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08/10/2013 | FRANCE | N°11/02798

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 08 octobre 2013, 11/02798


COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale
ARRÊT DU 08 Octobre 2013

ARRÊT N
AD/ GL
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 02798

numéro d'inscription du dossier au répertoire général de la juridiction de première instance Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de SAUMUR, décision attaquée en date du 11 Octobre 2011, enregistrée sous le no 10/ 00129

APPELANTE :
Mademoiselle Nathalie X... Chez madame Andrée X...... 49150 VAULENDRY

représentée par Maître Gérard MAROT, avocat au barreau d'ANGERS r>
INTIMEE :
SA DEVILLE ZI de Beauregard 49150 BAUGE

représentée par Maître de LOGIVIERE substituant l...

COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale
ARRÊT DU 08 Octobre 2013

ARRÊT N
AD/ GL
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 02798

numéro d'inscription du dossier au répertoire général de la juridiction de première instance Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de SAUMUR, décision attaquée en date du 11 Octobre 2011, enregistrée sous le no 10/ 00129

APPELANTE :
Mademoiselle Nathalie X... Chez madame Andrée X...... 49150 VAULENDRY

représentée par Maître Gérard MAROT, avocat au barreau d'ANGERS

INTIMEE :
SA DEVILLE ZI de Beauregard 49150 BAUGE

représentée par Maître de LOGIVIERE substituant la SCP SULTAN-SOLTNER-PEDRON-LUCAS, avocats au barreau d'ANGERS

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 25 Juin 2013 à 14 H 00 en audience publique et collégiale, devant la cour composée de :
Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, président Madame Anne DUFAU, assesseur Madame Anne LEPRIEUR, assesseur
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame C. PINEL

ARRÊT : du 08 Octobre 2013, contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame LECAPLAIN MOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. *******

