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05/12/2005 | FRANCE | N°620

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, Chambre civile 1, 05 décembre 2005, 620


COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE 1ère CHAMBRE CIVILE ARRÊT No DU 05 DECEMBRE 2005 R.G : 05/00664 Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal d'Instance de POINTE-A-PITRE en date du 26 Mars 2004, enregistré sous le n 03/000966 APPELANTE :SARL COMATEB dont le siège social est Z A de Bergevin Rue de la Ville d'Orly 97110 POINTE A PITRE Représentée par Me John Sylvanus DAGNON (TOQUE 41), avocat au barreau de la GUADELOUPE INTIMEE :L'ADMINISTRATION DES DOUANES ET DES DROITS INDIRECTS, représentée par son Directeur Général, en ses bureaux rue de l'Université 75007 PARIS, agissant pa

r M. Y... Régional des Douanes de la Guadeloupe Représentée par...

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE 1ère CHAMBRE CIVILE ARRÊT No DU 05 DECEMBRE 2005 R.G : 05/00664 Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal d'Instance de POINTE-A-PITRE en date du 26 Mars 2004, enregistré sous le n 03/000966 APPELANTE :SARL COMATEB dont le siège social est Z A de Bergevin Rue de la Ville d'Orly 97110 POINTE A PITRE Représentée par Me John Sylvanus DAGNON (TOQUE 41), avocat au barreau de la GUADELOUPE INTIMEE :L'ADMINISTRATION DES DOUANES ET DES DROITS INDIRECTS, représentée par son Directeur Général, en ses bureaux rue de l'Université 75007 PARIS, agissant par M. Y... Régional des Douanes de la Guadeloupe Représentée par la SCP URBINO-SOULIER, CHARLEMAGNE et Associés, avocat au barreau de PARIS. COMPOSITION DE LA COUR :L'affaire a été débattue le 17 Octobre 2005, en audience publique, devant la Cour composée de :M. Dominique GASCHARD, Premier Président, Président, Rapporteur, M. Jean-Luc MARTIN, Conseiller, Mme Monique BEHARY LAUL SIRDER, Conseillère. qui en ont délibéré Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la Cour le 05 décembre 2005. GREFFIER, Lors des débats: Mme Juliette X..., Adjointe Administrative, faisant fonction de greffière, serment préalablement prêté .ARRÊT : Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du NCPC, Signé par M. Dominique GASCHARD, Premier Président, Président et par Mme Juliette X..., Adjointe Administrative, faisant fonction de greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. EXPOSE DU LITIGE :

Par acte du 4 juin 2003, la société COMATEB a fait assigner L'ADMINISTRATION des DOUANES devant le Tribunal d'instance de Pointe-à-Pitre pour demander le remboursement d'une taxe dénommée octroi de mer et d'un droit additionnel perçus à l'occasion de

l'introduction de marchandises en Guadeloupe du 10 février 2000 au 15 novembre 2002, le tout représentant une somme globale de 280.934,24 ç.

Par jugement du 26 mars 2004, le Tribunal d'instance de Pointe-à-Pitre a :- déclaré prescrite la demande de la société COMATEB portant sur les sommes acquittées au titre de l'octroi de mer et du droit additionnel pour la période antérieure au 4 juin 2000, au motif qu'il résultait du Code des Douanes français, seul applicable en l'espèce à l'exclusion du Code des Douanes Communautaire, que le délai de prescription était de 3 ans et que ce délai ne pouvait être interrompu que par un acte d'assignation;- déclaré mal fondée la société COMATEB en sa demande de remboursement de la taxe d'octroi de mer et du droit additionnel pour la période postérieure au 4 juin 2000, aux motifs que la décision du CEE no89-688, qui est le fondement de la loi no92-676 du 17 juillet 1992 définissant le régime actuel de l'octroi de mer, avait été validée par la Cour de Justice des Communautés Européennes dans son arrêt X... - Y... du 19 février 1998, et que la taxe additionnelle qui fait partie intégrante du régime de l'octroi de mer a également été validée de manière implicite;- et condamné la société COMATEB à verser à l'Administration des Douanes une somme de 2.000 ç sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.* **

Par acte reçu au secrétariat-greffe du Tribunal d'instance de Pointe-à-Pitre la société COMATEB a interjeté appel de ce jugement et demande à la Cour :I) AU REGARD DE L'EXCEPTION DE PRESCRIPTION PARTIELLE OPPOSEE PAR LES DOUANES.

