ARRET RENDU PAR LACOUR D'APPEL DE BORDEAUX---------------------------Le :
PREMIERE CHAMBRE SECTION BNo de rôle : 03/05555 Monsieur Rufino X... LA S.A. PROMOTORA, prise en la personne de son représentant légal c/LA COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX, prise en la personne de son PrésidentNature de la décision AU FOND Grosse délivrée le :aux avoués
Rendu par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450-2o alinéa du Nouveau Code de Procédure Civile,
Le
Par Monsieur Louis MONTAMAT, Président,
en présence de Madame Armelle FRITZ, Greffier,
La COUR d'APPEL de BORDEAUX, PREMIERE CHAMBRE SECTION B, a, dans l'affaire opposant :
1o/ Monsieur Rufino X..., né le 19 Mars 1956 à FLOIRAC (33), de nationalité Française, ...,
2o/ LA S.A. PROMOTORA, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, sis 251, route de Bayonne 31000 TOULOUSE,
Représentés par la S.C.P. Solange CASTEJA-CLERMONTEL et Hélène JAUBERT, Avoués Associés à la Cour, et assistés de Maître Francis DELOM, Avocat au barreau de BORDEAUX,
Appelants d'un jugement rendu le 20 octobre 2003 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant déclaration d'appel en date du 4 Novembre 2003,
à :
LA COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX, prise en la personne de son Président domicilié en cette qualité au siège social, sis Esplanade
Charles De Gaulle 33076 BORDEAUX CEDEX,
Représentée par la S.C.P. Stéphan RIVEL et Patricia COMBEAUD, Avoués Associés à la Cour, et assistée de Maître Marie-Lucile HARMAND-DURON, Avocat au barreau de BORDEAUX,
Intimée,
Rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause a été débattue, en audience publique le 12 Septembre 2006 devant :
Monsieur Louis MONTAMAT, Président,
Monsieur Pierre-Louis CRABOL, Conseiller,
Monsieur Michel BARRAILLA, Conseiller,
Madame Armelle FRITZ, Greffier,
Et qu'il en a été délibéré par les Magistrats du Siège ayant assisté aux débats :
EN FAIT :
Monsieur Rufino X..., représentant en sa qualité de Président du Conseil d'Administration la S.A. PROMOTORA, a, le 20 JUILLET 2000, signé une promesse unilatérale d'achat, au terme de laquelle il s'engageait à acquérir de la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX à MERIGNAC, lieu-dit "Le Merle" un tènement de 2.760 mètres carrés en terrain nu, moyennant le prix de 33.660,74 Euros, somme sur laquelle il versait ce même jour, un dépôt de garantie égal à 10 % du prix convenu. L'acte authentique devait être signé dans un délai de trois mois, à compter de la notification, par lettre recommandée, de l'accord définitif du Conseil de Communauté.
Au titre des conditions suspensives, figurait l'obtention du permis de construire par l'acquéreur, avec purge du recours des tiers. La réalisation de cette condition devait être effectuée avant le 31 JANVIER 2001, passé lequel délai la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX serait dès lors, sans autre formalité, libre de tout engagement à l'égard de l'acquéreur et disposerait de son bien.
La COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX, confirmait à Monsieur X... le 8 JANVIER 2001, l'accord définitif de la Communauté Urbaine, sur la cession de parcelle de terrain, votée par délibération du 22 SEPTEMBRE 2000. Dans ce même courrier, la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX faisait part à la S.A. PROMOTORA, de ce qu'à la demande de Monsieur X..., elle acceptait de proroger jusqu'au 31 MARS 2001, la date de réalisation de la condition suspensive, relative à l'obtention du permis de construire.
La COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX acceptait, à la requête du Président de la S.A. PROMOTORA, de repousser à nouveau le délai au 1er AOUT 2001. Ce délai sera également prorogé de fait au delà de cette dernière date. En effet, sous la signature du Directeur du Pôle Administration Générale, Madame Y..., Directeur du Patrimoine, la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX informait le 26 SEPTEMBRE 2001, le Directeur de la S.A. PROMOTORA, de ce qu'elle avait demandé le 19 SEPTEMBRE 2001 à son notaire, Monsieur Z... de "poursuivre l'établissement de l'acte de cession par la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX au profit de sa société".
La COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX sollicitait également la communication par la S.A. PROMOTORA de la copie du permis de construire, purgée de tous les recours.
Ainsi, le propre notaire de la S.A. PROMOTORA adressait à la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX le 28 SEPTEMBRE 2001, copie du permis de construire délivré par le Maire de MERIGNAC le 18 SEPTEMBRE 2001, mais instruit au nom d'une société "SORTIE 9" étrangère aux relations contractuelles.
Dès lors, la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX informait le 10 DECEMBRE 2001, le Directeur de la S.A. PROMOTORA et Monsieur Rufino X... de ce qu'elle s'estimait déliée de tout engagement relatif à la cession de la parcelle litigieuse.
LA PROCEDURE :
Suivant acte du 27 JUIN 2002, Monsieur Rufino X..., agissant tant en son nom personnel qu'ès-qualités de représentant de la S.A. PROMOTORA assignait la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX, aux fins de voir constater qu'il est bénéficiaire d'une promesse unilatérale d'achat et que la condition suspensive, ainsi que l'absence de recours des tiers étant acquise, la promesse de vente valant vente, le jugement à intervenir en tiendrait lieu.
LE JUGEMENT :
Le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX a le 20 OCTOBRE 2003, par décision contradictoire, statué ainsi :
- Déclare irrecevable Rufino X... en son action contre la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX,
- Déboute la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX de sa demande tendant à voir le présent Tribunal se déclarer incompétent au profit du Tribunal Administratif de BORDEAUX pour statuer sur la question préjudicielle de l'appréciation de la légalité de la décision du 10 DECEMBRE 2001 de la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX s'estimant déliée de tout engagement vis à vis de Monsieur X...,
- Constate la caducité de la promesse unilatérale d'achat en date du 20 JUILLET 2000 et déboute la S.A. PROMOTORA de ses demandes tendant à voire le Tribunal constater qu'elle est bénéficiaire d'une promesse d'achat concernant un terrain de 2760 mètres carrés à détacher de la parcelle AM 178 au lieu-dit Le Merle à MERIGNAC, dire que la condition suspensive de l'obtention du permis de construire et de l'absence de recours de tiers a été acquise et dire que le présent jugement vaudrait acte de cession de ladite parcelle,
- Se déclare compétent pour statuer sur les demandes de dommages et intérêts présentées par la S.A. PROMOTORA et la déboute de ses
demandes de dommages et intérêts,
- Dit n'y avoir lieu de prononcer l'exécution provisoire de la présente décision,
- Déboute les demandeurs de leur demande de somme présentée au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
- Condamne Monsieur Rufino X... à titre personnel et la S.A. PROMOTORA représentée par Monsieur Rufino X... à payer la somme de 1.000,00 Euros à la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et à supporter les entiers dépens de la procédure.
* Monsieur Rufino X... et la S.A. PROMOTORA ont régulièrement déclaré appel de cette décision.
Par écritures signifiées le 3 JUIN 2005, ils demandent à la Cour de :
- constater que la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX n'a pas soulevé in limine litis, l'exception d'incompétence et doit dès lors être déclarée irrecevable,
En tant que de besoin,
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX de sa demande tendant à voir retenir la compétence du Tribunal Civil au profit du Tribunal Administratif,
- réformer la décision quant aux autres dispositions et lui allouer le bénéfice de son exploit introductif d'instance,
L'appelant fait valoir que :
En la forme :
Monsieur X... étant "l'interlocuteur privilégié" de la S.A. PROMOTORA, il est recevable à intervenir, à titre personnel, alors surtout qu'il est seul bénéficiaire de la promesse unilatérale d'achat, dont il peut faire bénéficier l'une des sociétés dans laquelle il est partie prenante, la S.A.R.L. "SORTIE 9" ou la S.A.