FAITS ET PROCÉDURE :
La sa DEVILLE, dont le siège social est situé à Baugé, en Maine et Loire, est spécialisée dans la fabrication de sécateurs et de pièces à destination de l'industrie automobile. Elle emploie environ 500 salariés dans son usine de Baugé, sur la zone industrielle du Beauregard, et dispose d'un site de production en Pologne, ainsi qu'à Nogent en Bassigny en Haute Marne.
Elle a engagé Melle X... en contrat à durée indéterminée le 27 mars 1999, en qualité de magasinier cariste niveau l, échelon 2, coefficient 145.
Le 21 juin 2001 Melle X... a subi un grave accident de la circulation qui l'a obligée à un arrêt de travail de plus de 2 ans et elle a été déclarée apte à reprendre un emploi le 2 juillet 2003, puis à nouveau le 12 novembre 2003 après un nouvel arrêt de travail, et enfin le 19 avril 2004, après un arrêt de travail du 16 au 30 janvier 2004 puis du 29 février au 11 avril 2004.
Le médecin du travail a subordonné la reprise du travail aux restrictions suivantes :- pas de port de charges supérieures ou égales à 7 kg,- pas de geste répétitif.
Le 26 septembre 2006, Melle X... a déclaré auprès de la CPAM de Maine et Loire une épicondylite tendineuse gauche qui a été prise en charge au titre de la législation sur les maladies professionnelles le 29 décembre 2006, cette décision étant dite inopposable à la sa DEVILLE par jugement du Tribunal des affaires de sécurité sociale du 24 février 2009. Melle X... a été consolidée en septembre 2009, avec un taux d'incapacité permanente partielle de 10 %.
Elle a subi un arrêt de travail pour maladie du 3 septembre 2007 au 14 mars 2008, a repris le travail sur un poste aménagé selon les restrictions énoncées par le médecin du travail, en mi-temps thérapeutique, puis a été à nouveau en arrêt de travail du 26 mai 2008 au 30 septembre 2009.
Le 5 octobre 2009, le médecin du travail a rendu un avis sur la reprise du travail ainsi rédigé : " Inaptitude temporaire au poste actuellement occupé. Aptitude résiduelle : pas de port de charge supérieure à 10 kg répétitif de plus d'une heure par journée de travail ; Travail sur une posture « assis-debout » (alternance des 2 postures possible) ".
Le 22 octobre 2009 il a rendu un avis d'inaptitude au poste de travail, dans ces termes : " Confirmation de l'inaptitude au poste. Absence de proposition de reclassement de la part de l'employeur en adéquation avec les aptitudes résiduelles mentionnées sur la fiche du 05/ 10/ 09 : pas de port de charges supérieures à 10 kg répétitif de plus d'une heure par journée de travail ; Travail sur une posture « assis · debout » (alternance des 2 postures possibles) ".
Par lettre du 26 novembre 2009, la sa DEVILLE a convoqué Melle X... à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement, fixé au 10 décembre 2009.
Le 15 décembre 2009, la sa DEVILLE a notifié à Melle X... une décision de licenciement pour inaptitude médicalement constatée au poste de travail et impossibilité de reclassement.
Le 12 octobre 2010 Melle X... a saisi le conseil de prud'hommes de Saumur pour contester l'exécution effective et loyale, par la sa DEVILLE, de la recherche de son reclassement et elle a demandé la condamnation de l'employeur à lui payer la somme de 32 000 ¿ pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse.
Par jugement du 11 octobre 2011 le conseil de prud'hommes de Saumur a dit que la sa DEVILLE a respecté son obligation de recherche de reclassement, a débouté Melle X... de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée à payer à la sa DEVILLE la somme de 50 ¿ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Melle X... a régulièrement interjeté appel de ce jugement par lettre postée le 9 novembre 2011.