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22/06/2011 | FRANCE | N°09/05975

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, CinquiÈme chambre civile, 22 juin 2011, 09/05975


COUR D'APPEL DE BORDEAUX
CINQUIÈME CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 22 JUIN 2011

(Rédacteur : Madame Catherine MASSIEU, Président,)
No de rôle : 09/ 5975

Monsieur Alain X... Madame Dominique X... Monsieur Romain Olivier X...

c/
L'Institut BERGONIE

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :
aux avouésDécision déférée à la Cour : jugement rendu le 30 septembre 2009 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (Chambre 6, RG 07/ 10385) suivant déclaration d'appel du 20 octobre 2009 r>
APPELANTS :

1o) Monsieur Alain X..., né le 01 Novembre 1947 à POINTE A PITRE, de nationalité Française, agissan...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX
CINQUIÈME CHAMBRE CIVILE
--------------------------

ARRÊT DU : 22 JUIN 2011

(Rédacteur : Madame Catherine MASSIEU, Président,)
No de rôle : 09/ 5975

Monsieur Alain X... Madame Dominique X... Monsieur Romain Olivier X...

c/
L'Institut BERGONIE

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :
aux avouésDécision déférée à la Cour : jugement rendu le 30 septembre 2009 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (Chambre 6, RG 07/ 10385) suivant déclaration d'appel du 20 octobre 2009

APPELANTS :

1o) Monsieur Alain X..., né le 01 Novembre 1947 à POINTE A PITRE, de nationalité Française, agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'héritier de Feu Pascal X... décédé le 01/ 09/ 2004, demeurant...,
2o) Madame Dominique X..., née le 05 Mars 1949 à PARIS, de nationalité Française, agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'héritière de Feu Pascal X... décédé le 01/ 09/ 2004, demeurant...

3o) Monsieur Romain Olivier X..., né le 28 Juillet 1982 à SAINT MARTIN D'HERES (38), de nationalité Française, agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'héritier de Feu Pascal X... décédé le 01/ 09/ 2004, demeurant...
représentés par la SCP TOUTON PINEAU ET FIGEROU, avoués à la Cour, et assistés de Maître Emmanuel LUDOT, avocat au barreau de REIMS,

INTIMÉ :

L'Institut BERGONIE, centre régional de lutte contre le cancer de Bordeaux et du Sud-Ouest, pris en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social 222 cours de l'Argonne-33076 BORDEAUX CEDEX,
représenté par la SCP ARSENE-HENRY Corine LANCON Pierre, avoués à la Cour, et assisté de Maître David CZAMANSKI de la SCP LATOURNERIE-MILON-CZAMANSKI, avocat au barreau de BORDEAUX,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 11 mai 2011 en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Catherine MASSIEU, Présidente, Monsieur Bernard ORS, Conseiller, Madame Caroline FAURE, Vice-Président placé, qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Véronique SAIGE ARRÊT :

- contradictoire,- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

Monsieur Pascal X..., né le 8 février 1979, porteur d'une greffe rénale depuis décembre 2000, a présenté fin décembre 2003 un syndrome de type grippal ; il a été admis au CHU de Bordeaux puis transféré à l'institut BERGONIE dans le service du docteur B... suite au diagnostic d'un lymphome de Burkitt et d'une maladie de Hodgkin ; cette dernière a été immédiatement traitée et le lymphome de Burkitt n'a été soigné qu'à partir du 14 mai 2004 ; Monsieur Pascal X... est décédé le 1er septembre 2004 ;

Monsieur et Madame X..., père et mère de Monsieur Pascal X... et Monsieur Romain X..., son frère, ont saisi la CRCI d'AQUITAINE pour voir l'institut BERGONIE déclaré responsable d'un défaut de soins à l'origine d'une perte de chance de survie pour le malade et de préjudices moraux pour eux-mêmes et pour obtenir l'indemnisation de ces préjudices ; le professeur C... et le docteur D... ont été désignés experts, et le 29 mai 2006, ils ont déposé un rapport dont les conclusions sont les suivantes :

