SB DU 30 NOVEMBRE 2006 No DU PARQUET : 05/00937 No D'ORDRE : M.P. C/ GONZALES X... Amador GONZALES X... José Angel
LE TRENTE NOVEMBRE DEUX MILLE SIX LA COUR D'APPEL DE BORDEAUX
En l'audience publique de la Troisième Chambre Correctionnelle tenue par :
Monsieur BOUGON , Président
Monsieur MINVIELLE , Conseiller,
Madame CHAMAYOU-DUPUY , Conseiller,
En présence de Monsieur WEIBEL, Substitut de Monsieur le Procureur Général
Et avec l'assistance de Madame LEROUX Greffier, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :
ENTRE : Monsieur le Procureur Général près la Cour d'Appel de Bordeaux
ET : Y... Amador âgé de 53 ans, demeurant ... ESPAGNE domicile élu chez Maître H. BOERNER ... 33000 BORDEAUX né le 02 Mars 1953 à BOADA DE ROA (ESPAGNE) de Paciano et de X... Gabriela de nationalité espagnole, Marié, Gérant de société, Jamais condamné,
PRÉVENU, appelant et intimé, cité, libre, présent, assisté de Madame Sylvie MOUMDJIAN épouse DECAUDIN, Interprète en langue espagnole et de Maître Henri BOERNER, avocat au Barreau de Bordeaux.
Y... José Angel âgé de 53 ans, demeurant ... ESPAGNE domicile élu chez Maître H. BOERNER ... 33000 BORDEAUX né le 02 Mars 1953 à BOADA DE ROA (ESPAGNE) de Paciano et de X... Gabriela de nationalité espagnole, Marié, Gérant de société, Jamais condamné,
PRÉVENU, appelant et intimé, cité, libre, présent, assisté de Madame Sylvie Z... épouse A... , interprète en langue espagnole et de Maître Henri BOERNER, avocat au Barreau de Bordeaux
RAPPEL DE LA PROCÉDURE
Par actes en date du 11 avril 2005 reçus au Secrétariat-Greffe du Tribunal de Grande Instance d'Angoulême, les prévenus, Y... Amador et Y... José Angel (des dispositions pénales uniquement) et le Ministère Public, à l'encontre de GONZALES-X... Amador et de Y... José Angelo, ont relevé appel d'un jugement contradictoire, rendu par ledit Tribunal le 06 Avril 2005, à l'encontre de Y... Amador et de Y... José Angel, poursuivis comme prévenus d'avoir sur la Route Nationale numéro 10 au lieudit "La Croix d'Argence" à Champniers, Charente, et en tout cas sur le territoire national, le 12 décembre 2003, et en tout cas depuis temps non couvert par la prescription, étant gérant de la Société de Transport BOADA :
- par la violation manifestement délibérée d'une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement causé involontairement la mort de Pascal B...,
Infraction prévue par les articles 221-6-1 1 , 221-6 AL.1 du Code pénal, l'article L.232-1 du Code de la route et réprimée par les articles 221-6-1 AL.2, 221-8, 221-10 du Code pénal, l'article L.224-12 du Code de la Route.
- fait circuler une remorque Montenegro immatriculée VA 01047 R équipée d'un dispositif de freinage non conforme et ne permettant pas l'arrêt automatique en cas de rupture de l'attelage pendant la marche,
Infraction prévue par l'article R.317-18 OEI, OEII du Code de la route, l'article 1 de l'Arrêté ministériel du 18/08/1955 et réprimée par l'article R.317-18 OEVII du Code de la Route.
LE TRIBUNAL
A renvoyé Y... Amador des fins de la poursuite concernant
la contravention de mise en circulation d'une remorque munie d'un dispositif de freinage non conforme,
L'a déclaré coupable des faits d'homicide involontaire,
A condamné Y... Amador à la peine de 24 mois d'emprisonnement dont 21 mois avec sursis simple,
L'a condamné, en outre, à 20.000 euros d'amende;
A renvoyé Y... José-Angel des fins de la poursuite concernant la contravention de mise en circulation d'une remorque munie d'un dispositif de freinage non conforme,
L'a déclaré coupable des faits d'homicide involontaire,
A condamné Y... José Angel à la peine de 24 mois d'emprisonnement dont 21 mois avec sursis simple,
L'a condamné, en outre, à 20.000 euros d'amende,
A prononcé la confiscation des scellés au profit de l'Etat.
