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04/02/2013 | FRANCE | N°11/00099

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, Chambre sociale, 04 février 2013, 11/00099


BR-JG
COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 36 DU QUATRE FEVRIER DEUX MILLE TREIZE

AFFAIRE No : 11/ 00099
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de BASSE-TERRE du 23 novembre 2010, section encadrement.
APPELANTE
SOCIETE CFG SERVICE SAS 3 avenue Claude Guillemin-BP 6429 45064 ORLEANS Représentée par Me DAHOMAIS substituant Me Harry DURIMEL (TOQUE 56) avocat au barreau de GUADELOUPE

INTIMÉ
Monsieur Dominique Y...... 97129 LAMENTIN Représenté par Me HERRMANN substituant Me Céline MAYET (TOQUE 126) avocat au

barreau de GUADELOUPE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l...

BR-JG
COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 36 DU QUATRE FEVRIER DEUX MILLE TREIZE

AFFAIRE No : 11/ 00099
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de BASSE-TERRE du 23 novembre 2010, section encadrement.
APPELANTE
SOCIETE CFG SERVICE SAS 3 avenue Claude Guillemin-BP 6429 45064 ORLEANS Représentée par Me DAHOMAIS substituant Me Harry DURIMEL (TOQUE 56) avocat au barreau de GUADELOUPE

INTIMÉ
Monsieur Dominique Y...... 97129 LAMENTIN Représenté par Me HERRMANN substituant Me Céline MAYET (TOQUE 126) avocat au barreau de GUADELOUPE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 décembre 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Bernard ROUSSEAU, président de chambre et Mme Marie-Josée BOLNET, conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, rapporteur, M. Jean DE ROMANS, Conseiller, Mme Marie-Josée BOLNET, Conseillère.

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 04 février 2013
GREFFIER Lors des débats Mme Juliette GERAN, Adjointe Administrative Principale, faisant fonction de greffière, serment préalablement prêté.
ARRET :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, et par Mme Juliette GERAN, Adjointe Administrative Principale, fft de greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits et procédure :