1o) de constater, dire et juger :

* Qu'il ne résulte nullement de l'article 355 du Code Français des Douanes que seule l'assignation judiciaire interrompt le cours de la prescription triennale, ce texte disposant simplement que la

prescription trentenaire se substitue à la prescription de courte durée (triennale), lorsqu'une action judiciaire est mise en oeuvre avant le trme de la prescription de courte durée;

* Que, compte tenu du postulat contenu dans le troisième considérant du Règlement du Conseil C.E.E no2913-92 du 12 octobre 1992 instituant le Code Communautaire des Douanes, selon lequel les règles dont il est question dans ledit Règlement "partent de l'idée d'un marché intérieur", c'est-à-dire un espace constitué par le territoire douanier communautaire, à l'intérieur duquel il est présupposé qu'il n'existe plus de transferts de biens donnant lieu à l'accomplissement de formalités de nature douanière, le fait que les introductions de marchandises vers les D.O.M - comme en l'espèce - donnent encore lieu à des formalités douanières, rend applicable les dispositions du Code des Douanes Communautaire entré en vigueur depuis le 1er janvier 1994;

* et que les dispositions dudit Code Communautaire primant sur celles du droit national, c'est donc à tort que les dispositions de l'article 236 OE 2 ont été écartées par le premier juge;

2o) par voie de conséquence :

de dire et juger que la prescription n'est donc pas acquise en l'espèce pour les droits dont la restitution est sollicitée;

et 3o) si par extraordinaire la Cour avait un doute sur l'applicabilité des dispositions dudit code communautaire des douanes à la présente instance : de faire une application justifiée de l'article 234 du Traité (ex-article 177), en posant à la C.J.C.E, la question préjudicielle suivante suggérée :

" La précision contenue sous le 3ème Considérant du Règlement du Conseil C.E.E no2913-92 du 12 octobre 1992 instituant le Code Communautaire des Douanes selon laquelle "...partant de l'idée d'un marché intérieur, le Code doit contenir les règles et procédures

générales assurant l'application des mesures tarifaires et autres instaurées sur le plan communautaire dans le cadre des échanges de marchandises entre la Communauté et les Pays tiers...", doit-elle être entendue en ce sens que les dispositions dudit Règlement s'appliquent également aux échanges à l'intérieur du territoire douanier communautaire, dans la mesure où ces derniers donnent encore lieu à l'accomplissement de formalités de caractère douanier, ou les dispositions dudit Code ne s'appliquent-elles, exclusivement, qu'aux échanges avec les Pays tiers ä "II) SUR LA VALIDITE DES PERCEPTIONS AU TITRE DE L'OCTROI DE MER :

1o) de constater, dire et juger :

* Que son argumentation porte sur :

- la violation du Traité, par suite du recours abusif à l'article 235 pour fonder la Décision no89-688 du 22 décembre 1989 servant de base aux perceptions depuis le 1er janvier 1993;

- et la question de la compétence institutionnelle ou non du Conseil C.E.E à autoriser, en 1989, la dérogation à l'article 95 du Traité de Rome que constitue ladite Décision no89-688 ;

* Que cette double argumentation à laquelle la C.J.C.E n'a expressément encore jamais répondu, tend en réalité à l'invalidation d'une norme communautaire, question qui ressort de la compétence exclusive de cette haute juridiction en application de l'article 234 du Traité;

* Et donc que, c'est à tort que le Tribunal a rejeté les moyens d'illégalité développés par la société ;