Par arrêt en date du 09 février 2006 la Cour d'Appel de BORDEAUX a ordonné une expertise et un supplément d'information, et a renvoyé contradictoirement l'examen de l'affaire à l'audience publique du jeudi 19 octobre 2006 ,
Après dépôt du rapport d'expertise, à ladite audience, la Cour étant composée de Monsieur BOUGON, Président , Monsieur MINVIELLE, Conseiller et Monsieur FAUCHER , Vice-Président placé, assistée de Madame LEROUX , Greffier ,
Les prévenus ont comparu et leur identité a été constatée ;
Monsieur BOUGON, Président , a fait le rapport oral de l'affaire ;
Les prévenus ont été interrogés par l'intermédiaire de Madame MOUMDJIAN épouse DECAUDIN, interprète en langue espagnole, serment préalablement prêté ;
Monsieur le Substitut de Monsieur le Procureur Général a été entendu
en ses réquisitions ;
Maître Henri BOERNER, avocat de Y... Amador et de Y... José Angel, a présenté les moyens d'appel et de défense des prévenus ;
Les prévenus ont eu la parole les derniers.
SUR QUOI,
Le Président a informé les parties présentes que l'affaire est mise en délibéré à l'audience publique du 30 NOVEMBRE 2006.
A ladite audience, Monsieur Le Président a donné lecture de la décision suivante :
La Cour, par arrêt du 9 février 2006 auquel il est expressément référé pour plus ample libellé de la procédure suivie et moyens alors développés par les appelants, déclare les appels recevables et, avant dire droit, ordonne un supplément d'information et une expertise afin de déterminer quelles ont été les interventions effectuées sur les systèmes de freinage de l'ensemble routier (1), de dire si à la date de l'accident ces systèmes étaient ou non conformes à la législation en vigueur (2), le cas échéant de préciser les causes et origines des défectuosités constatées (3) et, s'agissant du frein de secours, de dire s'il a fonctionné lors de la rupture de l'attelage ou au contraire s'il est demeuré inefficace (4).
Au terme de ses opérations, l'expert a expliqué que l'ensemble routier a subi une intervention sur les freins durant le mois précédant l'accident et que le contrôle technique pratiqué en Espagne n'a pas été effectué dans les règles de l'art (1), que les tambours de frein étaient usés au maximum et les garnitures à 50% (2), que la défectuosité du système de freinage a pour cause un défaut d'entretien, l'absence de réglage des rattrapages de jeu des garnitures de freinage (3), que lors de la rupture de l'attelage du fait de l'absence de rattrapage du jeu des garnitures, les freins de
rupture du tracteur et de la remorque n'ont eu aucune action (4). L'expert précise que si le frein de rupture avait fonctionné, les roues auraient été bloquées et quelle qu'ait été la trajectoire empruntée la remorque n'aurait pas eu celle qui a été la sienne.
Au vu des conclusions expertales, le Ministère Public requiert de plus fort la confirmation de la décision déférée. Il souligne que les prévenus sont bien en peine de rapporter la preuve de la réfection des freins alors que l'ensemble routier n'est doté d'aucun carnet d'entretien, que l'accident est dû à un défaut d'entretien de l'ensemble routier dont les prévenus ne peuvent rejeter la responsabilité sur leur préposé qui, ancien maçon, ne disposait d'aucune formation particulière en matière de mécanique et qui s'est vu confier l'ensemble routier le plus ancien de la flotte des prévenus dont l'état lamentable était manifeste, comme le montrent les photos prises par les militaires de la gendarmerie et comme l'a souligné le premier expert.
José Angel et Amador Y..., pour conclure à leur relaxe font valoir qu'ils ne sont que les gérants de la société propriétaire de l'ensemble routier et que, de ce fait, leur responsabilité pénale ne peut être engagée. Plus subsidiairement, ils expliquent que la cause première de l'accident est la rupture de l'attelage qui a manifestement pour cause un acte de sabotage auquel ils sont étrangers. Enfin, ils soulignent que si l'on voulait expliquer l'accident par une défectuosité des systèmes de freinage, alors la responsabilité de leur état et/ou de leur absence de réglage incomberait au chef d'atelier ou au chauffeur.
Sur les causes de l'accident :
Outre les conclusions ci-dessus rappelées, l'expert a confirmé que la séparation de la remorque et du tracteur a eu pour cause une usure du système d'attelage. L'index de sécurité, bloqué par un mauvais positionnement de son ressort, ne fonctionnant plus, la quille, qui maintient l'oeil du timon dans le crochet d'attelage n'étant plus verrouillée, a martelé le capot du crochet d'attelage jusqu'à déchirement de la tôle, au niveau de son attache. Une fois le capot arraché, en remontant, la quille a libéré le timon.
Aussi, contrairement à ce que font plaider les frères Y... , il n'y pas de mystère ou de sabotage, mais bien un défaut d'entretien dont il n'est pas exclu qu'il ait été apparent lors de l'attelage de la remorque le 27 novembre 2003.
La séparation du tracteur et de la remorque a déclenché le système de freinage de secours qui est resté inefficace tant sur le tracteur que sur la remorque.