M. Dominique Y..., salarié de la société EDF, a été amené, dans le cadre d'un accord de détachement entre EDF et la Société C. F. G. SERVICES, à signer un contrat de travail avec cette dernière, le 6 octobre 2004 pour assurer les fonctions de responsable d'usine, et ce pour une durée déterminée de 3 années du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2007.
Après avoir été convoqué à un entretien préalable fixé au 18 octobre 2005, M. Y...se voyait notifier son licenciement pour faute grave par lettre recommandée avec avis de réception, en date du 25 octobre 2005.
Le 6 novembre 2006, M. Y...saisissait le Conseil de Prud'hommes de Basse-Terre aux fins de contester son licenciement et obtenir paiement de diverses indemnités.
Par jugement du 23 novembre 2010, la juridiction prud'homale considérait que la rupture du contrat de travail était imputable à l'employeur et condamnait la Société C. F. G. SERVICES à lui payer la somme de 126 175, 08 euros, comprenant le montant des salaires jusqu'à la fin du contrat pour 71 930, 82 euros, les dommages et intérêts pour rupture abusive à hauteur de 33 198, 84 euros, et une indemnité de précarité de fin de contrat pour une somme de 21 045, 42 euros.
Par déclaration du 14 janvier 2011 la Société C. F. G. SERVICES interjetait appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 21 décembre 2010.
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Par conclusions du 10 avril 2012, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, la Société C. F. G. SERVICES sollicite l'infirmation du jugement déféré et entend voir constater que les faits reprochés à M. Y...sont constitutifs de faute grave.
À l'appui de ses demandes la Société C. F. G. SERVICES fait valoir que M. Y...a méconnu les obligations résultant de ses fonctions en menant une campagne de dénigrement à l'encontre de son employeur et en divulguant, en violation des dispositions de l'article 6 de son contrat de travail, des informations techniques auxquelles il avait accès en raison de ses fonctions. Elle cite à l'appui de ses prétentions divers courriers.
La Société C. F. G. SERVICES conclut au rejet de la demande d'indemnité de précarité, en faisant valoir d'une part, que celle-ci est exclue en cas de faute grave du salarié, et d'autre part que cette indemnité est inconcevable dans le cadre d'un détachement, car destinée à pallier la perte de revenus résultant de la survenance du terme du contrat, alors que M. Y...est retourné travailler pour le compte d'EDF et n'a nullement souffert de précarité.
La Société C. F. G. SERVICES entend voir également écarter la demande de prime d'objectif, en expliquant qu'aucune prime d'objectif n'a été distribuée au personnel travaillant sur le site de BOUILLANTE aussi bien pour 2005 que pour 2006, la Société GEOTHERMIE BOUILLANTE dont M. Y...assurait l'exploitation ayant enregistré des résultats négatifs.
La Société C. F. G. SERVICES sollicite le paiement de la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, son conseil sollicitant l'application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
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Par conclusions du 24 février 2012, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, M. Y...sollicite la confirmation du jugement entrepris sauf en ce qu'il ne lui a pas accordé la prime d'objectif. À ce titre il entend voir fixer cette prime à la somme de 5000 euros, à défaut de communication par la Société C. F. G. SERVICES des données comptables permettant de l'établir.
M. Y...soutient que les faits qui lui sont reprochés ne sont pas démontrés. Il critique les courriers et attestations versées aux débats par l'employeur, en faisant valoir que les dispositions de l'article 202 du code de procédure civile relatives aux attestations ne sont pas respectées, et que les auteurs des courriers et attestations ne sont que des témoins indirects de faits qui leur ont été rapportés, les attestants ne faisant qu'alimenter des rumeurs en rapportant ce qui s'est soi-disant passé lors de réunions, alors qu'ils n'étaient pas présents.
M. Y...ajoute que les propos qu'il aurait tenus ne peuvent pas justifier son licenciement dans la mesure où, en tant que salarié, il jouit d'une liberté d'expression dans l'entreprise et à l'extérieur de celle-ci, et qu'il ne peut lui être reproché aucun abus dans l'exercice de cette liberté, n'ayant pas insulté, ni injurié ou dénigré l'entreprise.
En ce qui concerne l'octroi d'une prime d'objectif, M. Y...fait valoir que les documents comptables invoqués par l'employeur ne peuvent être considérés comme sincères et reflétant la situation financière de la Société C. F. G. SERVICES de façon transparente, ne comportant ni éléments d'actif ou de passif, ni la preuve du bilan, du compte de résultat et de l'annexe.
M. Y...sollicite paiement d'une somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
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Motifs de la décision :
Sur le licenciement :
Dans la lettre de licenciement du 25 octobre 2005, l'employeur reproche à M. Y...la remise en cause publique et répétée du bien-fondé et de la qualité de certaines activités de la Société C. F. G. SERVICES et de certains de ses partenaires. Il utilise plus précisément les termes suivants :- « lors d'un déjeuner organisé le 21 septembre 2005 avec les représentants du Bureau Veritas, vous n'avez pas cessé de tenir des propos négatifs envers C. F. G. SERVICES en évoquant notamment le manque de compétence de cette dernière pour exploiter la centrale géothermique de BOUILLANTE, une gestion catastrophique du projet GB2. Vous n'avez rien fait pour encourager les relations avec cet interlocuteur dont les activités s'étendent dans le monde entier.- le 8 septembre 2005, à l'occasion de la visite de Monsieur Bernard B..., membre de la Direction Raffinage et Marketing du groupe TOTAL, venu se renseigner sur les possibilités d'investissement et de développement intégrant les énergies renouvelables, vous n'avez pas hésité à évoquer des difficultés rencontrées dans la réalisation du chantier GB2, lui décrivant un scénario catastrophe, mettant volontairement l'accent sur

