COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale
ARRÊT DU 16 Avril 2013
ARRÊT N
AL/ FB
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 02820
numéro d'inscription du dossier au répertoire général de la juridiction de première instance Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de LAVAL, décision attaquée en date du 22 Octobre 2010, enregistrée sous le no 09/ 00195
APPELANT :
Monsieur Eric X...... 53000 LAVAL
présent, assisté de Maître Denis DELCOURT POUDENX, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE :
S. A. S. SPO BP 25 53340 BALLEE
représentée par la SCP ACR (Maître Sarah TORDJMAN), avocats au barreau d'ANGERS
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 19 Février 2013 à 14 H 00 en audience publique et collégiale, devant la cour composée de :
Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, président Madame Anne DUFAU, assesseur Madame Anne LEPRIEUR, assesseur
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame LE GALL, greffier
ARRÊT : du 16 Avril 2013, contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par madame ARNAUD PETIT, conseiller, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. *******
FAITS ET PROCEDURE
M. X... a travaillé durant 18 ans comme consultant extérieur pour le compte de la société Les Sacheries Plastiques de l'Ouest-ci-après dénommée SPO-, spécialisée dans les emballages plastiques et employant environ 130 salariés.
Il a été engagé comme directeur du contrôle de gestion (coefficient 600) à compter du 19 janvier 2004, selon contrat à durée indéterminée à temps partiel prévoyant une durée mensuelle de travail de 104, 40 heures ; selon avenant du 1er juin 2004, cette durée a été portée à 139, 20 heures.
La convention collective applicable est la convention collective nationale des industries textiles.
A compter du 1er septembre 2004, M. X... a travaillé à temps plein sur la base d'un forfait annuel de 217 jours moyennant une rémunération annuelle de 80 880 €, exerçant des fonctions de directeur finance et logistique, au coefficient 700.
Le 28 février 2005, un nouveau contrat de travail était signé entre les parties, le salarié étant confirmé dans ses fonctions de directeur finance et logistique, et " promu " au statut de cadre dirigeant, coefficient 800, moyennant une rémunération annuelle brute de 96 000 €. Etait prévue au contrat de travail une clause de non-concurrence d'une durée d'un an, assortie d'une contrepartie financière.
En dernier lieu, le salarié percevait une rémunération brute mensuelle de 8 500 €.
Par lettre du 21 août 2009, le salarié était convoqué à un entretien préalable à son éventuel licenciement, prévu le 31 août 2009.
Le 7 septembre 2009, M. X... était licencié pour faute grave, par lettre ainsi motivée : " o Chaque année depuis 2004, au mois de Mars ou Avril, il est versé à MM. Y.... Z... et A..., cadres et actionnaires de SPO, le dividende décidé par l'assemblée générale de clôture de l'exercice précédent. Il est fait à l'occasion de ce versement compensation avec les intérêts sur le prêt que la Société Financière SPO a consenti à ces personnes pour acquérir leurs actions. J'ai été avisé le 24 juin par B. Z... qu'il avait reçu un courrier émis par vous le 16 juin, l'informant que cette année la compensation habituelle n'avait pas été opérée et lui réclamant le paiement des intérêts soit la somme de 6. 757, 17 €. MM. Y... et A... m'ont confirmé avoir reçu le même courrier. Je considère comme doublement fautif ce manquement à une procédure bien établie et dont le bon déroulement vous incombe, et le fait que vous me l'ayez dissimulé, me mettant ainsi en porte à faux avec nos actionnaires. o Précédemment, vous avez signé les 6 janvier 2009, 27 février, 27 mars et 7 avril des chèques tirés sur la Financière SPO alors que, à dessein, je ne vous ai pas donné délégation de signature sur cette société Holding, mais seulement sur les filiales. Je m'en suis aperçu le 6 mai et vous en ai fait le reproche oralement, sans toutefois en faire un motif de sanction disciplinaire bien que cette usurpation de pouvoir me paraisse extrêmement grave dans vos fonctions, et révèle au minimum un manque très préoccupant de rigueur. Les évènements révélés depuis me font regretter ma mansuétude... o J'ai découvert le 18 août, juste après que vous m'ayez communiqué votre mot de passe, que vous avez transféré sur un ordinateur entièrement étranger à SPO de nombreux fichiers hautement confidentiels :- le 13 février 2009, le détail du compte de résultat des exercices 2005, 2006, 2007, 2008, et la prévision 2009 (12 pages).