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28/03/2008 | FRANCE | N°07/03246

France | France, Cour d'appel de Caen, Chambre sociale, 28 mars 2008, 07/03246


AFFAIRE : N RG 07/03246

Code Aff. :

ARRET N

C.P

ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes de CAEN en date du 05 Décembre 2006 RG no F04/00655

COUR D'APPEL DE CAEN

TROISIEME CHAMBRE - SECTION SOCIALE 2

ARRET DU 28 MARS 2008

APPELANT :

Monsieur Jean X...

...

14700 FALAISE

Comparant en personne, assisté de Me MARI, avocat au barreau de CAEN

INTIMEE :

S.A. LARBRE INDUSTRIE

Zone Industrielle du Mrtray

14730 GIBERVILLE

Représentée par Me GOURDET, du cabinet TOURRET-MORI

CE, avocats au barreau de CAEN

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Monsieur DEROYER, Président, rédacteur

Monsieur COLLAS, Conseill...

AFFAIRE : N RG 07/03246

Code Aff. :

ARRET N

C.P

ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes de CAEN en date du 05 Décembre 2006 RG no F04/00655

COUR D'APPEL DE CAEN

TROISIEME CHAMBRE - SECTION SOCIALE 2

ARRET DU 28 MARS 2008

APPELANT :

Monsieur Jean X...

...

14700 FALAISE

Comparant en personne, assisté de Me MARI, avocat au barreau de CAEN

INTIMEE :

S.A. LARBRE INDUSTRIE

Zone Industrielle du Mrtray

14730 GIBERVILLE

Représentée par Me GOURDET, du cabinet TOURRET-MORICE, avocats au barreau de CAEN

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Monsieur DEROYER, Président, rédacteur

Monsieur COLLAS, Conseiller,

Madame GUENIER-LEFEVRE, Conseiller,

DEBATS : A l'audience publique du 18 Février 2008

GREFFIER : Mademoiselle GOULARD

ARRET prononcé publiquement le 28 Mars 2008 à 14 heures par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinea de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile et signé par Monsieur DEROYER, Président, et Mademoiselle GOULARD, Greffier

07/3246 TROISIEME CHAMBRE SECTION SOCIALE 2 PAGE No2

Monsieur X... a été embauché à compter du 1er janvier 1986 en qualité de chauffeur routier longue distance par la Société TEMA devenue par la suite la SA LARBRE INDUSTRIE.

Soutenant qu'il n'avait pas perçu toutes les sommes auxquelles il pouvait prétendre au titre de l'exécution de son contrat de travail notamment au titre des heures supplémentaires et des repos compensateurs, Monsieur X... a saisi en septembre 2004 le conseil de prud'hommes de CAEN pour faire valoir ses droits.

Vu le jugement rendu le 5 décembre 2006 par le conseil de prud'hommes de CAEN ayant débouté le salarié de ses demandes;

Vu les conclusions déposées le 12 octobre 2007 et oralement soutenues à l'audience par Monsieur X... appelant;

Vu les conclusions déposées le 15 février 2008 et oralement soutenues à l'audience par la société LARBRE INDUSTRIE;

MOTIFS

Monsieur X... sollicite le paiement d'heures supplémentaires effectuées entre octobre 1999 et avril 2004 inclus, avec un calcul des heures supplémentaires sur une base mensuelle.

La saisine du conseil de prud'hommes étant intervenue le 15 septembre 2004 les demandes en paiement de salaires à compter d' octobre 1999, ne sont pas atteintes par la prescription.

- Sur la comptabilisation des temps de service

Le salarié soutient que l'accord d'entreprise du 28 mai 2000 et ses avenants du 29 novembre 2000 et 29 juin 2001 ne caractérisent pas un accord de modulation, l'accord initial ne prévoyant aucunement une modulation du temps de travail sur l'année avec lissage de la rémunération, l'avenant du 29 juin 2001 étant également contraire aux dispositions d'ordre public applicables en matière de décompte et de rémunération du temps de travail.

