Chambre Sociale ARRÊT N BA / CG
Numéro d'inscription au répertoire général : 08 / 00344
type de la décision déférée à la Cour, juridiction d'origine, date de la décision déférée, numéro d'inscription du dossier au répertoire général de la juridiction de première instance Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes de GUINGAMP, décision attaquée en date du 12 Février 2004 enregistrée sous le no 03 / 00136 arrêts des 1er Mars 2005 et 7 Février 2006 CA RENNES arrêt du 10 / 10 / 07 Cour de Cassation
ARRÊT DU 18 Novembre 2008
APPELANTE :
Madame Sheila X... ... 22140 PLUZUNET
représentée par Maître Corinne VALLEE, avocat au barreau d'ANGERS
INTIMEES :
ASSOCIATION POUR LA FORMATION PROFESSIONNELLE DES ADULTES (AFPA) Rue des Madières 22360 LANGUEUX
ASSOCIATION NATIONALE POUR LA FORMATION PROFESSIONNELLE DES ADULTES 13 place du Général de Gaulle 93108 MONTREUIL CEDEX
représentées par Maître Bertrand CHEVALLIER de la SELARL ISIS AVOCATS, avocat au barreau de RENNES
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 30 Septembre 2008, en audience publique, devant la cour, composée de :
Monsieur Philippe BOTHOREL, président, Madame Brigitte ANDRE, assesseur Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, assesseur
qui ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame Sylvie LE GALL,
ARRÊT : du 18 Novembre 2008 contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur BOTHOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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I / Exposé du litige, moyens et prétentions des parties
Sheila X... a été engagée par l'association pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) à compter du 1er avril 2000 en qualité de correctrice à domicile pour l'anglais, des avenants à son contrat de travail ont été rédigés pour des tâches d'enseignement à accomplir dans les établissements de Langueux et Loudéac.
Le 31 juillet 2002 Sheila X... a notifié à l'AFPA la résiliation de son contrat concernant le site de Loudéac.
Le 30 septembre 2002 l'AFPA a notifié à Sheila X... la résiliation de son contrat sur le site de Langueux.
Sheila X... a saisi le conseil de prud'hommes aux fins d'obtenir la requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et d'entendre dire qu'elle a été licenciée de façon abusive avec des demandes indemnitaires.
Par jugement du 12 février 2004 le conseil de prud'hommes de Guingamp l'a déboutée de ses demandes après avoir considéré que suite à deux contrats à durée déterminée d'usage et réguliers Sheila X... a été embauchée en contrat à durée indéterminée le 1er octobre 2001 pour un emploi de correcteur qu'à ce contrat se sont greffés des avenants de mission à durée déterminée d'animation et que l'AFPA justifie du règlement à l'intéressée de chacune des tâches et des heures de travail effectuées, qu'aucun licenciement n'a été diligenté, aucune démission n'a été notifiée.
Sheila X... a relevé appel de cette décision.
Par arrêt du 1er mars 2005, la Cour d'appel de Rennes a réformé pour partie le jugement précité a dit que la rupture du contrat d'animatrice au centre AFPA de Loudéac s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse a prononcé la requalification des trois contrats, en contrat à durée indéterminée, et a condamné l'AFPA à verser à Sheila X... les sommes de :
1 877 Euros et les congés payés correspondants soit 187. 70 Euros à titre d'indemnité de préavis, une indemnité de licenciement pour 446, 55 Euros des dommages intérêts pour la rupture du contrat de Loudéac 6569, 50 Euros des indemnités de requalification des contrats, la somme de 2473, 33 Euros pour le contrat de correctrice à domicile et deux fois 938, 50 Euros pour les deux autres contrats.
Saisie d'une requête en omission de statuer, la cour d'appel de Rennes par arrêt du 7 février 2006, a décidé que la salariée n'avait pas présenté de demande relative à la rupture du contrat de travail d'animation de cours à Langueux et l'a déboutée de sa demande.
Sheila X... a formé un pourvoi en cassation contre les deux décisions d'appel.