2o) Par voie de conséquence :

Avant dire droit au principal en ce qui concerne l'octroi de mer proprement dit, et faisant application des dispositions de l'article 234 du Traité C.E, de saisir la C.J.C.E des questions préjudicielles ci-après suggérées :

QUESTION No1 :

" Le Traité de Rome n'a t-il pas été violé en 1989, par suite du recours à l'article 235 pour fonder la Décision no89-688 du 22 décembre 1989, dès lors que les pouvoirs d'action requis pour déroger au profit des D.O.M. à toute la rigueur du Traité ont bien été prévus en 1957 à travers les articles 17-4, 226 et 227 OE 2 et, qu'à cette date, les délais pour leur mise en oeuvre étaient expirés ä "

QUESTION No2 " Eu égard aux dispositions pertinentes du Traité sur la compétence de chacune des institutions de la Communauté, le Conseil C.E.E. avait-il compétence en 1989 pour autoriser les dispositions contenues dans la Décision no89-688 du 22 décembre 1989, constitutives selon le neuvième considérant de ladite Décision, et ainsi que l'a précisé la Cour elle-même dans son arrêt X...-Y... du 19 février 1998 au point no26, d'une dérogation à l'article 95 du Traité, ou ne fallait-il pas, au plan institutionnel, recourir à une réforme préalable du Traité ä "

QUESTION No3

" S'il faut considérer que le Conseil C.E.E. avait compétence en 1989 pour édicter la Décision no89-688 - que la Cour a pourtant reconnu dans son arrêt X...-Y..., au point no26, comme étant constitutive d'une mesure dérogatoire à l'article 95 du Traité - quelle interprétation la Cour considère t-elle qu'il convient alors de donner aux précisions contenues aux points no35 et 42 du même arrêt X...-Y... du 19 février 1998 ( affaire C. 212/96) selon lesquelles :

" ..... passé le délai de 2 ans, en l'absence de décisions prises par le Conseil au titre de l'article 227, paragraphe 2, deuxième alinéa, toutes les autres dispositions du Traité, y compris l'article 95, devenaient de plein droit applicables aux D.O.M. ...

..... de telles conditions limitatives de la possibilité de déroger

aux règles du Traité sont d'autant plus nécessaires dans le présent contexte que, parmi les dispositions du Traité s'appliquant aux D.O.M dès l'expiration du délai de deux ans, figurent non seulement l'article 95 du Traité qui constitue un complément aux dispositions relatives à la suppression des droits consacrés par les dispositions du Traité visées à l'article 227, paragraphe 2, deuxième alinéa, droits faisant partie de leur patrimoine juridique, soit susceptible d'être altérée, au fil du temps, par des décisions du Conseil " ä "III) EN CE QUI CONCERNE LA TAXE DENOMMEE "DROIT ADDITIONNEL A L'OCTROI DE MER" :

1o) de constater, dire et juger : * Que, contrairement à ce qu'a retenu le Tribunal, aucune mention de la Décision no89-688 ne fait référence à la "création d'un nouveau régime de l'octroi de mer et d'une taxe afférente", notion de taxe afférente qu'il conviendrait d'interpréter comme visant la taxe additionnelle à l'octroi de mer;

* Et qu'il ne résulte pas davantage de la Décision no89-688 du 22 décembre 1989 que la France ait été autorisée à continuer la perception de ladite taxe à compter du 1er janvier 1993, taxe pourtant existant depuis 1984 , et que la C.J.C.E. a jugé dans son arrêt CADI SURGELES du 7 novembre 1996 comme constitutive d'une taxe :- " nouvelle et unilatéralement instituée" par la France après l'entrée en vigueur du Tarif Douanier Commun le 1er juillet 1968,- et donc contraire au Traité ;