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Aux termes de ses écritures déposées au greffe le 6 mars 2013, reprises et soutenues oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer, Melle X... demande à la cour d'infirmer le jugement déféré et statuant à nouveau de dire que la sa DEVILLE a manqué à son obligation de reclassement, en conséquence de la condamner à lui payer la somme de 32 000 ¿ à titre de dommages et intérêts, et celle de 2000 ¿ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient que la lettre adressée par l'employeur le 21 octobre 2009 au médecin du travail n'établit pas, comme les premiers juges l'ont retenu, que la sa DEVILLE a satisfait à son obligation de reclassement, puisqu'elle est d'une part antérieure au deuxième avis médical d'inaptitude, qui marque le point de départ de la recherche de reclassement, et parce que d'autre part son contenu est vide de toute trace de démarches en vue d'un reclassement ; qu'elle se contente de lister certains des emplois de l'entreprise sans effectuer aucune analyse en termes de reclassement, et se décharge de cette obligation sur le médecin du travail.
Melle X... soutient encore que l'employeur ne peut, aux termes des articles L1226-10 et L1226-12 du code du travail, procéder au licenciement que s'il établit avoir sérieusement recherché le reclassement, et s'il fait la preuve de l'impossibilité de reclasser le salarié ; que cette preuve n'est apportée ni s'agissant du reclassement sur le site du Beauregard, ni s'agissant du reclassement dans le groupe.
Elle observe qu'en mars 2008 l'employeur avait aménagé son poste dans le cadre d'une pré-reprise et selon les préconisations du médecin du travail, et que les préconisations du médecin du travail faites en octobre 2009 sont " pratiquement semblables " ; elle s'étonne que les aménagement mis en place en 2008 ne lui aient plus été proposés dans le cadre du reclassement après consolidation, les avis d'inaptitude ne concernant selon elle pas le poste aménagé en 2008 mais le poste de cariste qu'elle occupait avant son arrêt de travail pour maladie professionnelle du 26 septembre 2006.
Melle X... affirme qu'il existait, au regard du registre des entrées et sorties de personnel, des postes disponibles, pouvant lui être proposés ; que sur le site de la ZI du Beauregard, 13 intérimaires ont été embauchés entre la date à laquelle elle a été consolidée et celle de son licenciement, et que dans cette même période six embauches en contrat à durée indéterminée ont eu lieu ; qu'il appartenait à la sa DEVILLE d'examiner la possibilité de l'affecter à l'un ou l'autre de ces postes, mais que les documents produits par l'employeur sont muets sur les qualifications et les tâches afférentes à ces postes, ce qui ne permet pas de savoir si des aménagements étaient possibles par mutation, transformation de poste, aménagement du temps de travail.
Elle expose n'avoir pas retrouvé d'emploi si ce n'est un emploi précaire de quatre mois, et ne disposer pour vivre que d'une aide sociale de 400 ¿ par mois. Aux termes de ses dernières conclusions déposées au greffe le 25 juin 2013, reprises et soutenues oralement à l'audience devant la cour, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer, la sa DEVILLE demande à la cour de confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Saumur le 11 octobre 2011 en toutes ses dispositions, et de condamner Melle X... à lui payer la somme de 1500 ¿ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La sa DEVILLE estime qu'il n'est pas sérieux de la part de Melle X... de lui reprocher d'avoir fait preuve de passivité dans la recherche d'un reclassement alors même qu'elle a tout fait pour tenter de maintenir le poste de travail de l'intéressée à la suite de ses nombreux arrêts de travail, qu'elle a systématiquement tenu compte des restrictions émises par le médecin du travail et proposé des postes aménagés afin de sauvegarder l'emploi de la salariée.