Par arrêt du 10 octobre 2007, la Cour de Cassation a joint les deux pourvois et a :
Cassé et annulé mais seulement en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande tendant à obtenir des sommes au titre de la réparation du préjudice causé par la diminution, sans raison, du volume de travail de correction de copies, l'arrêt rendu le 1er mars 2005 entre les parties par la cour d'appel de Rennes,
Cassé et annulé dans toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 7 février 2006,
Au motif sur le premier arrêt, qu'en déboutant la salariée de sa demande tendant au paiement de diverses sommes au titre du contrat de correction de copies l'arrêt retient que la salariée a accepté sans réserve les conditions d'exercice de cette fonction et notamment le fait que sa rémunération pouvait varier selon le nombre de stagiaires et le nombre de copies qui lui seraient adressées, que si les conditions de travail ne convenaient pas à l'intéressée, elle avait la faculté de démissionner, ce qu'elle n'a pas fait, alors qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la salariée selon lesquelles l'employeur avait modifié unilatéralement et sans justification la quantité de travail fourni et la rémunération ce dont il résultait qu'il avait commis une faute dont il devait réparation, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile,
Au motif, sur le second arrêt, que pour débouter la salariée de sa requête tendant à ce que soit réparée l'omission de statuer sur sa demande relative à la rupture du contrat de travail d'animation de cours à Langueux, l'arrêt a retenu que la salariée n'avait pas présenté une telle demande alors qu'elle avait constaté d'une part que la salariée demandait que la rupture intervenue à l'initiative de l'employeur le 30 septembre 2002 sans respect d'une procédure de licenciement soit jugée abusive et, d'autre part, que l'employeur avait notifié à la salariée la fin de son intervention à Langueux par lettre du 30 septembre 2002 la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile.
Sheila X... expose que la clause de variabilité du travail fourni et de la rémunération lui est inopposable le volume de travail ne pouvant résulter de la décision unilatérale et arbitraire de l'employeur, la clause de variabilité du travail fourni et de la rémunération ne peut être que nulle ou à tout le moins inopposable.
Elle fait valoir que le contrat de travail ne pourra qu'être considéré comme un contrat de travail à temps plein, au moins jusqu'en février 2007, elle forme en conséquence une demande de rappel de salaire et, aussi une demande de dommages intérêts pour la faute de l'employeur qui n'a pas respecté la fourniture d'un minimum de volume de travail et ainsi d'une rémunération.
Elle réclame également des dommages intérêts pour préjudice moral en raison de l'exécution de mauvaise foi par l'employeur du contrat de travail.
Elle fait valoir qu'elle est recevable en appel à former une telle demande, l'arrêt de la cour d'appel de Rennes n'étant pas définitif sur ce point, et les deux branches du premier moyen de cassation ne concernant pas la clause de variabilité.
Elle expose que l'AFPA doit démontrer que la variation du travail fourni tel que subi par elle résulte d'éléments objectifs totalement étrangers à la volonté de l'employeur ce que l'AFPA n'a jamais fait, elle demande en conséquence que son contrat de travail soit jugé comme étant un temps plein et réclame un rappel de salaire d'un montant de 189 506, 84 Euros.
Elle souligne que le contrat d'animatrice de cours d'anglais auprès du centre AFPA de Langueux a donné lieu à requalification en contrat de travail à durée indéterminée, pourtant l'employeur y a mis fin en précisant la non-poursuite de ce contrat, aucune procédure de licenciement n'a été mise en oeuvre, il s'agit donc d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, elle réclame à ce titre 38 000 Euros de dommages intérêts soit l'équivalent de deux années de rémunération, 3 184, 52 Euros à titre de préavis outre la somme de 318, 45 Euros au titre des congés payés y afférents, outre 424, 60 Euros d'indemnité de licenciement, elle demande 2 500 Euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
L'AFPA soulève l'irrecevabilité de la demande relative à la clause de variabilité de travail fourni puisque cette demande a été soumise à la cour de cassation par les deux branches du premier moyen, et que l'arrêt de cassation a rejeté le pourvoi au titre des deux premières branches au motif que ces derniers n'étaient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi, l'arrêt de la cour d'appel de Rennes est définitif sur ce point, subsidiairement, elle fait valoir que la contestation est en tout état de cause mal fondée et, que la validité de la clause de variabilité a été jugée valide dès lors que la variation ne dépendait pas de la volonté de l'employeur par la Cour de Cassation dans un arrêt du 26 septembre 2007, elle souligne qu'aucune exclusivité n'existait avec l'AFPA et que c'est Sheila X... qui avait fait ce choix professionnel qui lui permettait d'avoir du temps libre, alors que d'autres options lui avaient été proposées, elle est actuellement titularisée de l'enseignement national, elle dit que la diminution du nombre de copies a un caractère objectif ce que reconnaît Sheila X... elle même en ayant rappelé à son employeur que " compte tenu de l'évolution du nombre de stagiaires, son CDI reste valide mais ne lui assurera que peu de travail, sa demande indemnitaire est ainsi sans fondement.
Concernant la rupture abusive du contrat d'animatrice de cours à Langueux elle expose que les préjudices de Sheila X... ne sauraient être supérieurs à six mois de dommages intérêts, que l'indemnité de licenciement ne peut être supérieure à 328, 66 Euros, l'indemnité de préavis à 2720, 04 Euros outre les congés payés sur préavis.
II / Motifs de la décision
I / Sur la clause de variabilité
Il résulte des écrits de Sheila X... réitérés oralement devant la cour (page 6 / 14) qu'elle a soutenu devant la cour d'appel de Rennes que l'employeur ne peut pas modifier sans justification et de manière durable le travail fourni.
