective de leurs intérêts, notamment en matière d'organisation des services, de conditions de travail et de formation professionnelle.
Le décret prévu devait aussi établir les règles de protection au moins équivalentes à celles prévues par le Code du travail pour les délégués du personnel dont bénéficient leurs représentants.
Enfin, suivant l'article 31- 3 de cette même loi, les titres III et IV du livre deuxième du Code du travail s'appliquent à l'ensemble du personnel de La Poste sous réserve des adaptations précisées par un décret en Conseil d'Etat, tenant compte des dispositions particulières relatives aux fonctions et à l'emploi des agents contractuels.
Dès lors, la seule réserve prévue porte sur la nécessité d'adaptations aux particularités de ces emplois, sans subordonner l'application de ces principes à l'adoption d'un tel décret. Au surplus, la reconnaissance d'une protection au profit des salariés membres d'un CHSCT ne nécessite pas un décret d'application.
En déclarant applicables les titres III et IV du livre deuxième du Code du travail, le législateur a voulu étendre à La Poste les dispositions générales relatives à l'hygiène et à la sécurité, sans qu'il puisse être distingué entre les règles concernant l'hygiène et la sécurité applicables aux entreprises.
Cela vise donc les dispositions des art. L 230- 1 à L 236- 13, et les textes réglementaires correspondants relatifs à l'hygiène, à la sécurité et aux conditions de travail.
Les dispositions contenues au titre III du livre deuxième du Code du travail sont donc a priori applicables, sauf les dispositions d'adaptation éventuelles telles que les commissions consultatives paritaires, les règles spéciales qui peuvent régir le CHSCT (comme le fait le décret du 28 mai 2002 expressément applicable à l'exploitant public prévu par la loi du 2 juillet 1990) et sous réserve des dispositions qui seraient contraires dans des textes législatifs distincts.
Or rien en l'espèce ne permet de dire de manière indiscutable quelles règles applicables au CHSCT seraient écartées pour La Poste.
Au contraire, l'art. 3 du décret de 1982 renvoie expressément aux règles applicables en matière d'hygiène et de sécurité.
Il n'appartient donc pas à la juridiction des référés de restreindre ou d'interpréter de manière différente ces dispositions claires, dans des conditions contraires à une interprétation raisonnable des textes qui aboutirait à priver des salariés de la protection prévue par le Code du travail dans des circonstances analogues qui serait établie à leur profit.
Cette disposition déclare applicables les règles définies au titre III du Livre deuxième, sous réserve de ses propres dispositions en matière d'hygiène et de sécurité.
Ces textes doivent donc recevoir application.
Parmi les règles de ce décret, figurent celles relatives au rôle des comités d'hygiène et de sécurité, leur composition et la désignation de leurs membres.
En ce qui concerne la protection des membres du CHSCT, faute de dispositions particulières, il y a donc lieu de faire application des dispositions de l'article L 236- 11 du Code du travail, qui figure bien au titre III du Livre deuxième de ce code.
Ces dispositions renvoient à l'art. L 436- 1 du même code : est donc applicable aux salariés qui siègent dans un CHSCT la protection applicable aux membres d'un comité d'entreprise ou aux représentants syndicaux prévus par l'art. L 433- 1 du code.
Mais cette protection n'est étendue par l'art. L 236- 11 susvisé qu'aux salariés qui siègent dans ce comité qu'en qualité de représentants du personnel.
Il a été jugé que la protection légale n'est due que si l'institution mise en place par un accord au sein de niveau de l'entreprise était de même nature que celle prévue par une institution légale génératrice du même statut (Cass. Soc. 29 janv. 2003, no 00- 45. 961, Cass. Soc. 18 mai 2005).
Or le représentant syndical désigné au CHSCT est un organe dont l'existence n'est pas prévue par le code du travail, et n'est pas une institution de même nature que celle prévue par ce code et aucun texte ne rend applicable de manière certaine la protection due aux représentants salariés élus au sein du CHSCT à ce représentant.
S'agissant d'une protection exorbitante du droit commun les textes doivent recevoir devant la juridiction des référés une interprétation littérale et appropriée de manière non discutable.
Il n'apparaît donc pas qu'en refusant à M. X..., désigné en tant que représentant syndical auprès du comité CHSCT et non en tant que représentant du personnel élu, la protection réservée par les dispositions applicables du Code du travail aux seuls représentants du personnel élus au sein d'un CHSCT, La Poste ait méconnu de manière manifeste des dispositions légales protectrices applicables aux représentants du personnel et aux représentants syndicaux siégeant au comité d'entreprise.
M X... invoque en outre l'art. 68 de la Convention collective de La Poste, qui prévoit en effet la consultation obligatoire de la Commission consultative paritaire pour le licenciement d'un représentant du personnel : cette disposition n'est cependant pas de nature à répondre à la situation de M. X... qui se prévaut de la qualité de représentant syndical et critique non pas l'absence de consultation de cette commission mais bien l'absence de demande d'autorisation à l'Inspection du travail.
Quant à la Convention no 135 de l'Organisation Internationale du Travail également invoquée par M. X..., elle prévoit en effet la nécessité d'assurer une protection des salariés et de leurs représentants et proscrit le licenciement de salariés motivé par leur qualité de représentants des travailleurs.
Mais ces dispositions, certes supérieures à la loi et aux règlements, n'apparait pas manifestement méconnue par la procédure de licenciement qui a été précédée de la consultation de la Commission consultative à laquelle La Poste s'est conformée et dont il n'est pas allégué que la procédure de licenciement aurait été engagée contre M X... en raison de son activité à ce titre.
Le jugement déféré doit être réformé et la demande de M. X... rejetée, faute d'un trouble manifestement illicite dont La Poste se serait rendue coupable.
L'équité n'impose pas d'allouer à l'appelante une indemnité pour les frais de procédure qu'elle a du engager.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,
RÉFORME le jugement entrepris,
REJETTE la demande de M. X...,
Le CONDAMNE aux dépens,
DÉBOUTE La Poste du surplus.
Et le présent arrêt a été signé par Mr VALLENS, Président et Melle FRIEH, Greffier.