La sa DEVILLE ajoute qu'elle n'ignore pas que la Cour de Cassation juge que seules les recherches de reclassement compatibles avec les conclusions du médecin du travail émises lors du second examen médical et effectuées après ce second avis peuvent être prises en considération pour apprécier le respect par l'employeur de son obligation de reclassement, mais qu'il est de l'intérêt du salarié que l'employeur se préoccupe au plus vite du reclassement et entreprenne des recherches en collaboration avec le médecin du travail ; qu'il serait pour le moins paradoxal de lui faire grief d'avoir fait preuve d ¿ une diligence irréprochable afin de trouver au plus vite une solution tenant compte des restrictions émises par le médecin du travail.
Elle rappelle qu'elle a dans un courrier circonstancié, et de trois pages, du 21 octobre 2009, interrogé le médecin du travail sur l'aptitude de Melle X... à exercer éventuellement l'une des tâches existantes au sein de l'entreprise et du groupe, et qu'elle l'a à nouveau interrogé sur les possibilités de reclassement le 29 octobre 2009, celui-ci ayant répondu qu'il entendait maintenir son avis d'inaptitude et que si la société envisageait de le contester, il lui appartenait de saisir l'inspection du travail " avant le 22 novembre 2009 ", date à laquelle, ajoutait-il " vous devrez licencier Madame X... si vous ne disposez toujours pas de solution de reclassement en adéquation avec les aptitudes résiduelles... " ; qu'elle a donc bien recherché des possibilités de reclassement en concertation avec le médecin du travail et qu'aucune solution de reclassement n'a pu être identifiée au regard des restrictions émises par celui-ci.
La sa DEVILLE oppose encore à Melle X... que le poste aménagé en mars 2008 était bien le poste d'agent de fabrication, emploi de cariste que la salariée occupait alors et que malgré les aménagements conséquents opérés et le mi-temps thérapeutique, celle-ci a dû être à nouveau placée en arrêt de travail du 26 mai 2008 au 30 septembre 2009, avant d'être déclarée définitivement inapte à son emploi de cariste ; qu'il n'est donc pas sérieux de sa part de soutenir que les préconisations du médecin du travail en octobre 2009 seraient pratiquement semblables, alors qu'au mois de mars 2008, elle était apte avec réserves à son emploi de cariste et qu'au mois d'octobre 2009, elle était déclarée inapte définitivement à son poste ; que compte tenu des restrictions de plus en plus importantes émises par le médecin du travail, l'employeur ne disposait plus de postes disponibles susceptibles d'être proposés à l'intéressée au titre du reclassement.
La sa DEVILLE justifie des recherches de reclassement effectuées dans les autres établissements du groupe, dans ces termes :
- elle a les 13 octobre, 19 octobre et 19 novembre 2009 interrogé l'établissement polonais et le directeur de l'usine de Poznan a répondu que les seuls postes disponibles étaient un poste de directeur de production et un poste de responsable d'outillage pour lesquels Melle X... ne disposait pas des compétences requises et nécessitant la pratique de la langue polonaise ; que maîtriser l'usage de l'anglais ne suffisait pas, les salariés du site échangeant en polonais.
- la société OUTILS PAM de Nogent connaissait de grandes difficultés financières et n'a effectué aucune embauche sur la période de la procédure de licenciement de Melle X....
- quant au site de Beauregard, que la jurisprudence ne considère pas que constituent des postes disponibles dans l'entreprise des embauches intérimaires, qui correspondent à des emplois par nature temporaires ou momentanément vacants ; que les embauches en contrat à durée indéterminée relevées par Melle X... sur ce site correspondent à des transferts opérés à postes constants entre le site de la route de la Flèche, et celui du Beauregard.
Quant aux indemnités demandées par la salariée, la sa DEVILLE observe qu'elle doivent être appréciées, au-delà du minimum légal, au regard de la loyauté et du sérieux de ses recherches pour reclasser Melle X..., et du fait que celle-ci ne justifie d'aucune recherche d'emploi.

