COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N MBB/ CG
Numéro d'inscription au répertoire général : 09/ 01850.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 24 Juin 2009, enregistrée sous le no F 08/ A0096
ARRÊT DU 01 Février 2011
APPELANTE :
LA SOCIETE KINDERMANN GMBH Umfluth 31 D49479 IBBENBUREN (ALLEMAGNE)
représentée par Maître LAROUDIE de LA SELARL FLECHEUX et ASSOCIÉS, avocat au barreau de PARIS
INTIME :
Monsieur Eric X...... 49300 CHOLET
comparant en personne assisté de Maître Jean-Paul BOURDIOL, avocat au barreau d'AUCH
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Novembre 2010, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Bernard BRETON, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Marie-Bernard BRETON, président Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller Madame Anne DUFAU, conseiller
Greffier, lors des débats : Madame LE GALL,
ARRÊT :
prononcé le 01 Février 2011, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame BRETON, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSE DU LITIGE
Selon courrier du 16 octobre 2000, la société Kindermann a déclaré embaucher monsieur Eric X... en qualité de " représentant ", étant précisé que monsieur Eric X... conserve la qualité de voyageur, représentant, placier au sens du droit français.
Le 10 mai 2004, monsieur Eric X... a saisi le conseil de prud'hommes de Cholet d'une action tendant à voir juger que la rupture du contrat de travail constitue un licenciement sans cause réelle et sérieuse lui ouvrant droit aux indemnités de rupture et aux dommages et intérêts prévus par le code du travail.
Par jugement du 24 juin 2009, rendu après que la cour de cassation a jugé, par arrêt du 18 octobre 2007, que la relation de travail était un contrat de voyageur, représentant, placier soumis au droit français, le conseil de prud'hommes d'Angers, compétent par suite de la disparition du conseil de prud'hommes de Cholet, a jugé que la rupture du contrat de travail doit s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et alloué à monsieur Eric X... les sommes suivantes :-1 300 euros pour non respect de la procédure de licenciement,-1 486 euros à titre de l'indemnité de préavis,-12 000 euros d'indemnité de clientèle.
La société Kindermann a formé appel de ce jugement.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Par conclusions oralement soutenues à l'audience, la société Kindermann demande à la cour d'analyser la rupture du contrat de travail en une démission de monsieur Eric X..., de le débouter de ses demandes, de le condamner à lui payer la somme de 50 000 euros de dommages et intérêts pour comportement déloyal et concurrence déloyale, la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'au remboursement des sommes qu'elle lui a payées à ce titre en exécution des précédentes décisions.
Par conclusions oralement soutenues à l'audience, monsieur Eric X..., formant appel incident, demande à la cour de confirmer le jugement sur la rupture du contrat de travail de le réformer sur les conséquences du licenciement en lui allouant les sommes de :-1 300 euros pour non respect de la procédure,-4 050 euros d'indemnité de préavis,-31 800 euros d'indemnité de clientèle,-15 000 euros de dommages et intérêts,-2 163, 05 euros de rappel de commission,-5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
La société Kindermann prétend que la rupture du contrat de travail est intervenue en septembre 2003, par suite de la démission de monsieur Eric X... manifestée par cette déclaration : " trouvez un autre représentant pour ce secteur " et par le fait que monsieur Eric X... a quitté le stand qu'il tenait au salon Première Vision.
Monsieur Eric X... s'en défend en contestant avoir eu l'intention de démissionner.
La démission du salarié qui manifeste son intention de mettre fin, de manière unilatérale, au contrat de travail à durée indéterminée, ne peut résulter que d'une manifestation claire et non équivoque de volonté de rompre le contrat de travail en ce qu'elle constitue un acte juridique lourd de conséquences ; elle doit résulter d'une volonté libre et réfléchie de celui qui l'exprime ; les circonstances de fait entourant la rupture, son caractère brusque et l'état psychologique du salarié peuvent révéler une altération momentanée de sa volonté.