2o) Par voie de conséquence :

de condamner l'Administration des Douanes à la restitution du montant en principal indûment perçu durant la période du 10 février 2000 au 15 novembre 2002, lequel s'élève à 56.935,20 ç, majoré des intérêts moratoires au taux légal à compter de chaque perception indue, et capitalisation à compter de la date de la présente assignation judiciaire;

et 3o) Si, eu égard au fait que deux des plus prestigieuses institutions de l'Etat partagent l'analyse de l'appelante, la Cour avait un doute sur l'illégalité des perceptions au titre de cette taxe :

de faire application de l'article 234 du Traité, en posant à la C.J.C.E, la question préjudicielle suivante :

" A travers la Décision du Conseil C.E.E no 89-688 du 22 décembre 1989, la France a t-elle également été autorisée à continuer la perception de la taxe dénommée "droit additionnel à l'octroi de mer" à compter du 1er janvier 1993, ou ladite autorisation ne concerne t-elle que l'octroi de mer " ä.

Par conclusions remises au Secrétariat-Greffe de la Cour, le 17 Octobre 2005, L'ADMINISTRATION DES DOUANES ET DROITS INDIRECTS demande à la Cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, de débouter la société COMATEB de toutes ses prétentions, subsidiairement d'ordonner une mesure d'expertise comptable à l'effet de rechercher si les taxes d'octroi de mer et de droit additionnel ont été répercutées sur les acheteurs et de condamner enfin la société COMATEB au paiement d'une indemnité de 4.000 ç au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile .MOTIFS DE LA DECISION .

Sur la prescription :

Attendu que c'est à juste titre que le premier juge a écarté l'application en l'espèce du Code des Douanes Communautaire du 12 octobre 1992, qui, à la différence du droit national, précise que la demande de restitution doit être formulée auprès du bureau des douanes concerné, ce qui devrait permettre de considérer que cette diligence est une diligence interruptive de prescription, en rappelant les dispositions de l'article 1er dudit Code qui définit clairement son champ d'application à savoir " les échanges entre la

Communauté et les pays tiers";

Attendu au surplus, d'une part, qu'il convient de rappeler que statuant dans le cadre de l'ancien règlement (CEE) no1430/79 du Conseil, du 2 juillet 1979, relatif au remboursement ou à la remise des droits à l'importation ou à l'exportation, modifié en dernier lieu par le règlement (CEE) no1854/89, règlement auquel s'est substitué le Code des Douanes Communautaire, la Cour de Justice des Communautés Européennes avait déjà jugé dans son arrêt COMATEB du 14 janvier 1997 que ledit règlement ne s'appliquait qu'aux droits, taxes, prélèvements et impositions établis par les réglementations communautaires et perçus par les Etats membres pour le compte de la Communauté et qu'il n'était donc pas applicable aux droits, impôts et taxes nationaux, même s'ils avaient été perçus en violation du droit communautaire;

Attendu, d'autre part, qu'il convient également d'observer qu'en partant de l'idée d'un marché intérieur, le 3ème considérant de l'exposé des motifs du règlement (CEE) no2913 du Conseil du 12 octobre 1992, établissant le Code des Douanes Communautaire, a bien précisé que ledit Code devait contenir les règles et procédures générales assurant l'application des mesures tarifaires et autres instaurées "sur le plan communautaire dans le cadre des échanges des marchandises entre la Communauté et les pays tiers"; * * *

Mais attendu que c'est à tort que le premier juge a dit que seul l'acte d'assignation du 4 juin 2003, à l'exclusion de la réclamation préalable du 22 novembre 2002, avait pu interrompre le délai de prescription de 3 ans de l'article 352 du Code des Douanes Français, de telle sorte que la demande en restitution fondée sur des droits acquittés antérieurement au 4 juin 2000 devait être déclarée prescrite; Attendu en effet qu'il ne résulte d'aucun texte que seule une assignation en justice peut interrompre le délai de prescription

de 3 ans à compter du paiement des droits prévus par l'article 352 du Code des Douanes Français;

Que l'article 355 du même Code dispose simplement que la prescription triennale devient trentenaire quant il y a avant le terme de 3 ans, " contrainte décernée et notifiée, demande formée en justice, condamnation, promesse, convention ou obligation particulière et spéciale relative à l'objet qui est répété";

Que la décision du premier juge sera en conséquence infirmée de ce chef;

Sur la légalité du régime d'octroi de mer en vigueur depuis le 1er janvier 1993.

