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17/04/2012 | FRANCE | N°10/03121

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 17 avril 2012, 10/03121


COUR D'APPEL
D'ANGERS
Chambre Sociale

ARRÊT N
AD/ AT

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 03121.

Jugement Conseil de Prud'hommes d'ANGERS, du 23 Novembre 2010, enregistrée sous le no 09/ 01634

ARRÊT DU 17 Avril 2012

APPELANT :

Monsieur Christophe X...
...
49280 SAINT LEGER SOUS CHOLET

présent, assisté de Maître Frédéric HARDY, avocat au barreau d'ANGERS

INTIMEE :

SAS NICOLL
Rue Pierre et Marie Curie
BP 10966
49309 CHOLET CEDEX

représentée par Maître André F

OLLEN (SCP BDH AVOCATS), avocat au barreau d'ANGERS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de proc...

COUR D'APPEL
D'ANGERS
Chambre Sociale

ARRÊT N
AD/ AT

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 03121.

Jugement Conseil de Prud'hommes d'ANGERS, du 23 Novembre 2010, enregistrée sous le no 09/ 01634

ARRÊT DU 17 Avril 2012

APPELANT :

Monsieur Christophe X...
...
49280 SAINT LEGER SOUS CHOLET

présent, assisté de Maître Frédéric HARDY, avocat au barreau d'ANGERS

INTIMEE :

SAS NICOLL
Rue Pierre et Marie Curie
BP 10966
49309 CHOLET CEDEX

représentée par Maître André FOLLEN (SCP BDH AVOCATS), avocat au barreau d'ANGERS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Février 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne DUFAU, conseiller chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, président
Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller
Madame Anne DUFAU, conseiller

Greffier lors des débats : Madame LE GALL,

ARRÊT :
prononcé le 17 Avril 2012, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame LECAPLAIN-MOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur Christophe X... a été recruté le 20 juin 1978 par la sas Nicoll, dont le siège est à Cholet et qui a pour activité la fabrication et la vente de tous objets en matière plastique.

Il a évolué au sein de l'entreprise et occupait en 2009 le poste d'assistant technique marketing, statut collaborateur, coefficient 800.

Le 24 avril 2009 il a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 5 mai 2009 et sa mise à pied lui a été notifiée à titre conservatoire.

Il a été licencié pour faute grave par lettre du 13 mai 2009.

M. X... a saisi le conseil de prud'hommes d'Angers le 2 décembre 2009 pour que son licenciement soit déclaré nul, ou subsidiairement sans cause réelle et sérieuse.

A titre principal, M. X... a demandé sa réintégration à compter de la notification du jugement avec astreinte de 100 € par jour de retard, et la condamnation de la sas Nicoll à lui payer :

-4343, 22 € au titre de la perte de salaire entre Ie 24 avril 2009 et Ie 23 juin 2009 (en réalité le 13 mai 2009),

-434, 32 € au titre de I'incidence sur congés payés,

-2 312, 82 € au titre de la garantie de salaire à hauteur de 100 % sur une durée de 60 jours,

-4071, 77 € au titre de la garantie de salaire a hauteur de75 % sur une durée de 75 jours

-3 884, 09 € au titre de la différence entre Ie salaire que M. X... aurait dû percevoir et les indemnités journalières outre I'actualisation jusqu'à sa réintégration,

-343, 22 € au titre des 13ème et 14ème mois dûs pour I'année 2009 outre I'actualisation jusqu'à sa réintégration.

-807, 36 € au titre du remboursement des frais supplémentaires de mutuelle outre sa réintégration dans l'intégralité de ses droits à retraite complémentaire et dans le régime de prévoyance,

-7 300 € au titre de la participation annuelle que M. X... aurait dû percevoir outre
I'actualisation jusqu'a sa réintégration.

-1 444, 61 € au titre du salaire non perçu durant la mise à pied.