- le 29 mai 2009, le détail par produit et pour chaque zone d'action commerciale du chiffre d'affaires et de la marge (38 pages !) ainsi que la situation comptable détaillée de SPO à fin avril 2009 (5 pages).- le 25 juin 2009, le détail des calculs de prix de revient Soudure de fond 800 et 1400 (6 pages). Vous justifiez ces transferts par l'intention de travailler chez vous sur certains dossiers. Or les fichiers transférés n'étaient pas des ébauches de dossiers à parfaire mais des dossiers complets et déjà finalisés et pour lesquels la finalité exacte du transfert reste à établir. En outre, il est inadmissible de sortir des informations aussi confidentielles hors du réseau intranet de SPO, échappant ainsi à tout contrôle quant à leur archivage et à leur diffusion ! o Des retards inadmissibles sont à déplorer sur des chantiers dont les résultats attendus sont d'une grande, ou même très grande importance pour l'Entreprise :- Palettes internes : chantier lancé en septembre 2007 et réalisé en juillet 2009 pour un objectif avril 2008 (plus de 12 mois de retard)- Planification : chantier lancé en juin 2007 à ma demande, avec un objectif juin 2008. Après moult renvois et retards inexpliqués, le logiciel est mis en service à 50 % en juin 2009 et la partie Ordonnancement ne sera vraisemblablement opérationnelle qu'en novembre ou décembre 2009 ! ce retard très excessif prive l'Entreprise d'une meilleure réactivité face aux demandes des clients et d'une meilleure productivité des équipements de production.- Le plan d'action « sécurité » convenu entre vous et le CHSCT le 7 septembre 2008 n'est toujours pas réalisé (création d'un fléchage) ; les dangers créés par les croisements de poids lourds, de chariots élévateurs et de piétons subsistent... o Les impératifs du système Qualité ISO 9000 ne sont pas mis en œ uvre correctement dans vos services, malgré de très nombreuses relances. La Responsable du service Qualité m'a détaillé juste avant notre entretien les défaillances risquant de mettre en péril notre certification ISO : opérateurs non formés et par conséquent non habilités à la réception marchandises (demandes du service Qualité le 29/ 1/ 09, 24/ 4/ 09, 24/ 6/ 09, 7/ 7/ 09), faux plans de formation « inventés » à posteriori et visés par vous (A. B..., E. C...).,. o Vous m'avez présenté le 22 juillet un tableau récapitulatif des perspectives 2010/ 2012 dans lequel vous avez omis de comptabiliser pour 2011 un investissement de 600. 000 € (sur un total de 1. 789. 000 €). Cette erreur considérable m'aurait conduit à prendre de mauvaises décisions de financement si je ne l'avais décelée. Je ne puis admettre de devoir commencer par vérifier chacune de vos communications chiffrées avant d'en tirer un plan d'actions. o Enfin, votre comportement dans l'Entreprise révèle une incapacité à communiquer en groupe et à faire un véritable travail d'animation auprès de vos subordonnés, ce dont ils se plaignent. Aucun progrès n'est apparu au long des années malgré mes objurgations et une formation spécifique. Ceci est une lacune grave au regard de vos missions et de votre position dans notre Entreprise. J'estime que ces faits, dans leur gravité et leur accumulation, ne nous permettent pas de poursuivre notre collaboration. C'est pourquoi je vous notifie par la présente votre licenciement pour faute grave, sans préavis ni indemnité. Vos fonctions cessent donc dès ce jour ; vos certificats de travail, reçu pour solde de tous comptes et attestation Assedic seront tenus à votre disposition au service du personnel. »
Le salarié a saisi la juridiction prud'homale le 22 septembre 2009.