Attendu que le régime d'octroi de mer en vigueur depuis le 1er janvier 1993 a pour fondement légal la loi française no92-676 du 17 juillet 1992 qui a transcrit en droit national l'autorisation communautaire dudit octroi de mer donnée par la décision no89-688-CEE du Conseil des CE;

Attendu que la société COMATEB soutient que c'est à tort que le premier juge a rejeté les moyens par lesquels elle soutenait l'illégalité des perceptions faites au titre de l'octroi de mer;

Attendu qu'elle explique en effet :

- que l'article 227 OE 2 du Traité de Rome qui permettait au Conseil CEE de prendre des mesures dérogatoires du type de celle ayant autorisé le nouveau régime d'octroi de mer prévoyait toutefois que de telles mesures devaient impérativement êtres prises dans un délai de 2 ans après l'entrée en vigueur dudit Traité, de telle sorte que le Conseil CEE n'avait plus la compétence institutionnelle en décembre 1989 pour autoriser la France à continuer de percevoir une taxe de la nature de l'octroi de mer;

- que la modification du même article 227 OE 2 du Traité de Rome, à

travers la réforme d'Amsterdam afin de donner compétence au Conseil CEE sans effet rétroactif pour "arrêter des mesures spécifiques visant en particulier à fixer les conditions d'application du Traité aux régions ultra périphériques" est bien la preuve que le Conseil CEE était incompétent en 1989 pour prendre de telles mesures ;

- que le Conseil CEE ne pouvait pas comme il l'a fait fonder sa décision no89-688 du 22 décembre 1989 sur l'article 235 du Traité alors que cet article est un texte de compétence subsidiaire qui ne permet au Conseil de prendre des mesures nécessaires à la réalisation des objectifs du Traité que dans l'hypothèse où ledit Traité n'a pas prévu les pouvoirs d'action requis à cet effet, ce qui n'était pas le cas en l'espèce dans la mesure où le Traité avait prévu la procédure de l'article 227 OE 2 à mettre en oeuvre dans un délai de 2 ans;

- et que statuant dans son arrêt X...-Y... du 19 février 1988, la Cour de Justice des Communautés Européennes, qui n'avait à se prononcer que sur la validité des exonérations temporaires de l'octroi de mer au profit des productions locales des DOM ne s'est pas implicitement prononcée sur la question de la compétence institutionnelle du Conseil CEE à prendre la décision du 22 décembre 1989 et n'a donc pas validé le régime d'octroi de mer contesté ;

Attendu que la société COMATEB fait observer que l'ensemble de ses moyens d'illégalité tend à l'invalidation d'une norme communautaire, ce qui est de la compétence exclusive de la Cour de Justice des Communautés Européennes et conclut en conséquence en demandant à la Cour de saisir ladite Cour Européenne de questions préjudicielles sur les points de savoir :

- si le Conseil CEE n'a pas violé le Traité en fondant sa décision no89-688 du 22 décembre 1989, sur l'article 235 dudit Traité;

- et si le Conseil CEE avait compétence pour autoriser les dispositions contenues dans la décision no89-688 du 22 décembre 1989,

dispositions qui sont constitutives d'une dérogation à l'article 95 du Traité, ou s'il ne fallait pas, au plan institutionnel, recourir à une réforme préalable du Traité;

Que la société COMATEB conclut également à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où il serait considéré que le Conseil CEE avait bien compétence en 1989 pour édicter sa décision no89-688, en demandant la saisine de la Cour Européenne pour qu'elle interprète les points 35 et 42 de son arrêt X...-Y... ; * * *