PROMOTORA,
Au fond :
- le respect du délai du 31 JANVIER 2001, supposait que la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX transmette au notaire tous les éléments indispensables lui permettant d'établir l'acte authentique (document d'arpentage, état sanitaire et parasitaire, certificat d'urbanisme),
- la renonciation aux délais (31 JANVIER 2001, 30 JUIN 2001) acceptée par la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX notamment le 26 SEPTEMBRE 2001, ne prévoit pas de délai limite pour régulariser l'acte,
- la réception du permis de construire obtenu le 18 SEPTEMBRE 2001 a rendu définitive la promesse de vente au profit de Monsieur X..., de sorte que rien ne s'opposait à la rédaction de l'acte authentique,
- Celui-ci n'ayant jamais été signé, Monsieur X... réclame dès lors des dommages et intérêts à la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX (70.000,00 Euros) et une indemnité de procédure de 7.000,00 Euros),
* LA COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX a conclu le 22 FEVRIER 2006. Elle invite la Cour à :
- Dire mal fondé l'appel de Monsieur X... et de la S.A. PROMOTORA,
- Faisant appel incident, elle demande de :
- Dire et juger que l'interprétation de la décision du 10 DECEMBRE 2001 de la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX relève de la compétence du Tribunal Administratif de BORDEAUX, ainsi que l'appréciation d'une éventuelle indemnité devant revenir au demandeur,
- Infirmer la décision sur ce point et condamner les appelants à lui verser une indemnité de procédure de 1.000,00 Euros par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
La Cour se réfère en ce qui concerne les faits, la procédure, les moyens et prétentions des parties au jugement et aux conclusions d'appel.
SUR CE :
1/ Attendu qu'au visa de l'article 74 du Nouveau Code de Procédure Civile les exceptions doivent, à peine d'irrecevabilité, être soulevées "in limine litis" et, avant toute défense au fond, ou fin de non recevoir ; que la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX ayant déjà soulevé devant le Premier Juge l'incompétence de la juridiction de l'ordre judiciaire au profit du Tribunal Administratif de BORDEAUX et, le Tribunal ayant répondu en retenant sa compétence, les appelants ne sont pas fondés sur ce moyen ;
2/ Vu l'ordonnance de référé rendue le 24 AVRIL 2002, par le Président du Tribunal Administratif de BORDEAUX rejetant la requête, présentée par Monsieur X... agissant tant en son nom personnel qu'ès-qualités de représentant de la S.A. PROMOTORA, qui tendait à ordonner à la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX de régulariser la promesse d'achat du 20 JUILLET 2000, par acte authentique ;
Attendu que si, comme l'expose la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX, invoquant une doctrine de droit administratif dont l'un des auteurs fait autorité, la délibération autorisant la puissance publique à signer un acte est un acte administratif détachable et relève dès lors de la seule compétence du juge administratif, en revanche la lettre du 10 DECEMBRE 2001, émanant du Directeur Général de la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX expose seulement au "Directeur de la S.A. PROMOTORA" les considérations qui ont amené la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX à s'estimer déliée de tout engagement relatif à la cession de la parcelle du terrain litigieux ;
Que cette correspondance se rattache étroitement à la promesse unilatérale d'achat du 20 JUILLET 2000 ; que cette dernière, dépourvue de clauses exorbitantes du droit commun et, ne faisant pas participer le co-contractant à l'exécution d'une mission de service public, s'analyse donc en un contrat de droit privé dont le juge
judiciaire est compétent pour apprécier les circonstances invoquées par la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX, au soutien de son refus ; que l'exception d'incompétence au profit du Tribunal Administratif sera donc rejetée ;
3/ Attendu que la S.A. ORS, Société Anonyme ayant comme enseigne commerciale "PROMOTORA S.A." représentée par Monsieur Rufino X..., dont le siège social est situé 251, route de Bayonne à TOULOUSE (Haute Garonne), a seule contracté avec la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX pour l'acquisition d'un terrain et figure également comme seul acquéreur dans le projet de vente établi par les notaires, à l'exclusion de Monsieur Rufino X... qui n'est jamais intervenu dans les correspondances avec la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX, à titre personnel, de sorte qu'il n'est pas bénéficiaire de la promesse d'achat.
