CHAMBRE SOCIALE - SECTION A
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ARRÊT DU : 16 SEPTEMBRE 2008
(Rédacteur : Madame Marie-Paule DESCARD-MAZABRAUD, Président)
PRUD'HOMMES
No de rôle : 07/06006
Madame Christiane X...
c/
ASSOCIATION UNION BORDEAUX NORD DES ASSOCIATIONS DE PRÉVENTION SPÉCIALISÉE - U.B.A.P.S
ASSEDIC AQUITAINE
Nature de la décision : AU FOND
Notifié par LRAR le :
LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :
La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).
Certifié par le Greffier en Chef,
Grosse délivrée le :
à :
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 05 décembre 2005 (R.G. no F 01/2635) par le Conseil de Prud'hommes de BORDEAUX, Section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 13 janvier 2006,
APPELANTE :
Madame Christiane X..., née le 1er mai 1951 à PARIS 15ème(75015), de nationalité Française, profession psychologue, demeurant ...,
Représentée par Maître Magali BISIAU, avocat au barreau de BORDEAUX,
INTIMÉES :
ASSOCIATION UNION BORDEAUX NORD DES ASSOCIATIONS DE PRÉVENTION SPÉCIALISÉE - U.B.A.P.S, prise en la personne de son Président domicilié en cette qualité au siège social, 28, Rue Ducau - 33000 BORDEAUX,
Représentée par Maître Julie MENJOULOU-CLAVERIE, avocat au barreau de BORDEAUX,
ASSEDIC AQUITAINE, prise en la personne de son Directeur domicilié en cette qualité au siège social, Quartier du Lac - 56, Avenue de la Jallère - 33056 BORDEAUX CEDEX,
Représentée par Maître Alexis GARAT, avocat au barreau de BORDEAUX,
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 16 juin 2008 en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Marie-Paule DESCARD-MAZABRAUD, Président,
Madame Raphaëlle DUVAL-ARNOULD, Conseiller,
Monsieur Francis TCHERKEZ, Conseiller,
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mademoiselle Françoise ATCHOARENA.
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
Madame Christiane X... a été engagée le 3 septembre 1984 en qualité d'éducatrice spécialisée par l'association Jeunesse et Grand parc Par la suite à partir de 1990, elle devenait chef des services éducatif.
Cette association fusionnait avec d'autres pour créer l'Union Bordeaux Nord des Associations de Prévention Spécialisée soit l'UBAPS à partir du 1er janvier 2001.
Madame X... estimant qu'à la suite de cette fusion, elle n'avait pas retrouvé son poste de travail, prenait acte de la rupture de son contrat, le 5 novembre 2001.
Elle saisissait le Conseil de Prud'hommes de Bordeaux, section Encadrement, le 12 novembre 2001 et elle demandait outre les indemnités de rupture, des rappels de salaire dans les termes suivants :
- dommages-intérêts pour 55.000 €
- indemnité compensatrice de préavis soit 14.550,62 €
- congés payés afférents soit 1.455,06 €
- indemnité de licenciement soit 43.651,85 €
- rappel de salaire soit 4.311,36 €
- congés payés afférents soit 431,11 €
- indemnité sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile soit 3.000 €.
Par jugement en date du 5 décembre 2005, le Conseil de Prud'hommes de Bordeaux statuant sous la présidence du juge départiteur a considéré qu'en réalité elle avait continué à exercer les mêmes fonctions mais avec un changement de responsable hiérarchique et qu'elle ne pouvait revendiquer un poste de directrice ayant exercé des responsabilités dans une structure de moins de 10 salariés.
Il a estimé qu'il n'y avait pas d'attitude fautive de la part de l'employeur et il a débouté Madame X... de ses réclamations, la prise d'acte de rupture de son contrat de travail devant produire les effets d'une démission.
Madame X... a régulièrement relevé appel de ce jugement.
Par conclusions déposées le 5 décembre 2007, développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, elle soutient qu'avant la création de l'UBAPS, elle exerçait des fonctions de chef de service dans une structure qui comptait moins de cinq travailleurs sociaux.
A partir de la fusion, elle estime qu'en vertu de l'avenant no 265, au mois de septembre 2000 elle aurait dû bénéficier du statut de directrice puisqu'elle était dans une association qui avait plus de dix salariés et qu'elle s'est donc vue abusivement privée de ses prérogatives.
Elle fait valoir que l'UBAPS résultant d'une fusion de trois associations, elle a fait les frais de la nécessaire restructuration au sein de l'entreprise et que son poste a été supprimé sans qu'il y ait eu mise en place de la procédure prévue dans une telle hypothèse.