S'agissant des circonstances dans lesquelles serait survenue la démission, monsieur Eric X... aurait donné sa démission sur le stand d'un salon d'exposition qui réunissait les dirigeants de la société Kindermann, alors qu'il lui était demandé des comptes sur les raisons de la chute drastique de ses résultats ; force est de relever que l'entretien dans le cadre duquel un employeur demande à son salarié de s'expliquer sur ses résultats ne doit pas avoir lieu dans un espace public en présence de nombreux tiers ; de telles conditions d'entretien sont de nature à mettre le salarié en difficulté psychologique et sont de nature à limiter sa capacité à s'expliquer, voire à se défendre des accusations dont il est l'objet ; son état psychologique s'en trouve affaibli dans une mesure qui altère sa capacité de jugement et peut le conduire à prendre, de manière brusque et irréfléchie, une position contraire à ses intérêts.
Ainsi monsieur Eric X..., interpellé sur ses résultats dans de telles conditions, dans une langue qui n'est pas sa langue de naissance et pas celle de son interlocuteur, ne peut avoir librement pris la décision de démissionner de ses fonctions au sein de la société Kindermann.
Il doit également être relevé que postérieurement aux faits qui se sont déroulés sur le salon Première Vision en septembre 2003, la société Kindermann a poursuivi ses relations avec monsieur Eric X..., notamment dans un fax du 14 octobre 2003 par lequel elle dit se réjouir de la poursuite de leur agréable coopération. La volonté ainsi exprimée, telle qu'elle ressort des attestations versées aux débats, de ne plus assurer la représentation de la société Kindermann en France, est équivoque de sorte que ni les propos, ni le comportement de monsieur Eric X... ne peuvent être analysés comme une démission.
Le jugement, qui a relevé que monsieur Eric X... avait agi sous le coup de l'émotion et dans un mouvement d'irritation, doit être confirmé de ce chef.
L'employeur qui considère le contrat de travail comme rompu du fait du salarié, doit mettre en oeuvre la procédure de licenciement ; quels que soient les griefs qu'il relève contre le salarié, l'employeur ne peut avoir recours à la prise d'acte.
La société Kindermann, qui prétend que la médiocrité des résultats de monsieur Eric X... constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement n'a pas eu recours à la procédure de licenciement ; à défaut la rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le jugement sera confirmé sur ce point ; il le sera sur le montant de l'indemnité pour non respect de la procédure de licenciement, non discutée dans son quantum.
Il résulte des dispositions de l'article L 7313-9 du code du travail que monsieur Eric X..., qui bénéficie du statut de voyageur, représentant, placier a droit à un préavis de 3 mois ; il lui sera alloué la somme de 3 975 euros outre congés payés y afférents.
Au vu des résultats obtenus par monsieur Eric X... dans l'exercice de ses deux premières années de prospection, l'indemnité de clientèle, qui représente la valeur de la clientèle apportée, créée ou développée par lui sur le territoire français qui représentait son domaine d'activité et destinée à réparer le préjudice subi par suite de la rupture du contrat de travail doit être fixée à une année de commissions soit 15 900 euros.
Les dommages et intérêts susceptibles de réparer le préjudice consécutif à la rupture du contrat de travail sans cause réelle et sérieuse seront fixés 7 950 euros représentant 6 mois de commissions.
Les commissions de retour sur échantillonnage sont dues de plein droit au voyageur, représentant, placier puisqu'elles sont prévues par le statut ; les deux factures sur le montant desquelles est fondée sa demande sont en date du mois de mai 2004 et sont le fruit de la prospection de monsieur Eric X... au cours de l'automne 2003 ; l'employeur ne peut en attribuer le bénéfice à monsieur Cordy qui a succédé à monsieur Eric X... au sein de la société Kindermann ; il doit être fait droit à cette demande pour un montant de 1 966, 42 euros.
La société Kindermann n'apporte aucun élément de preuve au soutien de sa demande reconventionnelle qui doit, en conséquence être rejetée.
La société Kindermann, qui succombe en son appel, en supportera les dépens et devra indemniser monsieur Eric X... de ses frais de procédure.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
CONFIRME le jugement en ses dispositions relatives à la rupture du contrat de travail, à l'indemnité pour non respect de la procédure de licenciement, à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,
le réformant pour le surplus,
CONDAMNE la société Kindermann à payer à monsieur Eric X... les sommes suivantes :-3 975 euros au titre de l'indemnité de préavis, outre congés payés y afférents,-15 900 euros au titre de l'indemnité de clientèle,-7 950 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,-1 966, 42 euros au titre du retour sur échantillonnage,
REJETTE la demande reconventionnelle de la société Kindermann,
CONDAMNE la société Kindermann à payer à monsieur Eric X... la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la société Kindermann aux dépens d'appel.