Que c'est à juste titre que le Premier Juge l'a déclaré irrecevable en son action contre la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX ;
4/ Attendu que la condition suspensive figurant à l'acte du 20 JUILLET 2000 subordonnait la vente, en fait la réitération en la forme authentique, à l'obtention dans un certain délai, par l'acquéreur d'une permis de construire, purgé du recours des tiers ;
Qu'à cet égard, Monsieur X... produisait un permis de construire délivré le 18 SEPTEMBRE 2001 par le Maire de la commune de MERIGNAC au profit d'une "S.A.R.L. SORTIE 9" représentée par Monsieur A... et Monsieur Rufino X... dont le siège social était situé à NEUILLY SUR SEINE et qui, selon une attestation du Maire de MERIGNAC en date du 11 DECEMBRE 2001, n'a fait l'objet d'aucun recours ;
Mais qu'un tel document, concerne une société distincte de celle qui a contracté et qui, de surcroît, est dépourvue de tout lien de droit avec la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX ; que ce permis de construire ne permet pas de considérer que la condition est réalisée ;
Attendu que, par ajustement de cause, Monsieur X... ès-qualités obtiendra le 18 JANVIER 2002 du Maire de la ville de MERIGNAC, le transfert au nom de la S.A. PROMOTORA du permis de construire primitivement accordé à la S.A.R.L. "SORTIE 9" ;
Mais que ce nouveau permis faisait aussitôt l'objet d'un recours de la part de Monsieur A... gérant de cette dernière société ;
Attendu qu'il apparaît que la condition suspensive énoncée à la promesse unilatérale d'achat n'est pas réalisée, malgré les larges délais accordés à l'acquéreur potentiel pour lui permettre de lever ladite condition ; que l'attitude personnelle de Monsieur Rufino X... a été très ambiguù ; qu'alors que le 26 SEPTEMBRE 2001 la régularisation en la forme authentique de la promesse d'achat allait se concrétiser, Monsieur X... communiquait un permis de construire ne concernant pas la S.A. PROMOTORA ; que Monsieur X... a constamment entretenu l'équivoque quant au véritable bénéficiaire de la promesse d'achat sous couvert de sociétés commerciales au siège social distinct, mais dont il était le principal animateur et a porté la patience de la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX au delà de délais raisonnables, de sorte que le refus de cette dernière, courant JANVIER 2002, de passer l'acte, qui devait être signé fin SEPTEMBRE ou courant OCTOBRE 2001, ne procède pas d'une rupture abusive de la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX;
Qu'il suit que c'est à juste titre que le Premier Juge a considéré que la promesse litigieuse était frappée de caducité ;
Attendu que la rupture de la convention du 20 JUILLET 2000 étant imputable à Monsieur X... il est dès lors irrecevable à solliciter devant le Tribunal Civil, compétent s'agissant d'un contrat de droit privé, des dommages et intérêts en réparation des préjudices allégués ;
Qu'en équité une indemnité de procédure sera allouée à la COMMUNAUTE
URBAINE DE BORDEAUX ;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Déclare l'appel recevable,
Le dit mal fondé,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré,
Y ajoutant :
Condamne Monsieur Rufino X... tant en son nom personnel qu'en qualités de représentant de la S.A. PROMOTORA à payer à la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX une somme de 1.000,00 Euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
Condamne Monsieur Rufino X... tant en son nom personnel qu'ès-qualités de représentant de la S.A. PROMOTORA aux entiers dépens, dont distraction au profit de la S.C.P. Stéphan RIVEL et Patricia COMBEAUD, Avoués Associés à la Cour, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Signé par Monsieur Louis MONTAMAT, Président, et par Madame Armelle FRITZ, Greffière.