Elle forme les mêmes réclamations chiffrées qu'en première instance.
Par conclusions déposées le 28 mai 2008, développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, l'UBAPS demande confirmation du jugement déféré et sollicite en outre la somme de 12.987,43 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis.
Elle fait valoir qu'au sein de l'association Jeunesse et Grand Parc, elle n'était pas directrice et que dès lors elle ne pouvait bénéficier de ce statut même dans une structure ayant plus de dix salariés.
Elle insiste sur le fait que le Conseil Général a refusé les postes de directeur adjoint qu'elle voulait voir créer et elle assure que Madame X... a conservé son poste de chef de service ainsi que sa rémunération, sa prime de responsabilité étant remplacée par une indemnité de fonctionnement.
MOTIVATION
Pour débouter Madame X... de ses réclamations, le premier juge a considéré que l'association dans laquelle elle travaillait avant la fusion, comptait moins de dix salariés et qu'elle ne pouvait prétendre au statut de directrice.
Après la fusion de ces associations, le premier juge a considéré que Madame X... n'a pas vu modifier ses attributions et qu'elle avait été pressentie pour occuper un poste de directrice adjointe.
Il a analysé avec précision, les correspondances échangées entre les parties et il a déduit que les fonctions de Madame X... n'avaient pas été modifiées, n'étant pas allégué une diminution de sa rémunération.
Il a rejeté la demande de Madame X..., faute d'un comportement fautif de la part de l'employeur.
Madame X..., titulaire du diplôme d'éducatrice spécialisée, est devenue par contrat en date du 1er décembre 1990, chef de service éducatif et il ressort de sa fiche de poste qu'elle était directement sous la subordination du président du conseil d'administration et qu'en réalité, elle assumait la direction de l'association.
La lecture des divers procès-verbaux de réunions du conseil d'adminis-tration sur les années 1990 à 2000 démontre que Madame X... dirigeait l'équipe de l'association Jeunesse et Grand Parc.
Cette réalité est confirmée par plusieurs attestations de collègues ou de partenaires de l'association Jeunesse et Grand Parc.
Courant 2000, des opérations de fusion intervenaient entre trois petites associations dont celle où travaillait Madame X... et le 7 juin 2000, le président de l'association Jeunesse et Grand Parc a adressé un courrier à Madame X... lui proposant un poste de directeur adjoint.
Par courrier du 16 juin 2000, elle formulait un certain nombre d'inter-rogations.
Par la suite, des correspondances ont été échangées entre le nouveau président de l'UBAPS et Madame X... sur son statut exact, l'UBAPS rappelant qu'il y avait une instance de concertation et finalement le 12 juillet 2001, il lui était adressé une nouvelle fiche de fonction de chef de service et elle avait la responsabilité d'une équipe éducative de base et elle faisait partie de l'équipe de direction de l'UBAPS sous la responsabilité du directeur.
Par courrier du 31 juillet 2001, Madame X... rappelait à son employeur que compte tenu des atteintes portées à son statut, elle estimait que l'UBAPS devait se situer sur le terrain de la modification du contrat de travail pour motif économique.
Le 4 octobre 2001, il lui était rappelé qu'il n'y avait aucune modification de ses fonctions puisqu'elle demeurait chef de service.
Il est constant qu'après l'avenant no265 de la Convention Collective, entré en vigueur au 1er septembre 2000, Madame X... ne pouvait revendiquer qu'une classification de chef de service, la structure étant inférieure à 10 salariés.
A partir du 1er janvier 2001, date du transfert de son contrat de travail Madame X... qui bénéficiait d'après son contrat de travail d'origine et de sa fiche de fonction d'une délégation de pouvoir et qui par ailleurs était titulaire d'un diplôme supérieur du troisième cycle, se retrouvait dans une structure dont le nombre de salariés était supérieur à 10 ; elle en déduit qu'elle devait conserver un statut de directeur du premier groupe.
La lecture des documents produits et notamment des certificats de travail de Madame X... démontrent que son contrat de travail a été transféré à l'UBAPS le 1er janvier 2001.
Il n'est pas sérieusement contesté par l'UBAPS qu'elle n'a pas eu un poste de directrice puisque dans un premier temps elle devait être positionnée comme directrice adjointe puis dans un deuxième temps, en raison de contraintes budgétaires, ce poste n'ayant pu être créé elle a été classée comme chef de service.