A titre subsidiaire M. X... a demandé au conseil de prud'hommes d'Angers de dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse et de condamner la sas Nicoll à lui payer les sommes de :

-78 177, 96 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-1 444, 61 € correspondant au salaire non-perçu pendant la mise à pied, outre les congés payés afférents,

-4 343, 22 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés
afférents,

-15 201, 22 € à titre d'indemnité de licenciement,

-1 718, 16 € au titre de l'indemnisation du droit individuel à la formation dont il n'a pu bénéficier,

-2000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Par jugement du 23 novembre 2010 le conseil de prud'hommes d'Angers a :

- Dit que Ie licenciement de M. X... n'est pas frappé de nullité,

- Dit que Ie licenciement de M. X... est parfaitement fondé et repose sur une faute grave,

- Débouté M. X... de I'ensemble de ses demandes,

- Condamné M. X... aux éventuels dépens.

Le jugement a été notifié le 3 décembre 2010 à la sas Nicoll et à M. X... qui en a fait appel par lettre postée le 21 décembre 2010.

OBJET DE L'APPEL ET MOYENS DES PARTIES

M. X... demande à la cour par observations orales à l'audience reprenant sans ajout ni retrait ses écritures déposées au greffe le 3 février 2012, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, d'infirmer le jugement déféré et statuant à nouveau,

A titre principal de prononcer la nullité du licenciement et de condamner la sas Nicoll à lui payer les sommes de :

-4343, 61 € au titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés,
-19 473, 40 € au titre de l'indemnité légale de licenciement,
-1444, 61 € au titre du règlement du salaire pendant la mise à pied, outre les congés payés,
-78 177, 96 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,
-1 718, 16 € au titre du droit individuel à la formation,

A titre subsidiaire, dire que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, et condamner la sas Nicoll à lui payer les sommes de :

-4343, 61 € au titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés,
-19 473, 40 € au titre de l'indemnité légale de licenciement,
-1444, 61 € au titre du règlement du salaire pendant la mise à pied du 24 avril au 13 mai 2009, outre les congés payés,
-78 177, 96 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
-1 718, 16 € au titre du droit individuel à la formation,

Condamner la sas Nicoll à délivrer à M. X..., dans les 8 jours de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 50 € par jour de retard, les documents suivants : attestation employeur destinée à Pôle emploi, certificat de travail, bulletins de salaire,

Condamner la sas Nicoll à verser à M. X... la somme de 3 000 € sur Ie fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner la sas Nicoll aux entiers dépens,

M. X... soutient :

- que son licenciement est nul par application des articles L1232-3 et L1232-6 du code du travail, et de l'article L227-6 du code de commerce, M. Y..., directeur des ressources humaines de la sas Nicoll, et qui lui a notifié le licenciement, n'ayant pas pouvoir pour ce faire ;

- que son licenciement est subsidiairement sans cause car chacun a droit, aux termes de l'article 9 du code civil, au respect de sa vie privée, et qu'aucun fait de la vie personnelle ne peut justifier un licenciement disciplinaire, alors que le véritable motif du licenciement réside dans la rupture de M. X... avec Melle Z..., salariée de l'entreprise comme l'est son père M. Z... ; que la plainte déposée par Melle Z... pour des violences légères n'a pas eu de lien avec la vie professionnelle et a abouti à un jugement de relaxe au bénéfice de M. X... ; que les appels téléphoniques pour lesquels M. Z... a déposé plainte sont postérieurs au licenciement et que les seuls appels passés par M. X... depuis son lieu de travail les 16 et 17 avril 2009, ont duré quelques minutes ; qu'il ne constituent pas un manquement à l'exécution du contrat de travail ; que M. Z... n'a pas non plus été troublé dans ses conditions de travail et que les faits reprochés n'ont pas causé un trouble caractérisé au sein de l'entreprise ;

M. X... rappelle qu'il a toujours été reconnu comme étant un bon professionnel pendant 31 années de présence dans l'entreprise, et que son évaluation de décembre 2008 en témoigne ; que son comportement n'a jamais été la cause de trouble dans l'entreprise et que contrairement à ce que dit la lettre de licenciement, pour surmonter les difficultés personnelles liées à son divorce et à la rupture avec Melle Z... il a mis en place les mesures utiles puisqu'il a consulté un psychologue et a été sous anti-dépresseurs dès la fin du mois d'octobre 2008 ;

M. X... ne réclame plus sa réintégration mais les indemnités réparant son préjudice ; que son licenciement soit dit nul ou sans cause réelle et sérieuse ; il rappelle qu'il avait une ancienneté de 30 ans, 10 mois, et 25 jours au jour de son licenciement ; que son licenciement a entraîné la perte de conditions financières excellentes et qu'il n'a pas retrouvé d'emploi ;