L'accord du 28 mai 2000 sur la réduction du temps de travail, instaurant pour les salariés de la SA LARBRE INDUSTRIE le passage à 35 heures hebdomadaires pour tous ses salariés chauffeurs compris, retient le décompte de la durée du travail sur une période d'un mois pour les chauffeurs routiers longue distance, avec une durée hebdomadaire maximale de 48 heures et une durée mensuelle maximale de 208 heures.

Les parties s'accordent sur un décompte mensuel de la durée de la durée du travail.

L'accord prévoit la possibilité de cumuler les temps de réduction de travail sur une semaine prise tous les trimestres, ces dispositions supposant notamment un lissage de la rémunération "en se rapportant à une base moyenne mensuelle".

Il est également prévu qu'en vue d'anticiper la modulation trimestrielle (la semaine de RTT) les chauffeurs percevront une rémunération équivalente à 190 heures de temps de travail effectif sur les deux premiers mois, la régularisation du temps réellement effectué sur le trimestre étant reportée et rémunérée sur le dernier mois du trimestre.

07/3246 TROISIEME CHAMBRE SECTION SOCIALE 2 PAGE No3

L'avenant du 29 novembre 2000 a retenu pour les chauffeurs longue distance, la réduction du temps de travail par attribution de jours de repos sur l'année à prendre une semaine tous les trimestres, le décompte des heures supplémentaires par mois, la possibilité de cumuler les jours de réduction de travail sur une semaine prise supposant un lissage de la rémunération sur une base trimestrielle, avec régularisation du temps réellement effectué sur le trimestre et rémunéré sur le dernier mois de chaque trimestre.

Ces dispositions de même que celles de l'avenant du 29 novembre 2000, ne peuvent caractériser un accord de modulation tel que défini à l'article L 212-8 du code du travail .

En effet l'accord du 28 mai 2000 instaurant dans l'entreprise la réduction du temps de travail à 35 heures dans le cadre des lois du 13 juin 1998 et 19 janvier 2000, et qui ne retient pour les chauffeurs, sur la base d'une rémunération mensuelle calculée sur 151, 67 heures, le versement d'une rémunération équivalant à 190 heures de travail effectif sur les deux premiers mois du trimestre, avec une régularisation du temps réellement effectué sur ce trimestre, reportée et rémunérée lors du dernier mois de celui-ci, ne fixe pas le plafond annuel en dessous duquel peut varier la durée hebdomadaire de travail, ni les limites dans lesquelles les heures effectuées au-delà de la durée légale ou conventionnelle ne sont pas soumises aux dispositions des articles L. 212 -5 et L. 212-5-1 du code du travail, ni encore l'indication des heures supplémentaires dépassant la durée maximale hebdomadaire convenue dans l'accord .

De même, cet accord ne prévoit pas le programme indicatif de répartition de la durée du travail.

La SA LARBRE INDUSTRIE n'apporte au demeurant aucune démonstration pertinente de la conformité de cet accord avec les dispositions légales sur les accords de modulation.

Enfin les dispositions de l'article L 212-9 II du code du travail ne permettent pas la compensation d' heures supplémentaires avec des heures effectuées en dessous de la durée légale ou conventionnelle de travail, et notamment pour les heures effectuées au delà des limites prévues par ce texte.

En conséquence, et alors que l'examen des bulletins de paie tend à démontrer que l'employeur a appliqué l'annualisation du temps de travail dès le 1er janvier 2001, l'accord du 28 mai 2000 et son avenant du 29 novembre 2000, ne peuvent être retenus comme emportant l'annualisation du temps de service ni même un décompte du temps de travail sur une période supérieure à un mois.

L'avenant du 29 juin 2001 prévoit outre un décompte mensuel du temps de service des chauffeurs, une compensation des heures effectuées au-delà de la durée applicable certains mois par des durées inférieures les mois suivants pour cause de baisse d'activité ou de prise de jours RTT avec lissage de la rémunération sur une base mensuelle de 181 heures (soit 151, 67 heures et une indemnité différentielle indépendante de l'horaire effectué), les heures supplémentaires étant comptabilisées à la fin de chaque année civile et payées le mois suivant.

