ARRÊT RENDU PAR LACOUR D'APPEL DE BORDEAUX--------------------------Le : 18 SEPTEMBRE 2006PREMIÈRE CHAMBRE SECTION ANo de rôle : 04/05970 Madame Marie-Claire Francine X... épouse Y... c/Monsieur Jean-Pierre Y... Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :aux avoués
Rendu par mise à disposition au Greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450-2o alinéa du Nouveau Code de Procédure Civile,
Le 18 septembre 2006
Par Monsieur Alain COSTANT, Président,
en présence de Madame Chantal SERRE, Greffier,
La COUR d'APPEL de BORDEAUX, PREMIÈRE CHAMBRE SECTION A, a, dans l'affaire opposant :
Madame Marie-Claire Francine X... épouse Y... née le 20 Janvier 1949 à LIBOURNE (33500) de nationalité Française, ... représentée par la SCP ANNIE TAILLARD etamp; VALERIE JANOUEIX avoués à la Cour, assistée de Me Daniel RUMEAU, avocat au barreau de BORDEAUX
Demanderesse au recours en annulation d'une sentence arbitrale rendue le 28 mai 2003 par le Tribunal Arbitral de BORDEAUX suivant déclaration de recours en date du 18 novembre 2004,
à :
Monsieur Jean-Pierre Y... né le 01 Avril 1946 à MONTPELLIER (34000) de nationalité Française - Profession :
Gérant de Société, ... représenté par la SC BOYREAU ET MONROUX, avoués à la Courassisté de Me Jean Claude MARTIN, avocat au barreau de BORDEAUX
défendeur au recours,
Rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue en audience publique, le 26 Juin 2006 devant :
Monsieur Alain COSTANT, Président,
Monsieur Jean-Claude SABRON, Conseiller,
Madame Elisabeth LARSABAL, Conseiller,
Assistés de Madame Chantal SERRE, Greffier,
Et qu'il en ait été délibéré par les Magistrats du Siège ayant assisté aux débats ;****
Par arrêt du 13 février 2006, auquel la Cour se réfère pour l'exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la Cour dans l'instance introduite par Marie-Claire X... divorcée Y... à l'encontre de Jean-Pierre Y..., son ex-mari, afin d'obtenir la nullité de la sentence arbitrale rendue entre eux le 28 mai 2003 par le Tribunal Arbitral composé de Maître Z..., mandataire liquidateur, de Jean-Louis A..., expert comptable et de Maître B..., avocat à Libourne, a :
- débouté Marie-Claire X... de sa demande de rejet des débats des conclusions signifiées et déposées au Greffe le 23 décembre 2005 par Jean-Pierre Y... ;
- ordonné la révocation de l'ordonnance de clôture rendue le 26 décembre 2005 et la réouverture des débats et renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état du 08 mars 2006 avec injonction à Marie-Claire X... de conclure pour celle-ci ;
- sursis à statuer sur toutes les demandes ;
- réservé les dépens.
Dans ses conclusions récapitulatives signifiées et déposées au Greffe
le 1er mars 2006, Marie-Claire X... demande à la Cour de :
- prononcer la nullité de la sentence arbitrale rendue le 28 mai 2003 par application de l'article 1484 du Nouveau Code de Procédure Civile et 1450 du Code civil pour :
* nullité de la clause compromissoire ;
* expiration du délai d'arbitrage ;
* violation du principe du contradictoire ;
* violation des règles d'ordre public (articles 1450 et 1476 du Code civil) ;
en conséquence statuer sur le fond du litige par application de l'article 1485 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
- prononcer la nullité du protocole d'accord du 26 février 2001 pour violation des articles 1450 et 1476 du Code civil ;
- à titre subsidiaire de dire que ce protocole ne peut produire aucun effet compte tenu de sa caducité au 30 avril 2001 ;
- à titre infiniment subsidiaire, constater :
* que Jean-Pierre Y... n'a pas levé l'option dans le délai d'un mois à compter de la note de Jean-Jacques C... en date du 28 juillet 2001 ;
* le désaccord des parties pour la valorisation de la Société Y...;
* que Jean-Pierre Y... n'a pas valablement levé l'option dans le délai d'un mois de la note de Jean-Jacques C... du 07 mars 2002 ;
- condamner Jean-Pierre Y... à lui payer une somme de 6.000 ç pour procédure abusive et une indemnité de 5.000 ç sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, outre tous les dépens.
