LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu leur connexité, joint les pourvois n° F 08-42.587 et n° H 08-42.588 ;
Sur le moyen unique commun aux pourvois :
Attendu, selon les arrêts attaqués (Caen, 28 mars 2008) que MM. X... et Y... ont été engagés le 1er janvier 1986 en qualité de conducteurs routiers par la société Larbre industrie ; qu'ils ont saisi la juridiction prud'homale d'une demande de paiement d'un rappel de salaire à titre d'heures supplémentaires, décomptées sur une base mensuelle selon l'accord d'entreprise, et d'indemnités pour repos compensateurs non pris ;
Attendu que la société fait grief aux arrêts d' avoir accueilli les demandes des salariés, alors, selon le moyen :
1°/ qu'à défaut de précision, dans l'accord de modulation, du plafond annuel au-dessus duquel la durée du travail ne peut varier, celui-ci est fixé, de manière supplétive, par l'article L. 212-8 du code du travail à 1 600 heures ; de sorte qu'en décidant que l'accord de modulation conclu le 28 mai 2000 ne répondait pas aux exigences du texte susvisé, comme ne fixant pas le plafond annuel en dessous duquel pouvait varier la durée hebdomadaire de travail, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées ;
2°/ que l'accord de modulation du 28 mai 2000 a prévu que la rémunération des chauffeurs était calculée sur la base mensuelle de 151,67 heures, de sorte qu'il en résultait nécessairement que les heures accomplies, au titre de chaque période trimestrielle, au-delà de 455,01 heures devaient donner lieu soit à paiement d'heures supplémentaires, soit à récupération comme le prévoit le décret n° 2000-37 du 17 janvier 2000 ; de sorte qu'en affirmant que l'accord du 28 mai 2000 ne prévoyait pas "les limites dans lesquelles les heures effectuées au-delà de la durée légale ou conventionnelle n'étaient pas soumises aux dispositions des articles L. 212-5 et L. 212-5-1 du code du travail", la cour d'appel a dénaturé l'accord susvisé et violé les dispositions de l'article 1134 du code civil, ensemble les dispositions susvisées ;
3°/ que l'accord d'entreprise qui prévoit que la programmation indicative de la modulation prévue par l'article L. 212-8, alinéa 5, sera déterminée au sein de l'entreprise dans le cadre de négociations collectives ultérieures répond aux exigences légales ; de sorte qu'en décidant que l'accord du 28 mai 2000 ne caractérisait pas un accord de modulation en ce qu'il ne prévoyait pas le programme indicatif de répartition de la durée du travail, bien que celui-ci renvoyait, dans son article 6-1, à des négociations trimestrielles entre les responsables du personnel et la direction de l'entreprise pour organiser la répartition du travail et planifier les semaines de fortes activités et celles plus légères, la cour d'appel a dénaturé l'accord susvisé et violé les dispositions de l'article 1134 du code civil, ensemble les dispositions susvisées ;
Mais attendu que la cour d'appel, interprétant l'accord litigieux, a exactement décidé que ses dispositions ne caractérisaient pas un accord de modulation en l'absence de précision des limites de variation de la durée hebdomadaire, de la durée annuelle, de la durée maximale hebdomadaire et du programme indicatif de la répartition de la durée du travail, ce dont elle a déduit que les heures supplémentaires ne pouvaient être décomptées annuellement ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Condamne la société Larbre industrie aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mars deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen commun produit aux pourvois n° F 08-42.587 et n° H 08-42.588 par Me Foussard, avocat aux Conseils pour la société Larbre industrie.