La cour d'appel de Rennes a répondu à ce moyen en jugeant " elle n'ignorait pas le rythme particulier des heures de correction qu'elle devait s'imposer et que sa rémunération pouvait varier d'un semestre à l'autre selon le nombre de stagiaires et, le nombre de copies qui lui seraient adressées.
La cassation intervenue est une cassation partielle qui n'atteint pas ce moyen, de sorte que les dispositions concernant la variabilité du travail fourni est définitive.
Ce moyen est en toute occurrence mal fondé.
En effet l'employeur n'a pas l'obligation, sauf disposition conventionnelle autre, de fournir au travailleur à domicile un volume de travail constant, il ne peut cependant modifier unilatéralement et sans justification la quantité de travail fourni et la rémunération.
De même les dispositions de l'arrêt de la cour d'appel de Rennes concernant le rejet de la prétention de la qualification de temps plein du contrat de travail est définitive, de sorte que la demande en paiement de rappel de salaire est irrecevable.
C'est sur le défaut d'analyse de la cause de la diminution du volume de copies et du préjudice éventuel découlant de la faute qui serait commise que la cassation est intervenue.
C'est l'étendue de la saisine de la cour.
En l'espèce, le contrat de travail dépourvu de clause d'exclusivité au profit de l'AFPA, contenait une clause de variabilité du volume de travail étrangère à la volonté de l'employeur puisque celle-ci énonce que " la charge de travail variant en fonction du nombre de bénéficiaires s'inscrivant dans le dispositif FOAD / EAD ce qui ne peut être déterminé avec précision à l'avance, l'association ne peut s'engager à fournir un minimum de travail ".
Le choix des correcteurs et le nombre de bénéficiaires éligibles à la formation ouverte et à distance n'est pas de la compétence de l'AFPA mais fait partie des dispositifs des régions pour la formation des ouvriers ou employés à des concours ou examens, de sorte que l'AFPA n'a pas d'appréciation sur le nombre de copies affecté à chaque correcteur.
L'évolution du système des FOAD va vers des modalités pédagogiques différentes liées au technologies nouvelles.
C'est d'ailleurs en faisant ce constat que l'AFPA a proposé à Sheila X... deux avenants à son contrat de travail initial en présentiel sur les sites de Louédac et de Langueux afin de lui compléter sa rémunération.
L'AFPA n'a pas modifié unilatéralement et sans justification la quantité de travail fourni à la salariée, aucune faute ne lui est imputable.
Aussi Sheila X... sera déboutée de sa demande en paiement de dommages intérêts.
Sur la rupture abusive du contrat de travail présentiel sur le site de Langueux
La rupture par simple courrier l'informant de la non pérénisation des relations contractuelles est en date du 30 septembre 2002.
La notification de la fin des relations contractuelles par l'employeur, intervenue sans mise en oeuvre de procédure adéquate de licenciement, est donc dépourvue de cause réelle et sérieuse.
La salariée peut prétendre au paiement de dommages intérêts sur le fondement de l'article L122-14-4 du code du travail.
La moyenne brute des salaires de Sheila X... durant les douze derniers mois avant la rupture est de 1 360, 02 Euros.
Le montant des dommages intérêts sera fixé à 8 500 Euros, aucun préjudice particulier autre n'étant rapporté et établi.
L'indemnité de préavis de deux mois correspond à la somme de 2 720, 02 Euros majorée des congés payés y afférents pour 272 Euros.
L'indemnité de licenciement pour une salariée ayant deux années et demie d'ancienneté est de 1 / 10ème de salaire x 2 plus 1 / 10ème de salaire x 5 / 12ème soit la somme de 328, 66 Euros
PAR CES MOTIFS :
STATUANT publiquement et dans les limites de la cassation,
DIT la demande sur l'inopposabilité de la clause de variabilité irrecevable et subsidiairement mal fondée,
DIT la demande en requalification du contrat de travail de correcteur en contrat à temps plein irrecevable,
INFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Guingamp dans les limites de la cassation,
DIT que l'AFPA n'a pas modifié unilatéralement et sans justification la quantité de travail fourni à Sheila X... et sa rémunération,
DEBOUTE en conséquence Sheila X... de sa demande en paiement de dommages intérêts de l'application de la clause de variabilité,
DIT que la rupture du contrat de travail sur le site de Langueux est un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
CONDAMNE l'AFPA au paiement à Sheila X... des sommes de :
- dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 8 500 Euros
-indemnité de licenciement : 328, 66 Euros
-indemnité de préavis : 2 720, 02 Euros majorée des congés payés correspondants soit 272 Euros,
DEBOUTE les parties de leurs autres demandes,
CONDAMNE L'AFPA aux dépens de la procédure.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Sylvie LE GALL Philippe BOTHOREL.