La sas Nicoll demande à la cour par observations orales à l'audience reprenant sans ajout ni retrait ses écritures déposées au greffe le 2 février 2012, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, de confirmer le jugement entrepris, et de condamner M. X... à lui payer la somme de 2000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

La sas Nicoll soutient :

- que les dispositions de l'article L227-6 du code de commerce ne concernent que la délégation générale des pouvoirs du Président de la sas et n'empêchent pas la possibilité de déléguer le droit de licencier à un membre de l'entreprise ; que les salariés ne sont pas des tiers à l'égard de la société au sens du texte du code de commerce ; que cette question de délégation de pouvoirs dans les sas a été tranchée par la cour de cassation dans ses arrêts du 19 novembre 2010 et que le licenciement de M. X... n'est pas nul ;

- que le licenciement est causé, et la faute grave avérée, car M. X... a passé de nombreux appels téléphoniques à M. Z... au temps et au lieu du travail, les 16 et 17 avril 2009 entre 16 h et 17 h ; que M. et Mme Z... attestent avoir pendant un an subi du harcèlement téléphonique à leur domicile de la part de M. X... ; qu'il est arrivé à M. X... de venir voir M. Z... à son poste de travail pour des raisons étrangères à la vie professionnelle ; que si l'origine des difficultés se situe dans les faits de la vie personnelle de M. X..., à savoir la liaison, puis la rupture, entre M. X... et Melle Z..., lesquels sont totalement indifférents à la vie de l'entreprise, il n'en reste pas moins que le comportement du salarié a constitué une exécution déloyale de son contrat de travail et a perturbé d'autres salariés de l'entreprise en la personne de Melle Z... et de M. Z... ; qu'il y a bien eu trouble objectif apporté au fonctionnement de l'entreprise par le comportement fautif d'un salarié ;

- que M. X... réclame à tort paiement d'un droit individuel à la formation (DIF) car au moment de son licenciement la loi excluait ce bénéfice lorsque le licenciement était notifié pour faute grave ; qu'en outre cette possibilité a cependant été mentionnée dans la lettre de licenciement et qu'il appartenait à M. X... de demander à bénéficier de son droit ; qu'enfin la base horaire retenue de 14, 32 € est erronée et que l'évaluation du DIF ne pourrait être que 120heures x 9, 15 € soit 1098 € ;

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la nullité du licenciement

Contrairement à ce qui est soutenu par M. X..., aucune disposition légale n'exigeant, dans une société par actions, ni dans toute autre forme de société, que la délégation du pouvoir de licencier soit donnée par écrit par le Président, M. Y..., directeur des ressources humaines de la sas Nicoll et qui disposait à ce titre du pouvoir tacite d'engager et de licencier les salariés de l'entreprise, pouvait valablement notifier son licenciement à M. X... et procéder à l'entretien préalable du salarié, lequel n'est de surcroît pas un tiers par rapport à l'entreprise, et ne relève par conséquent pas dans ses rapports avec l'employeur de l'application des dispositions de l'article L227-6 du code de commerce ;

Par voie de confirmation du jugement déféré il ya lieu de dire que le licenciement de M. X... n'est pas nul ;

sur le licenciement pour faute grave

Il résulte des dispositions de l'article L1232-1 du code du travail que tout licenciement pour motif personnel doit être motivé, et justifié par une cause réelle et sérieuse.

Il appartient au juge de rechercher la cause du licenciement, et d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués dans la lettre de licenciement, dont les termes fixent le litige ;

En cas de licenciement disciplinaire, la faute du salarié ne peut résulter que d'un fait avéré, acte positif ou abstention, mais de nature volontaire, qui lui est imputable et qui constitue de sa part une violation des obligations découlant de l'exécution du contrat de travail ou des relations de travail ;

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié et qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; il incombe à l'employeur d'en rapporter la preuve ;

La lettre de licenciement notifiée le 13 mai 2009 à M. X... est ainsi libellée :

" Monsieur,

Le 24 avril 2009 j'ai prononcé une mise à pied par mesure conservatoire et je vous ai convoqué à un entretien préalable à une éventuelle sanction Ie 5 mai à 9 heures :

Cette procédure a été initiée par la connaissance que j'ai eue du harcèlement que vous opériez sur un autre salarié de I'entreprise, ceci par des communications téléphoniques données pendant votre temps de travail.