Mais attendu que la mise en oeuvre de la procédure de renvoi préjudiciel devant la Cour de Justice des Communautés Européennes ne s'impose au juge national que si ladite Cour de Justice des Communautés Européennes n'a pas éclairé les juridictions des Etats membres sur le point en litige;

Or attendu que pour répondre à la question de savoir si le Traité permettait au Conseil d'autoriser un système d'exonération de la production locale, tel que prévu par la décision 89/688 assorti d'une procédure de contrôle par la Commission, à titre temporaire et transitoire, la Cour de Justice des Communautés Européennes s'est livrée dans son arrêt X...-Y... à une analyse détaillée tant de la valeur intrinsèque que de la valeur extrinsèque de la décision du Conseil;

Attendu que c'est ainsi qu'elle a rappelé les dispositions des articles 227 paragraphe 2 et 226 du Traité ainsi que les dispositions de son précédent arrêt Z... dont il résulte qu'après l'expiration du délai de 2 ans prévu par l'article 227 paragraphe 2, deuxième alinéa, du Traité, et en l'absence de décisions prises par le Conseil sur proposition de la Commission sur la base du même article, toutes les dispositions, tant du Traité, que du droit dérivé, s'appliquent en principe de plein droit aux DOM, "étant cependant entendu qu'il reste toujours possible de prévoir ultérieurement des mesures

spécifiques en vue de répondre aux besoins de ces territoires" (voir point 35 de l'arrêt X...-Y... et point 10 de l'arrêt Z...);

Attendu qu'elle a également rappelé la position du gouvernement français et de la Commission pour lesquels l'article 227, paragraphe 2, deuxième alinéa du traité, lu en combinaison avec son troisième alinéa, permettait au Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission, même une fois le délai de 2 ans après l'entrée en vigueur du Traité expiré, de moduler l'application aux DOM des dispositions du Traité autres que celles figurant au premier alinéa, dont l'article 95 du Traité;

Attendu qu'elle a encore observé que pour permettre aux Institutions de la Communauté de veiller au développement économique et social des DOM, l'article 227, paragraphe 2, troisième alinéa du Traité, renvoie aux procédures de l'article 226 qui ne permettent aux Institutions Communautaires d'autoriser que les dérogations strictement nécessaires et limitées dans le temps, en choisissant prioritairement les mesures qui apportent le moins de perturbations au fonctionnement du marché commun"

Que dans le point 42 de son arrêt elle a expliqué que "de telles conditions limitatives de la possibilité de déroger aux règles du Traité étaient d'autant plus nécessaires que parmi les dispositions du Traité s'appliquant en principe aux DOM dès l'expiration du délai de 2 ans, figurent non seulement l'article 95 du Traité, mais également les dispositions relatives à la libre circulation des travailleurs et d'autres personnes physiques et morales, alors qu'il ne saurait être admis que la jouissance, par les ressortissants communautaires, des droits concernés par les dispositions du Traité visées à l'article 227, paragraphe 2, deuxième alinéa, droits faisant partie de leur patrimoine juridique, soit susceptible d'être altérée, au fil du temps, par des décisions du Conseil";

Attendu qu'après avoir procédé à l'analyse ci-dessus rappelée et observé que la décision 89/688 avait été adoptée par le Conseil sur le fondement des articles 227 paragraphe 2 et 235 du Traité, la Cour de Justice des Communautés Européennes a conclu son arrêt X...-Y... en disant que les dérogations temporaires à l'article 95 du traité prévues par la décision 89/688 étaient justifiées conformément à l'article 227, paragraphe 2, lu en combinaison avec l'article 226 du même traité" et que "l'examen de la décision 89/688, en ce qu'elle autorise un système d'exonération de la taxe dénommée "octroi de mer" assortie de conditions strictes qu'elle prévoit, n'a fait apparaître aucun élément de nature à affecter sa validité";