de soi-disant nuisances et évoquant des problèmes de sécurité sur le site. À l'écoute de vos propos, votre visiteur s'est montré très inquiet et a déclaré que la géothermie l'intéressait, mais pas dans ces conditions. Par la suite vous lui avez fait part de l'incompétence de la C. F. G. SERVICES et du BRGM.- fin septembre 2005, dans le cadre de la préparation du dossier de financement INTERREG pour les études CFG services sur le prospect de Wotten Waven en DOMINIQUE, des représentants de l'ADEME ont tenu à visiter la centrale de géothermie de BOUILLANTE afin de se donner une idée concrète du projet à réaliser. Durant cette visite, vous avez tenu un discours quasi systématique de dénigrement devant les membres de cet établissement public qui, je vous le rappelle participe au financement de certaines de nos activités. Les représentants de l'ADEME se sont montrés très surpris, choqués de votre attitude inadmissible de la part d'un directeur d'exploitation chargé de promouvoir l'entreprise notamment en veillant à gagner et conserver la confiance de ses partenaires. »

L'employeur ajoutait :
« L'évocation de difficultés internes, les critiques de l'encadrement et le dénigrement quasi systématique de l'entreprise, par leur caractère public (partenaires, clients …), rendent impossible votre maintien dans l'entreprise. En effet il est constant que la campagne de dénigrement à laquelle vous vous êtes livré, dont vous ne pouvez bien évidemment pas ignorer le tort qu'elle cause à votre employeur, constitue, notamment en raison du poste de directeur du site, une faute grave justifiant votre licenciement sans préavis. »