MOTIFS DE LA DÉCISION :
La lettre de licenciement adressée le 15 décembre 2009 à Melle X... est ainsi libellée :
" Mademoiselle,
Nous faisons suite à notre entretien du 10 décembre 2009 au cours duquel nous vous avons exposé les raisons pour lesquelles nous envisagions la rupture de votre contrat de travail, à savoir votre inaptitude à l'emploi de cariste et l'impossibilité de vous proposer un reclassement au sein de l'entreprise et du groupe.

En effet, par avis du 22 octobre 2009, faisant suite à un précédent avis du 5 octobre, le médecin du travail a conclu à votre inaptitude à votre emploi.
En concertation avec le médecin du travail, nous avons recherché les solutions de reclassement (en) lui exposant la structure et la nature des postes existants dans l'entreprise et dans le groupe, en lui faisant part des postes disponibles.
Le médecin du travail a maintenu sa position, l'inaptitude à votre poste et les restrictions émises dans ses précédents avis.
Compte-tenu des conclusions écrites du médecin du travail et des indications qu'il formule sur votre aptitude et en l'absence de poste disponible susceptible de vous être proposé, nous sommes contraints de vous notifier par la présente votre licenciement.
La date de première présentation de cette lettre marquera le point de départ de votre préavis de trois mois qui ne pourra être exécuté, non de notre fait mais en raison de votre inaptitude à effectuer votre travail. Nous vous informons que vous disposez à la date de la rupture de votre contrat de travail d'un crédit de 120 heures au titre du droit individuel à la formation vous permettant de suivre un bilan de compétences, une action de validation des acquis de l'expérience, ou une formation, à condition d'en faire la demande auprès de nos services au plus tard avant la fin de votre préavis. Vous percevrez par ailleurs, une indemnité calculée comme l'indemnité légale de préavis ainsi qu'une indemnité spéciale de licenciement.
Nous vous adresserons prochainement une lettre d'information concernant la portabilité de vos droits à prévoyance résultant de l'article 14 de l'accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008.
Au terme de votre contrat de travail, vous percevrez les documents de fin de contrat, à savoir l'attestation ASSEDIC, votre certificat de travail ainsi que votre solde de tout compte. "
Il ne fait pas débat que le licenciement de Melle X... a été prononcé pour inaptitude physique d'origine professionnelle, consécutive à la maladie professionnelle prise en charge par la caisse d'assurance maladie le 29 décembre 2006 et impossibilité de reclassement ; trouvent donc à s'appliquer au licenciement litigieux les dispositions des articles L. 1226-10 et suivants du code du travail ;
Quoique reposant sur une inaptitude physique d'origine professionnelle régulièrement constatée par le médecin du travail, le licenciement n'est légitime que si l'employeur a préalablement satisfait à l'obligation de reclassement mise à sa charge par l'article L1226-10 du code du travail ;
Aux termes de l'article L. 1226-10, l'employeur doit proposer au salarié déclaré inapte par le médecin du travail un autre emploi approprié à ses capacités, cette proposition devant prendre en compte, après avis des délégués du personnel, les propositions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise, l'emploi proposé devant " être aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail. " ;
L'obligation de reclassement des salariés physiquement inaptes mise à la charge de l'employeur s'analyse en une obligation de moyen renforcée, dont le périmètre s'étend à l'ensemble des sociétés du même secteur d'activité avec lesquelles l'entreprise entretient des liens ou compose un groupe, dont la localisation et l'organisation permettent la permutation de tout ou partie du personnel, et il appartient à l'employeur, débiteur de cette obligation, de démontrer par des éléments objectifs qu'il y a satisfait et que le reclassement du salarié par le biais de l'une des mesures prévues par la loi s'est avéré impossible ;
Ni la formulation de l'avis d'inaptitude par le médecin du travail, ni la position adoptée par le salarié, ni la petite taille de l'entreprise, ni la faiblesse de l'effectif ne sont de nature à dispenser l'employeur de rechercher activement le reclassement du salarié déclaré inapte au moyen de l'une des mesures prévues par la loi ;