- le décès est dû à une aplasie fébrile avec germes retrouvés en coproculture et dans une hémoculture, associée à une insuffisance rénale progressivement croissante, dans le cadre d'un traitement de chimiothérapie,- la mort est due à une double pathologie cancéreuse chez un jeune homme au lourd passé médical ayant présenté en particulier une greffe rénale sous traitement immuno-dépresseur qui n'a pas résisté au traitement anti-cancéreux agressif, entrepris d'abord contre la maladie de Hodgkin, puis contre le lymphome de Burkitt ; puisqu'il y a eu aplasie médullaire et insuffisance rénale, on peut dire que la mort est survenue pendant un acte de soins ; elle est partiellement imputable à cet acte de soins,- le comportement de l'équipe de soins montre une hésitation certaine avant d'obtenir la certitude d'un double diagnostic de lymphome de Burkitt et de maladie de Hodgkin ; il faut tenir compte des antécédents rénaux de ce patient qui rendaient plus délicats les choix thérapeutiques,- il y a eu un retard de 3 mois dans le traitement efficace du lymphome de Burkitt et le traitement de la maladie de Hodgkin n'a pas d'incidence sur ce lymphome ; mais rien ne permet de considérer que le traitement du lymphome de Burkitt aurait été mieux supporté et n'aurait pas été suivi d'une évolution défavorable par aplasie, infection et insuffisance rénale ;

Les experts ont précisé que les deux cancers que présentait Monsieur Pascal X... sont fréquents mais que leur association constitue un cas rare dont ils n'ont « pas trouvé trace dans la bibliographie »,- concernant l'information du malade, les experts ont récapitulé l'ensemble des lettres adressées par l'équipe soignante au docteur E... et au docteur F..., médecins traitants ; ils ont noté que le malade était « certainement un patient très éclairé sur son état de santé et les traitements » et que « sa capacité de comprendre la nécessité thérapeutique était totale car il avait, hélas, un lourd passé thérapeutique derrière lui » (lobectomie pulmonaire inférieure droite en 1996, parathyroidectomie en 2000, greffe rénale en 2000, stripping des varices en 2003 et il présentait par ailleurs un kyste arachnoïdien non traité, une hypertension artérielle et une myocardiopathie hypertrophique) ; ils considèrent que les traitements ont été réalisés avec son accord, sauf la ponction d'ascite faite en période terminale dans le but de déterminer s'il s'agissait d'une ascite de lymphome ou d'une autre étiologie ; ils ont aussi noté la présence constante de Madame X... auprès de son fils durant les périodes d'hospitalisation et ses appels téléphoniques lorsque le malade était chez lui ;

La CRCI a rejeté les demandes d'indemnisation des consorts X... ;
Le 15 octobre 2007, ceux-ci ont assigné l'institut BERGONIE devant le tribunal de grande instance de Bordeaux pour voir retenir sa responsabilité au regard du code de déontologie médicale, de l'article 1147 du code civil et de la loi du 2 mars 2002 et pour voir condamner l'institut BERGONIE à leur payer une indemnité de 300. 000 € en réparation du préjudice matériel subi par leur auteur et une indemnité globale de 100. 000 € en réparation de leurs préjudices moraux ;
Par jugement du 30 septembre 2009, ils ont été déboutés de ces demandes ; le tribunal a dit que le docteur B... avait commis une faute en ignorant le lymphome de Burkitt qui aurait du être privilégié et qui donne lieu à un pronostic favorable lorsqu'il est soigné à temps ; et qu'il avait aussi manqué à son devoir d'information complète à l'égard de son patient qui aurait pu, face à une absence de consensus entre ses médecins, demander un troisième avis qui aurait pu augmenter ses chances de survie ; mais que le retard de 3 mois dans le traitement du lymphome de Burkitt n'aurait pas assuré une chance de survie au malade et que ses héritiers n'apportaient pas d'opinion médicale contraire à celle des experts ;
Par déclaration remise au greffe de la cour le 20 octobre 2009, les consorts X... ont interjeté appel de cette décision ;
Par leurs dernières conclusions du 22 février 2010, les consorts X... demandent à la cour de dire que les fautes du docteur B... ont fait perdre à Monsieur Pascal X... une chance de survie et de condamner l'institut BERGONIE à leur payer en qualité d'héritiers la somme de 300. 000 € en réparation du préjudice matériel subi
par le malade et à eux-mêmes à titre personnel une indemnité globale de 100. 000 € en réparation de leur préjudices moraux ; ils demandent aussi 5. 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et la condamnation de l'institut BERGONIE aux dépens dont distraction au profit de leur avoué ;
Par ses dernières conclusions du 8 octobre 2010, l'institut BERGONIE demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les consorts X... et de les condamner aux dépens dont distraction au profit de son avoué ; ils contestent toutefois les fautes retenues par le tribunal et estiment qu'il n'y a pas de lien de causalité entre les fautes prétendues et le décès en raison de l'état de santé très dégradé du patient ;
En cet état une ordonnance de clôture a été rendue le 27 avril 2011 ;

Eu égard à la date des soins litigieux, l'action des consorts X... est fondée sur l'article L1142-1 du code de la santé publique selon lequel les professionnels de santé et les établissements dans lesquels sont réalisés des actes médicaux ne sont responsables des conséquences dommageables de ces actes qu'en cas de faute ; la charge de la preuve de la faute incombe à celui qui l'invoque pour obtenir réparation d'un préjudice ;