La réalité des griefs invoqués par l'employeur résulte des documents suivants.
- La lettre du 15 septembre 2005 de M. Robert C..., directeur général de la Centrale Géothermique de BOUILLANTE, qui fait état du compte rendu qui lui a été fait par des dirigeants du groupe Total venus visiter la centrale en vue d'investir dans les énergies renouvelables. Selon M. Robert C..., il résulte de ce compte rendu que M. Y...a exposé en détail tout ce qui n'allait pas dans la centrale, les insuffisances techniques, la sécurité qui reste à compléter, la faiblesse de l'équipe d'exploitation etc.
- Un constat établi par des membres de l'équipe d'exploitation de la Centrale Géothermique, faisant état d'un déjeuner, le 21 septembre 2005 sur le site de la centrale, avec le Bureau Veritas, au cours duquel M. Y...n'aurait pas cessé de tenir des propos négatifs envers C. F. G. SERVICES en soulignant notamment le manque de compétence de cette dernière, la gestion réalisée sur le projet qui était catastrophique et enfin le fait que C. F. G. SERVICES (associé au BRGM, Bureau de Recherches Géologiques et Minières) ne devait pas exploiter cette centrale.
- Une note en date du 4 octobre 2005 dans laquelle M. D..., directeur technique de la Société C. F. G. SERVICES, évoquant une mission Guadeloupe effectuée entre le 13 et le 23 septembre dans le cadre de l'étude BOUILLANTE 3, faisait état de la réaction des représentants de l'ADEME qui ont été très surpris et choqués par le discours quasi systématique de dénigrement de la Société C. F. G. SERVICES tenu par M. Y....
- Une lettre du 7 octobre 2005 de M. Bernard E...responsable du projet recherche-développement géothermie dans les DOM au sein du BRGM, faisant état à la suite de son séjour en Guadeloupe, de son fort mécontentement lorsqu'il a appris, au cours d'une réunion de travail, que le directeur de la Centrale Géothermique de BOUILLANTE, M. Y..., avait remis en cause, la semaine précédant cette réunion, le bien-fondé et la qualité de certaines activités du groupe BRGM liées au développement du champ géothermique de BOUILLANTE, auprès d'un organisme public, qui contribue parfois à leur financement.
Il y a lieu d'observer que les documents produits par la Société C. F. G. SERVICES, sont des lettres adressées au président directeur général de ladite société, et à ce titre ne peuvent répondre aux prescriptions des dispositions de l'article 202 du code de procédure civile. Ces documents constituent néanmoins des éléments de preuve, dont les contenus détaillés, circonstanciés, concordants et convergents, montrent suffisamment que M. Y..., à plusieurs reprises, a tenu des propos dénigrant les conditions dans lesquelles la Société C. F. G. SERVICES exploitait la centrale géothermique de BOUILLANTE, et ce à l'égard de représentants de sociétés et d'organismes susceptibles de concourir au développement de ladite centrale.
Si effectivement le salarié jouit d'une liberté d'expression tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'entreprise, il n'en demeure pas moins que si un cadre dirigeant peut émettre à l'égard de son employeur des observations critiques quant aux conditions dans lesquelles fonctionne l'entreprise, les mêmes observations critiques exprimées à l'égard de tiers et pouvant dissuader ceux-ci de concourir au développement de l'activité de l'entreprise, constituent une faute grave justifiant le licenciement du salarié, le maintien dans l'entreprise de celui-ci ne pouvant être poursuivi compte tenu de la nécessité de faire cesser un comportement gravement nuisible aux intérêts de l'entreprise.
La rupture du contrat de travail de M. Y...est donc justifiée par une faute grave, exclusive de l'indemnisation pour perte de salaire telle que sollicitée par le salarié.
Il résulte des dispositions de l'article L 1243-10 du code du travail, que l'indemnité de fin de contrat, ou indemnité de précarité, n'est pas due en cas de rupture anticipée du contrat due à la faute grave du salarié. En conséquence M. Y...doit être débouté de sa demande d'indemnité de précarité.
Sur la demande de paiement de prime d'objectif :
Il est stipulé dans le contrat de travail que le salarié bénéficie d'une prime d'objectif annuelle dans la mesure où le résultat d'exploitation de la centrale de BOUILLANTE (unités 1 et 2) obtenu en fin d'année a été amélioré par rapport au programme d'exploitation budgété au début de l'année. Le montant de cette prime, à répartir au sein de l'équipe d'exploitation, devant être fonction de l'importance de l'écart constaté entre le résultat effectif de fin d'année et la prévision de début d'année.
Il convient de relever que selon les comptes de résultats versés aux débats, la Société C. F. G. SERVICES a connu :- en 2004 une perte d'exploitation de 3 728 641 euros-en 2005 une perte d'exploitation de 1 138 079 euros.

Même si l'employeur s'est abstenu de communiquer le " résultat budgété " pour 2005, et même si le résultat de l'exercice 2005 reste négatif, il y a lieu de constater, suivant les termes du contrat de travail, une nette amélioration du résultat d'exploitation dans la mesure où la perte de résultat a considérablement diminué entre 2004 et 2005. Il s'ensuit que selon les stipulations contractuelles, il est dû au salarié une prime d'objectif.
En l'absence d'éléments fournis par l'employeur pour déterminer le montant de cette prime, il sera fait droit à la demande de M. Y...tendant au paiement d'une somme de 5000 euros à ce titre.
Comme il paraît inéquitable de laisser à la charge de M. Y...les frais irrépétibles qu'il a exposés il lui sera alloué la somme de 2000 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs,

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Réforme le jugement déféré,
Et statuant à nouveau,
Condamne la Société C. F. G. SERVICES à payer à M. Y...la somme de 5000 euros au titre de la prime d'objectif, et celle de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute M. Y...du surplus de ses demandes,
Dit que les dépens sont à la charge de la Société C. F. G. SERVICES,
Déboute les parties de toute conclusion plus ample ou contraire.
Le Greffier, Le Président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11/00099
Date de la décision : 04/02/2013
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

ARRET du 26 novembre 2014, Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 26 novembre 2014, 13-15.468, Inédit

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2013-02-04;11.00099 ?
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