Par jugement du 22 octobre 2010, le conseil de prud'hommes de Laval a jugé que la société n'avait pas manqué à son obligation de sécurité et débouté en conséquence le salarié de sa demande de dommages-intérêts de ce chef. Il a par ailleurs retenu que le licenciement était fondé, non sur une faute grave, mais sur une cause réelle et sérieuse, condamnant la société au paiement des sommes de 25 500 € d'indemnité compensatrice de préavis, 2 550 € de congés payés afférents, 13 770 € d'indemnité conventionnelle de licenciement ainsi que 700 € au titre des frais irrépétibles. Il a rappelé en outre que l'exécution provisoire était de droit dans la limite de neuf mois de salaires, calculés sur la moyenne des trois derniers mois fixée à 8 500 € et dit n'y avoir lieu à l'ordonner pour le surplus.
Le salarié a régulièrement interjeté appel, précisant que son appel était limité " aux chefs faisant grief ".
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Le salarié conclut à l'infirmation du jugement déféré et à la condamnation de la société au paiement de : * 30 000 € à titre de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de sécurité de résultat ; * 51 000 € au titre de la contrepartie financière à la clause de non-concurrence, outre 5 100 € au titre des congés payés afférents ; * 104 000 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; * 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, il expose avoir supporté une charge de travail sans cesse croissante et une pression ayant entraîné la dégradation de sa santé morale. Compte tenu de la situation économique dégradée de la société, il s'est vu suggérer un départ négocié, ce qu'il a refusé.
Son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, étant rappelé que la charge de la preuve de la faute grave incombe à l'employeur seul et implique une réaction immédiate de celui-ci, la procédure disciplinaire devant être engagée dans un délai restreint, et dans les limites de la prescription définie par l'article L. 1332-4 du code du travail.
En effet, le grief tenant à la non-compensation des intérêts du prêt au moment du versement des dividendes est prescrit et n'est nullement constitutif d'une faute, aucune conséquence préjudiciable n'en étant résultée pour la société et alors que cette tâche incombait au chef comptable.
Sur la signature de chèques de la financière SPO, sans délégation de signature, les faits sont également prescrits et, en tout état de cause, nullement fautifs puisque le salarié avait déjà eu l'occasion dans le passé de signer de tels chèques, ce qui ne lui avait pas été interdit, et sans qu'aucune remarque ne lui ait été faite.
Sur le transfert de fichiers " hautement confidentiels " sur un ordinateur étranger à la société, le transfert de données sur une messagerie personnelle n'est pas en soi constitutif d'une faute ; en outre, ces fichiers auraient pu être nécessaires à la défense du salarié, comme témoignant de la qualité de son travail, même si finalement la société a préféré opter pour un licenciement pour faute plutôt que pour insuffisance professionnelle ; d'ailleurs, M. X... a toujours travaillé chez lui le week-end en raison de sa charge de travail écrasante, a toujours respecté son obligation de confidentialité et aucun préjudice n'est avéré ; enfin, les fichiers litigieux n'étaient pas confidentiels.
Les retards de certaines tâches, soit ne sont pas fautifs, soit ne sont pas imputables au salarié.
Sur l'erreur commise dans un tableau récapitulatif, l'investissement dont il s'agit a bien été comptabilisé mais une formule Excel n'a pas fonctionné, ce qui a été immédiatement régularisé.
Sur les prétendus problèmes de communication, il s'agit d'un motif d'insuffisance professionnelle qui n'est pas disciplinaire ; en tout état de cause, M. X... a toujours été un manager irréprochable.
En fait, la société a manqué à son obligation de fournir le travail convenu, en se dispensant unilatéralement de fournir du travail à son salarié du 18 au 24 août 2009. Elle a manqué également à son obligation de sécurité de résultat : épuisé physiquement et nerveusement, le salarié a eu un malaise à son domicile le 13 décembre 2008, lequel est survenu par le fait de son travail, l'employeur ne rapportant pas la preuve d'une cause extérieure. Ces deux manquements, graves, doivent être pris en compte pour apprécier le caractère réel et sérieux du licenciement, d'autant que le motif réel est économique.
La société n'ayant pas renoncé à l'exécution de la clause de non-concurrence au moment de la notification du licenciement, conformément aux dispositions contractuelles et le salarié ayant respecté ladite clause, la contrepartie financière est due.
La société demande que le licenciement soit jugé fondé sur une faute grave, et en tout cas sur une cause réelle et sérieuse, le salarié débouté de toutes ses prétentions et condamné au paiement de la somme de 5 000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La société expose que le licenciement repose bien sur une faute grave.