L'arrêt attaqué encourt la censure
EN CE QU'IL a décidé que le salarié avait droit à un rappel de salaires au titre des heures supplémentaires calculées sur une base mensuelle avec les majorations applicables, outre les congés payés correspondants et une indemnité au titre de la privation des repos compensateurs, outre les congés payés correspondants ;
AUX MOTIFS QUE l'accord du 28 mai 2000 sur la réduction du temps de travail, instaurant pour les salariés de la SA LARBRE INDUSTRIE le passage à 35 heures hebdomadaires pour tous ses salariés chauffeurs compris, retient le décompte de la durée du travail sur une période d'un mois pour les chauffeurs routiers longue distance, avec une durée hebdomadaire maximale de 48 heures et une durée mensuelle maximale de 208 heures ; que les parties s'accordent sur un décompte mensuel de la durée de la durée du travail ; que l'accord prévoit la possibilité de cumuler les temps de réduction de travail sur une semaine prise tous les trimestres, ces dispositions supposant notamment un lissage de la rémunération « en se rapportant à une base moyenne mensuelle » ; qu'il est également prévu qu'en vue d'anticiper la modulation trimestrielle (la semaine de RTT) les chauffeurs percevront une rémunération équivalente à 190 heures de temps de travail effectif sur les deux premiers mois, la régularisation du temps réellement effectué sur le trimestre étant reportée et rémunérée sur le dernier mois du trimestre ; que l'avenant du 29 novembre 2000 a retenu pour les chauffeurs longue distance, la réduction du temps de travail par attribution de jours de repos sur l'année à prendre une semaine tous les trimestres, le décompte des heures supplémentaires par mois, la possibilité de cumuler les jours de réduction de travail sur une semaine prise supposant un lissage de la rémunération sur une base trimestrielle, avec régularisation du temps réellement effectué sur le trimestre et rémunéré sur le dernier mois de chaque trimestre ; que ces dispositions de même que celles de l'avenant du 29 novembre 2000, ne peuvent caractériser un accord de modulation tel que défini à l'article L 212-8 du code du travail ; qu'en effet l'accord du 28 mai 2000 instaurant dans l'entreprise la réduction du temps de travail à 35 heures dans le cadre des lois du 13 juin 1998 et 19 janvier 2000, et qui ne retient pour les chauffeurs, sur la base d'une rémunération mensuelle calculée sur 151,67 heures, le versement d'une rémunération équivalant à 190 heures de travail effectif sur les deux premiers mois du trimestre, avec une régularisation du temps réellement effectué sur ce trimestre, reportée et rémunérée fors du dernier mois de celui-ci, ne fixe pas le plafond annuel en dessous duquel peut varier la durée hebdomadaire de travail, ni les limites dans lesquelles les heures effectuées au-delà de la durée légale ou conventionnelle ne sont pas soumises aux dispositions des articles L. 212 -5 et L. 212-5-1 du code du travail, ni encore l'indication des heures supplémentaires dépassant la durée maximale hebdomadaire convenue dans l'accord ; que, de même, cet accord ne prévoit pas le programme indicatif de répartition de la durée du travail ; que La SA LARBRE INDUSTRIE n'apporte au demeurant aucune démonstration pertinente de la conformité de cet accord avec les dispositions légales sur les accords de modulation ;
ALORS QUE, premièrement, à défaut de précision, dans l'accord de modulation, du plafond annuel au-dessus duquel la durée du travail ne peut varier, celui-ci est fixé, de manière supplétive, par l'article L. 212-8 du Code du travail à 1600 heures ; de sorte qu'en décidant que l'accord de modulation conclu le 28 mai 2000 ne répondait pas aux exigences du texte susvisé, comme ne fixant pas le plafond annuel en dessous duquel pouvait varier la durée hebdomadaire de travail, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées ;
ALORS QUE, deuxièmement, l'accord de modulation du 28 mai 2000 a prévu que la rémunération des chauffeurs était calculée sur la base mensuelle de 151,67 heures, de sorte qu'il en résultait nécessairement que les heures accomplies, au titre de chaque période trimestrielle, au-delà de 455,01 heures devaient donner lieu soit à paiement d'heures supplémentaires, soit à récupération comme le prévoit le décret n° 2000-37 du 17 janvier 2000 ; de sorte qu'en affirmant que l'accord du 28 mai 2000 ne prévoyait pas « les limites dans lesquelles les heures effectuées au-delà de la durée légale ou conventionnelle n'étaient pas soumises aux dispositions des articles L. 212-5 et L. 212-5-1 du Code du travail », la cour d'appel a dénaturé l'accord susvisé et violé les dispositions de l'article 1134 du Code civil, ensemble les dispositions susvisées ;
ALORS QUE, troisièmement, l'accord d'entreprise qui prévoit que la programmation indicative de la modulation prévue par l'article L. 212-8, alinéa 5, sera déterminée au sein de l'entreprise dans le cadre de négociations collectives ultérieures répond aux exigences légales ; de sorte qu'en décidant que l'accord du 28 mai 2000 ne caractérisait pas un accord de modulation en ce qu'il ne prévoyait pas le programme indicatif de répartition de la durée du travail, bien que celui-ci renvoyait, dans son article 6-1, à des négociations trimestrielles entre les responsables du personnel et la direction de l'entreprise pour organiser la répartition du travail et planifier les semaines de fortes activités et celles plus légères, la cour d'appel a dénaturé l'accord susvisé et violé les dispositions de l'article 1134 du Code civil, ensemble les dispositions susvisées.