Attendu qu'il résulte de ce qui précède que dans son arrêt X...-Y... la Cour de Justice des Communautés Européennes n'a pas dénié la compétence du Conseil pour adopter sur le fondement de l'article 227, paragraphe 2, du Traité, lu en combinaison avec l'article 226 du même Traité, et passé le délai de 2 ans prévu par l'article 227 paragraphe 2 dudit Traité sa décision no1430/79, dès lors que cette dernière prévoyait des mesures strictement nécessaires, proportionnelles, limitées dans le temps et précisément déterminées;

Attendu en définitive qu'il convient de confirmer la décision du premier juge en ce qu'il a dit qu'aucun des moyens d'illégalité développés par la société COMATEB à l'appui de sa demande de restitution d'octroi de mer ne pouvait valablement être accueilli ;

Sur la taxe additionnelle à l'octroi de mer :

Attendu que pour conclure à l'infirmation de la décision du premier juge qui a dit que la taxe additionnelle à l'octroi de mer avait fait l'objet d'une décision communautaire et pouvait valablement être intégrée à la loi du 17 juillet 1992, la société COMATEB expose,

d'une part, que contrairement à ce qu'avait retenu le Tribunal, aucune mention de la décision no89-688 ne faisait référence à la "création d'un nouveau régime de l'octroi de mer et d'une taxe afférente" qu'il conviendrait d'interpréter comme visant la taxe additionnelle à l'octroi de mer et, d'autre part, qu'il ne résulte pas davantage de la décision no89-688 du 22 décembre 1989 que la France ait été autorisée à continuer la perception de ladite taxe à compter du 1er janvier 1993, alors que cette taxe existait depuis 1984 et que la Cour de Justice des Communautés Européennes l'avait jugée dans son arrêt CADI-SURGELES du 7 novembre 1996 comme constitutive d'une taxe "nouvelle et unilatéralement instituée" par la France après l'entrée en vigueur du Tarif Douanier Commun le 1er juillet 1968, et donc contraire au Traité;

Mais attendu que s'il est exact que contrairement à ce qui est indiqué dans le jugement du Tribunal, aucune mention de la décision no89-688 ne fait référence à la "création d'un nouveau régime de l'octroi de mer et d'une taxe afférente", c'est en revanche à juste titre que le premier juge a souligné que l'assiette de la taxe additionnelle était la même que celle de l'octroi de mer et que les seules différences entre les deux taxes portaient seulement sur les niveaux de taux et l'affectation des produits;

Attendu qu'il résulte de ce qui précède que le droit additionnel n'est qu'une simple majoration de l'octroi de mer obéissant aux mêmes règles que l'octroi de mer lui-même et qu'il convient dans ces conditions de considérer que la décision du Conseil du 22 décembre 1989 qui a autorisé les autorités françaises à prendre les mesures nécessaires pour que le régime de l'octroi de mer alors en vigueur dans les DOM devienne applicable indistinctement et sous certaines conditions aux produits introduits et aux produits obtenus dans ces régions valide la taxe additionnelle à l'octroi de mer tout comme

l'octroi de mer lui même, étant rappelé que ces deux "taxes" obéissent aux mêmes règles et respectent toutes les deux les conditions posées par le Conseil;

Attendu que c'est en vain que la société COMATEB se réfère à l'arrêt CADI-SURGELES rendu par la Cour de Justice des Communautés Européennes le 7 novembre 1996 qui a dit dans son point 29 que "s'agissant du droit additionnel, qu'il soit qualifié de simple majoration de l'octroi de mer ou de taxe nouvelle, il y a lieu de constater qu'une telle taxe est incompatible avec le Traité";

qu'en effet cet arrêt se rapporte à l'ancien octroi de mer et à sa taxe additionnelle qui tous les deux étaient effectivement incompatibles avec le Traité en ce qu'ils constituaient des taxes d'effet équivalent à un droit de douane;

Attendu qu'il résulte des éléments ci-dessus développés qu'il y a lieu de confirmer la décision du premier juge en ce qu'il a écarté les moyens d'illégalité développés par la société COMATEB à l'appui de sa demande de restitution de taxe additionnelle à l'octroi de mer;

Sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Attendu que la société COMATEB demande à la Cour d'infirmer la décision du premier juge en ce qu'il l'a condamnée au paiement d'une indemnité fondée sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile alors qu'en matière douanière aucune partie ne peut être condamnée aux dépens et qu'il ressort de l'analyse de certains arrêts de la Cour de Cassation que " seule la partie à la charge à laquelle a été mise la totalité ou une fraction des dépens , peut être condamnée à payer à l'autre des sommes exposées par celle-ci, et non comprises dans les dépens";

Mais attendu que le fait qu'une procédure soit prévue sans frais ne fait pas obstacle à l'application de l'article 700 du Nouveau Code de

Procédure Civile;

que la gratuité proclamée ne concerne en effet que les dépens;

et que l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile dans sa rédaction issue du Décret du 19 décembre 1991 envisage, au demeurant, de manière expresse l'hypothèse d'une partie non condamnée aux dépens mais néanmoins condamnée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens;

Attendu qu'il convient en conséquence de rejeter le moyen développé par la société COMATEB et de confirmer la décision du premier juge qui l'a condamnée au paiement d'une indemnité de 2.000 ç sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Et attendu qu'il serait également inéquitable de laisser à la charge de L'ADMINISTRATION DES DOUANES le montant des frais irrépétibles qu'elle a été contrainte d'exposer en cause d'appel;

qu'une nouvelle indemnité lui sera en conséquence allouée sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

que le montant de l'indemnité sollicitée sera toutefois réduit à de plus justes proportions ;

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,

Sur l'exception de prescription partielle opposée par les Douanes.

Infirme le jugement du Tribunal d'instance de Pointe-à-Pitre du 26 mars 2004 en ce qu'il a déclaré prescrite la demande de la société COMATEB portant sur les sommes acquittées au titre de l'octroi de mer

et du droit additionnel pour la période antérieure au 4 juin 2000,

Sur la validité des perceptions au titre de l'octroi de mer et au titre du droit additionnel à l'octroi de mer:

Dit n'y avoir lieu à poser de questions préjudicielles à la Cour de Justice des Communautés Européennes,

Confirme le jugement du Tribunal d'instance de Pointe-à-Pitre en ce qu'il a dit qu'aucun des moyens d'illégalité développés par la société COMATEB à l'appui de sa demande de restitution d'octroi de mer et de taxe additionnelle à l'octroi de mer ne pouvait valablement être accueilli et en ce qu'il a débouté la société COMATEB de sa demande tendant à la répétition de ces sommes,

Sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Confirme également le jugement en ce qu'il a condamné la société COMATEB à verser à L'ADMINISTRATION DES DOUANES une somme de 2.000 ç sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

Et y ajoutant :

Condamne la société COMATEB à payer à L'ADMINISTRATION DES DOUANES une somme supplémentaire de 2.000 ç sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,

Dit n'y avoir lieu à statuer sur les dépens.

Et ont signé le Président et la Greffière


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 620
Date de la décision : 05/12/2005
Type d'affaire : Civile

Analyses

COMMUNAUTE EUROPEENNE - Douanes - Droits - Octroi de mer - Décision 89/688/CEE - Validité

Est justifié le jugement qui, pour constater que la décision CEE n 89/688 définissant le régime de la taxe "octroi de mer" est valide, se fonde sur un arrêt Chevassus-Marche de la CJCE du 19 février 1998 rappelant en outre que l'article 227 OE2 du Traité permettait au CEE de moduler l'application aux DOM de certaines dispositions du Traité


Références :

Traité de Rome, articles 95, 227 OE 2 Décision n° 89/688/CEE du Conseil du 22 décembre 1989 Loi n° 92-676 du 17 juillet 1992, articles 1er, 2

Décision attaquée : DECISION (type)


Composition du Tribunal
Président : M. GASCHARD, président

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2005-12-05;620 ?
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