En effet, le grief tenant à la non-compensation des intérêts lors du versement des dividendes n'est pas prescrit car porté à la connaissance de l'employeur le 24 juin 2009, tandis que la procédure a été engagée le 21 août, soit dans le délai de deux mois. En outre, une faute n'est prescrite dans le délai de deux mois que lorsqu'elle est unique et non pas, comme en l'espèce, lorsqu'elle est jointe à d'autres faits. Par ailleurs, l'erreur portait sur une somme non négligeable, a été dissimulée à l'employeur et les sommes indûment perçues n'ont été restituées que sur intervention du président de la société.
Les faits relatifs à la signature de chèques de la société holding ont été connus du président de la société début mai 2009 et ne sont pas prescrits car ils ne sont pas les seuls invoqués dans la lettre de licenciement. M. X... savait parfaitement que les délégations de signature, qu'il avait co-signées, ne concernaient pas la société holding. Le transfert de fichiers est établi, tandis que les informations ainsi sorties de l'entreprise étaient ultra confidentielles, ce qui constitue une faute grave. Alors que le salarié s'était engagé devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes, en présence de son avocat, à restituer les fichiers dans un délai de 8 jours, comme en fait foi le procès-verbal dressé par le greffier, il prétend en cause d'appel ne pas les avoir en sa possession, ce qui caractérise sa mauvaise foi. Il ne justifie d'ailleurs pas de l'usage qu'il a fait de ces fichiers.
Par ailleurs, d'autres faits constituent, eux aussi et indépendamment des premiers, une cause réelle et sérieuse de licenciement. Ainsi en est-il des retards de chantiers, l'employeur étant en droit de reprocher au moment du licenciement le retard considérable mis par un salarié à effectuer le travail qui lui a été confié. Il s'avère en outre que le salarié s'est désintéressé de ses fonctions relatives à la sécurité et à la qualité. La fonction de directeur financier et la rémunération importante du salarié justifiaient qu'il soit exigé de lui la production de tableaux qui soient exacts, le défaut de comptabilisation d'un investissement de 600 000 € sur un total de 1 789 000 € donnant la mesure de la fiabilité de l'intéressé. Enfin, les carences managériales sont établies par les différentes attestations de salariés produites aux débats.
Sur les manquements prétendus de la société, celle-ci ayant rémunéré le salarié pendant la période du 18 au 24 août 2009, alors qu'elle aurait été en droit de le mettre à pied à titre conservatoire, elle n'a commis aucune faute. Par ailleurs, au cours de ses 5 années de collaboration salariée, M. X... n'a jamais évoqué la moindre difficulté d'ordre physique, il a toujours pris ses congés payés et a été déclaré apte par le médecin du travail sans aucune réserve. Le salarié ne saurait ainsi s'exonérer de sa responsabilité dans la survenance des faits reprochés en arguant tardivement de difficultés physiques non établies. Enfin, la société ne connaissait aucune difficulté économique en 2008 et 2009.
S'agissant de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence, le salarié est de mauvaise foi, puisqu'à la lettre de licenciement, datée du 7 septembre 2009, en était jointe une autre, datée du 8 septembre 2009, par laquelle la société levait la clause de non-concurrence, ce qui explique que le salarié n'ait rien demandé à ce titre en première instance.
Pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.
MOTIFS DE LA DECISION
-Sur l'existence d'une faute grave et la cause réelle et sérieuse de licenciement :
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.
L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.
L'article L. 1332-4 du code du travail dispose : " Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales ". Lorsque la prescription des faits fautifs est opposée par le salarié, il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de ce qu'il n'a eu connaissance de la réalité, de la nature et de l'ampleur des dits faits que dans les deux mois ayant précédé l'engagement des poursuites. Toutefois, l'employeur peut invoquer une faute prescrite lorsqu'un nouveau fait fautif du salarié est constaté, si les deux fautes procèdent d'un comportement identique ou sont de même nature. L'employeur peut aussi prendre en compte un fait fautif antérieur à deux mois, dans la mesure où le comportement du salarié a persisté dans l'intervalle.
Il résulte des termes de la lettre de licenciement que l'employeur reproche à son salarié des faits qu'il estime tous être fautifs et s'est donc placé exclusivement sur le terrain disciplinaire.