L'expert Jean-Pierre C..., qui a démonté les freins pour les examiner, a constaté, ce que l'expert Bernard D... avait affirmé au vu des résultats du passage de la remorque au banc de freinage, à savoir :
le véhicule n'a pas freiné en raison d'un défaut d'entretien et d'une absence de réglage des garnitures de frein (usure maximale des tambours, usure à 50% des garnitures et absence de rattrapage du jeu des garnitures, sachant qu'il s'agit au cas d'espèce d'une opération d'entretien manuelle, entraînant une absence totale de freinage sur un essieu et un freinage insuffisant et déséquilibré sur le second).
Les conclusions des experts convergent encore pour affirmer que l'usure des freins est ancienne et ne peut s'expliquer par la distance parcourue depuis l'intervention dans les ateliers de la société BOADA.
Enfin, il résulte des déclarations de José Angel Y... aux militaires de la gendarmerie que l'ensemble routier, et donc la remorque, n'a pas de carnet d'entretien et il ressort des photographies et constatations des experts que, indépendamment du système de freinage, la remorque est dans un état lamentable (ovalisation de l'oeil du timon, lame de ressort détériorée, soudures sur le châssis, oxydation des plates-formes avec présence d'oxydation perforante, tuyauteries d'air et valves maintenues par du fil de fer).
La loi pénale permet de rechercher la responsabilité pénale de personnes physiques qui, sans avoir directement causé le dommage, ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage et, comme expliqué dans l'arrêt du 9 février 2006, rien ne s'oppose à la gémellité des poursuites.
Sur l'homicide involontaire reproché aux prévenus :
En application des dispositions de l'article R 315-1 du Code de la route, toute remorque doit être équipée de deux dispositifs de freinage à action rapide et suffisamment puissante pour arrêter et maintenir à l'arrêt le véhicule et leur mise en oeuvre ne doit pas affecter la direction du véhicule circulant en ligne droite.
Par ailleurs, en application des dispositions de l'article L 317-18 du Code de la route, toute remorque dont le poids total en charge excède 750 kg (cas de l'espèce) doit être équipée d'un dispositif de freinage permettant son arrêt automatique en cas de rupture de l'attelage pendant la marche.
En raison de leur état, les freins qui équipaient la remorque n'étaient pas en mesure d'arrêter le véhicule ou de le maintenir
En raison de leur état, les freins qui équipaient la remorque n'étaient pas en mesure d'arrêter le véhicule ou de le maintenir arrêté en ligne droite et de réagir utilement à une rupture
d'attelage.
Les gérants de la société BOADA, qui ne pouvaient ignorer son état de délabrement, tant il est apparent, en mettant en circulation la remorque litigieuse sans système de freinage efficace comme ci-dessus rappelé ont violé d'une façon manifestement délibérée les obligations de sécurité prévues par le Code de la route.
Ils seront déclarés coupables des contraventions mises à leur charge et d'homicide involontaire dans les termes de la prévention.
En répression, ils seront condamnés chacun à une peine d'emprisonnement de 24 mois avec sursis et à une peine de 40.000 ç d'amende pour le délit et à des peines de 700ç et 400 ç pour les contraventions.
La confiscation des matériels saisis ne peut être ordonnée, les prévenus n'en étant pas propriétaires. Ils seront restitués à la société BOADA.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement et contradictoirement,
Vu l'arrêt de céans du 9 février 2006,
Confirme la décision déférée qui déclare José Angel et Amador Y... coupables d'homicide involontaire,
Réformant pour le surplus,
Déclare José Angel et Amador Y... coupables des contraventions poursuivies dans les termes de la prévention,
Condamne chacun des prévenus à la peine de 24 mois d'emprisonnement avec sursis et à 40.000 ç d'amende pour le délit et à deux amendes
contraventionnelles de 700 ç et 400 ç,
Dit n'y avoir lieu à confiscation des matériels saisis et en ordonne la restitution à la société BOADA, propriétaire,
Constate que l'avertissement prévu par l'article 132-29 du Code Pénal a pu être donné au prévenu Amador Y... sent lors du prononcé de l'arrêt.
Constate que l'avertissement prévu par l'article 132-29 du Code Pénal a pu être donné au prévenu José Angel Y... sent lors du prononcé de l'arrêt.
Avis a pu être donné au prévenu Amador Y... sent qu'en application des dispositions de l'article 707-3 du Code de Procédure Pénale, le paiement dans le délai d'un mois à compter de la présente décision diminue son montant de 20 % sans que cette diminution puisse excéder 1.500 euros ; le paiement de l'amende ne faisant pas obstacle à l'exercice des voies de recours.
Avis a pu être donné au prévenu José Angel Y... sent qu'en application des dispositions de l'article 707-3 du Code de Procédure Pénale, le paiement dans le délai d'un mois à compter de la présente décision diminue son montant de 20 % sans que cette diminution puisse excéder 1.500 euros ; le paiement de l'amende ne faisant pas obstacle à l'exercice des voies de recours.
La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de cent vingt Euros dont est redevable chaque condamné par application de l'article 1018 A du Code Général des Impôts.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur BOUGON, Président , et Madame LEROUX Greffier présent lors du prononcé.