Vous avez reconnu les faits, devant moi et devant votre hiérarchique Monsieur Philippe A....

Le 5 mai, je vous recevais et vous avez demandé à Monsieur Philippe A... de vous assister à cet entretien.

Vous m'avez exposé que vous viviez des moments difficiles et que vous subissiez des « attaques » de la part d'une jeune femme et de son entourage.

Vous m'avez informé que lorsque vous étiez au travail vous ne pensiez à rien d'autre et que cela vous était bénéfique et que vous étiez convaincu que vous aviez toute la confiance de vos collègues et de votre hiérarchique, et que vous alliez prendre des dispositions pour vous aider a sortir des tensions que vous viviez.

Je vous ai alors rappelé les faits, à savoir que je vous avais rencontré Ie 20 octobre 2008 lorsqu'une jeune femme était venue me voir et m'avait exposé sa version des faits. Je vous avais demandé expressément que ce genre de relation personnelle n'interfère d'aucune manière avec votre travail, et ne devait pas faire I'objet de discussion dans les bureaux.

Vous vous étiez engagé à respecter cette attente.

De plus, votre hiérarchique a consacré beaucoup de son temps à vous accompagner dans les moments que vous viviez, et était persuadé qu'effectivement il n'y avait plus d'interférence entre votre vie privée et votre activité professionnelle.

Il est clairement établi qu'il n'en était rien puisque vous appeliez de votre bureau pendant les heures de travail, contredisant ainsi les propos tenus quelques temps auparavant, comme quoi au travail vous ne pensiez à rien d'autre. De plus lors de ces communications téléphoniques vous exerciez une forme de harcèlement m'impliquant même personnellement.

Quant aux intentions de moyens à mettre en oeuvre, j'ai constaté qu'elles sont restées en simple intention, et que malgré Ie délai qui s'est écoulé entre la mise à pied et I'entretien, il n'y a pas eu d'acte.

Aussi, nous sommes contraints de prononcer votre licenciement pour faute grave. Celui-ci sera effectif à la première présentation de ce courrier. Vous recevrez alors votre certificat de travail, votre solde de tout compte ainsi que votre feuillet Assedic.

Nous vous informons que vous avez la possibilité d'utiliser votre droit individuel de formation.

Veuillez, agréer, Monsieur, !'expression de nos sentiments distingués.

Hervé Y... directeur des Ressources Humaines. "

Le grief visé dans cette lettre de licenciement et qualifié par l'employeur de faute grave consiste donc de la part de M. X... à avoir " opéré du harcèlement sur un autre salarié de l'entreprise, par des communications téléphoniques données pendant le temps de travail " ;

Quoiqu'aucun nom ne figure dans ce courrier, il est acquis aux débats et non contesté par les parties que le salarié " harcelé " est M. Z..., salarié de la sas Nicoll et père de Melle Z..., elle même employée dans l'entreprise, et que les appels téléphoniques adressés à M. Z... par M. X... ont eu trait, dans leur contenu, à la rupture de sa relation sentimentale avec Melle Z... ;

Il est par conséquent certain que les faits reprochés sont des faits relevant de la vie personnelle de M. X..., dont l'employeur lui-même reconnaît qu'ils sont " totalement indifférents à la vie de l'entreprise " ;

Les seules " perturbations " ressenties personnellement par Melle Z... et son père à l'occasion de cette rupture ne sauraient en effet se situer dans le registre professionnel en tant que telles, sauf à l'employeur à établir la réalité d'une difficulté pour ces deux salariés à avoir pu effectuer la tâche qui leur était affectée au sein de la sas Nicoll, du fait du " harcèlement " subi de la part de M. X... ;

Cette démonstration n'est pas faite en ce qui concerne l'activité de Melle Z..., dont la nature de la tâche n'est même pas précisée, et qui ne se plaint à aucun moment d'avoir été perturbée par M. X..., à l'occasion de leur séparation, dans l'exécution de son travail ;

Quant aux faits dénoncés par Melle Z... à l'encontre de M. X..., il s'est agi de violences légères, qui ont eu lieu au domicile de M. X... alors que Melle Z... s'y était d'initiative rendue pour, selon ses termes, " avoir une explication franche et lui dire ce que je pense " ;