Sur le grief relatif à la non-compensation des intérêts du prêt au moment du versement des dividendes, l'erreur a été commise au plus tard le 26 mars 2009, date de la décision de distribution de dividendes. Il s'évince du compte rendu d'entretien préalable établi par le conseiller du salarié, que celui-ci a tenté de rectifier l'erreur par lui-même, sans penser à en parler au président de la société. Les lettres qu'il a adressés aux actionnaires concernés étant datées du 16 juin 2009, l'employeur n'a en conséquence pas pu avoir connaissance des faits avant cette date. Par contre, celui-ci allègue, sans le prouver, n'avoir eu connaissance des faits que le 24 juin 2009, alors que les poursuites disciplinaires ont été engagées à la date à laquelle le salarié a été convoqué à un entretien préalable, soit le 21 août 2009.
Cependant, certaines des fautes postérieures sont de même nature, correspondant également à des erreurs de gestion. Ainsi, " ce manquement à une procédure bien établie et dont le bon déroulement vous incombe ", comme mentionné dans la lettre de licenciement, procède du même comportement que le fait de commettre des erreurs dans l'accomplissement de certaines tâches, par exemple dans l'établissement d'un tableau récapitulatif des perspectives 2010/ 2012.
En conséquence, l'employeur pouvait invoquer ces faits au soutien du licenciement.
Au fond, l'erreur est avérée. Cependant, il n'est ni allégué ni justifié d'un quelconque préjudice, les sommes indûment perçues ayant été restituées peu après. Surtout, il est établi que l'erreur a été commise après que le chef comptable ait démissionné et dans un contexte de désorganisation du service. Elle ne constitue ainsi ni une faute grave, ni même une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Sur le grief relatif à la signature de chèques tirés sur le compte de la Financière SPO, les derniers faits se sont produits le 7 avril 2009 et l'employeur en a eu connaissance au plus tard le 7 mai 2009, date à laquelle il a avisé différents responsables de la société de ce que les chèques émis sur le compte de cette société ne pouvaient être signés que par lui. Les faits dont il s'agit sont prescrits.
En outre, l'employeur reprochant à son salarié à cet égard, non pas seulement une erreur de gestion ou une méconnaissance des procédures applicables, mais une " usurpation de pouvoir ", comme mentionné dans la lettre de licenciement, les faits postérieurs ne sont pas de même nature et le grief ne pouvait être valablement invoqué au soutien du licenciement.
Sur le grief relatif au transfert de fichiers, les faits sont avérés dans leur matérialité au regard des pièces produites desquelles il résulte que le salarié a transféré sur sa messagerie personnelle des fichiers de données. Certaines de ces données n'étaient pas publiques. Cela étant, l'employeur ne dément pas les allégations de son salarié-reprises au compte rendu d'entretien préalable établi par le conseiller de celui-ci-selon lesquelles il avait l'habitude de travailler à son domicile et ne disposait plus pour ce faire d'un ordinateur portable fourni par l'entreprise. Surtout, il n'est produit aucune charte informatique ou consigne d'utilisation des données informatiques. Par ailleurs, la lettre de licenciement ne reproche pas au salarié de n'avoir pas restitué les fichiers. Dans ces conditions, non seulement aucune faute grave n'est à cet égard caractérisée, mais une simple faute ne l'est pas plus.
Sur les retards pris dans l'exécution de certaines tâches et les difficultés de communication, il n'est pas établi par les pièces produites que les faits procédaient d'une mauvaise volonté délibérée du salarié ou de négligences fautives et aient donc revêtu un caractère fautif.
Sur la mise en oeuvre du système qualité, la seule pièce produite pour justifier de la réalité du grief est une attestation établie par Mme D.... Il n'est pas, en cet état, établi la réalité de faits fautifs ne relevant pas de la simple insuffisance professionnelle mais bien d'un comportement délibéré, à savoir l'établissement a posteriori de plans de formation anti-datés.
Sur le grief relatif à l'erreur commise dans un tableau, il résulte de l'examen de ce document, établi le 22 juillet 2009 par le salarié, que l'investissement litigieux a bien été inscrit mais non pris en compte par la formule de calcul, sans doute à la suite d'une erreur de manipulation. En l'état des pièces produites, il s'avère que le document dont il s'agit a été exclusivement soumis au président, n'a pas fait l'objet d'une quelconque diffusion et que l'erreur a été immédiatement rectifiée. Il en résulte que la faute apparaît trop légère pour constituer ne serait-ce qu'une cause réelle et sérieuse de licenciement.
