DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE Section A MC/CW MINUTE No 368/2006 Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A 01/04639 Copies exécutoires à : Maître BUEB La S.C.P. CAHN etamp; ASSOCIES Le 4 mai 2006 Le Greffier RÉPUBLIQUE FRANOEAISE AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS COUR D'APPEL DE COLMAR ARRÊT DU 04 mai 2006 Décision déférée à la Cour : jugement du 09 avril 2001 du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de STRASBOURG
APPELANTS et défendeurs : 1 - Maître X... demeurant ... 67087 STRASBOURG CEDEX liquidateur de Monsieur Jean-Marie Y..., en liquidation judiciaire demeurant ... 67300 SCHILTIGHEIM 2 - Mademoiselle Sophie Y... demeurant ... 67000 STRASBOURG 3 - Monsieur Jean Y... demeurant ... 67300 SCHILTIGHEIM 4 - Mademoiselle Caroline Y... demeurant ... 67100 STRASBOURG représentés par Maître SPIESER, en qualité d'administrateur de l'Etude de Maître BUEB, avocat à COLMAR INTIMÉE et demanderesse : La BANQUE DE L'ECONOMIE DU COMMERCE ET DE LA MONETIQUE (B.E.C.M.), venant aux droits de la S.A. BANQUE DE L'ECONOMIE DU CREDIT MUTUEL agissant par son représentant légal ayant son siège social 34, rue du Wacken 67000 STRASBOURG représentée par la S.C.P. CAHN etASSOCIES, avocats à COLMAR plaidant : Maître ALEXANDRE, avocat à STRASBOURG
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 02 mars 2006, en audience publique, devant la Cour composée de :
Michel WERL, Président de Chambre
Dominique VIEILLEDENT, Conseiller
Martine CONTE, Conseiller qui en ont délibéré. Greffier, lors des débats : Nathalie NEFF ARRÊT :
- Contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Nouveau
Code de Procédure Civile.
- signé par Michel WERL, Président et Nathalie NEFF, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. Ou', Madame CONTE, Conseiller en son rapport. * * *
FAITS ET PROCÉDURE :
Monsieur Y..., qui était le dirigeant de la Sàrl MAISON BECK, avait garanti différents concours qu'avait consentis la BANQUE DE L'ECONOMIE CRÉDIT MUTUEL - aux droits de laquelle vient LA BANQUE DE L'ECONOMIE DU COMMERCE ET DE LA MONÉTIQUE (ci-après B.E.C.M.) - à la Sàrl MAISON BECK au moyen d'engagements personnels de cautionnement et d'inscription hypothécaires sur ses biens immobiliers.
Après que la Sàrl MAISON BECK avait été placée en redressement judiciaire le 6 septembre 1993, la B.E.C.M. a fait procéder à la vente forcée des immeubles hypothéqués à son profit par Monsieur Y..., mais le produit de ces ventes n'a pas couvert l'intégralité de ses créances, une somme supérieur à 1.800.000 F lui restant due.
Antérieurement, par acte du 30 décembre 1992, Monsieur Y... avait consenti une donation - avec réserve d'usufruit, droit de retour et interdiction d'aliéner - à ses trois enfants : Sophie, Jean et Caroline Y..., d'un immeuble d'habitation sise à COSSWILLER et qui ne faisait l'objet d'aucune affectation hypothécaire.
Monsieur Y... a été placé en liquidation judiciaire, Maître X... étant désignée ès qualités de liquidateur.
C'est en entendant exercer l'action paulienne en application de l'article 1167 du Code civil, que par exploit d'huissier du 8 juillet 1998, la B.E.C.M. a fait citer Maître X... ès qualités ainsi que Sophie, Jean et Caroline Y... (ci-après les consorts Y...) afin de se voir déclarer inopposable la donation précitée et d'ordonner la réintégration du bien dont elle était l'objet dans le patrimoine de Monsieur Y...
Par jugement du 9 avril 2001, le Tribunal de grande instance de STRASBOURG a accueilli les prétentions de la B.E.C.M. en retenant que Monsieur Y... a appauvri son patrimoine et donc causé un préjudice à la Banque en consentant la donation litigieuse alors que par acte sous seing privé du 6 août 1990 il s'était engagé envers la B.E.C.M. à ne pas consentir de droits réels sur ses immeubles sans l'accord préalable écrit de cette dernière, et à une époque où du fait de ses cautionnements et de la situation obérée de la Sàrl MAISON BECK, il était de manière certaine le débiteur de la Banque.
Les premiers Juges ont rejeté la demande reconventionnelle des consorts Y... tendant à rechercher la responsabilité de la B.E.C.M. pour soutien abusif de la Sàrl MAISON BECK et rupture brutale des concours accordés à celle-ci. Pour se déterminer ils ont considéré que Monsieur Y..., qui était dirigeant et caution, ne pouvait faire grief à la Banque d'avoir accordé des concours dont il connaissait l'étendue, et dont la réduction loin d'être brutale, avait été progressive.
Maître X... ès qualités et les consorts Y... ont interjeté appel général de ce jugement le 26 avril 2001.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 20 octobre 2005.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Pour un plus ample exposé la Cour se réfère expressément aux dernières conclusions déposées par les parties :
- le 13 octobre 2005 par Maître X... et les consorts Y...,
- le 7 février 2005 par la B.E.C.M..