Il est établi que Melle X... a été initialement engagée comme magasinier cariste, en 1999, puis qu'ayant subi un grave accident de la circulation elle a été déclarée apte à la reprise du travail le 2 juillet 2003 sur un emploi d'agent de production-accrochage de pièces, en mi-temps thérapeutique ; après un nouvel arrêt de travail elle a occupé un poste de tri, à mi-temps, en novembre 2003 puis en janvier 2004, à temps complet, un poste de cariste ; après deux arrêts de travail, elle a été déclarée apte à la reprise en avril 2004 avec des restrictions : pas de port de charges supérieures ou égales à 7 kg, pas de geste répétitif ; elle a subi un arrêt de travail du 3 septembre 2007 au 14 mars 2008 et été examinée le 5 février 2008 par le médecin du travail dans le cadre d'une visite de pré-reprise, lequel a émis les restrictions suivantes : " chariot élévateur inférieur à 50 % du temps de travail, pas de port de charge supérieure à 8 kg, pas de travail avec le bras au-dessus de la ligne des épaules " ; le médecin du travail a ensuite aggravé les restrictions en limitant le temps de chariot élévateur à 20 % du temps de travail, puis le 11 mars 2008 il a déclaré Melle X... apte à la reprise à mi-temps thérapeutique, au poste visité le 11 mars 2008 avec les restrictions suivantes : " pas de port de charge supérieure à 8 kg, pas d'activité aves les bras au-dessus de la ligne des épaules, alternance assis et debout, aide à la manutention " ;
Melle X... a occupé ce poste jusqu'au 26 mai 2008 date à laquelle elle a été en arrêt maladie jusqu'au 30 septembre 2009 ;
Contrairement à ce que soutient Melle X..., le poste que le médecin du travail a appelé " agent de fabrication-cariste ", et pour lequel elle a fait l'objet d'un avis d'inaptitude temporaire le 5 octobre 2009 puis d'un avis d'inaptitude totale le 22 octobre 2009 est bien le poste de cariste qu'elle occupait en mars 2008 ;
Ainsi que le relève justement l'employeur, la situation de Melle X... n'a pas été la même en mars 2008, et en octobre 2009, puisqu'en mars 2008 elle a été déclarée apte avec réserves et en octobre 2009 totalement inapte au poste ;
Il est donc inexact de dire que la sa DEVILLE pouvait encore, en octobre 2009, reclasser Melle X... dans le poste aménagé tel qu'elle l'occupait en mars 2008 ;
Un échange de courrier électronique, des 26 et 27 mars 2009, entre M. Y..., responsable logistique et production du site de Beauregard, et M. Z..., médecin du travail, témoigne de l'évolution de la situation de Melle X... ;
On y lit, de la part du médecin du travail :
" Comme vous le savez, MMES X... et A... présentent des contre-indication difficiles à gérer avec des risques de rechute (d'où arrêt maladie) importants,
Pour Mme X... une reprise serait possible en mi-temps, avec les restrictions poste assis-debout (ou alternance des 2 postures possibles), pas de port de charges de plus 10 kg répétitif plus d'une heure par journée de travail.
Comme je le disais hier en CHSCT. Ces 2 personnes font partie des patients qui veulent " à tout prix " conserver une activité dans l'entreprise sans accepter le fait que les postes adaptés à leur handicap n'existent pas à temps plein. Le risque de rechute est volontairement éludé dans leur discours, ce qui les place dans une posture paradoxale : " je souffre mais je veux travailler quand même ".
Mon problème est le suivant : s'il n'existe pas de possibilité d'affecter ces personnes à temps complet sur des postes comportant ces restrictions, je ne peux pas prendre le risque les remettre au travail, ce qui implique l'inaptitude ; en effet, le médecin conseil n'acceptera aucun arrêt supplémentaire. En clair, si je décide de valider une tentative de reprise alors que ces restrictions ne peuvent pas être appliquées, cela revient à repousser l'échéance de l'inaptitude. Afin de gérer au mieux leur reprise et d'éviter toute erreur et contestation possible, je souhaiterais que vous me donniez une réponse ferme et définitive quant à la possibilité de les maintenir sur des postes avec restrictions et de leur en faire part également afin qu'il y ait une réelle prise de conscience de leur part des efforts qui sont réalisés par vous et moi et de la limite des possibilités éventuelles. "
Et l'employeur répond :
" M. Z..., Pour répondre à votre mail et pour avoir évoqué ce sujet de vive voix avec vous lors de notre entrevue du 02 mars dernier, nous essayons toujours au maximum de répondre favorablement aux reprises avec restrictions. Sous votre impulsion, nous engageons une démarche de cotation des postes de travail, toutefois le nombre de poste accessibles aux personnes présentant une ou plusieurs restrictions est limité. Les postes respectant les restrictions : « poste assis-debout (ou alternance des 2 postures possibles), pas de port de charges de plus de 10kg répétitif plus d'une heure par journée de travail » ainsi que « pas de travail répétitif plus d'une heure par jour des 2 membres supérieurs au dessus de la ligne des épaules », sont déjà occupés par des personnes présentant les mêmes restrictions. C'est pourquoi nous ne voyons pas comment répondre favorablement à la reprise de Mmes X... dans les conditions énoncées dans votre mail. "