En conséquence, le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse et le jugement sera infirmé.
Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié (8 500 € bruts), de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de lui allouer, en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, une somme de 75 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a fixé le montant de l'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents et de l'indemnité conventionnelle de licenciement, étant observé qu'aucune critique ni aucun moyen n'est formulé de ces chefs et que ces indemnités ont été exactement calculées en l'état des pièces produites.
- Sur la violation de l'obligation de sécurité de résultat :
Il résulte des pièces produites que le salarié a été victime d'un malaise le samedi13 décembre 2008, alors qu'il se trouvait à son domicile, le compte rendu des urgences mentionnant que ce malaise s'est produit dans un " contexte de stress intense avec conflit professionnel " et s'est trouvé en arrêt de travail du 15 décembre au 19 décembre 2008, pour cause de maladie et non pour accident du travail. Il s'est trouvé de nouveau en arrêt de travail pour maladie du 20 août au 4 septembre 2009 et a, à la suite de son licenciement, souffert d'une dépression réactionnelle.
Si l'employeur est tenu envers ses salariés d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, il n'est nullement établi, en l'état des pièces produites, la matérialité d'éléments de fait précis et concordants laissant supposer l'existence d'un tel manquement.
Ainsi, alors que le salarié affirme avoir été accablé par une surcharge de travail, aucun fait précis n'est allégué, et encore moins démontré, à cet égard. S'il est produit la définition des fonctions de directeur finance et logistique, signée par le salarié le 27 septembre 2004, il n'est fourni aucune indication quant aux conditions d'exercice des dites fonctions ni aux moyens mis à la disposition de l'intéressé en matériel et en personnel. De même, il n'est allégué aucune méthode spécifique de management.
Par ailleurs, le salarié a été déclaré apte, sans aucune réserve, par le médecin du travail, lors d'un examen du 8 décembre 2008, soit quelques jours avant le malaise qui est invoqué comme étant en lien avec les conditions de travail.
Le licenciement, certainement vécu comme brutal par le salarié, a été mis en oeuvre sans que soit caractérisé un manquement de l'employeur à ses obligations, le fait de dispenser un cadre de haut niveau de fournir la prestation de travail convenue en lui maintenant cependant son salaire durant le temps nécessaire à l'engagement puis à l'aboutissement de la procédure de licenciement ne constituant pas un tel manquement.
Le salarié sera débouté de ce chef de demande et le jugement confirmé sur ce point.
- Sur la contrepartie financière à la clause de non-concurrence :
La validité de la clause de non-concurrence n'est pas discutée, seul étant contesté-pour la première fois en cause d'appel-le point de savoir si ladite clause a été levée par l'employeur dans le délai prévu par le contrat de travail du 28 février 2005, soit " au moment de la notification en cas de licenciement ".
La société prétend avoir délié son salarié de la clause de non-concurrence par une lettre qu'elle produit, datée du 8 septembre 2009, distincte de la lettre de licenciement, mais comprise dans le même envoi.
Si le salarié affirme n'avoir pas reçu la lettre litigieuse, le conseil du salarié, dans sa demande de convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes, datée du 22 septembre 2009, avait indiqué : " Clause de non-concurrence : levée le 8 septembre 2009 ".
Dans ces conditions, il est établi que la société a délié son salarié de la clause de non-concurrence dans le délai contractuellement prévu et le salarié sera débouté de sa demande en paiement d'une indemnité.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a débouté M. X... de sa demande en paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Réformant de ce seul chef et y ajoutant,
Condamne la société Les Sacheries Plastiques de l'Ouest au paiement à M. X... de 75 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Déboute M. X... de sa demande en paiement de la contrepartie financière à la clause de non-concurrence ;
Condamne la société Les Sacheries Plastiques de l'Ouest au paiement à M. X... de la somme de 2 000 € au titre de ses frais irrépétibles d'appel ;
Condamne la société Les Sacheries Plastiques de l'Ouest aux dépens d'appel.