Cependant Monsieur X... fait justement observer que cet avenant n'est également pas conforme aux dispositions de l'article L. 212 – 8 du code du travail notamment quant au plafond des heures de travail annuel, aux limites à l'intérieur desquelles les heures de travail sont compensables au titre de la modulation et au-delà desquelles, elles sont considérées comme des heures supplémentaires, ni encore quant à la fixation du programme indicatif de la répartition de la durée du travail.

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En outre, les dispositions de l'article L 212-9 II du code du travail ne permettent pas la compensation d' heures supplémentaires avec des heures effectuées en dessous de la durée légale ou conventionnelle de travail, et notamment pour les heures effectuées au delà des limites prévues par ce texte.

Alors que les dispositions relatives à la durée du travail sont d'ordre public, Monsieur X... invoque à bon droit la non-conformité de l'accord du 28 mai 2000 et de ses avenants aux dispositions légales en la matière.

La SA LARBRE INDUSTRIE soutient à tort que l'action de Monsieur X... serait irrecevable , l'action en nullité de l'accord n'étant ouverte qu'aux seuls syndicats, et de surcroît prescrite. En effet, l'action de Monsieur X... ne tend pas à faire prononcer la nullité de l'accord en litige.

Elle n'est pas fondée à invoquer les effets de l'article 16 de la loi du 17 janvier 2003 inapplicable en l'espèce dès lors que les accords litigieux demeurent irréguliers au regard des dispositions concernant les accords de modulation collective avec programmation indicative des temps de travail.

Monsieur X... est donc fondé à solliciter le paiement des heures supplémentaires qu'il a effectuées et calculées comme il le fait, sur une base mensuelle, et le jugement sera donc infirmé.

- Sur la preuve des heures supplémentaires

La SA LARBRE INDUSTRIE soutient que pour les années postérieures à 2000, la production du tableau mensuel calendaire ne suffit pas à étayer la demande.

Cependant alors que les dispositions de l'accord du 28 mai 2000 prévoient que le temps de service des chauffeurs est calculé mensuellement par la lecture des disques de chrono tachygraphe, le temps de travail étant décompté en application de l'article D 212 – 21 du code du travail et contrôlé par le responsable de service à l'aide de la fiche de contrôle des heures des conducteurs complétée par la lecture des disques, il convient de considérer que ces temps de travail sont établis par les tableaux calendaires produits par le salarié et tirés directement de l'analyse des disques de controlographe alors que l'employeur n'apporte strictement aucun élément autre pour les établir.

Pour les années antérieures à 2001, le salarié admet qu'en l'absence de tels tableaux que l'employeur n'établissait pas à l'époque, il forme sa demande en appliquant sur ces périodes la moyenne des heures supplémentaires réalisées entre 2001 et 2003, soit un horaire annuel moyen de 2 222, 90 heures, affirmant qu'il avait toujours travaillé dans des conditions semblables.

Alors que l'employeur ne fournit pas les disques de controlographe concernant ces périodes, ni le moindre élément sur la détermination des temps de travail sur l'ensemble de la période en litige, et qu'il ne conteste pas l'affirmation du salarié selon laquelle celui-ci a toujours travaillé dans des conditions semblables, il sera considéré que Monsieur X... étaye et justifie sa demande en l'absence d'élément contraire fourni par l'employeur.

Quant au calcul du rappel de salaire, l'employeur fait observer de façon lapidaire que le décompte du salarié a été opéré sur une base hebdomadaire de 35 heures indépendamment des dispositions tant légales relatives au transport routier que des dispositions conventionnelles et des accords d'entreprise et que ceux-ci seraient manifestement erronés, sans même s'expliquer à titre subsidiaire sur les bases légales ou conventionnelles de ce calcul.

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Alors que ces calculs sont en réalité effectués sur la base de 169 heures en 1999 et 2000, et sur la base de 151H 67 pour les années ultérieures, Monsieur X... ne fait aucune réponse à l'objection de l'employeur et n'apporte pas les éléments permettant de vérifier la pertinence de son calcul, au regard notamment des dispositions du décret du 27 janvier 2000 pour partie annulées par l'arrêt du Conseil d'État du 30 novembre 2001 du décret du 25 avril 2002, des décrets ultérieurs et des dispositions de l'accord national interprofessionnel du 23 avril 2002 étendues par arrêté du 21 octobre 2002.