Pour conclure par voie d'infirmation du jugement entrepris au rejet des prétentions de la B.E.C.M.. et réitérer leurs demandes reconventionnelles, les appelants ont essentiellement fait valoir : - que la B.E.C.M. qui savait que Monsieur Y... tenait à préserver cet immeuble, n'a jamais pris de garantie sur celui-ci ; - que les
préposés de la B.E.C.M. - dont l'audition qui a été refusée par le Conseiller de la mise en état est sollicitée avant dire droit - peuvent confirmer cet accord entre les parties ; - qu'en consentant la donation critiquée, Monsieur Y... qui s'était personnellement engagé comme caution et qui avait affecté la totalité de son patrimoine immobilier à la garantie des créances de la B.E.C.M., n'avait pas conscience de causer un préjudice à celle-ci, ce qui rend l'action paulienne mal fondée ; - qu'au surplus, et si la B.E.C.M. n'avait pas brutalement réduit l'autorisation de découvert de la Sàrl MAISON BECK de 1.700.000 F à 200.000 F, sa situation était en voie d'amélioration. * * *
Faisant siens les moyens du Tribunal, la B.E.C.M. a conclu à la confirmation du jugement attaqué.
MOTIFS :
Attendu qu'au 30 décembre 1992, date de la donation critiquée, par l'effet des engagements de caution qu'il lui avait consentis - le 6 août 1990 à hauteur de 750.000 F et le 28 janvier 1992 à hauteur de 700.000 F - la B.E.C.M. possédait un principe certain de la créance contre Monsieur Y... ;
qu'au surplus par acte du 6 août 1990, Monsieur Y... s'était contractuellement engagé envers la B.E.C.M. à ne pas aliéner ses biens sans l'autorisation préalable de celle-ci et il est constant que l'appelant s'est abstenu de respecter cette obligation avant de consentir la donation litigieuse ;
Attendu que le résultat des ventes forcées des biens immobiliers de Monsieur Y... affectés à la garantie de ses engagements envers la B.E.C.M., qui n'ont pas permis de désintéresser totalement la créancière, démontre que celui-là se trouvait partiellement insolvable, ce qu'a confirmé sa mise en liquidation judiciaire en 1993 ;
Attendu qu'il résulte de ces circonstances, qu'en effectuant la donation du 30 décembre 1992, qui avait pour effet de faire échapper l'immeuble dont elle était l'objet au droit de poursuite de la B.E.C.M., Monsieur Y..., en toute connaissance de cause, causait un préjudice à sa créancière en augmentant son insolvabilité ;
qu'au sens de l'article 1167 ces constatations suffisent à caractériser la fraude paulienne et à rendre bien fondée la B.E.C.M. en son action fondée sur ce texte ;
Attendu qu'il importe dès lors peu de rechercher si, comme le soutient Monsieur Y..., la B.E.C.M. aurait renoncé à garantir ses créances en inscrivant une hypothèque sur l'immeuble de COSSWILLER alors que celle-ci n'en avait pas moins conservé un droit de poursuite sur l'ensemble du patrimoine de l'appelant dont la donation entraînait la réduction préjudiciable à la créancière ;
qu'il n'y a donc pas lieu d'ordonner les auditions de témoins sollicitées par Monsieur Y... ;
Attendu que les appelants s'avèrent également mal fondés en leurs demandes reconventionnelles ;
qu'en effet Monsieur Y..., qui en sa qualité de gérant de la S.A. MAISON BECK s'était porté caution des engagements de celle-ci, n'est pas fondé, à défaut de circonstances exceptionnelles - qu'il n'établit pas, et n'allègue même pas - à mettre en oeuvre la responsabilité de la banque créancière pour soutien abusif de crédit ;
que d'ailleurs ce moyen n'est plus formellement soutenu par Monsieur Y... à hauteur d'appel ;
Attendu que les appelants ne caractérisent pas plus qu'en première instance la rupture brutale et fautive des concours dont ils font grief à la B.E.C.M. ;
qu'il apparaît au contraire de la chronologie ainsi que de la teneur
des relations entre Monsieur Y... et la B.E.C.M., que cette dernière a réduit progressivement ces concours et que la réduction de découvert incriminée qui était la conséquence d'une situation financière critique de la S.A. MAISON BECK comme dès 1992, a permis de diminuer la dette de compte courant ;
Attend que l'ensemble de cette analyse commande de confirmer totalement le jugement querellé ;
Attendu que les appelants qui succombent intégralement seront condamnés aux entiers dépens d'appel ainsi qu'au paiement à la B.E.C.M. d'une indemnité de 1.000 ç pour frais irrépétibles d'appel, leur propre demande à ce titre étant rejetée ; PAR CES MOTIFS ============== CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ; Y ajoutant CONDAMNE les appelants à payer à la B.E.C.M. une indemnité de 1.000 ç (MILLE EUROS) pour frais irrépétibles d'appel ; DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes ; CONDAMNE les appelants aux entiers dépens d'appel. Le Greffier
Le Président