Le procès verbal d'audition de Melle Z... permet de lire que celle-ci, comme son ex-compagnon lui saisissait le bras, s'est défendue en lui brûlant la lèvre avec sa cigarette ; cette procédure a abouti à la relaxe de M. X... du chef de la poursuite par le juge de proximité de Cholet ;

Melle Z... précise dans cette audition, quant à l'attitude de M. X... au travail : " jusqu'à présent il ne m'a jamais importuné sur mon lieu de travail " mais elle ajoute " il a dit à mon père qui travaille également chez Nicoll que cela allait changer " ;

Aucun fait constituant des violences physiques ou verbales à l'égard de M. Z... n'est néanmoins allégué dans la lettre de licenciement, qui n'évoque qu'un " harcèlement " téléphonique subi par ce dernier ;

Le contenu de l'attestation délivrée par M. Z... à son employeur est d'autre part ainsi libellé :

" Je déclare que M. X... christophe m'a tenu des propos malveillant sur mon répondeur téléphonique envers moi et ma famille certains appels téléphoniques provenaient de l'entreprise Nicoll où nous travaillons chacun dans un rôle différent. Il lui est arrivé de venir me voir à mon poste de travail me tenir des propos qui n'avaient rien à voir dans ses fonctions professionnelles ni des miennes. J'ai déposé une plainte contre cette personne le 22-07-2009 pour des insultes téléphoniques sur ma femme mes enfants et moi dans la nuit du 9 au 10 juillet 2009 et du 21 au 22 juillet 2009 ; le denier appel date d'aujourd'hui le 31 mai 2010. "

Les faits situés les 9, 10, 21 ou 22 juillet 2009 sont postérieurs au licenciement qui a été notifié le 13 mai 2009, et ne sont par conséquent pas inclus dans la lettre de licenciement ;

La présence de M. X..., pendant le temps de travail, sur le site de travail de M. Z... et dans un but autre que le travail, n'est pas visée dans la lettre de licenciement et aucune pièce n'est versée aux débats établissant la survenance d'un incident entre les deux hommes, ni une perturbation de ce fait de l'exécution de la tâche confiée à M. Z... ;

L'attestation de M. Z... est donc uniquement à considérer en ce qu'elle confirme le seul grief visé dans la lettre de licenciement, soit l'envoi par M. X... d'appels téléphoniques passés depuis l'entreprise et adressés à M. Z..., en tant que père de Mélanie Z... ;

M. Z... a fait en effet transcrire par la sas Nicoll les appels reçus sur son " répondeur " les 16 et 17 avril 2009, aux heures suivantes :
16 avril 2009 :
16. 16
16. 19
16. 22
16. 27

17 avril 2009 :
16. 00
16. 03
16. 05
16. 05
16. 08
16. 11
16. 16

Ces appels proviennent d'un numéro 02 41 63 83, qui apparaît dans l'attestation Pôle Emploi, comme étant celui de la sas Nicoll et non celui d'un poste de travail particulier ;

M. X... ne conteste cependant pas les avoir passés ;

Leur transcription permet de constater qu'ils sont de l'ordre du récit commenté par M. X..., des dires et actes de Mélanie Z..., de ceux de sa famille, et de ceux de son précédent compagnon ; que M. X... se justifie auprès de M. Z... de la relation qu'il a eue avec sa fille, explique et décrit cette relation, et se plaint des conditions dans lesquelles Mélanie Z... l'a quitté ; ces transcriptions ne contiennent pas de propos menaçant ou insultant à l'égard de M. Z... ;

Ils sont sans aucun lien avec l'activité professionnelle de M. Z... et ne concernent que sa vie personnelle puisqu'ils ont pour cause et contenu uniques la rupture sentimentale de M. X... et de Mélanie Z... et le fait qu'il soit le père de cette jeune femme ;

La sas Nicoll soutient que ces faits ont d'une part occasionné un trouble objectif dans le fonctionnement de l'entreprise et d'autre part constitué de la part de M. X... une exécution déloyale de ses obligations professionnelles ;

La sas Nicoll s'est cependant placée sur le terrain disciplinaire puisqu'elle a notifié à M. X... son licenciement pour faute grave, et non pas pour cause réelle et sérieuse, non fautive ;