Les parties seront donc renvoyées à faire le calcul du rappel de salaire, de congés payés et d'indemnisation du préjudice subi au titre de la privation des repos compensateurs auxquels Monsieur X... pouvait prétendre, dès lors que le salarié n'a pas été en mesure du fait de son employeur de prendre ses repos, cette indemnisation comprenant à la fois le montant de l'indemnité de repos compensateurs et le montant de l'indemnité de congés payés afférents mais avec déduction des valorisations de droits à repos non pris sur une année mais effectivement rémunérés l'année suivante, selon une affirmation de l'employeur non contestée par le salarié.

C'est en vain que la SA LARBRE INDUSTRIE fait observer que le salarié aurait perdu ses droits à repos compensateurs dès lors qu'il ne les aaurait pas sollicités plus de deux mois après leur ouverture et qu'il en avait été toujours avisé et mis à même d'en disposer.

En effet il résulte de l'alinéa 5 de l'article L. 212-5-1 du code du travail que le repos compensateur auquel ouvrent droit l'accomplissement d'heures supplémentaires, doit obligatoirement être pris dans un délai de deux mois suivant l'ouverture du droit, que l'absence de demande de prise de repos par le salarié ne peut entraîner la perte de son droit à repos et que dans ce cas l'employeur est tenu de lui demander de prendre ses repos dans le délai maximum d'un an.

Faute pour la SA LARBRE INDUSTRIE d'établir qu'elle avait demandé à son salarié de prendre les repos acquis par lui dans ce délai, avant sa lettre du 1er avril 2004 alors que le salarié est parti en retraite à compter du 1er juillet 2004, Monsieur X... qui n'avait encore pas perdu ses droits à cette date, revendique à bon droit l'indemnisation au titre de la privation de ses repos compensateurs non pris.

Monsieur X... demande des dommages-intérêts au titre du préjudice subi par le non-respect par la SA LARBRE INDUSTRIE de la réglementation sur les temps de travail ayant eu une incidence sur la liquidation de ses droits à retraite.

Cependant, il ne justifie pas de l'impossibilité de faire réviser le montant de sa pension. Dès lors, au titre de l'application d'un accord non conforme aux dispositions sur la modulation, il ne justifie que d'un préjudice dont l'indemnisation sera fixée à 800 €.

En raison des circonstances de l'espèce, il apparaît équitable d'allouer à Monsieur X... une indemnité en réparation de tout ou partie de ses frais irrépétibles dont le montant sera fixé au dispositif.

La SA LARBRE INDUSTRIE, partie perdante sera déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

07/3246 TROISIEME CHAMBRE SECTION SOCIALE 2 PAGE No6

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Infirme le jugement entrepris;

Condamne la SA LARBRE INDUSTRIE à verser à Monsieur X... les sommes suivantes:

- 800 € de dommages-intérêts au titre du non-respect de la réglementation sur la durée du travail ;

- 1 300 € d'indemnité par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Dit que Monsieur X... a droit à un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires effectuées calculés sur une base mensuelle avec les majorations applicables outre les congés payés correspondants et une indemnité au titre de la privation des repos compensateurs outre les congés payés, selon les modalités arrêtées aux motifs du présent arrêt et renvoie les parties à effectuer le calcul de cette créance dans les limites de la demande, avec faculté de saisir la cour par requête en cas de difficulté.

Dit que l'employeur sera tenu de présenter au salarié un décompte de cette somme conforme aux termes de cette décision dans le délai de trois mois suivant la notification du présent arrêt et au delà sous astreinte de 30 € par jour de retard pendant un nouveau délai de 2 mois, la cour se réservant la liquidation de l'astreinte.

Déboute les parties de leurs autres demandes.

Déboute la SA LARBRE INDUSTRIE de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et la condamne aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

E. GOULARD B. DEROYER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 07/03246
Date de la décision : 28/03/2008
Type d'affaire : Sociale

Références :

ARRET du 24 mars 2010, Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 24 mars 2010, 08-42.587 08-42.588, Inédit

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Caen, 05 décembre 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.caen;arret;2008-03-28;07.03246 ?
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