Il ressort de ces éléments que la sa DEVILLE a au cours des années d'emploi de Melle X... établi un dialogue avec le médecin du travail, et que celui-ci s'est poursuivi après l'arrêt de travail de mai 2008 ; en octobre 2009, il apparaît que le médecin du travail ne préconise pas un aménagement du temps de travail, que la salariée ne souhaite pas, mais émet un avis d'inaptitude au poste de travail ;
L'avis d'inaptitude du 22 octobre 2009, qui concerne bien le poste de cariste, est ainsi libellé : " Poste : Agent de fabrication : emploi : Cariste. Type de visite : Reprise après M. P conclusion : Inapte Totale-confirmation de l'inaptitude au poste. Absence de proposition de reclassement de la part de l'employeur en adéquation avec les aptitudes résiduelles mentionnées sur la fiche du 05 octobre 2009 : pas de port de charges supérieures à 10 kg répétitif de plus d'une heure par journée de travail ; Travail sur une posture " assis-debout " (alternance des 2 postures possible). 2éme visite réalisée conformément à l'article 4624-31 du code du travail. " ;
Si la sa DEVILLE a le 21 octobre 2009, et donc avant le second avis d'inaptitude émis par le médecin du travail, interrogé celui-ci sur les possibilités d'aménagement des postes disponibles dans l'entreprise, elle a poursuivi ses recherches de reclassement après réception de cet avis, puisqu'elle a à nouveau interrogé le médecin du travail le 29 octobre 2009 sur les possibilités d'aménagements à effectuer sur les postes disponibles, soit un poste de responsable d'outillage et un poste de directeur de production, sur le site de Poznan, en Pologne, ainsi que sur les postes existants à Baugé, dont elle a dressé la liste ;
Les contrats conclus en intérim à Baugé sur la période du licenciement de Melle X... ne caractérisent pas l'existence d'un poste à temps plein, qui n'aurait pas été pourvu ; il s'agit en effet de contrats conclus pour des motifs variés, et notamment pour remplacer des salariés malades, ainsi que sur des emploi diversifiés ;
Les contrats à durée indéterminée également invoqués par Melle X... correspondent à des transferts d'emplois entre le site de la ZI du Beauregard et le site de la route de La Flèche, ainsi qu'il apparaît dans les pièces produites par l'employeur ; La sa DEVILLE justifie donc de l'effectivité de la recherche de reclassement sur les postes disponibles et au regard des préconisations posées par le médecin du travail, en ce qui concerne l'entreprise de Baugé ;
Le site polonais de Poznan a été interrogé non seulement les 13 et 19 octobre 2009, soit avant le second avis d'inaptitude ainsi que le relève Melle X..., mais aussi et à nouveau le 19 novembre 2009, avec envoi du texte complet de l'avis d'inaptitude du médecin du travail ; M. Piotr B... directeur du site a répondu en confirmant l'existence des deux postes déjà cités par lui ;
Il s'agit de deux postes requérant des compétences dont Melle X... ne disposait pas, et en outre nécessitant la pratique de la langue polonaise, parlée par les ouvriers du site ;
La sa DEVILLE justifie également de l'interrogation, le 19 novembre 2009, de son site de Nogent en Haute Marne, la société OUTILS PAM, dont le directeur, M. C..., a répondu en confirmant l'absence de poste disponible, qu'il avait énoncée dans des écrits précédents, en exposant les difficultés économiques rencontrées par ce site et l'absence de tout recrutement sur la période ;
La sa DEVILLE produit les pièces comptables attestant de ces difficultés économiques, ainsi que le registre des entrées et des sorties du personnel, montrant une absence de poste disponible et d'embauche ; elle établit l'existence d'un plan social ayant abouti à 32 licenciements ;
La sa DEVILLE justifie dans ces conditions avoir satisfait à son obligation de recherche du reclassement de la salariée déclarée inapte et que ce reclassement s'est avéré impossible ;
Le jugement est confirmé en toutes ses dispositions ; Sur les dépens et frais irrépétibles :
Les dispositions du jugement afférentes aux dépens et aux frais non compris dans les dépens sont confirmées ; Il ne parait pas inéquitable de laisser à chaque partie la charge des frais exposés en cause d'appel et non compris dans les dépens ; Melle X... qui perd le procès en cause d'appel est condamnée à en payer les dépens ;
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Saumur du 11 octobre 2011 en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Melle X... aux dépens d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11/02798
Date de la décision : 08/10/2013
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

ARRET du 27 janvier 2016, Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 27 janvier 2016, 14-20.852, Inédit

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2013-10-08;11.02798 ?
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