Un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut, en principe, justifier un
licenciement disciplinaire sauf s'il constitue un manquement de l'intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail ;

Il appartient à la sas Nicoll d'établir le manquement commis par M. X... dans l'exécution de ses obligations contractuelles ;

Or, les messages téléphoniques adressés par M. X... à M. Z... ont pu être retranscrits ce qui témoigne de leur enregistrement, et de ce fait de leur réception sur répondeur ce que d'ailleurs M. Z... indique lui-même dans son attestation ; ils n'ont donc pas interrompu M. Z... dans l'exécution de sa tâche lorsqu'il les a reçus ;

L'attestation de M. A..., qui est le supérieur hiérarchique de M. X..., le révèle, puisque celui-ci expose que sa " surprise a été totale d'apprendre que M. X... faisait l'objet d'une plainte de harcèlement " ;

Ce propos montre bien, M. Z... ayant déposé plainte le 22 juillet 2009, qu'aucune perturbation dans l'accomplissement par celui-ci de ses tâches n'était, à cette date, apparue à M. A... ;

Si M. X... reconnaît avoir passé les appels des 16 et 17 avril 2009 depuis l'entreprise, leur brièveté, d'autre part, n'a pas permis que l'exécution de sa propre tâche en soit affectée puisqu'ils n'ont duré chacun que quelques minutes ;

Les appels n'ont eu lieu, en outre, dans les termes de la lettre de licenciement, que par deux fois s'agissant des jours d'envoi et n'ont pu, là encore, avoir d'effet sur l'exécution par M. X... de ses obligations contractuelles ;

L'employeur ne démontre d'ailleurs, ni n'allègue, aucun retard de M. X... dans l'exécution de ses tâches, ni plus encore une mauvaise exécution de celles-ci ;

Quant aux conseils et prescriptions qu'a dispensés M. A... à M. X..., outre le fait que celui-ci justifie d'un suivi d'ordre psychologique, qui a eu lieu le 9 mai 2009, puis en juin 2009 mais dont il n'avait pas encore pu faire état lors de l'entretien préalable du 5 mai 2009, son inaction sur ce point ne pourrait en tout en état de cause constituer une faute dans l'exécution du contrat de travail, et un grief susceptible de fonder le licenciement toute injonction de soins émanant de l'employeur caractérisant une immixtion dans la vie privée du salarié ;

Il suit de cet ensemble de constatations qu'aucune faute grave, de nature à empêcher le maintien du salarié dans l'entreprise, n'est par conséquent caractérisée à l'encontre de M. X..., non plus qu'une faute simple constituant une cause réelle et sérieuse de licenciement ;

Le jugement est infirmé en ce qu'il a dit le licenciement de M. X... fondé par une faute grave ;

Justifiant d'une ancienneté supérieure à deux ans dans une entreprise employant habituellement au moins onze salariés, M. X... peut prétendre à l'indemnisation de l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement sur le fondement de l'article L1235-3 du code du travail, l'indemnité à la charge de l'employeur ne pouvant pas être inférieure aux salaires ou rémunérations brutes des six derniers mois, lesquels se sont élevés à la somme brute de 11 171, 66 € ;

Au moment du licenciement, M. X... était âgé de 50 ans et comptait plus de 30 ans d'ancienneté dans l'entreprise ; il n'a pas retrouvé d'emploi depuis le licenciement ;

Il bénéficiait d'une épargne salariale de 42 632, 30 € qui s'est interrompue du fait de la rupture du contrat de travail, et d'un treizième mois, qui lui a été versé avec son solde de tout compte ;

M. X... a été victime d'un accident en septembre 2009 et a perçu des indemnités journalières jusqu'au 21 mars 2011, puis une allocation d'aide au retour à l'emploi de 42, 12 € par jour jusqu'au 1er juillet 2011, et de 42, 75 €, jusqu'au 31 décembre 2011 ;

En considération de cette situation personnelle, la cour dispose des éléments nécessaires pour évaluer, par voie de réformation du jugement déféré, la réparation due à l'intimé à la somme de 78 177, 96 € ;

Dès lors que son licenciement est déclaré sans cause réelle et sérieuse, M. X... est en droit d'obtenir le paiement de l'indemnité compensatrice du préavis de deux mois prévu par la convention collective applicable, soit la somme de 4343, 22 € et les congés payés afférents de 434, 32 € ;