Elle soutient tout d'abord que la clause compromissoire est nulle comme contradictoire et ne pouvant produire un effet dès lors qu'il appartient à chaque partie de formuler l'énoncé de ses prétentions au
Tribunal Arbitral avant même la désignation des arbitres, ce qui est radicalement impossible.
Elle fait valoir que la nullité de la sentence arbitrale est tout autant encourue pour expiration du délai d'arbitrage alors que ladite sentence n'a pas été rendue dans les deux mois de la désignation du troisième arbitre Maître Z..., le Tribunal Arbitral ayant considéré à tort que le délai de deux mois courrait du jour de la signature de l'acte de mission à intervenir, la sentence arbitrale n'étant effectivement rendue que le 28 mai 2003, soit plus de sept mois après la désignation du troisième arbitre alors qu'elle n'a jamais consenti à une prorogation de délai.
Elle estime par ailleurs que les arbitres ont violé le principe du contradictoire en déclarant irrecevables ses conclusions signifiées le 20 février 2003 alors que les parties étaient à même d'en débattre contradictoirement pour une nouvelle audience de plaidoiries fixée au 14 avril 2003.
Elle soutient par ailleurs qu'en décidant que le protocole du 26 février 2001 portant sur l'attribution à Jean-Pierre Y... des 2502 parts sociales de la S.A.R.L. J.P. Y... moyennant le versement d'une soulte à son ex-épouse qui ne peut se concevoir que dans le cadre d'un partage, devait recevoir exécution, le Tribunal Arbitral a violé la disposition d'ordre public de l'article 1450 du Code civil aux termes duquel les conventions pour la liquidation et le partage de la communauté doivent au cours de l'instance en divorce être passées par acte notarié.
Au fond, elle soutient que le protocole du 26 février 2001 est frappé de nullité comme contrevenant aux dispositions d'ordre public de l'article 1450 du Code civil.
Subsidiairement, elle fait valoir qu'il ne peut servir de base de calcul de la soulte lui revenant sur la base d'évaluations faites par
Jean-Jacques C... le 28 juillet 2001 et le 07 mars 2002 alors qu'en application de l'article 1476 du Code civil la valeur des parts doit être évaluée au jour du partage et non pas cinq ans auparavant.
Elle ajoute qu'en tout état de cause Jean-Pierre Y... n'a pas levé l'option dans le délai d'un mois qui lui était imparti à partir du moment où l'expert C... a donné son avis sur la valeur des parts.
Jean-Pierre Y..., dans ses conclusions signifiées et déposées au Greffe le 09 mars 2006, demande à la Cour de dire Marie-Claire X... non fondée en son recours en annulation, aucun des cas d'ouverture énoncés à l'article 1484 du Nouveau Code de Procédure Civile n'étant en l'espèce rempli et de la débouter de toutes ses demandes ; de dire et juger qu'elle n'a pas exécuté de bonne foi le protocole qu'elle a signé le 26 février 2001 et de la condamner à 15.000 ç à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et 5.000 ç sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, outre tous les dépens.
Il fait tout d'abord valoir que la clause compromissoire a bien été stipulée par écrit et prévoit le mode de désignation des arbitres conformément aux exigences de l'article 1443 du Nouveau Code de Procédure Civile, ce même si les parties expriment leurs revendications préalablement à cette désignation.
Il fait par ailleurs valoir que les parties n'ayant jamais protesté sur le fait que les arbitres ont décidé que le délai d'un mois commencerai à courir à compter de la signature de l'acte de mission, Marie-Claire X... ne saurait invoquer une quelconque expiration du délai d'arbitrage, le Tribunal ayant bien respecté les délais résultant de cette signature de l'acte de mission, puis reporté justement l'audience du 15 mai 2003 au 28 mai 2003 pour avoir communication de l'original des statuts de la S.A.R.L. J.P. Y..., l'allongement du délai ayant été consenti par toutes les parties.
Il relève que le principe du contradictoire ne saurait être violé du fait de l'irrecevabilité prononcée des conclusions de Marie-Claire X... du 20 mars 2003, alors que celle-ci a reconclu le 10 avril 2003 puis s'est largement expliquée à l'audience du 14 avril 2003.