Il ressort de la lecture des procès-verbaux de conseil d'administration et des courriers échangés que l'UBAPS a eu à réorganiser la direction de l'association créée puisqu'elle se trouvait avec trois directeurs potentiels. Il apparaît que Monsieur Y... a immédiatement été pressenti comme devant être le directeur de l'UBAPS et tant les écritures de l'intimée que les documents produits ne permettent pas décider sur quel critère cette désignation a été faite, si ce n'est qu'il était le dirigeant d'une des associations fusionnées.
Si Madame X... ne pouvait se targuer du titre et du statut de directrice, il n'en demeure pas moins qu'alors qu'elle était chef de service déléguée à la tête d'une petite structure, ne dépendant que du conseil d'administration, elle a été placée sous l'autorité d'un directeur qui auparavant était son égal, après qu'on lui ait promis un poste de directeur adjoint qui finalement n'a pu se mettre en place.
Si effectivement Madame X... conservait son titre de chef de service ainsi que sa rémunération, puisque sa prime de responsabilité était remplacée par une autre indemnité, il n'en demeure pas moins établi qu'il était porté atteinte au contenu de ses fonctions puisqu'elle était privée de tout ce rôle de gestion et de travail "en direct" avec le conseil d'administration. Dès lors, il était clair que la fusion de son association
avec d'autres pour créer l'UBAPS était de nature à entraîner une modification de son contrat de travail.
L'UBAPS soutenant que les compétences professionnelles de Madame X... n'étaient pas en cause, aurait dû en réalité, si elle estimait que le poste de directeur devait revenir à une autre personne, proposer à Madame X... une modification de son contrat de travail et en cas de refus de cette dernière procéder à un licenciement pour motif économique puisque manifestement, la nouvelle structure ne pouvait supporter plusieurs salariés chargés d'une délégation directe du conseil d'administration.
Manifestement l'UBAPS a, ainsi que le révèle la lecture des pièces du dossier, cherché à résoudre à l'amiable, la difficulté que posait le statut de Madame X... et a entretenu une situation équivoque sur les fonctions exactes et la détermination du statut de Madame X..., sans faire face à ses obligations d'em-ployeur dans un contexte de fusion et de restructuration.
Contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, l'employeur, en imposant sans utiliser les procédures légales dont il disposait, une diminution des fonctions de Madame X... et en portant donc atteinte à son contrat de travail, a bien eu une attitude fautive qui justifie que Madame X... ait pris acte de la rupture de son contrat de travail.
Le jugement sera réformé sur ce point.
La rupture devant produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, Madame X... doit recevoir une indemnité compensatrice de préavis.
Compte tenu des termes des bulletins de paie produits aux débats, il y a lieu de lui allouer la somme de 12.987,43 € à ce titre ainsi que 1.298,74 € au titre des congés payés afférents.
De même, l'indemnité de licenciement doit être fixée à 38.952 €.
Enfin, compte tenu de l'ancienneté de Madame X... et des conséquen-ces de la rupture de son contrat de travail, la Cour dispose des éléments suffisants pour fixer à 28.000 €, cette somme remise au salarié ayant vocation à réparer son préjudice.
L'ASSEDIC Aquitaine est recevable en son intervention, conformément aux termes des dispositions de l'article L 1235-4 du code du travail.
L'équité commande d'allouer à Madame X... une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile d'un montant de 750 €.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Réforme le jugement déféré et statuant à nouveau :
Condamne l'UBAPS à payer à Madame X... au titre de son licenciement sans cause réelle et sérieuse les sommes suivantes :
~ 12.987,43 € (douze mille neuf cent quatre vingt sept euros et quarante trois centimes) au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
~ 1.298,74 € (mille deux cent quatre vingt dix huit euros et soixante quatorze centimes) au titre des congés payés afférents,
~ 38.952 € (trente huit mille neuf cent cinquante deux euros) au titre de l'indemnité de licenciement,
~ 28.000 € (vingt huit mille euros) au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Ordonne le remboursement aux organismes concernés par l'UBAPS des indemnités chômage versées pour le compte de Madame X... dans la limite de trois mois.
Condamne l'UBAPS à payer à Madame X... une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile d'un montant de 750 € (sept cent cinquante euros).
Dit que l'UBAPS devra assumer la charge des dépens de première instance et d'appel.
Signé par Madame Marie-Paule DESCARD-MAZABRAUD, Président, et par Mademoiselle Françoise ATCHOARENA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
F. ATCHOARENA M-P. DESCARD-MAZABRAUD