En l'absence de faute grave, M. X... a droit à l'indemnité légale de licenciement qui est aux termes de l'article R1234-2 du code de travail de 1/ 5ème de mois de salaire pour les 10 premières années et de 1/ 3ème de mois pour les suivantes ;

Le salaire moyen brut calculé sur les salaires des 12 derniers mois, et compte tenu d'un treizième mois, s'élève à la somme de 2171, 61 € ;

L'indemnité de licenciement due à M. X... est en conséquence de 19 473, 40 € pour une ancienneté de 30 ans, 10 mois et 25jours ;

La période de mise à pied conservatoire du 24 avril 2009 au 13 mai 2009 correspond à un salaire de 1444, 61 € qui doit être payé à M. X... en l'absence de faute grave, outre la somme de 144, 46 € à titre de congés payés afférents ;

Par application des dispositions de l'article L 1235-4 du code du travail enfin, la sas Nicoll devra rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées à M. X..., dans la limite de six mois d'indemnités ;

Il convient en outre d'ordonner à la sas Nicoll de remettre à M. X... le
certificat de travail, l'attestation Pôle Emploi et le bulletin de salaire rectifiés conformément aux prescriptions du présent arrêt ; aucune circonstance ne justifie, en l'état, d'assortir cette condamnation d'une mesure d'astreinte ;

Sur le droit individuel à la formation

Il est exact, comme le soutient l'employeur, qu'avant la loi du 24 novembre 2009, qui a été codifiée aux articles L6323-17 à L6323-20 du code du travail, le salarié licencié pour faute grave n'avait pas de droit au D. I. F ;

M. X... retrouve cependant ce droit puisque la faute grave n'est pas caractérisée à condition d'en avoir fait la demande pendant la période égale à celle du préavis qui aurait été applicable s'il n'avait pas été licencié pour faute grave ;

Contrairement à ce qu'il prétend, M. X... aurait pu faire valoir ce droit, puisque la sas Nicoll, quoique notifiant un licenciement pour faute grave, lui en a donné la possibilité dans le libellé du courrier de licenciement ;

Par voie de confirmation du jugement, la demande de M. X... à ce titre est par conséquent rejetée ;

sur les dépens et les frais irrépetibles

Les dispositions du jugement à ce titre sont infirmées ; Il parait inéquitable de laisser à la charge de M. X... les frais engagés dans l'instance et non compris dans les dépens : la sas Nicoll est condamnée à lui payer, pour l'en indemniser et en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la somme totale de 2500 € pour les frais engagés dans la première instance et dans l'instance d'appel ;

La sas Nicoll qui succombe à l'instance est condamnée aux dépens de première instance et d'appel ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

INFIRME le jugement déféré, sauf en ce qu'il a dit que le licenciement de M. X... n'est pas nul et en ce qu'il a débouté M. X... de sa demande au titre du droit individuel à la formation,

Statuant à nouveau sur le surplus,

CONDAMNE la sas Nicoll à payer à M. X... les sommes suivantes :

- la somme de 78 177, 96 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- la somme de 4343, 22 € et les congés payés afférents de 434, 32 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

- la somme de 19 473, 40 € au titre de l'indemnité légale de licenciement ;

- la somme de 1444, 61 €, outre celle de 144, 46 €, à titre de congés payés afférents, pour la période de mise à pied conservatoire du 24 avril 2009 au 13 mai 2009 ;

y ajoutant,

CONDAMNE la sas Nicoll à rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage versées à M. X..., dans la limite de six mois d'indemnités ;

ORDONNE à la sas Nicoll de remettre à M. X... le certificat de travail, l'attestation Pôle Emploi et le bulletin de salaire rectifiés conformément aux dispositions du présent arrêt ;

DIT n'y avoir lieu à astreinte ;

CONDAMNE la sas Nicoll à payer à M. X... la somme de 2500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais engagés dans la première instance et dans l'instance d'appel ;

CONDAMNE la sas Nicoll aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Sylvie LE GALLCatherine LECAPLAIN-MOREL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/03121
Date de la décision : 17/04/2012
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

ARRET du 27 novembre 2013, Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 27 novembre 2013, 12-21.057, Inédit

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2012-04-17;10.03121 ?
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