Il fait valoir que la sentence arbitrale ne viole aucune disposition d'ordre public alors que le protocole d'accord du 26 février 2001 n'est pas une convention matrimoniale portant liquidation de communauté conclue au cours du divorce mais porte sur la répartition des parts sociales de la S.A.R.L. J.P. Y... entre trois personnes et sur l'éventualité de procéder à une ou plusieurs cessions.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 12 juin 2006.
Motifs de la décision
Attendu qu'aux termes de l'article 1484 du Nouveau Code de Procédure Civile :
"Lorsque, suivant les distinctions faites à l'article 1482, les parties ont renoncé à l'appel, ou qu'elles ne se sont pas expressément réservé cette faculté dans la convention d'arbitrage, un recours en annulation de l'acte qualifié sentence arbitrale peut néanmoins être formé malgré toute stipulation contraire.
Il n'est ouvert que dans les cas suivants :
1o- si l'arbitre a statué sans convention d'arbitrage ou sur une convention nulle ou expirée ;
2o- si le Tribunal Arbitral a été irrégulièrement composé ou l'arbitre unique irrégulièrement désigné ;
3o- si l'arbitre a statué sans se conformer à la mission qui lui avait été conférée ;
4o- lorsque le principe de la contradiction n'a pas été respecté ;
5o- dans tous les cas de nullité prévus à l'article 1480 ;
6o- si l'arbitre a violé une règle d'ordre public."
Attendu tout d'abord que la sentence arbitrale ne saurait être
déclarée nulle pour avoir été rendue en vertu d'une convention nulle ; que l'article 37 des statuts de la S.A.R.L. J.P. Y... prévoyait expressément le recours à un arbitrage pour toute contestation pouvant s'élever entre associés ; que ce texte précisait le mode de désignation des trois arbitres qui a bien en l'espèce été suivi ; que par ailleurs les arbitres ont justement considéré qu'en présence de la volonté exprimée par les parties de soumettre leurs contestations à un tribunal arbitral, il ne pouvait être soutenu que la clause compromissoire serait nulle comme impossible à mettre en oeuvre dès lors qu'il était parfaitement possible aux parties de rédiger un compromis fixant les limites du litige à soumettre au tribunal arbitral avant même que les membres de celui-ci soient désignés ;
Attendu par ailleurs que si la clause compromissoire stipulée à l'article 37 des statuts prévoyait que le Tribunal Arbitral devrait rendre sa sentence dans les deux mois de la désignation du troisième arbitre, ce qui n'a pas été le cas, la sentence arbitrale ne saurait pour autant être déclarée nulle pour expiration du délai d'arbitrage ; qu'en effet les arbitres, qui doivent se conformer à la mission qui leur a été confiée en application de l'article 1484-3o du Nouveau Code de Procédure Civile précité, ont justement posé en principe que le délai de deux mois pour rendre leur sentence commencerait à courir à compter de la signature de la lettre de mission pouvant seule leur permettre d'accomplir celle-ci conformément aux exigences du texte sus-visé ; que par ailleurs les nombreuses écritures échangées par les deux parties ayant participé activement à l'arbitrage pour préciser leur position aux arbitres, et auxquelles ces derniers étaient tenus de répondre dans le respect du principe du contradictoire, montrent que celles-ci ont adhéré à cette prorogation de délai;
Attendu que Marie-Claire X... ne saurait pas plus soutenir que la
sentence arbitrale serait nulle en application de l'article 1484-4o du Nouveau Code de Procédure Civile pour non respect du principe de la contradiction ; que si dans leur sentence arbitrale avant dire droit du 21 mars 2003 les arbitres ont rejeté des débats les conclusions récapitulatives communiquées le 20 février 2003, c'est pour faire respecter le principe du contradictoire dès lors que celles-ci ayant été communiquées postérieurement à la clôture prononcée ne permettaient pas ainsi à Jean-Pierre Y... d'y répondre ; que par ailleurs le principe du contradictoire a bien été respecté dès lors que suite à cette sentence du 21 mars 2003 Marie-Claire X... a pu reconclure le 10 avril 2003 et s'expliquer à l'audience du 14 avril 2003 ;
Attendu qu'il est constant que le protocole d'accord signé le 26 février 2001 entre Marie-Claire X..., Jean-Pierre Y... et Karine D..., objet de la sentence arbitrale du 28 mai 2003, stipulait en son paragraphe II :