Il appartient aux consorts X... de faire la triple preuve des fautes qu'ils reprochent au personnel de l'institut BERGONIE et plus particulièrement au docteur B..., du préjudice qu'ils invoquent et du lien de causalité entre les fautes et les préjudices ;
Le tribunal a relevé que le lymphome de Burkitt avait été suspecté au moment du transfert du malade à l'institut BERGONIE, que des examens complémentaires n'ont pas permis de confirmer l'hypothèse et il a considéré qu'il appartenait au médecin de faire réaliser de nouvelles analyses pour lever l'incertitude ; c'est précisément ce qui est reproché par les experts qui font état d'une « hésitation certaine avant d'obtenir la certitude d'un double diagnostic » alors que celui-ci était envisagé dés le mois de janvier au moment de l'admission du malade dans l'établissement ; le docteur B... fait lui-même état de « tergiversations » sur cette question dans une lettre qu'il a adressée le 18 février 2004 au professeur de Y..., néphrologue en charge de Monsieur X... pour son affection rénale ; il apparaît que tout n'a pas été mis en oeuvre pour poser aussi rapidement que possible un diagnostic fiable qui aurait permis la mise en place d'un traitement ; la faute retenue par le tribunal doit donc être confirmée ;
Concernant l'information due au malade, et dont la preuve incombe au praticien, il n'est produit aucun écrit démontrant que Monsieur Pascal X... a été directement et personnellement tenu informé des recherches menées en vue de poser un diagnostic et des traitements qui lui
ont été administrés ; tout au plus peut-on considérer que ce patient, eu égard à son lourd passé médical, était très impliqué dans le processus de soins auquel il était soumis et que sa famille, très présente à ses côtés, ne pouvait être dans l'ignorance totale des événements ; cependant, il n'est pas soutenu qu'ils aient été exactement informés des questions au fur et à mesure qu'elles se sont présentées et des « tergiversations » sur la nature du mal dont le patient était atteint ; le défaut d'information retenu par le tribunal doit être également confirmé ;
Concernant le lien de causalité entre le retard de prise en charge du lymphome de Burkitt et le décès, il résulte de l'avis des experts que l'état de Monsieur X... ne lui a pas permis de supporter tous les traitements mis en place à partir de mai 2004 pour lutter contre les deux cancers dont il était atteint ; aucun élément médical n'autorise à considérer qu'un double traitement administré dès janvier ou février aurait pu retarder l'issue fatale advenue le 1o septembre 2004 ; les arguments développés par les consorts X... sur l'efficacité des traitements des lymphomes non hodgkidiens agressifs apparaissent dénués de pertinence dès lors que le malade devait également être soigné pour son autre cancer ; de plus, l'institut BERGONIE relève à bon droit que l'étude dont se prévalent les appelants émane du fabricant du médicament, le laboratoire ROCHE, et que les résultats annoncés peuvent paraître optimistes et qu'ils ne sont confirmés par aucune étude plus objective ;
Le lien de causalité entre le retard de traitement de l'un des cancers et l'insuffisance d'information du patient sur le diagnostic de sa maladie et le décès du 1er septembre 2004 n'est donc pas démontré et il convient de confirmer le jugement qui a statué en ce sens ;
Les consorts X... font aussi grief à l'institut BERGONIE d'avoir pratiqué une ponction d'ascite dans un but de diagnostic alors que le patient était en phase « pre mortem » selon les experts ; ils considèrent que cet acte était dépourvu d'utilité et a ajouté des souffrances inutiles ; toutefois ils ne demandent pas la réparation d'un préjudice moral subi du fait d'un acte considéré comme inutile mais seulement de la perte de chance de survie en raison d'un retard de diagnostic ; or il ne peut exister de lien de causalité entre la faute alléguée et un tel préjudice ; les consorts X... doivent être déboutés de cette demande ;
Vu les articles 695 et suivants du code de procédure civile relatifs aux dépens ;
PAR CES MOTIFS La Cour, statuant en dernier ressort,

Confirme le jugement prononcé le 30 septembre 2009 par le tribunal de grande instance de Bordeaux,
Condamne les consorts X... aux dépens, ceux d'appel étant distraits conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Catherine Massieu, Président, et par Véronique Saige, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président

V. Saige C. Massieu


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : CinquiÈme chambre civile
Numéro d'arrêt : 09/05975
Date de la décision : 22/06/2011
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Civile

Références :

ARRET du 26 septembre 2012, Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 26 septembre 2012, 11-24.737, Inédit

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bordeaux;arret;2011-06-22;09.05975 ?
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