"Modification de la répartition et/ou de la détention des parts":
Les parties s'engagent expressément à se soumettre à l'avis de Monsieur Jean-Jacques C... en renonçant à le discuter, dès lors que soit directement, soit par l'intermédiaire de leurs conseils respectifs, elles auront pu lui faire connaître leurs arguments et qu'il y aura été répondu. A partir de la date à laquelle cet avis aura été donné, Monsieur Jean-Pierre Y... disposera d'un délai d'un mois pour demander l'attribution des 2502 parts détenues par la communauté dans le capital de la Société sur la base du prix déterminé par Monsieur Jean-Jacques C..., contre soulte de moitié au profit de Madame Marie-Claire X..." ;
qu'il n'est pas contesté que ce protocole est intervenu au cours de l'instance en divorce entre les époux Jean-Pierre Y... et Marie-Claire X... suite à l'ordonnance de non conciliation rendue
le 18 juin 1999 par le Juge aux affaires familiales du Tribunal de Grande Instance de Bordeaux sur la requête de cette dernière en divorce pour faute et ayant donné lieu au jugement de divorce rendu le 22 mai 2003 ; qu'aux termes de l'article 1450 du Code civil dans sa rédaction applicable à la cause "les époux peuvent, pendant l'instance en divorce, passer toute convention pour la liquidation et le partage de la communauté. Ces conventions doivent être passées par acte notarié sauf en cas de demande conjointe" ; que la disposition précitée du protocole d'accord constituait bien une convention pour la liquidation et le partage de la communauté dès lors qu'elle prévoyait l'attribution des 2502 parts sociales détenues par la communauté à Jean-Pierre Y... moyennant versement à Marie-Claire X... d'une soulte correspondant à la moitié de leur valeur, et non pas, comme le soutient Jean-Pierre Y..., une modification de la répartition des parts qui aurait seulement eu pour effet le rachat à leur valeur des 950 parts sociales détenues par Marie-Claire X... ; qu'ainsi cette dernière fait justement valoir qu'en déclarant exécutoire le protocole d'accord du 26 février 2001 les arbitres ont méconnu les règles d'ordre public de l'article 1450 du Code civil et il convient de faire droit à sa demande en annulation de la sentence arbitrale en application de l'article 1484-6o du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Attendu qu'aux termes de l'article 1485 du Nouveau Code de Procédure Civile lorsque la juridiction saisie d'un recours en annulation annule la sentence arbitrale, elle statue sur le fond dans les limites de la mission de l'arbitre sauf volonté contraire de toutes les parties ; qu'en application de ce texte et pour les motifs ci-dessus énoncés il convient de prononcer la nullité du protocole du 26 janvier 2001 ;
Attendu que succombant sur les demandes de Marie-Claire X...,
Jean-Pierre Y... sera débouté de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Attendu que demanderesse à l'annulation de la sentence arbitrale, Marie-Claire X... ne saurait soutenir que Jean-Pierre Y..., qui avait mis en oeuvre avec elle la procédure d'arbitrage prévue par les statuts de la S.A.R.L. Etablissements J.P. Y..., est l'auteur d'une procédure abusive ; qu'elle sera tout autant déboutée de sa demande de dommages et intérêts ;
Attendu que succombant, Jean-Pierre Y... supportera les dépens et ne saurait voir accueillie sa demande sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, l'équité ne commandant toutefois pas qu'il soit fait application de ce texte au profit de Marie-Claire X..., compte tenu de la nature du litige.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Vu son arrêt du 13 février 2006,
Annule la sentence arbitrale rendue le 28 mai 2003 par le Tribunal Arbitral composé de Maître Z..., mandataire liquidateur, de Jean-Louis A..., expert comptable et de Maître B..., avocat.
Prononce la nullité du protocole d'accord du 26 février 2001.
Rejette toutes demandes plus amples ou contraires des parties.
Condamne Jean-Pierre Y... en tous les dépens d'instance et d'appel et, en ce qui concerne ces derniers, autorise la SCP TAILLARD-JANOUEIX, avoués à la Cour, à recouvrer directement ceux dont elle a pu faire l'avance sans avoir reçu provision.
Le présent arrêt est signé par Monsieur Alain COSTANT, Président et par Madame Chantal SERRE, Greffier au quel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.